La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
Nous commençons par une question du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
« Ah ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.
Le salafisme ne doit pas gagner la bataille culturelle et idéologique de l’islam en France. Ce serait d’autant plus grave que le salafisme constitue le carburant du djihadisme.
Mais pour gagner cette guerre qui nous est faite, encore faut-il ne pas continuer à vouloir acheter la paix en abdiquant nos principes, notamment la laïcité, par faiblesse, par lâcheté ou par calcul, en abandonnant des territoires entiers, dans nos quartiers et, pire encore, dans nos prisons.
Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Cette paix à tout prix, nous en payons désormais le lourd tribut.
Le scandale de la maison centrale de Saint-Martin-de-Ré en est l’illustration. M’y étant rendu par surprise le 13 octobre, j’ai découvert des baraquements, que tout le monde là-bas appelle des « casinos » – mais ces casinos-là n’appartiennent pas au groupe Partouche : ils appartiennent plutôt au groupe Daech. L’un d’entre eux abrite une mosquée clandestine salafiste, où se regroupent des détenus particulièrement dangereux et radicalisés.
Le 24 novembre, j’ai obtenu enfin l’engagement de Mme Taubira de supprimer ces « casinos ». Depuis, et malgré mon harcèlement constant, c’est le triste jeu de la patate chaude. Un jour, on m’indique que des travaux seront réalisés, mais dans un futur lointain, en 2017 peut-être ; un autre jour – hier en l’occurrence – un membre du Gouvernement, mal informé, répond à Georges Fenech que ces « casinos » ont été fermés, ce qui est totalement faux.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Ce qui est vrai – et c’est le bouquet ! –, c’est que ces casinos sont bien fermés, mais de l’intérieur, par les détenus eux-mêmes, pour ne pas être dérangés. Tout cela a assez duré. Il est insupportable qu’une pépinière de djihadistes continue ainsi d’exister.
Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le député, depuis votre passage dans l’établissement, l’inspection des services pénitentiaires s’est rendue à la maison centrale de Saint-Martin-de-Ré les 25, 26 et 27 janvier et m’a transmis son rapport le 10 mars. Après avoir à nouveau appelé hier la direction de l’établissement et l’officier chargé du renseignement pénitentiaire, je vais vous dire exactement ce qu’il en est.
L’établissement pratique désormais la tolérance zéro. Les deux détenus identifiés – les prosélytes – sont placés à l’isolement depuis fin 2015. Les surveillants visitent deux fois par jour les préfabriqués en question ; tout le monde peut pénétrer dans ces « casinos », ainsi que vous les avez appelés.
Le bâtiment sera détruit, mais il faut pour cela publier un appel d’offres.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Je ne peux pas envoyer une simple pelleteuse, c’est ainsi !
Il faut aussi, monsieur le député, que les détenus aient accès à des activités : un gymnase sera construit à cet endroit.
Enfin, un officier dédié au renseignement pénitentiaire travaille à plein temps à la maison centrale de Saint-Martin-de-Ré depuis le mois de janvier. Un certain nombre de détenus font l’objet d’une attention particulière.
Monsieur le député, ce que je dis m’engage. Je vous invite donc, accompagné par des journalistes si vous le souhaitez, à vérifier si ce que j’ai dit est faux.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le ministre des finances et des comptes publics, l’inaction et l’impunité ne sont plus acceptables face à ce qui s’apparente à un coup de poignard permanent dans le pacte social et républicain.
Depuis dimanche, les révélations du consortium de journalistes qui ont mis à jour l’affaire des « Panama Papers » font l’effet d’une véritable déflagration. Sans le rôle essentiel des lanceurs d’alerte, d’ailleurs menacés par le projet de directive relatif au secret des affaires, ces révélations n’auraient pu être connues du grand public.
Le procès d’Antoine Deltour débutera le 26 avril. Celui-ci, à l’origine des révélations du scandale LuxLeaks, est le symbole d’un système gangrené, menaçant de prison ceux qui brisent l’omerta tout en garantissant l’impunité à ceux qui portent la véritable responsabilité du cancer de la fraude et de l’évasion fiscale.
Alors que nos concitoyens subissent durement l’austérité au nom de la dette, les braqueurs d’argent public sont bien trop peu nombreux à passer devant le juge. Protégés par l’opacité généralisée, les multinationales, les contribuables fortunés, les organisateurs des montages frauduleux ne sont absolument pas inquiétés devant le juge pénal. Ils le savent : en échange d’une amende, d’une transaction avec le fisc, l’ardoise sera effacée et aucune poursuite ne sera engagée.
II est temps de mettre fin aux petits arrangements entre amis. Lors de l’examen du projet de loi contre le terrorisme, le Sénat a adopté, contre l’avis du Gouvernement, un amendement de notre collègue Éric Bocquet remettant en cause le « verrou de Bercy », qui interdit à la justice de mettre son nez dans les dossiers de fraude fiscale.
Ma question sera simple, monsieur le ministre : soutiendrez-vous cet amendement dans notre hémicycle et que comptez-vous faire pour que cesse, enfin, l’état d’impunité fiscale en France ?
Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le député, votre question part d’un constat établi à partir d’un certain nombre d’informations que des journalistes ont pu recueillir et diffuser. Ils ont eu raison d’agir ainsi car l’opinion publique mondiale a besoin de prendre conscience, parfois même de manière quelque peu spectaculaire, que des dispositifs existent, souvent depuis longtemps. Ils ont besoin de réaliser les progrès accomplis, en France, c’est évident, mais aussi au niveau international, c’est aussi vrai, même s’il faut aller encore plus loin. Il est insupportable que des trafics de toute nature puissent prospérer grâce à l’opacité qui les entoure, surtout dans un contexte mondial difficile, qui impose à tous les pays de demander des efforts à chacun.
En France, notre majorité, pour lutter contre la fraude fiscale, a voté de nouvelles dispositions afin de conférer de nouveaux pouvoirs aux autorités – je suis persuadé que vous avez été de ceux qui les ont approuvées, monsieur le député. L’année dernière, des redressements ont été opérés pour plus de 21 milliards d’euros, contre 16 milliards en 2011 : 5 milliards supplémentaires grâce à l’efficacité de la justice et de l’administration fiscale. Je ne suis pas de ceux qui opposent l’administration fiscale qui poursuit et la justice qui punit ; ce sont au contraire les deux pieds qui nous permettent d’être efficaces. Nous devons respecter ces deux institutions et leur permettre de travailler dans les meilleures conditions.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. Jean-Pierre Vigier, pour le groupe Les Républicains.
Monsieur le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, nos agriculteurs vous rendent ce que vous leur faites : vous leur tournez le dos et ils vous tournent le dos. Nos agriculteurs ont le dos large ; hommes de la terre, ils savent endurer. Mais désormais, vous devez agir.
Nos agriculteurs attendent des actions concrètes et pas seulement des négociations à Bruxelles, certes nécessaires mais insuffisantes.
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La Commission européenne vous donne un feu vert pour agir. Alors, allez-vous appuyer sur l’accélérateur ? Ce passage à la vitesse supérieure, vous le devez à nos agriculteurs ainsi qu’à notre ruralité – 80 % du territoire français. Notre France rurale ne veut pas voir ses exploitations agricoles disparaître les unes après les autres.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le ministre, il y a urgence à prendre des mesures répondant aux problèmes de fond d’une crise agricole qui s’enlise. Monsieur le ministre, il y a urgence à arrêter votre politique anti-entreprises menée depuis quatre ans, dont pâtissent nos agriculteurs.
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre, il y a urgence à ce que nos paysans vivent décemment du fruit de leur travail. Quand considérerez-vous notre agriculture comme une richesse et une force pour notre pays ? À quand des mesures concrètes et structurelles pour l’agriculture française ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.
Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le député, je pense que vous voudrez bien excuser l’absence de Stéphane Le Foll, retenu au Sénat.
J’ai entendu dans vos propos beaucoup d’interpellations, des mots d’ordre très généraux, certains prenant en compte les difficultés actuelles de nos agriculteurs, d’autres mettant en cause, de manière injuste et inopportune, le ministre de l’agriculture. Mobilisé depuis des mois et des mois pour notre agriculture,…
…celui-ci a obtenu des résultats à Bruxelles, vous avez été obligé de le concéder. Secteur agricole après secteur agricole, qu’il s’agisse de l’élevage, du porc, il y a quelques mois, ou du poulet, il n’a cessé de se mobiliser pour obtenir des mesures en faveur de l’ensemble de la profession.
Je doute, monsieur le député, que les agriculteurs qui vous auront écoutés puissent se satisfaire de vos généralités et de votre capacité d’indignation ; celles-ci ne sont pas à la hauteur des propositions que vous seriez capable d’avancer. Il est temps, si vous voulez vraiment aider nos agriculteurs, que vous formuliez vous-mêmes un certain nombre de propositions plutôt que de rester dans la posture.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à M. Olivier Dussopt, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s’adresse à M. le ministre des finances et des comptes publics.
Les Français sont, comme nous, à la fois choqués et écoeurés par les informations révélées par la presse au sujet du Panama, informations qui mettent en lumière un recours massif aux montages offshore qui permettent à la fois l’optimisation et l’évasion fiscales. Alors que le Gouvernement opère un redressement des comptes publics sans précédent, demandant un effort important à toutes et tous, le montant de la fraude et de l’évasion fiscales, qui représente entre 60 et 80 milliards d’euros de perte de recettes chaque année est encore plus inacceptable pour nos concitoyens, en particulier celles et ceux qui ont besoin de la solidarité nationale et qui, bien trop souvent, sont stigmatisés à tort.
Face à ce scandale, votre décision de réinscrire le Panama sur la liste des pays non coopératifs est une bonne chose. Elle fait suite à plusieurs avertissements que vous aviez formulés ces derniers mois, notamment le 21 décembre 2015. Rappelons que ce pays ne figurait plus sur la liste des pays non coopératifs depuis un arrêté ministériel pris au cours du quinquennat précédent, le 4 avril 2012, soit un mois avant l’élection présidentielle. Vous avez donc raison de revenir sur cette décision.
Je veux aussi dire combien nous partageons les propos du Président de la République, qui est à ce jour le seul chef d’État non seulement à avoir annoncé que chaque situation révélée donnerait lieu à une enquête fiscale en vue d’un éventuel redressement, mais aussi à s’être engagé à protéger les lanceurs d’alerte.
Mais notre majorité n’a pas attendu ces scandales pour faire de la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales une priorité. La loi de décembre 2013 nous a permis de renforcer les peines en matière de fraude fiscale et de mettre en place un parquet financier, même s’il faut encore accroître ses moyens.
Nous avons également créé le service de traitement des déclarations rectificatives.
« Allô ? Allô ? » sur les bancs du groupe Les Républicains.
Il a traité l’an dernier plus de 8 000 dossiers, dont un peu plus de 500 relatifs au Panama. Ce sont 2,6 milliards d’euros qui sont ainsi rentrés légitimement dans les caisses de l’État. Les différentes lois de finances et lois bancaires nous ont permis de renforcer toutes les sanctions.
Nous avons fait tout cela et nous devons le rappeler, car les Français nous demandent d’agir encore plus fortement. Et c’est légitime, tant il leur est devenu insupportable de voir ces affaires se répéter, souvent avec les mêmes protagonistes, les mêmes noms qui apparaissent.
Comment comptez-vous agir, monsieur le ministre ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur certains bancs du groupe écologiste.
Vous l’avez dit, monsieur le député : quand on veut lutter avec efficacité contre la fraude, en particulier la fraude fiscale, il faut s’attaquer au niveau international et mettre en place des coopérations utiles et efficaces permettant aux administrations fiscales d’échanger les informations qui, dans chacun des pays, permettent ensuite de poursuivre les fraudeurs. C’est ce que nous faisons, et nous avons pas mal avancé.
Il reste néanmoins un pays, le Panama, qui résiste à cette transparence et qui maintient des systèmes opaques. C’est pourquoi le Président de la République, le Premier ministre et moi-même avons décidé d’inscrire de nouveau ce pays sur la liste dont la précédente majorité l’avait retiré.
Il faut également être efficace au niveau national. Vous avez eu raison de souligner les progrès importants accomplis par la France grâce à la législation que vous avez votée et au bon fonctionnement de l’administration fiscale. Vous avez cité les chiffres du service dit « STDR » – service de traitement des déclarations rectificatives –, qui assure la régularisation de situations anormales moyennant le paiement de l’ensemble des impôts dus et des pénalités entraînées par le non-paiement antérieur. Les sommes sont considérables. Concernant le Panama, ce sont plus de 700 dossiers étant passés par ce pays qui ont été régularisés, et plus de 1,2 milliard d’euros d’impôt et d’amendes qui sont revenus dans le budget de l’État.
