Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Séance en hémicycle du 5 février 2016 à 9h30
Protection de la nation — Motion de renvoi en commission

Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice :

Je comprends donc que la motion de Noël Mamère lui offrait l’occasion d’une expression politique – c’est bien là son droit.

S’agissant de l’article 1er, à l’inverse de ce qu’il a tenté de démontrer, la constitutionnalisation de l’état d’urgence est protectrice pour les libertés individuelles. Le régime de l’état d’urgence est exceptionnel, et c’est pour cette raison qu’il doit être limité. Il serait incongru que ce régime, déjà utilisé à six reprises depuis son adoption, ne figure pas dans la Constitution, alors que les deux régimes qui ne servent jamais, et heureusement – d’une part, celui prévu à l’article 16, d’autre part celui prévu à l’article 36 et relatif à l’état de siège – eux, y figurent.

Faire entrer un texte dans la Constitution, c’est sécuriser les libertés face aux mesures dérogatoires qu’il autorise à prendre. La loi du 3 avril 1955 met treize mesures à la disposition de l’autorité administrative. Le contrôle parlementaire initié par votre assemblée, que va reprendre Dominique Raimbourg, avec Jean-Frédéric Poisson, vise justement à s’assurer qu’il n’y a pas de débordements – et tel est bien le cas. Le Conseil d’État, dans son excellente décision du 11 décembre 2015, a fixé un cap, mais en l’absence de fondement constitutionnel, les libertés individuelles courent un risque. En inscrivant l’état d’urgence dans la Constitution, nous permettrons au juge constitutionnel, s’il devait être saisi, de faire valoir le droit. Je ne vois donc que des intérêts à l’article 1er.

L’article 2 relatif à la déchéance de nationalité fera l’objet d’un long – et légitime – débat. J’aurai l’occasion d’intervenir sur les amendements, mais à ce stade, je voudrais donner un sentiment. La déchéance de nationalité, ce n’est pas un symbole, mais un principe. Elle constate une déchirure définitive. Ne renversons pas les termes du débat : ce sont les terroristes qui ont quitté la nation, ce sont eux qui ont déchiré le contrat !

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