Vous voulez donc transformer la Constitution en un ensemble d’articles de circonstance dictés par l’émotion, en un « chiffon de papier », pour reprendre les termes de François Mitterrand. Si au moins vous aviez inscrit dans votre projet de loi, comme le demandait déjà le même François Mitterrand dans Le coup d’État permanent, la suppression de l’article 16 conférant les pleins pouvoirs au Président de la République, on aurait compris l’ouverture d’un tel débat. Non seulement vous le maintenez, mais vous intégrez de fait la notion d’état d’exception permanent dans la Constitution.
Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que nous sommes confrontés au terrorisme. Faut-il rappeler ici les années70, 80 et 90, en particulier l’année 1995 ? Des lois antiterroristes majeures ont été adoptées en 1986 et en 1996 après des vagues d’attentats. Dans les années 2000, d’autres textes ont été votés en réaction au 11 septembre 2001 et aux attentats de Madrid en 2004 et de Londres en juillet 2005. Ainsi, depuis 1986, les affaires terroristes échappent aux juridictions ordinaires. Les enquêtes sont confiées à des magistrats instructeurs et des procureurs spécialisés. Les cours d’assises jugeant les crimes terroristes sont composées exclusivement de magistrats et ne comptent aucun juré.
Dans les années 90, l’expression « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste » apparaît dans le code pénal et devient un délit passible de dix ans de prison en 1996. En 2006, 2008, 2011 et 2013, d’autres textes prennent en compte le développement du cyberterrorisme. Autrement dit, depuis 1986, nous avons déjà débattu d’une vingtaine de lois sur le terrorisme. Nous nous apprêtons à en examiner, au mois de mars, une nouvelle qui suscite déjà un tollé parmi les plus hauts magistrats de ce pays, atterrés par le recul du juge judiciaire derrière le procureur, le policier et le préfet.