Je lui rappellerai ce moment que nous avons partagé, au soir du 29 juin 2010, lorsque, après avoir tenu notre engagement de voter avant la fin du premier semestre de cette année-là la grande et belle loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites aux femmes, nous décidions tous les deux de ne pas en rester là et d’engager l’étape suivante : celle de la lutte contre le système prostitutionnel.
Nous avons tous les deux, avec vous toutes et tous, sous la législature précédente et sous celle-ci, et avec tous les gouvernements successifs depuis 2010, mené ce combat, cette réflexion, et agi comme il le fallait pour parvenir à ce texte d’équilibre, ce texte indispensable, ce texte fondateur.
Texte d’équilibre parce qu’il met enfin à leur place chacun des acteurs de la prostitution.
Sont à leur place, dans l’oeil du cyclone que nous devons déclencher, tous ceux qui font profession maligne de tirer profit du malheur de certains, de l’attente de beaucoup et font argent et violence sur le dos de ces victimes que sont les personnes prostituées.
Oui, la guerre doit être intensifiée, comme toutes les guerres que nous avons à mener au nom des démocraties modernes contre tous ceux qui font métier de proxénétisme et de traite des êtres humains. Cette guerre, elle est engagée mais elle n’est pas assez menée, et notre texte désigne aujourd’hui l’ennemi et dit que nous devons le combattre de manière implacable jusqu’au terme qui ne pourra être que la victoire de notre démocratie face à l’inacceptable.
Reviennent à leur place les personnes prostituées, pour l’essentiel des femmes mais pas seulement, dont nous disons aujourd’hui solennellement, tous ensemble, qu’elles ne peuvent pas être à la fois consentantes et victimes.
Alors que tout le monde aujourd’hui reconnaît enfin que la personne prostituée est avant tout une victime, certains voudraient conserver des restes de cet inconscient collectif qui en fait des coupables désignées et des délinquantes.
Non ! Les personnes prostituées ne peuvent pas être à la fois victimes et délinquantes : elles ne sont et ne seront toujours que des victimes. Victimes de la fatalité d’une société qui s’amollit dans le conformisme ; victimes surtout de tous ceux qui, quelquefois très loin de nos territoires, les enlèvent à leur famille, à leurs proches, leur font subir des sévices si terribles que nous aurions été incapables de les imaginer avant qu’elles nous en portent témoignage, avant de les amener ici pour leur faire subir d’autres sévices encore.
Oui, les personnes prostituées sont des victimes, de notre apathie, de nos silences, des violences qu’elles subissent, de l’hypocrisie, de cette certitude dans laquelle nous nous étions confortablement installés : « à quoi bon s’y attaquer puisque cela a toujours existé et que, d’une certaine façon, cela contribue à la stabilité de notre société ? » C’est ce que beaucoup disaient il y a encore peu de temps, c’est ce que peut-être certains pensent encore même s’ils ont l’honnêteté, voire la décence, de le dire moins ouvertement qu’ils ne le faisaient il y a encore quelques années.
Notre loi comporte des dispositions importantes, certes difficiles à mettre en oeuvre mais qu’il faudra pourtant mettre en oeuvre si l’on veut que les victimes sortent de cet état et trouvent la place qui leur revient au sein de notre société, une place digne, une place décente et que pour l’instant elles n’occupent pas.
Et puis cette loi place également là où ils doivent être les clients de la prostitution : non pas dans une position de coupable – loin de nous le désir de désigner à la vindicte populaire de nouveaux coupables que seraient les clients de la prostitution. La place des clients de la prostitution, c’est la place de leur responsabilité.