Il faut continuer, il faut aller plus loin, notamment en matière de coopération internationale. Les décisions ont été prises. Il faut les appliquer intégralement. L’échange automatique d’informations entrera en vigueur le 1er janvier 2017. Nous serons là pour vérifier…
« Panama Papers »
Monsieur le ministre des finances et des comptes publics, les agissements du cabinet d’avocats panaméen Mossack Fonseca nous explosent en plein visage, venant démontrer, s’il en était encore besoin, que notre ennemi, c’est bien la finance folle.
« Ah ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.
Oui, cette affaire démontre que la finance viciée, comme la fraude, court plus vite que la force publique et s’adapte très rapidement.
Bien sûr, la fin du secret bancaire constitue une avancée décisive. Elle a contribué à assainir la situation et a permis à l’État français de récolter environ 2,5 milliards d’euros par an pour alléger l’impôt de 12 millions de ménages aux revenus faibles et moyens. C’est une belle réussite de la gauche.
Mais l’ingénierie financière n’a pas dit son dernier mot. Elle invente les trusts, qui permettent de déplacer de l’argent dans les paradis fiscaux afin de cacher l’identité réelle des possédants. Ce sont de véritables usines à gaz, d’une grande complexité, où l’on lave, on rince, on sèche et on repasse. Le déguisement ne coûte que quelques centaines d’euros par an, tout cela au prix d’un assèchement des finances des États, de l’action publique, de l’économie réelle et de la vie démocratique et citoyenne.
Notre responsabilité est de protéger la société, pas les fortunes. Alors maintenant, il faut dire : ça suffit !
Le Gouvernement français a réagi immédiatement, en engageant des poursuites pour redresser fiscalement ces situations scandaleuses. La prochaine loi sur la transparence économique, dite loi « Sapin 2 », doit être offensive, et surtout efficace. Nos concitoyens nous observent.
Aussi, au-delà de la protection des lanceurs d’alerte, le Gouvernement est-il prêt à rendre responsables les cabinets spécialisés et les institutions financières vis-à-vis de leurs filiales mêlées de près ou de loin aux trusts ? Est-il prêt à rendre effective la loi de 2013 contre la fraude, notamment la mesure concernant le registre des trusts, adoptée sur l’initiative du groupe écologiste ? Est-il prêt à rendre public le registre des trusts lors de la transcription de la directive européenne anti-blanchiment ?
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Vous l’avez dit, monsieur le député, la France joue un rôle moteur dans différentes démarches, au niveau européen comme au niveau mondial, pour plus de transparence et plus de coopération entre les administrations fiscales.
Les décisions du Parlement ont permis de rendre obligatoire, à compter du 1er janvier 2016, la transmission aux administrations fiscales de l’ensemble des données fiscales des grands groupes – y compris de leur filiales – pays par pays, qu’il s’agisse du chiffre d’affaires, des personnels, des bénéfices, des subventions ou encore des impôts acquittés. C’est une avancée majeure.
Les directives en discussion au niveau européen iront plus loin. Nous le redisons : le Président de la République souhaite que ces données puissent également être rendues publiques dès lors qu’elles font l’objet de la même disposition dans l’ensemble des pays de l’Union. Nous avons bien reçu ce voeu du Parlement et nous défendons l’idée auprès de nos partenaires européens.
Concernant la mise en cause de certains avocats, conseils ou cabinets de conseil, notre législation comporte déjà des dispositions. Si j’en avais le temps, je vous citerais différents procès, intentés notamment à l’occasion de l’examen des cas de la liste dite « HSBC », qui ont abouti à la condamnation de cabinets de conseil aux particuliers ou aux entreprises par la justice française pour avoir contribué à des manoeuvres frauduleuses.
La législation a donc progressé. La loi « Sapin 2 », qui sera examinée prochainement, permettra d’aller plus loin, notamment – vous l’avez signalé – en matière de protection des indispensables lanceurs d’alerte.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le Premier ministre, notre système de santé rencontre aujourd’hui des difficultés importantes. Chacun d’entre nous veut sa pérennité mais je constate que nous ne faisons pas les mêmes choix. L’annonce de la fermeture de 16 000 lits…
…est particulièrement brutale.
Après vous être mis à dos la quasi-totalité des professionnels de santé libéraux et les cliniques – car il faut bien avouer que vous voulez détruire le système médical libéral en France –, c’est maintenant dans le secteur hospitalier public que le ton monte. Les Républicains, pour leur part, croient en la complémentarité entre l’hôpital public et la médecine libérale.
Pour faire aboutir la réforme de l’hôpital, la ministre des affaires sociales et de la santé utilise les non-dits et sa pédagogie est aux abonnés absents.
La communauté hospitalière n’est pas déconnectée des réalités ; elle sait très bien que les capacités d’accueil doivent évoluer mais elle a besoin de vérité et d’un vrai projet.
Ne vous cachez pas derrière les fermetures de lits pour ne pas admettre que vous voulez réduire les effectifs dans le but de réduire les déficits.
Mme Touraine a pourtant bien dit devant la représentation nationale, en mars et en décembre, que ce plan d’économies « n’a pas pour but de baisser les effectifs » et qu’« il n’y a aucune liste d’établissements ou de services à restructurer ». Nous sommes loin de la réalité.
Votre gouvernement, monsieur le Premier ministre, veut transformer certains centres d’urgence en centres de consultation sans rendez-vous ; cela porte un coup supplémentaire à la médecine libérale, qui remplit déjà cette mission. Et les élus n’ont même pas été consultés.
Où sera l’intérêt des patients et des professionnels de santé ? Sur quels critères objectifs votre plan de réduction des dépenses s’appuie-t-il ? Face au grand silence de Mme Touraine, que savez-vous de ses intentions ?
Monsieur le Premier ministre, quelle est votre stratégie pour une couverture de soins accessible à tous, en France, dans les meilleures conditions ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.
Madame la députée, je vous prie tout d’abord d’excuser l’absence de Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, actuellement en déplacement avec le Président de la République.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
Pour être tout à fait franche, il m’est très agréable de vous entendre ainsi défendre l’hôpital public car je n’oublie pas que vous aviez supprimé le service public hospitalier.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. – Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Telle est la réalité ! Comme l’a annoncé Marisol Touraine à plusieurs reprises, il n’y a pas et il n’y aura pas de plan national de fermetures de lits à l’hôpital public.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
En ce qui concerne l’emploi et les moyens de l’hôpital public, je veux tout de même vous rappeler certains chiffres. Depuis 2012, que s’est-il passé ? Les effectifs paramédicaux à l’hôpital ont augmenté de plus de 5 % !
Mêmes mouvements.
C’est la réalité, madame Greff ! Près de 22 000 nouveaux postes ont été créés à l’hôpital public. Les faits parlent d’eux-mêmes et démontrent que le Gouvernement entend préserver les effectifs hospitaliers.
Il n’y a pas eu et il n’y aura pas de baisse des effectifs à l’hôpital public !
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
En ce qui concerne les budgets, plus de 1,3 milliard d’euros supplémentaires ont été consacrés aux établissements de santé depuis que nous sommes en responsabilité.
Quant à la réforme contenue dans le plan triennal d’économies de l’assurance maladie, nous l’assumons pleinement. Elle vise à préserver l’accès de tous au service public hospitalier, celui que vous aviez supprimé et que nous avons réintroduit dans la loi de modernisation de notre système de santé.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Elle vise aussi à optimiser l’organisation des soins pour répondre à de nouveaux besoins, comme les prises en charge ambulatoires. Mais elle ne vise en aucun cas à réduire l’emploi dans les hôpitaux.
Bien au contraire, à l’inverse de ce qui se passait précédemment, ce gouvernement juge essentiel de s’appuyer sur les forces vives de l’hôpital public et mieux encore de les soutenir, de les accompagner dans leur mission difficile, alors que sur vos bancs, madame la députée, vous êtes les premiers à vouloir leur ôter des moyens.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. Thierry Benoit, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
J’appelle l’attention du Gouvernement sur un sujet majeur : le traité transatlantique. Nous ne pouvons engager une stratégie ambitieuse pour l’élevage tout en prenant le risque de la voir balayée d’un revers de main par un traité négocié dans une certaine opacité.
Monsieur le ministre des affaires étrangères et du développement international, revendiquons l’exception agricole européenne, comme nous l’avons fait pour la culture, parce qu’elle garantit l’équilibre de nos territoires, parce que notre modèle a imposé des normes sanitaires, sociales et environnementales parmi les plus exigeantes au monde, parce que notre agriculture mérite mieux que d’être bradée au plus offrant.
Aujourd’hui, l’agriculture américaine a largement recours aux farines animales, aux organismes génétiquement modifiés, aux hormones de croissance et aux antibiotiques. C’est tout l’inverse du modèle agricole européen, qui concilier le développement économique et l’impératif écologique, et du modèle français, qui concilie l’agro-écologie et l’agro-industrie.
Pouvez-vous me dire, monsieur le ministre, comment la « ferme des mille vaches », qui fait déjà polémique dans notre pays, pourra rester compétitive face aux feedlots, ces unités de quarante mille vaches existant aux États-Unis ?
Enfin, nous devons protéger nos indications géographiques et nos labels, qui font la fierté de nos régions. L’Union des démocrates et indépendants est pro-européenne mais veut une Europe forte, offensive et ferme, solide sur ses positions lorsqu’il s’agit de défendre ses intérêts, à commencer par l’agriculture.
Aussi, avant de négocier un traité avec un État tiers, la priorité de la France devrait être l’approfondissement du marché unique. C’est pourquoi nous proposons d’exclure certaines productions agricoles sensibles du traité transatlantique. Le Gouvernement est-il prêt à accepter cette mesure ?
Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur quelques bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.
Monsieur le député, je vous remercie pour votre question, dans laquelle vous avez évoqué précisément le volet agricole des négociations transatlantiques, effectivement essentiel.
La douzième session de négociation a eu lieu fin février. Les préoccupations des agriculteurs et des éleveurs français sont très grandes ; vous les avez exposées et le Gouvernement les partage.
La France, dès le début des discussions, a tracé des lignes rouges très claires. En matière agricole, elle a demandé et obtenu l’exclusion des principales productions dites « sensibles » de la liste des produits entièrement libéralisés – je pense notamment aux viandes de boeuf et de porc.
De plus, les viandes ne respectant pas les exigences européennes, en ce qui concerne, par exemple, l’utilisation d’hormones de croissance, ne pourront en aucun cas être mises sur le marché en Europe. C’est une position constante de la France dans les négociations commerciales.
Si notre production agricole doit être pleinement défendue, c’est qu’elle représente un modèle, que nous entendons défendre. Elle est le résultat d’un choix de société, qui exige des normes strictes et des pratiques plus en phase avec nos préférences collectives en matière de qualité et de sécurité alimentaires.
Dans le cadre des négociations transatlantiques, le Gouvernement défend ce modèle exigeant et reconnu. Il n’est pas question, sous prétexte de négociations, d’effacer tous les acquis que vous venez de rappeler.
Enfin, l’occasion m’est donnée de promouvoir nos appellations d’origine, qui font l’objet d’une véritable bataille internationale, dans laquelle la France est une figure de proue. Notre pays continuera à se battre dans ce sens.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Myard président !
Merci pour les encouragements ! Merci, chers collègues !
Monsieur le ministre de la défense, monsieur le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, il y a quelques semaines, j’ai appelé votre attention sur la cession des activités d’électronique de défense d’Airbus au fonds américain KKR – sic !
Ces activités concernent la recherche et la réalisation des capteurs et des équipements de guerre électroniques, d’avionique et d’optronique – autant de domaines stratégiques pour notre défense.
Monsieur le ministre de la défense, je vous ai demandé par question écrite si vous entendiez vous opposer à cette cession contraire à nos intérêts, mais le bradage de nos industries continue.
J’apprends que Safran veut vendre sa filiale à 100 % Morpho, une des entreprises mondiales de premier plan pour la sécurité et la détection d’identité. Morpho, c’est 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires et 8 600 collaborateurs. La vente envisagée s’effectuerait à des groupes anglo-saxons. Rien que ça, alors qu’il y a des solutions françaises !
Mais, plus scandaleux encore, cette cession serait destinée à faire monter le cours en bourse de Safran, avec un gain juteux pour certains dirigeants. Incroyable !
