Le titre IV, qui est relatif à l’accès aux ressources génétiques et au partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation, est une avancée majeure, qui permettra de lutter contre la biopiraterie et de valoriser les connaissances traditionnelles des communautés d’habitants. Avec ce texte, la France choisit de réglementer l’accès à ses ressources génétiques comme d’autres pays riches en biodiversité l’ont déjà fait : le Brésil, le Costa Rica, l’Afrique du Sud, l’Australie ou, en Europe, l’Espagne. Il s’agit non pas des ressources biologiques mais précisément des ressources génétiques et des connaissances traditionnelles qui y sont associées. Ce dispositif n’est pas totalement nouveau : trois dispositifs proches sont déjà en vigueur dans le parc amazonien de Guyane, en Polynésie française et en Province Sud de Nouvelle-Calédonie. Le titre IV s’en inspire et vise à les harmoniser à l’échelle nationale dans le respect des compétences des collectivités ultramarines.
La France a beaucoup contribué à l’adoption de la convention sur la diversité biologique et du protocole de Nagoya, instruments internationaux mettant en avant la notion onusienne de « communauté autochtone et locale ». Il est toutefois de mon devoir de souligner le risque juridique important lié à l’inscription au titre IV de cette notion de « communauté autochtone et locale ». Cette notion est certes déjà présente en droit français, en particulier dans la loi du 13 décembre 2000 d’orientation pour l’outre-mer, mais le Conseil constitutionnel ne s’est jamais prononcé sur l’article en question de cette loi. Or notre Constitution accorde les mêmes droits à tous les citoyens à titre individuel et à l’ensemble du peuple français à titre collectif. En vertu du principe d’indivisibilité du peuple français, notre Constitution interdit d’accorder des droits collectifs à des catégories de population sur le fondement de l’autochtonie. Il n’est pas possible en droit interne de faire référence à la notion d’autochtonie qui est par essence liée à un critère ethnique.
C’est pourquoi, d’une part, les communautés d’habitants sont définies par leurs modes de vie et le fait qu’elles détiennent des connaissances traditionnelles associées à des ressources génétiques et, d’autre part, les procédures prévues à l’article 18 sont similaires à celles utilisées par ailleurs en matière de participation du public. Certes l’accord de Nouméa de 1998 porte la reconnaissance du peuple kanak en Nouvelle-Calédonie, mais cette reconnaissance ne revient pas à conférer de droits collectifs spécifiques au peuple kanak sur un fondement communautaire. Elle n’est donc pas contraire au droit constitutionnel. En revanche, une mention des communautés autochtones et locales pour la mise en oeuvre de cette législation d’accès aux connaissances traditionnelles associées aux ressources génétiques risquerait, elle, d’être considérée comme anticonstitutionnelle.
Dans l’hypothèse de l’examen par le Conseil constitutionnel qui pourrait avoir lieu par saisine sur le projet de loi relatif à la reconquête de la biodiversité, de la nature ou des paysages, ou par une question prioritaire de constitutionnalité en cas de contentieux sur la mise en oeuvre du dispositif d’accès et partage des avantages – APA –, toutes les dispositions en faveur des communautés d’habitants pourraient être censurées, ce qui aboutirait à un dispositif sans les communautés d’habitants, ce qui serait évidemment absurde. Ainsi, au vu du risque important d’aboutir à un dispositif dénaturé, voire à l’absence de dispositif, le Gouvernement entend être responsable et préserver l’esprit et la lettre du protocole de Nagoya. Même si la terminologie exacte de « communauté autochtone et locale » ne peut pas être maintenue, la définition des « communautés d’habitants » proposée est conforme au j) de l’article 8 de la convention sur la diversité biologique.
Le Gouvernement reste très attaché à permettre une meilleure reconnaissance des communautés d’habitants ultramarines, comme les populations amérindiennes et bushinengués de Guyane, de leur culture et de leurs connaissances traditionnelles. En cela je salue chaudement l’excellent travail des parlementaires ultramarins, notamment de celui de Mme Berthelot, dont les amendements ont permis de faire entendre les attentes des communautés amérindiennes et bushinengués et de renforcer les dispositions en leur faveur par rapport à celles initialement prévues.
Je note en particulier l’introduction de l’obligation d’information et de restitution des informations et connaissances acquises à partir des ressources génétiques prélevées sur le territoire où sont présentes des communautés d’habitants, ainsi que la possibilité pour le Conseil consultatif des populations amérindiennes et bushinengués d’organiser la consultation des communautés d’habitants en Guyane. Il nous appartient maintenant de faire vivre ce conseil en procédant à son changement de statut afin qu’il puisse jouer le rôle de personne morale de droit public.
Tels sont les principes qui président aux réponses que j’apporterai à certains de vos amendements et qui justifient les amendements du Gouvernement que je vous proposerai d’adopter. Je souhaite que les débats soient constructifs pour que le titre IV atteigne un point d’équilibre et permette à la France de ratifier le protocole de Nagoya avant la prochaine réunion de la Conférence des parties à la convention sur la diversité biologique qui se tiendra au Mexique au mois de décembre 2016. Nous serons ainsi en mesure de peser davantage sur les décisions qui seront prises dans ce cadre.