Intervention de Roger-Gérard Schwartzenberg

Séance en hémicycle du 5 février 2016 à 9h30
Protection de la nation — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoger-Gérard Schwartzenberg :

À la suite de plusieurs contacts avec les parlementaires – pris de manière directe ou dans le cadre de la réunion de la commission des lois, le 27 janvier –, le Gouvernement a accepté de modifier l’article 2. Le 28 janvier, il a présenté un amendement supprimant toute référence à la binationalité, lequel a été adopté par la commission des lois. Ce changement est en soi positif, mais est-il vraiment nécessaire, une fois qu’il est intervenu, d’envisager une modification de l’article 2 ? Ce n’est pas certain. On peut en effet penser qu’il n’y a pas nécessité absolue de modifier l’article 34, qui évoque déjà la nationalité et autorise ainsi à traiter des conditions d’acquisition, de perte ou de déchéance de la nationalité.

Montesquieu, déjà cité tout à l’heure, écrivait dans les Considérations sur les causes de la grandeur et de la décadence des Romains que les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires. On pourrait dire plus prosaïquement, dans des termes empruntés à la gestion de la voirie urbaine, que cet article 2 est devenu un encombrant et qu’il faut donc s’en débarrasser sans procéder à son stockage dans les couches profondes de la Constitution.

Vendredi, cependant, les présidents de groupe ont reçu un avant-projet de loi d’application, peut-être rédigé dans une certaine hâte, qui ne correspond guère au nouvel article 2 modifié car, implicitement, il se fonde de nouveau sur le critère de la binationalité. Cet avant-projet de loi d’application appelle donc une clarification supplémentaire, afin d’éviter cette contradiction avec l’article 2 opportunément modifié par le Gouvernement.

On nous annonçait une formule magique : s’il s’agit de cet avant-projet de loi ordinaire, les magiciens ne sont plus ce qu’ils étaient et Robert Houdin n’est pas encore surpassé. Mais, après tout, la Constitution ne relève pas de la magie ni de l’illusionnisme, surtout si l’on rate ses tours et si l’artifice devient très visible. Monsieur le Premier ministre, vous avez raison d’envisager de corriger cet avant-projet de loi, qui se caractérise par son contenu assez insolite. S’il reste en l’état, ce texte trouvera sa place naturelle dans un cabinet de curiosités juridiques.

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