Alors, messieurs les ministres, mes questions sont simples. Est-ce que ce sont les personnes privées qui déterminent la stratégie de nos intérêts industriels de défense ou le Gouvernement, responsable devant le Parlement ? Allez-vous vous opposer à ces bradages qui s’effectuent au mépris de notre indépendance et de nos intérêts ?
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le député, merci de votre question. Comme vous le savez – mais d’ailleurs, je ne suis pas sûr que vous le sachiez –, l’entreprise Morpho, d’une part, ne fait pas partie du périmètre de la défense…
…et, d’autre part, à ma connaissance, n’est pas vendue. Il y a donc sûrement des discussions à avoir avec le groupe Safran sur le sujet, qui peuvent être partagées par le ministre de l’économie. Croyez bien que nous y veillons avec beaucoup d’attention, compte tenu des enjeux.
La première partie de votre question concerne le groupe KKR, qui a repris une partie des activités d’électronique de défense d’Airbus. Je pense que vous le savez : l’essentiel, sur les 4 000 emplois et les activités localisées, se passe en Allemagne, et fait l’objet d’une autorisation des autorités allemandes.
J’en viens à ce que je pense être l’objet principal de votre question, que je comprends : les implantations françaises de ce groupe, situées, je crois, dans votre circonscription...
Sourires.
J’y suis très attentif. Croyez bien que nous y veillons de près et que nous avons les moyens, grâce au décret relatif aux investissements étrangers soumis à autorisation préalable – dit « IEF » –, d’assurer la sécurité de nos intérêts.
Nous avons reçu les responsables et nous prendrons prochainement une position sur le sujet en portant la plus grande attention à nos intérêts et à notre souveraineté – préoccupations qui nous sont communes.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à Mme Martine Carrillon-Couvreur, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s’adresse à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
La prime d’activité est en vigueur depuis le 1er janvier. Elle permet de soutenir les travailleurs, les étudiants et les apprentis qui gagnent moins de 1 500 euros par mois.
Aujourd’hui, cette prime pourrait concerner 5,6 millions de personnes, dont un million de jeunes de plus de 18 ans. Elle représente donc une avancée majeure et fournit à ses bénéficiaires un complément de revenu non négligeable. Si elle est tournée vers tous les actifs, les premiers retours nous montrent qu’elle bénéficie en premier lieu à la jeunesse.
Nous savons que ce sont les jeunes qui constituent l’avenir de la nation. Cette mesure va les encourager au même titre que tous les actifs, dès lors qu’ils ont plus de 18 ans et qu’ils touchent moins de 1 500 euros de revenus. Mais la prime d’activité ne concerne pas seulement les jeunes : elle s’adresse aussi aux salariés précaires, ceux en temps partiel, ceux qui ont des contrats courts.
Depuis son entrée en vigueur le 1er janvier 2016, la prime d’activité connaît un vrai succès. Elle se déploie mieux et plus vite que nous ne l’avions prévu initialement. Plus de 2 millions de Français en sont déjà bénéficiaires, soit bien plus qu’attendu. L’accès à ce nouveau droit est simple et les avancées qu’il représente pour chacun sont concrètes.
Quelques situations nous montrent toutefois qu’il y a parfois, selon les revenus, des difficultés d’accès. Dans d’autres cas, la situation est tout à fait positive. Ainsi, pour un parent isolé qui touche 1 500 euros nets par mois et qui perçoit une pension alimentaire de 100 euros, la prime d’activité représente un complément de revenu de 183 euros.
Madame la ministre, pouvez-vous dresser un premier bilan de cette mesure ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.
Madame la députée, vous l’avez dit : la prime d’activité a été un succès dès son démarrage puisque, d’ores et déjà, 2 millions de personnes ont des droits ouverts, c’est-à-dire qu’ils ont pu toucher la prime d’activité depuis le début de l’année 2016, ce qui nous amène à un taux de recours exceptionnel pour un processus ouvert il y a seulement deux mois.
Ce taux de recours peut et doit encore progresser. Je rappelle que notre objectif est que tous ceux et celles qui y ont droit puissent en profiter.
Je tiens à donner quelques précisions sur ces 2 millions de personnes dont les droits sont ouverts : 1,1 million de personnes, qui étaient auparavant au RSA, ont basculé vers ce droit ; 600 000 personnes étaient connues des CAF mais ne bénéficiaient pas du RSA ; 300 000 personnes ne percevaient pas le RSA et n’étaient pas du tout connues des CAF. Elles n’avaient donc aucun droit ouvert à aucune allocation. Grâce à la prime d’activité, ces travailleurs au revenu modeste ont acquis un nouveau droit.
C’était bien l’effet visé par le dispositif.
Je veux enfin donner quelques informations sur les bénéficiaires de l’allocation adulte handicapé, qui ont droit à la prime d’activité dès lors qu’ils perçoivent un revenu d’activité. Ce droit sera versé de manière rétroactive en septembre : ses bénéficiaires pourront donc percevoir la prime à cette date, mais dès à présent 500 000 personnes percevant l’allocation adulte handicapé se sont connectées au simulateur, pour calculer le montant qu’elles percevront, ce qui veut dire que le dispositif connaît aussi un grand succès parmi ce public.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le Premier ministre, je veux vous raconter une petite histoire vraie.
« Ah ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.
Mon nom est Jacques, j’ai cinquante-trois ans, je travaille depuis trente-deux ans dans une PME du bâtiment et des travaux publics. J’y ai vu se succéder trois générations de patrons d’une même famille, qui avaient tous leur entreprise vissée au coeur et aux tripes.
Aujourd’hui, que vois-je ? Tous les matins, au moment du café, mon patron arrive en larmes parce qu’il croule sous les charges, ne trouve pas de boulot et n’arrive plus à joindre les deux bouts.
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Son père, âgé de quatre-vingt-cinq ans, qui avait pour habitude de nous rendre visite une fois par semaine, est effondré de devoir vendre, un à un, les biens acquis tout au long d’une vie de labeur, afin de tenter de sauver la boîte familiale.
Arrêtez les violons !
Mes collègues et moi-même sommes morts d’angoisse à l’idée que notre entreprise coule, à l’idée de ne plus avoir de travail mais surtout de perdre cette partie de nous-mêmes.
Et face à cette situation, qu’est-ce que j’entends ? Je vous entends, monsieur le Premier ministre, nous présenter comme remède à nos problèmes la loi travail, qui prévoit l’augmentation du temps de décharge syndicale et la rémunération du temps passé dans les associations. J’entends vos ministres en charge du budget continuer de justifier les coups de cutter qu’ils ont assénés aux collectivités territoriales alors qu’elles nous fournissaient 70 % de notre charge de travail.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains.
J’entends votre ministre chargée de l’éducation nationale parler d’apprentissage tout en continuant de faire peser sur les entreprises désireuses de former des apprentis ou des stagiaires des contraintes telles qu’elles n’en prennent plus. J’entends les particuliers, nos clients d’hier, nous dire qu’ils ne peuvent plus investir, parce qu’ils ont peur de l’avenir, peur du chômage, peur du vide.
Des Jacques, des Didier, des Marie dans mon cas, il y en a plus de 16 millions en France, dans les plus de 3,5 millions de TPE et PME qui font vivre nos territoires, même les plus ruraux, comme celui de l’Aveyron – particulièrement cher à mon coeur –, auxquels vous n’apportez aucune solution.
Comment faut-il s’y prendre, monsieur le Premier ministre, pour que vous les entendiez ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Monsieur le député, je ne connais pas Jacques mais je serais ravie de le rencontrer, peut-être chez vous, en Aveyron.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Quoi qu’il en soit, Jacques a dû ressentir, notamment grâce au pacte de responsabilité et au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE,…
…l’effet des allégements de charges. Peut-être Jacques a-t-il fait partie des 878 employeurs de l’Aveyron qui ont bénéficié de l’aide « embauche PME », mise en place voilà deux mois ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Peut-être Jacques a-t-il bénéficié du plan « tout pour l’emploi », mis en oeuvre par le Premier ministre l’été dernier, qui visait justement à apporter des aides en faveur de l’apprentissage pour les jeunes mineurs et a permis de geler certains seuils.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Peut-être Jacques sera-t-il aussi rassuré d’entendre ce que j’ai à lui dire au sujet de mon projet de loi.
Vous feriez mieux de regarder la réalité en face !
Faciliter la vie des entrepreneurs, notamment des TPE et PME, est en effet essentiel car, nous le savons, ce sont ces entreprises qui nous permettront de créer de l’emploi. Pour Jacques et les autres, qui ne disposent pas d’une armée d’experts juridiques, nous prévoyons donc des accords types de branche, qui seront directement applicables au sein des entreprises. Et, vous qui connaissez les organisations patronales comme l’UPA – l’Union professionnelle artisanale –, vous savez aussi à quel point la réaffirmation des branches est essentielle pour les petites entreprises : passer de 700 à 200 branches permettra d’éviter la concurrence déloyale. Ces deux innovations sont inscrites dans le texte.
Permettez-moi de vous dire que Jacques pourra en outre moduler son temps de travail, aujourd’hui au-delà de vingt-huit jours et demain sur neuf semaines.
En précisant la définition du motif de licenciement économique, ce projet de loi clarifiera également le droit, ce qui offrira à Jacques et aux autres une plus grande lisibilité.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Au-delà de la loi travail, nous mettons en oeuvre cette priorité depuis 2012. Jacques peut ressentir à quel point nous agissons.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur quelques bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
La parole est à Mme Pascale Crozon, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes, dans quelques minutes, nous voterons en lecture définitive la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel. Ce texte d’émancipation nous invite à ne plus regarder les personnes prostituées comme des coupables, à ne plus porter sur elles un jugement moral mais à les considérer comme les victimes d’un système de marchandisation et d’exploitation du corps.
C’est une pierre supplémentaire que nous apportons au chantier de l’égalité entre les femmes et les hommes, qui, depuis 2012, constitue une priorité de notre majorité et du Gouvernement.
Je veux rappeler en particulier la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes du 4 août 2014, qui traite des inégalités salariales et professionnelles ou bien encore des violences conjugales et intrafamiliales, et qui entend les attaquer à la racine, en travaillant sur la place des femmes et leur représentation dans notre société.
Le 1er avril 2016, plusieurs mesures d’importance sont entrées en vigueur. Je pense notamment à la garantie contre les impayés de pensions alimentaires et au remboursement à 100 % des actes liés aux interruptions volontaires de grossesse. Dans un cas comme dans l’autre, ce sont les femmes les plus fragiles, les plus isolées, le plus souvent en situation de rupture professionnelle ou familiale, qui trouveront avec ces mesures des protections concrètes et des solutions pour ne pas subir les aléas de la vie mais continuer de décider par elles-mêmes.
Madame la ministre, sur le chemin de l’égalité, beaucoup a été fait mais la route est longue. Pouvez-vous nous préciser l’impact des mesures entrées en vigueur au 1er avril ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à Mme la ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes.
Madame la députée, je ne pourrai pas, dans les deux minutes qui me sont imparties, décrire l’ensemble des violences, des stéréotypes, des inégalités qui entravent l’émancipation des femmes.
Je ne pourrai pas non plus décrire dans leur globalité les mesures prises par ce gouvernement depuis 2012 en faveur de l’égalité et protégeant des femmes contre les violences.
Une grande loi a été adoptée en 2014 : elle concerne à la fois l’égalité professionnelle, l’accès à l’interruption volontaire de grossesse, l’éducation à la sexualité, la conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle et la lutte contre les violences faites aux femmes.
Une deuxième grande loi sera adoptée cet après-midi, ici : celle relative à la lutte contre le système prostitutionnel.
Pour la première fois, une loi affirmera qu’on ne peut ni louer, ni vendre, ni acheter le corps des femmes ni d’ailleurs de quiconque.
Pour la première fois, une loi affirmera que la prostitution constitue une violence à l’encontre des femmes, car 85 % des personnes prostituées sont en effet des femmes.
Pour la première fois, la France se situe clairement dans le camp des États abolitionnistes et prend une mesure, la pénalisation du client, indispensable pour lutter efficacement contre la traite, car 90 % des personnes prostituées sont issues de la traite.
Pour la première fois, la réinsertion des personnes prostituées trouvera la volonté politique et les moyens financiers nécessaires.
Si cette loi est adoptée, nous le devrons à un petit groupe de parlementaires très déterminés. Je tiens à saluer, au côté droit de l’hémicycle, Guy Geoffroy, de l’autre côté, Danielle Bousquet –qui a longtemps siégé ici –, Catherine Coutelle et Maud Olivier, et, au Sénat Chantal Jouanno et Marie-Pierre Monier.
