Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le texte qui est soumis aujourd’hui à notre examen est un texte important qui doit permettre d’instaurer un cadre satisfaisant et équilibré pour les échanges d’informations entre l’autorité judiciaire et l’administration, notamment l’administration de l’éducation nationale, afin de prévenir des drames tels que ceux qui ont été révélés ces derniers mois, à savoir des cas d’abus sexuels perpétrés sur des enfants par des professionnels de l’éducation nationale qui avaient déjà été condamnés par le passé pour des faits de détention d’images pornographiques représentant des mineurs.
Ces faits ont mis en lumière des manques graves dans le contrôle des antécédents judiciaires des personnes exerçant des activités ou des professions impliquant un contact habituel avec des mineurs. La presse s’est encore fait l’écho, ces derniers jours, de nouveaux détails sordides dans l’une de ces affaires. Plus jamais des faits de ce type ne doivent survenir : c’est la raison d’être de ce projet de loi, qui vise essentiellement à mieux protéger les mineurs.
J’ai bien noté, madame la ministre, que vous aviez pris une circulaire qui viendra compléter les dispositifs contenus dans ce projet de loi.
Je tiens à saluer la réactivité dont a fait preuve le Gouvernement sur cette question, notamment les ministres de l’éducation nationale et de la justice qui, au cours des derniers mois, ont mené un travail commun d’une grande qualité.
Au-delà des cas spécifiques survenus ces derniers mois, je pense au rapport commun de l’Inspection générale des services judiciaires et de l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, paru en juillet 2015 ; je pense à la circulaire commune de septembre 2015 qui révise les modes de fonctionnement entre les administrations des deux ministères ; je pense au décret du 30 décembre 2015 relatif à la délivrance des extraits de casier judiciaire qui organise la vérification de chacun des casiers des 900 000 agents du ministère de l’éducation nationale. Enfin, je pense bien sûr au présent projet de loi qui approche enfin de sa dernière étape puisque, après notre assemblée, le Sénat examinera, mardi prochain, le texte issu de la CMP.
Ce texte fait suite à une tentative infructueuse d’amendement au projet de loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne. Le Conseil constitutionnel avait censuré les dispositions lui apparaissant comme des cavaliers législatifs, d’où ce texte dédié qui nous est à nouveau soumis aujourd’hui.
Je ne renouvellerai pas ici l’explication détaillée des dispositions prévues par le texte à laquelle notre collègue Erwann Binet s’est brillamment livré tout à l’heure. Je tiens à saluer la qualité du travail mené, qui a notamment permis à la commission mixte paritaire d’aboutir à un accord le 22 mars.
Cet accord est équilibré, chaque assemblée ayant fait un pas pour faciliter l’aboutissement rapide des dispositions législatives proposées, lesquelles, chacun s’accordera sur ce point, sont nécessaires.
Le Sénat a accepté de revenir sur l’article 1erA qu’il avait introduit et qui rendait systématique la peine complémentaire d’interdiction d’une activité professionnelle ou bénévole en cas de condamnation d’une personne pour certaines infractions sexuelles commises contre des mineurs. Pour ne pas la prononcer, la juridiction devait motiver spécialement sa décision. À l’unisson du rapporteur, le groupe socialiste, républicain et citoyen considère que, dans la droite ligne du principe d’individualisation des peines, les peines complémentaires doivent pouvoir être décidées par le juge et ne pas être préemptées par le législateur.
Les députés présents lors de la CMP ont, de leur côté, accepté de revenir sur l’information de l’administration en cas de garde à vue ou d’audition libre d’un agent. Cette question complexe a nécessité une réflexion poussée. Les membres de la commission des lois ont à coeur le respect de nos principes fondamentaux – et la présomption d’innocence en est un. Il s’agissait de trouver un équilibre fin permettant aussi d’éviter les cas de dénonciation malveillante dont les agents peuvent faire l’objet.
Ce type d’interrogation, nous l’avons eu sur d’autres sujets – et tout récemment à propos des dispositifs de lanceurs d’alerte. En tant que rapporteure, j’ai eu le même questionnement et le même souci, celui d’assurer l’équilibre, pour le dispositif d’alerte éthique en matière de prévention des conflits d’intérêts dans la fonction publique que crée le projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires. Nous aurons à nouveau à nous poser ces questions à l’occasion de l’examen du projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.
Il est de notre devoir d’assurer un équilibre qui soit respectueux de principes qui ne vont pas tous dans le même sens. L’équilibre trouvé sur ce sujet me paraît de nature à respecter ces « injonctions contradictoires », si je puis dire.
Les garanties nécessaires ont été apportées tout au long du cycle de vie de ce projet de loi, et ce dès le premier projet, qui tenait compte des « bornes » préconisées par le Conseil d’État dans son avis du 19 novembre 2015.
Pour ces raisons, le groupe socialiste, républicain et citoyen, qui a beaucoup travaillé sur ce texte – particulièrement notre collègue Joëlle Huillier, élue du territoire de Villefontaine, qui n’a malheureusement pu être présente aujourd’hui – votera le texte issu de la CMP.