Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, mes chers collègues, on a franchement le sentiment qu’en proposant cette prétendue modernisation de l’élection présidentielle, le Gouvernement ne regarde pas le pays avec de bonnes lunettes, ou qu’il est peut-être hors-sol.
Au moment même où se développe l’exigence d’une plus grande participation des citoyens à notre vie démocratique, à notre communauté de destin, pour faciliter cette vitalité démocratique qui est absolument nécessaire dans notre pays où la Ve République est à bout de souffle, le Gouvernement veut encore une fois favoriser les grands partis, le statu quo et éliminer ceux qu’il considère comme des gêneurs.
Pour avoir porté la double casquette de journaliste et de candidat à la présidentielle, je puis affirmer que c’est dans les mesures de l’article 4, relatives à la transformation de l’égalité en équité, que se cache le vice de la proposition de loi organique.
Tout d’abord, l’équité n’a rien à voir avec l’égalité. Ensuite, la période où celle-ci s’applique sera réduite de cinq à deux semaines. Enfin, quand les journalistes des grands médias se plaignent du défilé des candidats qui passent à toutes les heures et encombrent les antennes, ils oublient que c’est aussi le cas des responsables politiques de grands partis, qui pendant cinq ans ont table ouverte dans les médias tant publics que privés. C’est là qu’est l’inégalité.
Si l’on veut la rattraper pendant cinq petites semaines – sur cinq ans ! –, on ne peut pas se permettre de proposer le système que vous voulez mettre en place.
Je le dis très clairement à mes amis socialistes : je regrette, comme l’a dit Alain Tourret à l’instant, qu’ils aient fait preuve de radicalité – encore faut-il donner au mot toutes les nuances qui conviennent –, voire de sectarisme.
Pourquoi n’avez-vous pas accepté les discussions et les débats qui ont eu lieu ici et au Sénat, ainsi que les propositions que nous avons formulées pour remettre à l’endroit cette proposition de loi qui, par certains de ses aspects, est tout à fait acceptable ? On a malheureusement l’impression que ces aspects ne sont que du bricolage, dans un texte qui vise, comme l’a dit Jean-Christophe Lagarde, à verrouiller l’expression.
En acceptant les oukases de Matignon ou de l’Élysée, c’est-à-dire de l’exécutif sourd aux voix de droite ou de gauche qui s’élèvent de cet hémicycle – car le sujet fait consensus –, vous êtes en train, pour user d’une expression triviale, de vous tirer une balle dans le pied.
Ne voyez-vous pas la France ? Ne voyez-vous pas le pays qui se détourne de son personnel politique ?