C’est grâce à la détermination de ces députés et sénatrices, et à celle de Najat Vallaud-Belkacem et de Pascale Boistard avant moi, que cette proposition de loi sera adoptée aujourd’hui. Le Gouvernement aura ainsi à son actif deux grandes lois en faveur des droits des femmes.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
J’évoquerai moi aussi, monsieur le Premier ministre, le TAFTA et les négociations transatlantiques. Ces dernières se déroulent sous le sceau du secret. Les seules bribes dont on dispose viennent des États-Unis et elles sont pour le moins inquiétantes, tant sur le fond que sur le calendrier.
Sur le calendrier, tout d’abord, les États-Unis souhaitent conclure au pas de charge avant la fin du mandat du président Obama. Qu’en est-il ? Quant au fond, l’annonce de la suppression des droits de douane sur 97 % des produits échangés est très préoccupante. En effet, dans le secteur agroalimentaire, l’Union européenne a mis en place, au bénéfice des consommateurs européens, des normes sanitaires et environnementales auxquelles nos agriculteurs doivent se conformer. Il en va de même de la traçabilité de l’alimentation, objectif dont nous faisons une exigence nécessaire et qui serait mis à mal par les négociations.
Qu’en sera-t-il demain de nos produits d’excellence tels que l’ensemble des AOC ? Qu’en sera-t-il aussi de l’ensemble des productions dont le coût est supérieur à ce que l’on constate ailleurs, notamment du fait qu’elles sont dépourvues d’OGM et réalisées dans des conditions respectueuses de l’environnement ? Les agriculteurs américains, eux, ne sont pas soumis à toutes ces règles, ce qui fait craindre une forte distorsion de concurrence.
La France a une forte responsabilité dans ces négociations. Le mandat donné à la Commission européenne ne doit pas être un blanc-seing. Monsieur le Premier ministre, je vous demande d’informer la représentation nationale sur l’état actuel des discussions, sur ce qui fait ou non consensus et sur les moyens de protéger l’excellence de notre filière agricole et agroalimentaire. Il relève de votre responsabilité de faire un point précis sur la situation, d’en faire corriger les défauts et même de mettre fin à la négociation si nécessaire.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.
Je vais compléter la réponse que je viens de faire à la question posée il y a quelques instants par Thierry Benoit au sujet du traité transatlantique de commerce dont il faut en effet suivre la négociation avec une très grande vigilance.
La session de février sera suivie d’une autre, à Bruxelles, à la fin du mois et d’autres auront lieu d’ici à l’été. Comme Matthias Fekl, secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, actuellement en déplacement à Djakarta, a eu l’occasion de le dire devant la représentation nationale, le contenu de l’accord doit primer sur le calendrier. Je le dis clairement : nous ne soutiendrons pas un accord déséquilibré, conclu au détriment de notre économie mais aussi de nos valeurs.
Dans le cadre des négociations en cours, les propositions américaines demeurent en deçà de nos attentes.
Vous connaissez les sujets qui font l’objet de notre vigilance, mesdames et messieurs les députés. La France considère comme non négociable le respect des choix démocratiques en matière de régulation, par exemple concernant la défense des préférences alimentaires. Vous avez évoqué, monsieur Menuel, l’agriculture et l’agroalimentaire, dont j’ai déjà parlé tout à l’heure, et je suis d’accord avec ce que vous avez dit. Citons également l’exclusion de certains secteurs, en particulier l’audiovisuel, les produits culturels, la protection des données personnelles et la défense des services publics et des modalités de règlement des litiges entre l’État et les entreprises.
Au sujet de la transparence, vous avez tout à fait raison. La France s’est battue au niveau de l’Union européenne pour que les documents soient complètement accessibles.
La présidente de la commission des affaires européennes se rendra d’ailleurs là où ils sont mis à disposition des parlementaires.
Quant aux propositions américaines, il est clair qu’elles sont insuffisantes à ce stade. Comme je l’ai dit à mon homologue John Kerry, nous n’accepterons pas un traité a minima. Vous le voyez, nous sommes donc particulièrement exigeants et vigilants.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. Philippe Gomes, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le Premier ministre, vous effectuerez, le 29 avril prochain, une visite officielle en Nouvelle-Calédonie. Ce déplacement sera organisé après que se sont tenues deux réunions du comité des signataires, grâce auxquelles indépendantistes et non-indépendantistes ont mis fin à leurs divergences au sujet du corps électoral pour les élections provinciales et pour le référendum, ce qui est une bonne nouvelle pour les Calédoniens. Comment pouvions-nous prétendre préparer l’avenir, dans le cadre du référendum prévu en 2018, si nous étions incapables de solder le passé ?
Au sujet de la sortie de l’accord de Nouméa, nous avons arrêté, lors du comité des signataires que vous avez présidé, un modus operandi. Il incombe aux indépendantistes et aux non-indépendantistes de définir ce qui les rassemble pour l’avenir par-delà leurs sensibilités politiques respectives. En clair, nous devons identifier nos convergences pour l’avenir afin qu’elles soient au rendez-vous dès le lendemain du référendum sur l’indépendance, et ce quel que soit son résultat. Telle est notre façon de préparer le destin commun. Nous devons aussi identifier nos divergences car elles découlent de convictions profondément ancrées.
Enfin, nous évoquerons en Nouvelle-Calédonie, monsieur le Premier ministre, un sujet d’une actualité brûlante : la crise du nickel. Les cours sont au plus bas depuis vingt ans ; les trois usines calédoniennes ont perdu près d’1 milliard d’euros en 2015 et perdront probablement autant en 2016 ; 20 000 familles calédoniennes vivant directement ou indirectement de cette industrie sont particulièrement inquiètes. Vous savez que la société Le Nickel – SLN – a besoin à la fois d’une aide à court terme, pour passer ce cap, mais aussi d’un accompagnement à long terme, pour remplacer sa centrale électrique.
Ma question est donc la suivante, monsieur le Premier ministre : à l’occasion de votre visite, l’État s’engagera-t-il fortement auprès des Calédoniens économiquement et politiquement ?
Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Je me rendrai en effet, monsieur le député, cher Philippe Gomes, en Nouvelle-Calédonie puis en Nouvelle-Zélande à la fin du mois. Je suis parfaitement conscient, comme nous tous je pense, des attentes des Calédoniens que nous avons souvent évoquées ensemble avec vous-même et tous les parlementaires représentant ce territoire.
La Nouvelle-Calédonie approche d’un moment décisif de son histoire. À la fin de l’année 2018, elle devra se prononcer sur son accession à la pleine souveraineté. Une telle échéance se prépare. L’État est bien sûr pleinement mobilisé pour que le résultat de la consultation soit incontestable, ce qui suppose également que tous les partenaires n’attendent pas le dernier moment pour préparer l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie.
C’est pourquoi j’en appelle à tous les mouvements politiques pour qu’ils se hissent à la hauteur des enjeux et préfèrent les discussions politiques au bon sens du terme, qui consistent à préparer l’avenir et faire vivre l’intérêt général, aux polémiques médiatiques.
J’en appelle aussi aux forces politiques représentées à l’Assemblée comme au Sénat pour qu’elles contribuent durablement – et je sais que vous le faites, monsieur le député – à la bonne tenue de ce processus et qu’elles le garantissent. Bref, j’en appelle à ce que les élections nationales ne privilégient pas la querelle à propos de l’avenir de la Nouvelle-Calédonie.
Nous avons réussi à régler ensemble l’épineuse question du corps électoral. J’ai vraiment confiance dans la capacité des partenaires politiques à aborder courageusement les autres sujets institutionnels. Nous aurons l’occasion d’en reparler en Nouvelle-Calédonie.
Au sujet du nickel, vous savez parfaitement que l’effondrement des cours place l’économie de la Nouvelle-Calédonie dans une situation de très grande fragilité. Dans ce contexte, il convient que tous les acteurs soutiennent les opérateurs de ce secteur afin de sauvegarder les investissements et surtout l’emploi. En outre, le nickel, ce n’est pas uniquement des investissements et de l’emploi, c’est en quelque sorte une partie de l’identité et de l’avenir du territoire. Tel était le sens du comité des signataires que j’ai présidé le 6 février dernier. Nous avons signé une déclaration commune prévoyant un plan d’urgence. Je souhaite que, sur ce sujet aussi, chacun assume pleinement ses responsabilités et respecte ses engagements – l’État, quant à lui, respectera les siens.
Au sujet du nickel comme en matière politique, l’État sera au rendez-vous, soyez-en sûr, mais il ne pourra agir qu’avec l’ensemble des forces politiques, économiques et sociales de la Nouvelle-Calédonie, mues par le souci de l’intérêt général et s’inscrivant dans une vision de long terme. Si chacun d’entre nous s’engage sur ces principes, nous pourrons alors relever les grands défis qui attendent la Nouvelle-Calédonie.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur plusieurs bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le ministre de l’intérieur, le décret tant attendu concernant les permis de conduire des Français établis à l’étranger vient enfin d’être publié. Hélas, tant d’attente pour si peu, ai-je envie de dire !
Ce décret, qui ne touche finalement qu’une toute petite partie des Français de l’étranger, est très décevant et laisse malheureusement de nombreux problèmes non résolus.
À l’heure où nombre de nos compatriotes s’expatrient, résoudre leurs contraintes administratives paraît indispensable, d’autant plus, monsieur le ministre, que cela ne coûte rien. Nous avions commencé à alerter le Gouvernement sur ce sujet lorsque M. le Premier ministre était ministre de l’intérieur. Ce qui n’est pas très compliqué à mettre en place peut pourtant changer beaucoup de choses.
Actuellement, si l’on réside en Thaïlande ou en Australie, c’est la croix et la bannière pour obtenir un duplicata de son permis de conduire. Quand les postes consulaires seront-ils autorisés à délivrer des duplicatas de permis de conduire français et internationaux en cas de perte ou de vol ?
Quand les personnes ayant obtenu leur permis dans un pays avec lequel il n’existe pas d’accord de réciprocité seront-elles autorisés, une fois revenue en France, à ne pas le repasser ? Quand autoriserez-vous le rétablissement des droits à conduire par les préfectures, pour l’ensemble des non-résidents de retour en France, en incluant les pays dépourvus d’accord de réciprocité ?
Quand étudierez-vous avec les assureurs la possibilité de prendre en compte les années de conduite des expatriés pour fixer leurs tarifs ?
Et, pour les permis de conduire à validité limitée, quand donnerez-vous enfin la possibilité d’effectuer la visite auprès d’un médecin agréé par le consulat ?
L’ensemble des parlementaires élus par les Français établis à l’étranger formulent ces demandes depuis trois ans et demi. Ce décret était attendu depuis trois ans et demi. Or il est décevant. Allons-nous enfin obtenir une réponse pour tous ces Français ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
Monsieur le député, permettez-moi d’abord d’excuser l’absence de M. Bernard Cazeneuve. Je vais répondre à votre question très importante sur la situation des Français établis hors de France au regard de la réglementation relative aux permis de conduire.
La directive de 2008 et la convention de Vienne prévoient que les permis de conduire ne puissent être délivrés par un État qu’aux usagers qui résident dans cet État ; juridiquement, il n’est pas possible qu’un dispositif réglementaire s’affranchisse de ce cadre.
Tout en étant conforme à ce cadre juridique, le décret du 22 mars 2016 relatif au permis de conduire apporte cependant des aménagements. Il vise ainsi à apporter des solutions pratiques à nos concitoyens expatriés qui, sans être résidents permanents à l’étranger, souhaitent renouveler leur permis de conduire, notamment au moment de leur installation et avant un échange contre le permis local.
Ce décret s’appliquerait plus particulièrement à deux situations : premièrement, aux usagers en cours d’installation dans un pays hors de l’Union européenne et qui viendraient à perdre ou à se faire voler leur titre avant d’avoir pu l’échanger contre le permis local ; deuxièmement, aux usagers qui, par leur statut particulier – c’est le cas des étudiants –, sont établis à l’étranger mais ne sont pas considérés comme résidents et peuvent donc conduire avec le permis français plutôt qu’avec un permis local.
Les Français résidant à l’étranger depuis plusieurs années et conduisant par conséquent avec un permis local ne sont pas concernés par cette réglementation.
Enfin, pour mémoire, ce décret entrera en vigueur au début de l’été prochain, à compter du 1er juillet 2016, mais le Gouvernement est évidemment à votre disposition pour tenter de régler les cas qui ne le seraient pas par la nouvelle réglementation.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à Mme Françoise Dubois, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Le 2 avril dernier était dédié à l’autisme. Cette journée a permis de mettre en lumière le cas des enfants touchés par l’autisme ainsi que les dispositifs que nous pouvons mettre en place pour les accompagner. Lorsqu’un enfant est handicapé, c’est toute une famille qui doit faire face, dans les joies mais aussi dans les difficultés.
