Cela s’est produit sous la République, monsieur Mennucci, et non sous le régime de Vichy. Par conséquent, votre observation ne tient pas. Et j’insiste : auparavant, le 17 octobre 1961, le même Papon, sous le couvert de l’état d’urgence et des pouvoirs spéciaux, a fait assassiner des centaines d’Algériens à Paris.
C’est encore l’état d’urgence qui a été instauré en 2005 pour mater les banlieues en révolte. Aujourd’hui, vous allez plus loin, monsieur le Premier ministre, en nous demandant de graver l’état d’exception dans le marbre de la Constitution. Cela n’est rien d’autre qu’un détournement de notre loi fondamentale au nom de circonstances certes dramatiques et de misérables calculs politiciens. Nous sommes bien loin du Montesquieu des Lumières qui recommandait de ne toucher à nos libertés que d’une main tremblante !
D’ailleurs, le constituant de 1958 n’a pas abrogé la loi du 3 avril 1955, mais il ne l’a pas constitutionnalisée non plus. Dans une récente décision relative à la rédaction de la loi du 20 novembre 2015, le Conseil constitutionnel n’exclut pas que le législateur prévoie un régime d’état d’urgence. La constitutionnalisation que vous proposez n’est donc pas juridiquement nécessaire, car le régime de l’état d’urgence n’a nullement été ébranlé par la jurisprudence malgré les recours introduits pour en contester la nature.