Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, le 16 novembre 2015, après l’horreur absolue du 13, nous avions la surprise d’entendre le Président de la République se rallier à des propositions précédemment émises par notre groupe, concernant la déchéance de nationalité des binationaux convaincus de terrorisme. Il fixait comme limite à cette déchéance, je le cite, « de ne pas avoir pour résultat de rendre quelqu’un apatride. »
C’est ainsi qu’il annonçait ensuite, là où, comme nous le proposions, une réforme du code civil suffisait, une réforme constitutionnelle visant à inscrire dans la Constitution d’une part ce principe, d’autre part celui de l’état d’urgence qui venait d’être décrété.
Le projet de loi constitutionnelle dit « de protection de la Nation », était signé le 23 décembre notamment par Mme Taubira qui s’empressait ensuite de déclarer qu’elle y était hostile et démissionnait du Gouvernement.
Quoi qu’il en soit, nous pensions que la majorité approuvait évidemment les deux articles de cette réforme qui suppose, pour être adoptée par le Congrès, une majorité qualifiée correspondant à un certain consensus, nécessaire lorsqu’il s’agit de modifier notre pacte fondamental – consensus auquel notre groupe était prêt à apporter sa pierre.
Mais très vite nous constations de lourdes dissensions au sein de la majorité qui, de semaine en semaine, ont laissé place à la confusion la plus totale. Comme le confirmait avant-hier à un journaliste un éminent responsable socialiste de notre assemblée : c’est forcément du bricolage car pour aboutir à une majorité des trois cinquièmes c’est comme faire entrer un édredon dans une petite valise. Mais on ne bricole pas la Constitution, sans compter, accessoirement, qu’un édredon dans une valise n’a jamais servi à grand-chose.
C’est si vrai que dès la réunion de la commission des lois, le Gouvernement, poussé par sa majorité, réécrivait l’article 2 de son projet, ôtant toute référence à la déchéance des binationaux et la remplaçait par un complément à l’article 34 de la Constitution en forme de tautologie.
L’actuel article 34, en effet, dispose que la loi fixe les règles concernant la nationalité, ce qui comprend naturellement tout ce qui touche à son acquisition, à sa perte, à sa déchéance et aux droits qui y sont attachés. Le nouveau texte devient : la loi fixe les règles concernant la nationalité, y compris les conditions de la déchéance et des droits attachés en cas de condamnation pour un crime ou un délit constituant une atteinte grave à la Nation. C’est donc exactement la même chose dite autrement. Le projet de loi de protection de la Nation ne devient-il pas un projet de loi pour rien ?