… le risque d’une répression aveugle et disproportionnée que comporte l’état d’urgence ne menace pas simplement le citoyen dans l’exercice quotidien de ses libertés mais contribue, par un surcroît d’arbitraire, à la dispersion des forces répressives. Partant, il diminue sensiblement la capacité des autorités à faire face au phénomène criminel qu’elles prétendent combattre.
Cinquième motif : le manque d’évaluation sérieuse des lois sur l’état d’urgence. La loi doit protéger, mais il faut raison garder et se demander si nous avons progressé, de combien de cas nous discutons et si nous n’avons pas déjà tous les outils dans notre arsenal juridique. Il ne sert à rien d’empiler les lois fondées sur l’émotion. Il ne sert à rien de légiférer encore et encore au risque de noyer les juges chargés d’appliquer ces lois souvent mal ficelées. L’État et la représentation nationale devraient raisonner dans le calme et la sérénité, hors de toute logique électoraliste, pour voir comment appliquer les textes existants et s’en donner les moyens, car telle est la question.
Sixième motif : le refus du populisme pénal. Vous procédez en effet à un détournement de la loi en la soumettant à la tyrannie de l’émotion. Ce texte non seulement démontre l’échec des précédentes lois relatives au terrorisme, soit une vingtaine depuis 1986, mais renforce chez les victimes, et c’est sans doute le plus grave, le sentiment de l’impuissance de l’État. Une fois la Constitution révisée, on est en droit de se demander quelle sera la prochaine étape et quelles digues protectrices de nos libertés tomberont encore. Ce texte est donc un acte de défiance à l’égard de la magistrature et une injure aux juges qui font leur travail dans des conditions précaires.
Pour le Président Sarkozy, les juges étaient des « petits pois » ; pour le Président Hollande, ils sont des auxiliaires de la police.