Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, pour commencer ce débat, je crois utile de rappeler pourquoi nous sommes aujourd’hui appelés à nous prononcer sur ce projet de loi constitutionnelle, pourquoi il est légitime de le faire et pourquoi il est important de concrétiser cette réforme de notre loi fondamentale.
Nous sommes ici pour mettre en oeuvre un engagement pris par le Président de la République au lendemain de la terrible attaque du 13 novembre 2015, dans une allocution que nous avions saluée, me semble-t-il, comme étant à la hauteur de la gravité du moment et du défi auquel notre pays doit faire face. Je suis de ceux qui se sont levés pour applaudir, à Versailles, ce discours et ces annonces présidentielles. Nous sommes nombreux à l’avoir fait, non pour céder à une quelconque forme d’émotion collective, mais bien en pleine conscience de notre responsabilité face à la gravité de la situation. Jamais la France n’a connu une attaque terroriste d’une telle ampleur depuis la fin de la Seconde guerre mondiale. Les Français ne l’ont pas oublié. Dans ce débat, nous, parlementaires, ne l’oublions pas.
Nous avons, comme l’immense majorité des Français, compris et approuvé la décision prise dès le soir du 13 novembre de décréter l’état d’urgence. Nous avons, à la quasi-unanimité, voté sa prorogation pour trois mois, après en avoir modifié les conditions juridiques dans le sens d’un meilleur contrôle et de plus grandes garanties pour les libertés publiques, et après avoir actualisé la loi datant de 1955 compte tenu des réalités d’aujourd’hui.
Réviser la Constitution est aujourd’hui légitime, car inscrire l’état d’urgence dans la Constitution, au même titre qu’y figurent les deux autres états d’exception prévus par notre droit – les pleins pouvoirs et l’état de siège –, c’est faire preuve de lucidité quant aux perspectives de voir la question se poser de nouveau, et c’est s’assurer que son usage sera réellement adapté à la menace. Que le renouvellement de l’état d’urgence soit subordonné à un vote du Parlement, qu’il soit limité dans le temps et que son contrôle parlementaire soit assuré et garanti par la Constitution serait une avancée importante de l’État de droit. La rédaction de cet article sur l’état d’urgence permettra de faire face non seulement à la menace terroriste, mais aussi à d’autres menaces exceptionnelles – je pense notamment à des catastrophes écologiques majeures qui pourraient malheureusement survenir.
Adapter notre arsenal juridique à la gravité de la menace, c’est aussi adapter notre arsenal de sanctions à la gravité de l’atteinte portée à la nation française. C’est le sens de l’article 2 de ce projet de loi, qui nous a occupés déjà longtemps dans le débat politico-médiatique et sur lequel la controverse n’a déjà que trop duré. Les Français regardent avec effarement ces polémiques entretenues et relancées par celles et ceux qui veulent faire oublier la gravité de la menace et des actes terroristes.
Ma sensibilité politique, comme toutes les familles politiques qui composent notre assemblée, est partagée sur cette question et nous aurons tous l’occasion d’exprimer notre point de vue au moyen de différents amendements. Tous les points de vue sont légitimes et respectables, mais ce qui ne l’est pas, ce sont les amalgames historiques avec le régime du maréchal Pétain.