Intervention de Noël Mamère

Séance en hémicycle du 5 février 2016 à 9h30
Protection de la nation — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNoël Mamère :

Le grand juge Aharon Barak, ancien président de la Cour suprême israélienne, disait au séminaire de la Cour européenne des droits de l’homme, le 29 janvier dernier, que « le rôle des juges est de garantir la légalité de la lutte contre le terrorisme pour sauvegarder la démocratie » et que, face au terrorisme, « les juges ne doivent être ni naïfs ni cyniques, mais doivent exercer un contrôle fort ». C’est une grave erreur de penser que les juges doivent limiter leur contrôle quand le terrorisme nous menace. D’autant qu’ils peuvent d’ores et déjà prononcer les peines que vous souhaitez instaurer. Ce ne sont pas les lois qui manquent, mais les moyens pour les appliquer – chaque fait divers le démontre !

Septième motif : la systématisation de l’exception que vous êtes en train de réaliser avec ce « paquet », comprenant la constitutionnalisation et la prolongation indéfinie de l’état d’urgence, et la nouvelle loi antiterroriste visant à modifier le code de procédure pénale. Cet ensemble doit se lire dans une évolution profonde de la démocratie, commencée justement sous la Ve République, avec l’article 16 de la Constitution. Ce n’est pas un phénomène franco-français : le Patriot Act devient la norme des sociétés occidentales qui se sentent fragilisées par les nouvelles menaces, par la mondialisation des crises écologiques et sociales, ainsi que par l’émergence de nouveaux fascismes à caractère ethnique ou religieux.

Face à la montée de ce déclinisme, une société de contrainte et d’hypersurveillance est en train de se mettre en place, et vous y contribuez largement. La loi relative au renseignement, contre laquelle nous sommes un certain nombre à nous être élevés, et le renforcement du contrôle sur internet, prévu dans la loi prorogeant l’état d’urgence, en sont d’autres illustrations.

Le projet de loi relatif à la procédure pénale, qui sera examiné à partir du mois de mars, est, de ce point de vue, emblématique : perquisitions de nuit, efficacité accrue des contrôles d’identité décidés par le procureur de la République, inspection visuelle et fouille des bagages. De même, une personne dont le comportement – je dis bien le comportement – paraîtrait lié à des activités terroristes pourra être retenue pendant quatre heures afin que sa situation soit examinée, et ce sans qu’elle puisse être assistée d’un avocat. La réforme assouplit les conditions dans lesquelles les policiers pourront tirer : ils pourront ouvrir le feu face à un individu armé qui ne les vise pas, mais qui vient de tuer et qui semble prêt à recommencer immédiatement.

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