Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, à l’heure où une large majorité de nos compatriotes considèrent que notre démocratie fonctionne mal, et jugent les institutions actuelles dépassées, vous soumettez à notre approbation quelques ajustements aux règles relatives à l’élection présidentielle, au nom, nous dit-on, d’un souci de transparence et de simplification.
Non seulement ces propositions de loi sont à cent lieues d’aborder la crise démocratique majeure que nous connaissons, marquée par une abstention croissante et une défiance accrue envers les élus, mais elles s’inscrivent dans la logique d’une Ve République à bout de souffle sur le plan démocratique. Plus que les modalités de l’élection présidentielle, c’est bien la Constitution de 1958 qui a besoin d’être revisitée.
Notre société a changé. Les accès aux connaissances se sont démocratisés et diversifiés. La citoyenneté s’exerce par différentes voies. Les enjeux se sont mondialisés. Pourtant, nos institutions et règles démocratiques n’ont pas bougé. Depuis près de soixante ans, elles n’ont évolué qu’à la marge. Il est temps de combler ce retard.
Les auteurs des propositions de loi ne manquaient pourtant pas de matière. Le rapport présenté par le groupe de travail sur l’avenir des institutions présidé par notre président Claude Bartolone et par le professeur Michel Winock contient de nombreuses propositions sur l’élection et la fonction présidentielles.
Dans une contribution à ce rapport, j’avais formulé le besoin d’aller vers une VIe République, avec la mise en place d’une assemblée constituante, des élections à la proportionnelle permettant la juste représentation des choix de nos concitoyens et une véritable parité femmes-hommes dans toutes les assemblées, une Constitution actant un Président de la République garant de l’unité nationale, aux côtés d’un exécutif et d’une Assemblée nationale en charge des choix politiques et de leur mise en oeuvre.
Promouvoir une nouvelle République, cela veut dire redonner la parole aux Français et aux Françaises sur leurs institutions. Cette prise de parole serait source d’une confiance renouvelée en notre démocratie, ce qui est une urgence dans les moments difficiles que nous connaissons. Hélas, ce n’est pas à l’ordre du jour de notre assemblée !
Nous devons aujourd’hui nous prononcer sur deux propositions de loi qui, de fait, renforcent les dérives de la présidentialisation de la vie politique et installent un tripartisme figé comme seul scénario possible.
On nous propose, entre autres dispositions, de réduire le champ et le temps du débat politique, en substituant au principe d’égalité de temps de parole des candidats dans les médias, celui d’une équité fondée sur des sondages et sur le résultat des précédentes élections. Mais alors où sont la souveraineté populaire et la décision de faire évoluer les rapports de forces et de choisir démocratiquement de nouveaux représentants ?
Elle serait pour le moins tronquée si l’on attribue les temps de parole en fonction du résultat supposé ou attendu ! Et, ce n’est pas le rétablissement de l’égalité dans les quinze derniers jours, qui pourra effacer cette inégalité de traitement.