L’école du XXIe siècle doit être inclusive et la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école, votée en juillet 2013, consacre ce droit. Depuis dix ans, le nombre d’élèves handicapés scolarisés a augmenté. Cette dynamique se poursuit et nous devons l’amplifier. La scolarisation de ces enfants pose un défi permanent aux parents ; l’éducation nationale doit répondre à leurs attentes.
Les enfants handicapés ont besoin d’un accompagnement personnalisé pour s’intégrer et se développer. Je tiens à saluer le travail exceptionnel des auxiliaires de vie scolaire, indispensables à cette intégration. Après avoir augmenté leur nombre, nous devons aujourd’hui mieux reconnaître leurs parcours et leur donner un meilleur accès au CDI.
D’autres accompagnements sont possibles : des unités d’enseignement ont été ouvertes pour les enfants autistes et des accompagnements spécifiques pour les enseignants ont été mis en place. Nous devons aussi nous appuyer sur le développement du numérique, qui offre aux enfants, à tous les enfants, un autre moyen d’étudier.
Scolariser un enfant handicapé, lui donner les mêmes droits qu’à tous les autres enfants est un combat fondamental dans lequel je mettrai toute ma conviction, comme vous, madame la ministre, je n’en doute pas. Pouvez-vous nous dire ce que l’éducation nationale met en place pour accompagner ces enfants ?
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, et du groupe écologiste.
La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Madame la députée, merci d’avoir mis au coeur de nos débats, cet après-midi, la belle notion d’école inclusive, que vous portez avec beaucoup d’engagement et que la loi de refondation de l’école, votée en juillet 2013, a effectivement inscrite dans notre code de l’éducation. Ce n’est pas un concept théorique, très loin de là : dans les faits, quelque 280 000 enfants en situation de handicap sont aujourd’hui accueillis dans nos établissements scolaires ; pour donner un ordre d’idées à tout le monde, rien que par rapport à l’année dernière, le nombre d’élèves ainsi accueillis a augmenté de près de 8 %.
S’agissant des élèves présentant des troubles autistiques, sachez qu’ils sont près de 30 000, soit 30 % de plus qu’en 2012. Cela signifie que l’éducation nationale accueille de plus en plus.
Bien sûr, cet accueil doit s’effectuer dans de bonnes conditions, avec un accompagnement individuel, avec des unités localisées pour l’inclusion scolaire – des ULIS – et des unités d’enseignement pour enfants autistes, que vous avez évoquées.
C’est l’occasion pour moi de rappeler que nous créons de façon très précoce, c’est-à-dire dès l’école maternelle, des unités d’enseignement pour enfants autistes : cent dix l’auront été au cours de ce quinquennat, dont soixante verront le jour à la rentrée prochaine. Ces unités sont plébiscitées par les parents concernés.
Enfin, s’agissant des accompagnants, je veux vous dire que nous avons entrepris de les « CDIser », c’est-à-dire de les faire passer, au bout de six années d’exercice, dans le statut d’AESH – accompagnants des élèves en situation de handicap –, et de les former : 6 000 ont déjà profité de cette possibilité et, à terme, ils seront 28 000.
Pendant ce temps, nous embauchons toujours davantage d’auxiliaires de vie scolaire, ou AVS : 10 000 pour cette seule année et nous irons encore plus loin.
Permettez-moi d’insister sur un dernier sujet : le plan numérique dans lequel nous nous sommes engagés. Celui-ci va considérablement modifier la donne pour les élèves en situation de handicap ; les tablettes tactiles, les ressources numériques personnalisées, adaptées aux différents types de handicap, constituent en effet un progrès majeur pour ces élèves.
La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt.
L’ordre du jour appelle la discussion, en lecture définitive, de la proposition de loi, modifiée par le Sénat en nouvelle lecture, visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées (no 3616).
La parole est à Mme la ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes.
Monsieur le président, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, monsieur le président de la commission spéciale, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, madame Yvette Roudy, que je salue dans les tribunes, madame Danielle Bousquet, ancienne parlementaire que j’ai d’autant plus de plaisir à saluer à ce titre, ce 6 avril 2016 est un jour historique. Tout à l’heure, la France affirmera avec force et certitude, au terme d’un débat démocratique de plus de deux ans, que l’achat d’actes sexuels est une exploitation du corps et une violence faite aux femmes.
Nous refusons le réglementarisme, selon lequel le commerce des femmes est un commerce comme un autre, qui n’exige que contrôle sanitaire et contrôles fiscaux. Nous refusons le prohibitionnisme, tenant d’un ordre moral qui n’est pas le nôtre et qui criminalise les personnes prostituées.
Le modèle que nous avons choisi, c’est l’abolitionnisme. Depuis plus de cinquante ans, la France affirme une position abolitionniste de principe. Elle a ratifié en 1960 la convention de l’ONU qui nous rappelle dès son préambule que « la prostitution et le mal qui l’accompagne, à savoir la traite des êtres humains en vue de la prostitution, sont incompatibles avec la dignité et la valeur de la personne humaine ». En 2011, votre Assemblée a également adopté à l’unanimité une résolution réaffirmant la position abolitionniste de la France et fixant l’objectif, à terme, d’une « société sans prostitution ». Cependant, cette position abolitionniste était jusqu’ici assez hypocrite, car nulle disposition de notre architecture juridique ne sanctionnait l’achat d’actes sexuels.
Aujourd’hui, la position française trouve enfin sa pleine cohérence. Soixante-dix ans après les avancées de la loi Marthe Richard, qui a permis de fermer les maisons closes et de renforcer la lutte contre le proxénétisme, il est indéniable que le 6 avril 2016 marquera l’histoire de l’avancée des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes – rappelons en effet dès à présent que 85 % des personnes prostituées en France sont des femmes.
Votre vote, mesdames et messieurs les députés, s’annonce à la fois comme l’aboutissement et le début d’un combat contre la fatalité de ce que certains appellent encore « le plus vieux métier du monde », mais dont l’existence millénaire ne nous contraint en aucun cas à la résignation.
La position abolitionniste apparaît comme le seul choix de société acceptable. Dès 1889, la journaliste et oratrice féministe Maria Deraisme s’insurgeait contre la prostitution, qu’elle désignait comme un « commerce de la chair humaine », affirmant que « la prostitution régie par l’État réduit à néant les principes de justice, de droit et de solidarité sur lesquels s’appuient les sociétés modernes ». La « protestation publique » qu’elle jugeait nécessaire est en train de se produire « avec éclat ».
Pourquoi avoir attendu si longtemps ? Il y a d’abord le pouvoir des clients, qui sont à 99 % des hommes. Il y a aussi le pouvoir de l’argent, car l’exploitation sexuelle génère près de 100 milliards de dollars de profits par an. Il y a, enfin, la pesanteur de cette fatalité que je viens d’évoquer.
On m’objectera qu’il s’agit d’une position morale, mais, ce n’est pas le puritanisme qui nous guide. Il ne s’agit pas d’éloigner les filles de joie de la vue de « ces vaches de bourgeois », comme le chantait Georges Brassens. Ce qui nous guide, ce sont la République et les droits fondamentaux qu’elle doit garantir.
Oui, notre société soucieuse de la dignité humaine et de l’égalité des droits est cohérente lorsqu’elle veut mettre un terme à l’achat du corps des femmes. Nous élevons nos enfants en leur expliquant qu’on ne vole pas les bonbons à l’étalage de la boulangerie et qu’on ne règle pas ses conflits à coups de poing dans la cour de la récréation. Nous leur apprenons aussi le respect du corps, du désir et du consentement de l’autre. Nous ne voulons pas que le corps de nos filles soit à vendre, ni que nos fils acquièrent un consentement à la force de l’argent.
Les débats étant toujours vifs et passionnés à ce sujet, permettez-moi tout de même de rappeler les raisons majeures qui fondent l’interdiction de l’achat d’actes sexuels et la nécessité de voir cette loi adoptée.
Soyons clairs : la prostitution est une violence faite aux femmes. Au cours des débats, j’ai pu entendre que nous aurions une approche larmoyante ou sensationnaliste de la prostitution, mais il est surtout grand temps de ranger sur l’étagère des idées reçues ces images – certes romanesques mais erronées – d’une prostitution qui ne serait ni plus, ni moins qu’un service rendu à la société, un choix individuel assumé, un travail comme les autres. En effet, les violences font partie intégrante de la vie des personnes prostituées, qu’elles se trouvent dans la rue ou dans des clubs, qu’elles pratiquent la prostitution de façon occasionnelle ou régulière, qu’elles soient françaises ou étrangères, comme l’a indiqué le rapport réalisé en 2012 par l’Inspection générale des affaires sociales.
Lorsque nous parlons des violences, c’est bien le pluriel qu’il nous faut employer pour en mesurer l’ampleur. Ces violences sont perpétrées tant par les clients, les proxénètes et les réseaux que par les passants, qui voient dans les personnes prostituées des proies faciles à dépouiller et des objets de mépris. Ces violences sont physiques, sexuelles, verbales.
Derrière ces mots, vous mesurez toute la brutalité, l’intensité, la force destructrice dont ces actes sont chargés : humiliation et stigmatisation sociale, isolement, vols, menaces, insultes, séquestration, torture, viol et parfois, meurtre. Le recours aux substances psychotropes est récurrent et envisagé comme un moyen de « tenir » dans cet univers anxiogène. Le taux de mortalité des femmes qui se prostituent est largement et gravement supérieur à celui de la moyenne des femmes. Toutes ces données témoignent de la violence que les personnes prostituées subissent au quotidien.
Selon certains, il suffirait de mettre ces femmes derrière une vitrine pour qu’elles soient prostituées en toute sécurité et que la société puisse sereinement estimer que les droits des femmes sont désormais protégés. Soyons réalistes ! Si ces violences ont lieu, c’est aussi et surtout parce que tolérer l’achat d’actes sexuels, c’est laisser faire du corps des femmes un objet et des femmes un sujet de domination. C’est une profonde atteinte à la dignité humaine. Savez-vous que, dans les « Eros centers », il existe des réductions pour les clients fidèles ou les seniors ? Pensez-vous réellement qu’il s’agisse d’un commerce normal ?
La prostitution est une violence en soi. Elle exige la dissociation du corps et de la personne, de la chair et de l’âme, du désir et de la sexualité. En outre, ses conséquences sur ces femmes sont graves et révoltantes : lésions génitales importantes, séquelles physiologiques chroniques et troubles psychiques graves.
Rosen Hicher a eu le courage de témoigner et de décrire les violences, mais aussi les mécanismes de domination à l’oeuvre dans la prostitution. Elle est ici présente et je tiens à la saluer tout particulièrement. Il est important de citer ses mots aujourd’hui dans cet hémicycle : «Je n’arrivais pas à comprendre ce qu’il m’arrivait, c’était comme si mon âme était partie. […] Les 343 salauds disent : « Touche pas à ma pute » – ils parlent de putes, pas de femmes. Mais nous sommes des êtres humains, avec quelque chose de vivant en nous que les clients finissent par tuer ».
Au cours des débats, j’ai pu entendre dire que certaines personnes prostituées souhaitaient l’être et qu’il s’agit d’une liberté sexuelle comme une autre, mais regardons les faits : 80 % à 90 % des personnes prostituées sont aujourd’hui des femmes et des hommes d’origine étrangère victimes de la traite des êtres humains. Une partie d’entre elles sont également sous la coupe de proxénètes.
La liberté, dans la prostitution, est du côté du réseau, du proxénète, et un tel marché se révèle très lucratif. D’après une étude réalisée en 2001 par l’agence Interpol, le revenu moyen d’un proxénète provenant d’une seule personne prostituée s’élèverait à environ 110 000 euros par an. La liberté est aussi du côté du client : il choisit la femme, le lieu, les pratiques – l’humiliation et les violences, si cela lui chante. Il lui reviendrait ce droit séculaire, appelé autrefois « droit de cuissage », « devoir conjugal » ou « repos du guerrier », dont les femmes n’auraient toujours pas fini de s’émanciper.
Le consentement de quelques-uns ou de quelques-unes n’est pas un argument irréfragable. Ne pas recourir à la prostitution est une question d’éthique et une question sociale. Il faut donc déplacer l’angle de vue et décoder ce que la prostitution donne à voir de la place des femmes dans notre société. À l’heure où nous cherchons à faire évoluer les représentations véhiculées sur les femmes et les hommes, je crois important de rappeler que l’égalité réelle entre les femmes et les hommes demeurera illusoire tant que des hommes pourront vendre, louer et acheter le corps des femmes.
