Elle l’est dans un souci d’égalité, de responsabilité politique et de transparence : les élus doivent assumer leur choix devant les électeurs lorsqu’ils parrainent un candidat.
Elle l’est également pour mettre fin à un dispositif générateur d’inégalité. En effet, à ce jour, le parrain d’un candidat ayant recueilli à peine plus de 500 signatures a de fortes probabilités de voir son nom rendu public, à l’inverse du parrain d’un candidat ayant largement dépassé le nombre requis.
En revanche, la modification des modalités de transmission des présentations au Conseil constitutionnel se révélera inutile, voire dangereuse. Cette mesure part d’un postulat erroné selon lequel les élus locaux pourraient faire l’objet de pressions de la part de candidats pour obtenir leur parrainage. J’observe que ce n’est pas le mode de transmission – l’envoi par la poste ou la remise au candidat – qui risque d’exposer des élus locaux à des pressions, mais plutôt l’influence de collectivités comme le département ou la région, dont les maires et en particulier les maires ruraux sont étroitement dépendants pour le financement de leurs projets. Là, il y a risque de pression effectif : certainement pas à cause de l’envoi ou non du parrainage par la poste.
Nous risquerions plutôt de désavantager les candidats qui ne disposent pas d’un appareil politique puissant. Nous souhaitons donc maintenir la possibilité pour le candidat de remettre les présentations dont il dispose par lui-même. Ce confort demandé par le Conseil constitutionnel ne se justifie pas.
Ensuite, nous sommes favorables à la réduction à six mois de la période de prise en compte des dépenses électorales, réintroduite à notre initiative en commission – mais aussi à l’initiative du groupe socialiste et du groupe Les Républicains. Cette durée s’entend pour les mandats parlementaires et autres, à l’exception de l’élection présidentielle pour laquelle la durée d’un an doit être préservée.
D’autres réformes seraient à mener, s’agissant par exemple des comptes de campagnes du président de la République sortant quand il se représente. J’avais ainsi proposé, en première lecture, de fixer dans la loi les conditions permettant de différencier les dépenses inhérentes à l’exercice de ses fonctions de celles liées à sa candidature. Nous savons tous qu’il y a un flou en la matière : pour éviter qu’un jour, le Conseil constitutionnel rejette les comptes de campagne d’un président de la République élu, dont l’élection serait ainsi invalidée, il me paraît nécessaire de préciser les règles dans la loi. Malheureusement, vous n’avez pas souhaité le faire, alors que c’est sans doute la disposition la plus nécessaire s’agissant de l’élection présidentielle : on ne se demande pas pourquoi...
Au-delà de ces considérations, je souhaite insister sur l’article 4 de la proposition de loi organique, qui met fin à la règle d’égalité du temps de parole pour la remplacer par un pseudo-principe d’équité pendant la période intermédiaire.
Cette mesure, dangereuse, est inacceptable, car elle sera avant tout préjudiciable aux candidats issus des formations politiques minoritaires, déjà sous-représentées dans les médias. Nous l’avons entendu en commission : il y en a parmi vous qui pensent que l’élection présidentielle n’est faite que pour les deux candidats qui se retrouveront au second tour. Les autres, leurs propositions, leur campagne n’auraient qu’un intérêt secondaire… Je ne le crois pas et je vous invite à réfléchir au cas où tel parti prédominant de la vie politique française ne se retrouverait pas au second tour de l’élection présidentielle.
Aujourd’hui, l’égalité des temps de parole, mes chers collègues, n’est imposée que durant la période intermédiaire et durant la campagne officielle, soit en tout, madame la rapporteure, cinq semaines. Cinq semaines seulement sur cinq ans, au cours desquelles les candidats à la présidentielle disposent d’un temps égal pour présenter leurs opinions à nos concitoyens. Et c’est encore trop pour le groupe socialiste !
La démonstration de la volonté de verrouillage de la vie politique et de l’élection présidentielle est imparable !
Cinq semaines sur cinq ans, cela signifie que, pendant 255 semaines, la vie politique est régie par le prétendu principe d’équité dont nous voyons les effets : un débat public monopolisé par trois formations politiques, le Parti socialiste, les Républicains et, hélas, le Front national.
Vous souhaitez donc réduire ce temps, déjà très court, en le passant de cinq à deux semaines seulement. Cette mesure est incohérente puisqu’il existe d’ores et déjà un filtre pour les candidats à l’élection présidentielle, non dans le temps de parole mais dans les parrainages. Selon nous, le candidat qui passe ce filtre des 500 parrainages d’élus habilités à les donner doit bénéficier d’un accès égal à l’écoute et à l’attention de nos concitoyens et certainement pas se plier – comme je l’ai entendu – aux desiderata des médias.
Franchement : ces derniers organisent l’actualité en fonction de l’audience qu’ils espèrent en tirer – nous le constatons avec l’iniquité de la répartition des temps de parole. Et vous êtes en train de dire que nous nous apprêtons à faire la loi régissant l’élection présidentielle pour faciliter la commercialisation des émissions de télévision – y compris celles du service public !
On nous a dit hier – et on nous a répété aujourd’hui cet argument que je ne comprends absolument pas – que la télévision et la radio consacrent moins de temps à la campagne présidentielle avec le principe d’égalité, comme c’est le cas aujourd’hui, qu’ils n’en consacreront avec celui d’équité. Cela signifie que nous, ici, à l’Assemblée nationale nous acceptons de modifier la loi pour l’élection principale de la vie politique française à des fins commerciales alors que nous devrions faire une loi imposant aux télévisions et aux radios de consacrer un temps minimum élargi aux élections et à l’éclairage de l’opinion de nos concitoyens, ce qui constituerait une véritable démarche pluraliste, à la différence du verrouillage pour lequel vous avez opté !
La proposition de loi restreindrait l’accès à la candidature à la présidentielle par un double verrou : les 500 parrainages, plus un temps de parole limité pendant la campagne pour les plus petits candidats.
Cette réforme, madame la secrétaire d’État, nous a été présentée comme une mesure technique d’arrangement pour les grands médias, qui en tireront peut-être avantage. Or, les règles relatives à l’élection présidentielle doivent être organisées de manière à éclairer les Français sur les idées majoritaires et minoritaires existant dans notre pays, non pour favoriser les visées commerciales de tel ou tel média, fût-il public.
En outre, les critères choisis concernant votre prétendue équité dont le Conseil supérieur de l’audiovisuel devrait finalement tenir compte afin d’assurer le contrôle du respect de ce principe sont à la fois insuffisamment définis et en réalité difficilement quantifiables – M. Gosselin l’a expliqué longuement tout à l’heure et je ne peux que souscrire à ses propos.
D’une part, le premier critère – tenir compte des résultats obtenus aux plus récentes élections – pourrait encourager la multiplicité des candidatures et la scissiparité des listes aux élections locales dans le seul but de pouvoir s’accorder des temps de parole pour l’élection nationale présidentielle. Nous fausserions alors le résultat d’élections locales pour obtenir des temps de parole lors de l’élection présidentielle : reconnaissez qu’il y a là un travers auquel vous exposez la vie politique de notre pays !
En outre, la capacité à présenter ses idées aux Français d’un citoyen sans appartenance à une formation politique et qui obtiendrait les 500 parrainages serait extrêmement réduite puisque, n’étant pas issu d’un parti politique, on ne pourrait lui accorder un temps de parole en fonction de ses résultats antérieurs.