Intervention de Huguette Bello

Séance en hémicycle du 24 mars 2016 à 9h30
Proposition de loi organique de modernisation des règles applicables à l'élection présidentielle — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHuguette Bello :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission mixte paritaire n’étant pas parvenue à un accord, nous réexaminons aujourd’hui ces deux propositions de loi en nouvelle lecture.

Deux principaux points de divergence demeurent.

Le premier porte sur la répartition des temps de parole médiatique des candidats pendant la période dite intermédiaire d’environ vingt jours, qui commence quand la liste des candidats est établie et qui prend fin avec le début de la campagne officielle. Le texte adopté par notre assemblée visait, au cours de cette période intermédiaire, à remplacer la règle d’égalité des temps de parole par un principe d’équité, fondé sur plusieurs critères définis dans la loi organique. Il reprenait les recommandations formulées, depuis 2007, par l’ensemble des organismes de contrôle de l’élection présidentielle : le Conseil constitutionnel, la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale et le Conseil supérieur de l’audiovisuel. En séance publique, le Sénat a adopté un point de vue opposé, consistant à maintenir la règle actuelle de l’égalité et à réduire la période intermédiaire d’une semaine.

Le second point de désaccord entre nos deux chambres porte sur l’horaire de fermeture des bureaux de vote. Alors que cette fermeture s’échelonne aujourd’hui entre dix-huit et vingt heures, au risque de favoriser la diffusion de résultats partiels avant même la clôture du scrutin, notre assemblée a suggéré de fixer cet horaire à dix-neuf heures, moyennant la possibilité pour le préfet de le repousser à vingt heures dans certaines villes. La durée séparant la fermeture des premiers et des derniers bureaux de vote serait ainsi ramenée à une heure, au lieu de deux aujourd’hui. Le Sénat, de son côté, a préféré retenir un horaire unique de dix-neuf heures sur l’ensemble du territoire. Sur ces deux dispositions, la commission des lois de notre assemblée a rétabli la version qu’elle avait votée en première lecture.

S’agissant de l’accès aux médias audiovisuels des candidats avant la campagne officielle, nous souhaitons pour notre part réitérer notre ferme opposition à la mise en place du principe d’équité dans la phase intermédiaire. Nous réfutons ce principe dans la mesure où, en pratique, la campagne officielle démarre au moment où la liste est rendue publique. Aussi est-il curieux de prévoir que le principe d’équité soit apprécié au regard des résultats aux précédentes élections, ou encore des sondages, dont la fiabilité est régulièrement remise en cause. Rappelons que le sondage ne prédit pas les résultats, car un sondé n’est pas un électeur.

S’appuyer sur les sondages pour octroyer davantage de temps de parole à un candidat est un exercice périlleux pour la démocratie. La multiplication et la banalisation des sondages préélectoraux finissent en effet par modifier la perception de la réalité de nos concitoyens, donc leur vote effectif et, par conséquent, la réalité elle-même.

La réforme que vous nous proposez tend à accroître encore les effets électoraux des sondages en renforçant la couverture médiatique de partis déjà très présents dans les médias. Ce faisant, elle met à mal le pluralisme et la diversité des candidatures. Plus les sondages seront favorables à un candidat et plus les journalistes lui accorderont de la visibilité. Ainsi s’installera un double phénomène de visibilité et de crédibilité croissantes, qui favorisera en retour une progression du score du candidat.

La modification proposée se fait donc clairement au détriment des petits candidats, lesquels ne pourront bénéficier d’une stricte égalité de temps de parole que pendant la campagne dite officielle, soit quinze jours avant le scrutin. Sous couvert de simplification, cette mesure vise de toute évidence à favoriser les grands partis : le Parti socialiste, Les Républicains et le Front national.

S’agissant de l’harmonisation des opérations de vote, nous sommes favorables à l’harmonisation intégrale à dix-neuf heures ou à vingt heures. Cela aurait le mérite de la simplicité et neutraliserait les effets de la divulgation des résultats.

Concernant les autres dispositions du texte, nous considérons que la transmission des parrainages au Conseil constitutionnel devrait pouvoir continuer à relever du candidat ou de son équipe de campagne, afin qu’il soit en mesure de comptabiliser les parrainages dont il dispose. Notons en outre que la publication des parrainages en temps réel peut avoir des effets dissuasifs pour des élus qui hésiteraient à donner leur parrainage. Par exemple, lorsqu’un candidat dispose de très peu de parrainages, son éventuel parrain pourrait décider de donner son parrainage à un autre candidat ayant plus de chances de réunir les 500 signatures. Soulignons également que, si la publication des parrainages paraît souhaitable, elle pourrait très bien intervenir au terme du processus, lorsque le candidat remet ses parrainages.

La publication de la liste intégrale des élus ayant parrainé un candidat, et non plus un extrait de 500 noms tirés au sort, se justifie, non seulement au nom de la transparence – parrainer un candidat à l’élection présidentielle est un acte de responsabilité politique, dont on doit pouvoir rendre compte devant ses électeurs –, mais aussi au nom de l’égalité entre les élus qui habilitent un candidat à se présenter à l’élection présidentielle. La divulgation de 500 parrainages constituait en effet une rupture du principe d’égalité.

Pour autant, il ne faudrait pas que la publicité des parrainages soit utilisée pour distinguer les « petits » candidats disposant de quelques centaines de parrainages des « grands » candidats qui en comptabiliseraient plusieurs milliers. Cela ne devrait en aucun cas servir de justification à l’octroi supplémentaire de temps d’antenne et de temps de parole aux « grands » candidats.

S’agissant de l’adaptation de la législation sur les comptes de campagnes, nous sommes opposés à la réduction à six mois de la période couverte par les comptes de campagnes. Cet abaissement n’apparaît pas justifié pour l’élection présidentielle, qui donne nécessairement lieu à des campagnes très longues. En particulier, cette mesure conduirait à sortir l’organisation des primaires du champ des comptes de campagnes.

En définitive, à un an seulement de la prochaine échéance présidentielle, on peut regretter d’avoir à discuter de mesures de rafistolage des règles applicables à l’élection présidentielle, alors même que la réforme globale et ambitieuse de nos institutions, dont chacun admet l’impérieuse nécessité, est sans cesse repoussée.

Surtout, les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine réitèrent leur ferme opposition à la règle de l’équité, qui met à mal la diversité et le pluralisme. Ils voteront donc une nouvelle fois résolument contre ces deux propositions de lois.

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