La prostitution transforme le corps des femmes en réceptacle d’une virilité aux besoins prétendument irrépressibles. Elle assigne à une fraction de l’humanité la tâche d’être l’exutoire de la sexualité d’une autre fraction. Comment admettre l’idée que des femmes seraient chargées, comme on l’a si souvent entendu, de réguler les déviants pour protéger la sécurité des autres femmes ?
Tolérer l’achat de services sexuels, c’est continuer à nourrir dans l’esprit des hommes l’idée que le corps des femmes est à leur disposition. Qui d’entre vous, mesdames, n’a jamais été interpellée par un : « C’est combien ? » lancé par un conducteur qui avait ralenti à votre hauteur alors que vous sortiez de la boulangerie ?
La soumission de la sexualité des femmes par la prostitution est inscrite dans l’histoire de la domination masculine. Permettez-moi de vous en donner une version littéraire : celle de Théophile Gautier, selon lequel « la prostitution est l’état ordinaire de la femme ». Car dans une société où le corps des femmes s’achète, toutes les femmes sont vues comme potentiellement disponibles pour rendre un service sexuel. Une telle conception nourrit le harcèlement de rue, la déstabilisation quotidienne des femmes, le droit pour tous les hommes de voir en chacune de nous des femmes dont le corps pourrait être acheté, loué, vendu.
Pendant des siècles, la sexualité et le désir des femmes ont été niés. Les femmes n’étaient que les objets du désir des hommes. Nous nous sommes battues pour faire admettre que les femmes ont une sexualité fondée, elle aussi, sur le désir et sur le plaisir. Ce n’est que depuis peu que l’on reconnaît le désir ou l’absence de désir, parfois, le plaisir ou l’absence de plaisir, parfois aussi, des femmes.
Or, continuer à tolérer l’achat d’actes sexuels, c’est faire un bond en arrière, un retour au temps où l’on considérait que les femmes n’avaient pas de désir. C’est une terrible régression compte tenu des combats qui ont été menés depuis plusieurs dizaines d’années.
Dans ce cadre, l’interdiction d’achats d’actes sexuels est une condition essentielle de l’égalité réelle entre les femmes et les hommes. L’abolition de la prostitution est le fruit d’une lutte pour l’émancipation. C’est un combat féministe profondément moderne qui contribuera à la lutte contre les stéréotypes, à la prévention des violences et à l’égalité réelle.
La proposition de loi qui est soumise à votre assemblée aujourd’hui impulse un véritable changement de regard de la part de la société sur ce que représente l’achat de services sexuels. Cette proposition de loi apporte également les outils concrets de cette évolution sur le terrain.
Sur ce sujet qui a souvent fait l’objet de débats passionnés, il faut souligner la qualité du débat démocratique qui a été mené et qui fonde aujourd’hui la pertinence de ce texte.
Je tiens à saluer l’engagement des « survivantes », ces femmes sorties de la prostitution qui ont eu la force de témoigner et de revenir sur cette expérience douloureuse.
Les personnes prostituées, au centre de notre attention, ont été entendues à l’occasion des nombreuses auditions organisées par la commission spéciale de cette assemblée. L’analyse et la réflexion de chacune de ces personnes ont été entendues. C’est par leur témoignage et leur prise de position que notre société prend progressivement conscience de la réalité de la prostitution.
Je veux également saluer la richesse et la persévérance du travail parlementaire mené depuis maintenant deux ans et demi. Le débat était vif et le sujet demandait du temps. Vous avez longuement débattu ; désormais, le temps des décisions et de la mise en oeuvre est venu.
Les droits des femmes n’ont jamais progressé naturellement : ils ont toujours été le fruit d’une volonté politique forte et du combat des femmes. C’est à ce titre que je tiens à saluer le travail initié par Danielle Bousquet et Guy Geoffroy, ainsi que l’engagement remarquable de Catherine Coutelle et de Maud Olivier à l’Assemblée nationale, mais aussi de Michèle Meunier et de Chantal Jouanno au Sénat.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Je n’oublie pas non plus le travail de conviction mené par Ségolène Neuville en tant que parlementaire, avant qu’elle ne soit appelée au Gouvernement.
L’implication de mes prédécesseures au ministère des droits des femmes – Najat Vallaud-Belkacem, Marisol Touraine et Pascale Boistard – a également été remarquable.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Enfin, je tiens à remercier les actrices et les acteurs de la société civile – je reconnais certains visages ici, dans les tribunes – tels que le Mouvement du Nid, le collectif Abolition 2012 ou encore les Jeunes pour l’abolition. Je les salue pour leur mobilisation en faveur de ce texte. Ils réalisent chaque jour un formidable travail de terrain : c’est leur expérience qui a permis de construire une loi adaptée aux réalités.
Si beaucoup partagent aujourd’hui les objectifs de ce texte, certains doutent de l’efficacité des mesures qu’il contient. Mais est-ce parce que des personnes continuent de commettre des crimes, de transgresser une loi, que nous nous devons nous résigner à ne plus les sanctionner ? Non ! Nous disons le droit et nous nous donnons les moyens d’agir face aux transgressions. Nous nous fixons une exigence d’efficacité sur ce texte, comme sur l’ensemble des textes votés dans cet hémicycle.
D’ores et déjà, la loi qui vous est soumise aujourd’hui met en place des politiques publiques concrètes et immédiates, des dispositifs qui répondent aux besoins et aux contraintes rencontrés sur le terrain.
Je ne vous ferai par l’affront de vous présenter le texte dans le détail : après plus de deux ans de parcours parlementaire pour un texte d’initiative parlementaire, je sais que vous le connaissez !
Je veux toutefois rappeler que cette loi s’adresse à toutes et à tous. Aujourd’hui, grâce à cette loi, le principe d’interdiction d’achat d’un acte sexuel est posé et l’objectif de tarir la demande est désormais poursuivi.
Les personnes prostituées sont reconnues comme des victimes et non plus comme des délinquantes, grâce à l’abrogation du délit de racolage. Seuls les responsables – les clients, passibles d’une contravention de 1 500 euros, ainsi que les proxénètes et les réseaux – sont punissables.
La France mènera une lutte encore plus intensive contre la traite des êtres humains et le proxénétisme. Les fournisseurs d’accès à internet pourront ainsi informer les autorités publiques de toute activité illicite qui leur serait signalée.
Aujourd’hui, grâce à cette loi, nous disons aux personnes prostituées que l’État, le Parlement et la société dans son ensemble reconnaissent enfin et pleinement la violence du système prostitutionnel.
Nous mettons en oeuvre les moyens nécessaires pour protéger les personnes prostituées et leur offrir des alternatives concrètes.
Pour la première fois, un texte a pour objectif de permettre aux femmes de toutes nationalités de s’engager dans un parcours de sortie de la prostitution. Celui-ci reposera sur l’accompagnement par des associations et donnera aux personnes concernées accès à des droits nouveaux pour les aider à trouver des alternatives à la prostitution. Le Gouvernement s’est engagé, pour cela, à abonder un fonds spécial dédié.
Des actions de prévention et de sensibilisation seront également menées. La marchandisation des corps entrera dans les thématiques relevant de l’éducation à la citoyenneté.
Je défends depuis dix ans les principes de cette proposition de loi. J’ai publié, il y a dix ans, à l’occasion de la coupe du monde de football en Allemagne, un texte intitulé : « Prostitution : cherchez le client ».
C’est vous dire si je suis fière et heureuse d’être présente aujourd’hui, à l’Assemblée nationale, pour l’adoption définitive de ce texte ; fière et heureuse, également, de représenter un gouvernement qui a décidé de soutenir cette proposition de loi et de s’engager.
Si mes précédecesseures se sont remarquablement impliquées dans l’élaboration de ce texte, vous pouvez compter sur moi pour la mise en oeuvre des mesures qu’il comporte. Je veillerai avec attention à ce que les décrets d’application soient pris dans les meilleurs délais.
Ce parcours parlementaire de deux ans a permis de construire un texte porteur de sens, équilibré entre répression pénale et accompagnement social, et offrant des moyens concrets à la hauteur de ses ambitions. Je souhaite qu’il soit voté à l’unanimité.
L’adoption de ce texte est une nécessité, tant pour faire avancer notre société dans le respect des droits garantis par la République que pour répondre à l’urgence de la situation des personnes victimes de la prostitution.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et de la Gauche démocrate et républicaine.
La parole est à Mme Maud Olivier, rapporteure de la commission spéciale.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, monsieur le président de la commission spéciale, chers collègues, nous voilà donc réunis cet après-midi pour la lecture définitive de la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées.
Cette proposition de loi a été déposée le 10 octobre 2013 sur le bureau de l’Assemblée nationale. Déjà en 2010, la commission des lois et, en son sein, Danielle Bousquet et Guy Geoffroy y travaillaient. Cela fait longtemps que nous nous battons dans cette maison pour aboutir.
Je pense aussi aujourd’hui à toutes celles et à tous ceux qui tentent de convaincre depuis plus longtemps encore et se battent pour que la France mette enfin son action en accord avec ses principes.
Oui, nous nous sommes battus pour cette loi, parce que c’est une belle et grande loi. Depuis trois ans, nombreux sont ceux qui en ont progressivement pris la mesure. Chacun à notre place, les députés, les ministres, les militants, nous avons discuté beaucoup, expliqué sans relâche, convaincu souvent.
Aujourd’hui, pour cette ultime lecture à l’Assemblée nationale, je n’essaierai pas de convaincre ceux qui ne sont pas encore convaincus. Je veux me réjouir que nous arrivions au bout avec une loi forte symboliquement et concrètement.
Contrairement à ce que certains tenteront aujourd’hui encore de défendre, ce n’est pas une loi dogmatique, ce n’est pas une loi moralisatrice : c’est une loi pragmatique, qui prend à bras-le-corps les réalités de la prostitution sous toutes ses formes et apporte des réponses concrètes aux victimes.
Oui, c’est aussi une loi symbolique, parce que la loi est normative et qu’elle dit ce que notre société accepte, choisit, refuse. Et avec cette loi, notre société choisit l’égalité entre les femmes et les hommes ; elle choisit les droits humains ; elle refuse les violences faites aux femmes et le commerce des corps.
Elle affirme que nous ne pouvons pas laisser à leur sort des femmes qui sont contraintes, soit pour des raisons économiques, soit par la force, de vendre des actes sexuels ; elle affirme qu’il n’y a pas d’un côté les personnes prostituées et de l’autre le reste de la population.
Oui, c’est une loi qui dit que notre société vaut mieux que la misère et la violence, qu’aucun être humain ne devrait avoir à subir cela, que le corps humain ne peut pas être source de profit.
Cette proposition de loi affirme que la société doit répondre collectivement à cette misère, en offrant des alternatives aux personnes qui veulent sortir de la prostitution et en mettant fin à l’impunité de ceux qui contribuent à ce système.
Cette proposition de loi touche à tous les codes, parce que cela est nécessaire : elle modifie le code de l’action sociale et des familles, pour inscrire dans le droit que l’État assure la protection et l’assistance à toutes les victimes de la prostitution, qu’un parcours de sortie de la prostitution est proposé à toute personne victime et que celles qui ne peuvent pas être bénéficiaires du RSA et de l’allocation pour demandeur d’asile se verront attribuer une aide financière à l’insertion sociale et professionnelle. Comme c’était déjà le cas pour les victimes de la traite des êtres humains, elles auront accès aux centres d’hébergement et de réinsertion sociale dans des conditions sécurisantes.
Nous modifions le code de la construction et de l’habitat pour donner aux associations qui les accompagnent les moyens financiers de les loger dans de bonnes conditions.
Nous modifions le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile en permettant aux victimes de proxénétisme et de la traite qui s’engagent dans le parcours de sortie de prostitution de se voir délivrer une autorisation provisoire de séjour, même si elles ne participent pas à une enquête de police, considérant que, parfois, les conditions ne sont pas réunies pour le faire. Avec cette loi, la participation à l’enquête par un dépôt de plainte ou le témoignage donne le droit à un titre de séjour.
Nous modifions le code pénal pour renforcer les droits des personnes prostituées. Cette loi supprime le délit de racolage ; elle dépénalise les personnes prostituées ; mieux, elle qualifie de circonstance aggravante le fait de commettre des violences, y compris des viols et des agressions sexuelles, sur une personne qui se livre à la prostitution. Nous voulons ainsi inverser la vision que la société porte aujourd’hui sur les violences faites aux personnes prostituées.
