Intervention de Roger-Gérard Schwartzenberg

Séance en hémicycle du 5 février 2016 à 9h30
Protection de la nation — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoger-Gérard Schwartzenberg :

…l’article 16 et ses pouvoirs exceptionnels ou l’article 36 sur l’état de siège, qui transfère aux autorités militaires certains pouvoirs de l’autorité civile.

La troisième raison, enfin, tient à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui s’autorise – et il a du reste raison – à apprécier la validité de lois prorogeant l’état d’urgence même s’il en a déjà validé auparavant d’autres en ce sens, ce qu’il peut faire notamment par le biais des questions prioritaires de constitutionnalité. Or, cet état d’urgence risque d’être fragilisé, car le Conseil constitutionnel déclare qu’il peut changer sa jurisprudence en cas de changement des circonstances de droit ou de fait. Une norme constitutionnelle entraînera moins d’incertitude.

À la demande des groupes parlementaires de la majorité – qui sont au nombre de deux –, l’article 2 du projet de loi constitutionnelle a sensiblement changé. Dans sa rédaction initiale, il n’était pas toujours très opportun. Il inscrivait en effet dans la Constitution une distinction entre deux catégories de Français, traitées inégalement : d’un côté, les mononationaux, les Français dits parfois « de souche », qui n’auraient pu être déchus de leur nationalité ; de l’autre, les binationaux, généralement par filiation, qui auraient pu l’être. Cela semblait – à certains du moins – discriminer les binationaux, qui pouvaient avoir le sentiment d’être considérés comme des Français de second ordre.

Une telle distinction aurait été en contradiction avec l’article 1er de la Constitution, qui dispose que « la France assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d’origine ». Outre qu’elle n’aurait pas été conforme à ce principe républicain, elle n’aurait pas non plus été très fonctionnelle. En effet, le commando terroriste du 13 novembre comptait neuf membres, dont trois Français mononationaux, c’est-à-dire n’ayant pas d’autre nationalité : sur la base du texte initial, ils n’auraient pas pu être déchus de leur nationalité et auraient bénéficié d’une sorte d’immunité anti-déchéance, liée à leur qualité de mononationaux. Pourtant, ces trois terroristes étaient-ils moins coupables que les six autres ? Lorsqu’il y a égalité dans le crime, il doit y avoir égalité dans la sanction.

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