D’aucuns considèrent qu’un viol sur une personne prostituée n’est pas vraiment un viol. Elles sont le plus souvent déshumanisées, confrontées à une violence quotidienne. Avec cette loi nous inscrivons dans le droit qu’il est plus grave de violer une personne qui se livre à la prostitution, parce que c’est s’attaquer à une personne qui est déjà victime de violences. Comme nous nous battons pour que les plaintes des victimes de violences conjugales soient systématiquement prises par les commissariats, nous nous battons pour que plus une personne prostituée ne se fasse rire au nez lorsqu’elle voudra porter plainte pour viol.
Nous modifions le code de procédure pénale pour que les victimes de proxénétisme, comme les victimes de traite, obtiennent réparation intégrale des dommages qu’elles ont subis, parce que se reconstruire après de telles violences implique aussi des moyens financiers.
Nous changeons le code de l’éducation en renforçant l’éducation à l’égalité, au respect du corps et en introduisant la notion de non-marchandisation des corps.
Nous renforçons la lutte contre le proxénétisme en modifiant la loi de confiance dans l’économie numérique pour exiger des fournisseurs d’accès à internet et des hébergeurs de sites qu’ils contribuent à la lutte contre le proxénétisme et la traite.
Vous le voyez, c’est une loi transversale, globale, concrète, qui change la vision que la société porte sur la prostitution. Et je n’ai pas encore parlé de l’interdiction d’achat d’actes sexuels, cette mesure qui a tant fait polémique ! Pour moi, elle n’est qu’un aspect du dispositif : un aspect important, certes, mais un aspect seulement.
Contrairement à ce que disent certains, l’ambition de cette loi est bien de renforcer la sécurité des personnes prostituées et l’accompagnement dont elles peuvent bénéficier.
Cela passe par tout ce dont j’ai parlé : pouvoir être protégé lorsque l’on est en danger ; être en capacité de porter plainte ; avoir des alternatives quelle que soit sa situation ; être accompagné sur tous les plans de la réinsertion ; obtenir justice contre un agresseur ou le réseau mafieux qui l’exploite, lorsque c’est le cas ; savoir où trouver de l’aide, un appui, quand on en a besoin.
Changer la vie des personnes qui sont dans la prostitution, c’est aussi changer le rapport de force. Cela passe par la dépénalisation de l’activité des personnes prostituées et par l’interdiction d’achat d’actes sexuels. Les personnes prostituées ne pourront plus être poursuivies : c’est le client qui sera désormais inquiété, et cela change la donne.
En effet, dans ce rapport inégalitaire où celui qui paie a le pouvoir, on introduit la fin de l’impunité pour les clients. Les personnes qui resteront dans la prostitution auront le pouvoir de dénoncer celui qui ne respecte pas leurs règles – qui leur impose un acte sexuel sans préservatif, par exemple –, qui les agresse, qui les vole.
Je ne dis pas que tout ira bien dans la prostitution : la prostitution est toujours une violence. Mais en interdisant l’achat d’actes sexuels, on atténue cette toute-puissance des clients sur les personnes prostituées.
L’interdiction d’achat d’actes sexuels met aussi un bâton supplémentaire dans les roues bien huilées des réseaux de proxénétisme et de traite des êtres humains. En les gênant au quotidien, en tarissant la demande, nous rendons leur commerce moins rentable. L’objectif est évidemment la baisse du nombre de victimes.
Bien sûr, les réseaux sont mobiles. Ils n’ont que faire de la satisfaction des envies du client français : ce qui les intéresse, c’est évidemment l’argent, et ils iront le trouver ailleurs. Certains me disent que cette loi augmentera la prostitution dans les pays frontaliers. Je leur réponds : qu’ils changent leur loi !
On ne réduit pas la traite des êtres humains en demandant aux clients, comme vient de le faire l’Allemagne, de mettre des préservatifs : on réduit la traite en tarissant la demande.
Des directives européennes l’imposent depuis 2011 et les États européens qui n’appliquent pas ces directives portent une lourde responsabilité dans le développement de la traite.
Aujourd’hui beaucoup nous regardent, chers collègues. La position de la France sur le sujet peut faire changer les choses. Le temps qu’il a fallu pour adopter définitivement ce texte était sûrement nécessaire pour faire évoluer la société.
Aujourd’hui, je pense à toutes celles et à tous ceux qui ont mis toute leur énergie pour faire évoluer la société et changer la loi. Beaucoup sont présents aujourd’hui, et d’abord sur les bancs de notre hémicycle – je vous sais, chers collègues, décidés à adopter ce texte, autour duquel il y a désormais une vraie mobilisation collective. Ils sont également dans les tribunes, et je veux leur dire mon émotion de les savoir aussi nombreux ; je les sais également émus.
J’ai une pensée particulière pour Rosen Hicher, survivante de la prostitution, qui nous a dit souvent l’urgence d’adopter cette loi, car les victimes qu’elle accompagne sur le terrain ont besoin des droits qu’elle ouvre.
Je pense surtout que, loin d’être la fin, c’est le début du combat, parce que la loi ne peut pas tout. Il faut désormais la mettre en oeuvre et cela va nécessiter des moyens, de la formation, de la pédagogie, même si, j’en suis convaincue, la société a évolué ces dernières années sur le sujet.
Il y a soixante-dix ans, jour pour jour, la France décidait de fermer les maisons closes, mettant ainsi fin à un esclavage institutionnalisé. Il aura fallu soixante-dix ans pour que nous acceptions enfin deux principes fondamentaux : c’est le client, et non la personne prostituée, qui entretient la prostitution ; et c’est notre responsabilité collective que d’accompagner ses victimes.
Et à ceux qui pensent que le recours à la prostitution a toujours existé et existera toujours, je rappelle que c’est également le cas du meurtre et du vol, qui sont pourtant interdits.
J’ai entendu récemment citer cette phrase d’Albert Einstein : « le monde est dangereux à vivre ! Non pas tant à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire. » Mes chers collègues, cet après-midi, je vous invite à décider ensemble qu’on ne laissera plus faire.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur quelques bancs du groupe Les Républicains et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Oui, monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, mes chers collègues, ce 6 avril 2016 est un jour important ; certains journalistes n’hésitent pas à le qualifier de moment révolutionnaire. Je fais miens ce propos, car au terme de ce long, lent mais nécessaire travail de réflexion, de conviction, de dialogue, de pédagogie, d’échanges, quelquefois de confrontations, nous arrivons aujourd’hui au terme d’une étape et au début d’une autre : celle de la mise en oeuvre.
Je voudrais, en ce moment, saluer tous les acteurs, toutes les actrices de cette belle aventure législative que nous allons conclure aujourd’hui, nous, les députés, au nom du Parlement français tout entier ; étape qui marque d’un sceau particulier le parcours de notre démocratie vers plus d’égalité et vers moins de violence.
Il n’y a pas de vraie démocratie qui consente à la violence ; il n’y a de vraie démocratie que celle qui combat de toutes ses forces la violence sous toutes ses formes. Et Dieu sait que la prostitution, – plus personne, y compris parmi ceux, car il en reste, qui sont hostiles à notre texte, ne le nie – est une des violences les plus insoutenables, les plus anciennes, les plus installées, et qu’il était temps d’ambitionner de la combattre.
J’aurais une pensée et des mots très particuliers, en sa présence – car elle est ici, dans les tribunes – pour notre ancienne collègue Danielle Bousquet.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Je lui rappellerai ce moment que nous avons partagé, au soir du 29 juin 2010, lorsque, après avoir tenu notre engagement de voter avant la fin du premier semestre de cette année-là la grande et belle loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites aux femmes, nous décidions tous les deux de ne pas en rester là et d’engager l’étape suivante : celle de la lutte contre le système prostitutionnel.
Nous avons tous les deux, avec vous toutes et tous, sous la législature précédente et sous celle-ci, et avec tous les gouvernements successifs depuis 2010, mené ce combat, cette réflexion, et agi comme il le fallait pour parvenir à ce texte d’équilibre, ce texte indispensable, ce texte fondateur.
Texte d’équilibre parce qu’il met enfin à leur place chacun des acteurs de la prostitution.
Sont à leur place, dans l’oeil du cyclone que nous devons déclencher, tous ceux qui font profession maligne de tirer profit du malheur de certains, de l’attente de beaucoup et font argent et violence sur le dos de ces victimes que sont les personnes prostituées.
Oui, la guerre doit être intensifiée, comme toutes les guerres que nous avons à mener au nom des démocraties modernes contre tous ceux qui font métier de proxénétisme et de traite des êtres humains. Cette guerre, elle est engagée mais elle n’est pas assez menée, et notre texte désigne aujourd’hui l’ennemi et dit que nous devons le combattre de manière implacable jusqu’au terme qui ne pourra être que la victoire de notre démocratie face à l’inacceptable.
Reviennent à leur place les personnes prostituées, pour l’essentiel des femmes mais pas seulement, dont nous disons aujourd’hui solennellement, tous ensemble, qu’elles ne peuvent pas être à la fois consentantes et victimes.
Alors que tout le monde aujourd’hui reconnaît enfin que la personne prostituée est avant tout une victime, certains voudraient conserver des restes de cet inconscient collectif qui en fait des coupables désignées et des délinquantes.
Non ! Les personnes prostituées ne peuvent pas être à la fois victimes et délinquantes : elles ne sont et ne seront toujours que des victimes. Victimes de la fatalité d’une société qui s’amollit dans le conformisme ; victimes surtout de tous ceux qui, quelquefois très loin de nos territoires, les enlèvent à leur famille, à leurs proches, leur font subir des sévices si terribles que nous aurions été incapables de les imaginer avant qu’elles nous en portent témoignage, avant de les amener ici pour leur faire subir d’autres sévices encore.
Oui, les personnes prostituées sont des victimes, de notre apathie, de nos silences, des violences qu’elles subissent, de l’hypocrisie, de cette certitude dans laquelle nous nous étions confortablement installés : « à quoi bon s’y attaquer puisque cela a toujours existé et que, d’une certaine façon, cela contribue à la stabilité de notre société ? » C’est ce que beaucoup disaient il y a encore peu de temps, c’est ce que peut-être certains pensent encore même s’ils ont l’honnêteté, voire la décence, de le dire moins ouvertement qu’ils ne le faisaient il y a encore quelques années.
Notre loi comporte des dispositions importantes, certes difficiles à mettre en oeuvre mais qu’il faudra pourtant mettre en oeuvre si l’on veut que les victimes sortent de cet état et trouvent la place qui leur revient au sein de notre société, une place digne, une place décente et que pour l’instant elles n’occupent pas.
Et puis cette loi place également là où ils doivent être les clients de la prostitution : non pas dans une position de coupable – loin de nous le désir de désigner à la vindicte populaire de nouveaux coupables que seraient les clients de la prostitution. La place des clients de la prostitution, c’est la place de leur responsabilité.
Que les hommes, qui constituent l’essentiel des clients, mes congénères, mes frères, aient conscience de leur responsabilité me semble impératif, et c’est ce que cette proposition de loi permet.
Oui, acheter aujourd’hui un acte sexuel, c’est, dans plus de 80 % des cas, donner de l’argent à ceux qui font profession du proxénétisme et de la traite d’êtres humains. Non, on ne peut pas dire qu’on ne le savait pas, qu’on ne savait pas qu’une personne étrangère, la plupart du temps en situation irrégulière, n’est là que parce qu’elle est victime et parce qu’elle nourrit ces malfrats, ces salauds qui ont fait profession de les exploiter.
Les clients doivent être mis en face de leur responsabilité, et s’il le faut, la loi doit leur imposer cette responsabilité par la sanction pénale. Mais réduire à la pénalisation du client le texte que nous allons voter dans quelques minutes serait réducteur, injuste et globalement inexact.
Madame la ministre, nous allons, tous ensemble, donner aujourd’hui au gouvernement de notre République les moyens d’agir : il faudra qu’il s’en saisisse, ce gouvernement, et tous ceux qui lui succéderont dans les années et dans les décennies qui viennent. En effet si ce combat franchit aujourd’hui une étape décisive à beaucoup d’égards, il ne sera gagné que si, au quotidien, la crédibilité de sa mise en oeuvre apparaît évidente et si l’opinion, qui a déjà changé dans notre pays sur ce texte et cette problématique, se convainc que si nous avons voulu bouger les lignes et faire enfin ce que nous avions à faire, ce n’était pas simplement pour parler, pour annoncer, pour déclamer, mais c’était pour faire en sorte que notre démocratie grandisse parce que nous avons sur ce thème ô combien considéré comme intouchable il y a encore quelque temps, tout simplement assumé nos responsabilités.
Je suis fier, aux côtés de Maud Olivier et avec vous toutes et tous, d’avoir conduit ce débat, d’avoir aidé les unes, les uns et les autres à réfléchir, à progresser dans leur appréhension de cette délicate et douloureuse question et d’avoir globalement fait en sorte que notre société soit, parce que c’est notre responsabilité d’être à sa tête aujourd’hui, très rapidement en phase totale avec ce que nous allons décider.
Merci à toutes et à tous, surtout à toutes celles et à tous ceux qui, sur le chemin que nous proposons à notre société d’emprunter à partir d’aujourd’hui, sauront, comme nous, dessiner l’avenir de notre société, une vraie société démocratique, soucieuse de la liberté de chacun et surtout de la dignité de tous.
Il faut voter ce texte. Nous allons le faire, avec courage, avec détermination, avec vigilance, mais surtout nous allons le faire debout, parce que la République l’exige de chacune et de chacun d’entre nous.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur quelques bancs du groupe Les Républicains, du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission spéciale, madame la rapporteure, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, chers collègues, nous voici enfin au terme du travail parlementaire visant à adopter la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel. C’est pour moi, comme pour vous tous, un moment important.
Il en aura fallu, du temps et de la persévérance pour aboutir à l’adoption de cette loi indispensable pour le devenir de notre société, pour une société plus humaine, pour une nouvelle avancée de la civilisation.
Permettez-moi de saluer ici Guy Geoffroy, le président de notre commission, et Maud Olivier, notre rapporteure, qui ont, non seulement tenu bon durant ce parcours difficile face aux bonnes consciences et aux idées reçues sur le prétendu « plus vieux métier du monde », mais encore su convaincre cet hémicycle voire, au-delà, l’opinion.
Je voudrais aussi saluer tous les collègues qui ont participé à ce débat, dans le respect des idées de chacun.
Souvenons-nous : c’est en 2012 qu’un collectif de 53 associations que je veux saluer ici se mettait en place pour nous demander, à nous parlementaires, de faire inscrire à l’ordre du jour de notre Assemblée une loi abolitionniste permettant de lutter efficacement contre le système prostitutionnel.
Notre commission spéciale se réunissait pour la première fois le 29 octobre 2013. Il aura fallu cinq passages dans notre hémicycle, avec l’échec d’une commission mixte paritaire, pour terminer ce soir, de belle façon, notre travail. Ce délai, ainsi que le nombre des lectures, sont à mes yeux significatifs de l’enjeu fondamental de cette loi : je veux parler de son action libératrice contre des rapports de domination patriarcale à l’oeuvre dans notre société et à leur expression la plus violente dans ce qui touche à l’intime des rapports humains.
Nous savons ici que le chemin des femmes vers l’égalité est long et demande une grande mobilisation car il est semé de nombreuses embûches. La remise en cause de la séparation du public et du privé en fait partie.
Cette séparation a longtemps justifié la relégation des femmes hors de la sphère publique et son corollaire, la non-intervention de la société dans ce qui était censé relever du privé. C’est ainsi que durant trop longtemps la loi n’a pas protégé les femmes des violences subies au sein de leur foyer ; qu’il a fallu attendre la loi de 1992 pour que le viol soit considéré comme un crime et je veux saluer les femmes djiboutiennes qui depuis douze jours font la grève de la faim pour que leurs plaintes pour viol soient enfin reçues à Djibouti.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
On peut les applaudir en effet.
Il a fallu attendre le XXIe siècle pour qu’une loi s’attaque à toutes les violences faites aux femmes et enfin qu’une loi voie le jour contre le système prostitutionnel.
Certes, la position abolitionniste de la France date de 1960 mais, depuis, rien n’avait été fait au plan institutionnel pour faire bouger la société et modifier son regard sur la prostitution. La législation a plutôt porté sur la répression des personnes prostituées – avec la création du délit de racolage institué – que sur les moyens nécessaires pour mettre en cause le système lui-même.
Or, pour mettre en cause ce système, il faut avoir le courage de s’attaquer à tout ce qui lui permet de perdurer et de se développer. Il est nécessaire de s’attaquer à la fois aux réseaux de traite des êtres humains à l’échelle de la planète, aux individus qui en profitent, aux mafieux et proxénètes : des enquêtes montrent que cette violence qu’est la prostitution devient un nouveau marché pour des bandes de dealers qui exploitent des jeunes filles de quinze à dix-sept ans. Mais il faut s’attaquer aussi à ceux qui lui permettent d’exister. Dans cette dernière catégorie, il y a le client.
Sans client, pas de prostitution. Sans demande, pas besoin d’organiser le commerce humain ! Alors oui, pour abolir ce système inhumain, il faut responsabiliser ceux qui ont fait le choix de l’utiliser, ceux qui achètent le corps d’une femme et exercent ainsi une forme de pouvoir sur la personne concernée. Dans cet échange marchand, ce n’est pas de liberté sexuelle ou d’un prétendu « travail du sexe » qu’il s’agit, mais d’une atteinte à la dignité des victimes et des acheteurs, enchaînant les premières à une violence sans pareille et les seconds à une conception de la sexualité empreinte de frustration et de domination.
Avec cette proposition de loi, nous travaillons à délégitimer cette violence et la banalisation de la marchandisation du corps.
Nous oeuvrons, avec cette loi, à éduquer les jeunes au respect de l’intégrité physique et psychique de chaque individu. C’est une nécessité pour construire un avenir d’émancipation pour les générations futures.
Nous faisons oeuvre d’éducation, en donnant à voir à la société toute entière que le client n’est pas un modèle, mais au contraire un contrevenant à la loi, responsable d’un acte délictueux.
Nous ne sommes donc pas ici en présence d’un débat sur la morale ou sur l’immoralité. Non, nous menons un débat – de fait un combat – contre un rapport de domination, avec ses victimes et ses bourreaux. Nous agissons contre une violence, contre des souffrances physiques et psychologiques auxquelles sont astreintes les personnes prostituées.
Non, la prostitution n’est pas le plus vieux métier du monde, c’est la plus vieille domination subie par la femme.
C’est la marchandisation du corps humain. Et Rosen Hicher a montré combien la liberté est à l’opposé de ce non-choix pour celles qui y sont contraintes.
Oui, chers collègues, c’est avec fierté qu’au nom de mon groupe, je voterai cette proposition de loi et vous pouvez compter sur ma mobilisation pour que, au plus vite, elle entre dans la vie et que, concrètement, les victimes voient s’ouvrir les chemins de la liberté, de l’égalité et de la dignité.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Le 29 novembre 2013, je me trouvais à cette même tribune, pour la première lecture d’un texte qui a nécessité pédagogie, débats et explications. Nous ne pensions pas y passer tant de temps, mais le système prostitutionnel était méconnu. En dépit de l’excellent rapport de Danielle Bousquet et de Guy Geoffroy en 2011, le travail fut plus long que prévu mais il était nécessaire de prendre le temps d’entendre les positions des uns et des autres, et d’échanger des arguments.
Après trois ans de travail parlementaire entre l’Assemblée nationale et le Sénat – et je salue la présence dans les tribunes des sénatrices qui ont défendu ce texte –, nous pouvons affirmer que ce défi a été relevé.
Aujourd’hui, je peux exprimer notre fierté. Je suis fière en tant que femme, en tant que parlementaire, en tant que socialiste.
Je suis fière en tant que femme féministe. La prostitution est avant tout une domination masculine : 99 % des clients sont des hommes et 85 % des personnes prostituées sont des femmes, Certes, il y a aussi de jeunes hommes et des transsexuels.
Je suis fière que notre proposition de loi soit équilibrée, vous l’avez dit, madame la rapporteure et monsieur le président de la commission. Elle crée les moyens de lutter efficacement contre les réseaux de proxénétisme et le marché de la prostitution. Marché très organisé dont sont victimes des milliers de femmes en France, des jeunes filles et des jeunes garçons.
Mais notre texte permet aussi de mettre en place un parcours de sortie de la prostitution et de rendre leur droit aux personnes prostituées : elles ne seront plus des délinquantes.
Enfin, il affirme clairement que pour lutter contre un commerce, contre la traite, il faut responsabiliser le client sans qui il n’y aurait pas de marché, pas de prostitution.
Je suis également fière en tant que parlementaire et présidente de la Délégation aux droits des femmes. Le parcours législatif a certes été long, mais passionnant. Le témoignage des associations et des « survivantes » a révélé aux yeux de tous qu’il n’existait pas de prostitution heureuse. Et je salue leur courage. Je salue l’une d’elle, qui est venue témoigner pour la première fois devant la commission spéciale. Cela a été difficile pour elle. Elle a bouleversé la commission. Je sais combien ce lui fut difficile : je lui dis ici combien ce fut utile.
Il n’existe pas de « métiers du sexe » ni de « prostitution choisie » : je le dis à certains de nos collègues qui emploient ces mots dans l’exposé sommaire de leurs amendements. Victime de violences, prisonnière de réseaux de traites, soumise aux contraintes économiques : on ne se prostitue que pour survivre.
Des femmes surexposées aux violences et aux risques sanitaires : tel est ce visage de la prostitution qui apparaît enfin au grand public.
Seuls quelques idéologues y voient encore une activité choisie, le plus vieux métier du monde, contre lequel il serait inutile de se battre.
Loin d’une prostitution dorée, celles qu’on appelle les escort girls ont elles aussi témoigné. Elles ont révélé agir par nécessité économique, prises dans l’engrenage, sans pouvoir s’en sortir.
Notre proposition de loi et nos débats ont permis de mettre des mots sur ces situations de souffrance et de trouver les moyens de lutter contre ceux qui encouragent le trafic de la misère.
Notre loi est l’une des avancées majeures du quinquennat : elle marquera l’histoire de cette Assemblée.
Enfin, je suis fière en tant que socialiste. Engagée à gauche, je milite et continuerai de militer contre toutes les formes d’exploitation et de domination. Je suis fière que le groupe socialiste ait défendu cette proposition de loi, fruit d’un travail qui dépasse les clivages partisans.
Je salue Guy Geoffroy qui, sous toutes les majorités, soutient ce combat, Maud Olivier, notre rapporteure, Marie-George Buffet, toujours présente à nos côtés, Eva Sas, qui défend notre proposition de loi au sein de son groupe, Charles de Courson, qui va s’exprimer, et Jacques Moignard, qui a quitté cette Assemblée mais à qui nous rendons hommage.
Cette proposition de loi, nous la devons à tout ceux qui défendent la dignité humaine, à ceux qui ne supportent plus que des hommes achètent le corps des femmes, à ceux pour qui la traite des être humains participe de l’exploitation des pauvres par les riches et pour qui on ne peut laisser fleurir cet esclavage moderne.
Le marché de la prostitution est la forme extrême du capitalisme : « Je prends, j’exploite, je fais des profits financiers. » Et la prostitution n’enrichit que les exploiteurs.
Cette prise de conscience des réalités doit être internationale. Lors de la dernière session de la Commission de la condition de la femme des Nations unies, madame la ministre, le lien a été fait, pour la première fois me semble-t-il, entre terrorisme, trafic de drogue et traite des êtres humains.
Absolument.
Ce sont les mêmes hommes, la même violence. Ce sont aussi les mêmes victimes : les femmes, les plus fragiles. Nous avons entendu les témoignages terrifiants de jeunes filles, de fillettes de neuf à dix ans, mariées de force, vendues, livrées ensuite à la prostitution. Qui peut dire aujourd’hui que des lycéennes enlevées par Boko Haram ne sont pas sur nos trottoirs ?
Pour que notre combat soit entier, il faut dépasser nos frontières. La France sera l’un des premiers pays du sud de l’Union européenne à adopter une telle proposition de loi et nous souhaitons que cette position devienne bientôt majoritaire en Europe.
Enfin, je veux remercier les associations et la société civile, sans qui rien n’aurait été possible. Depuis trois ans, nous avons tenté de mener votre combat, notre combat. C’est une victoire collective.
Par ce vote, la France se conforme aux textes fondateurs et à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’encontre des femmes, la CEDAW. Elle poursuit la lutte pour l’égalité inscrite dans la loi du 4 août 2014. La France est ce soir un peu plus la patrie des droits humains.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Nous examinons, pour la dernière fois dans cette enceinte, la proposition de loi du groupe socialiste, républicain et citoyen tendant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel. À l’issue de longs et riches débats, notre assemblée et le Sénat ne sont pas parvenus à élaborer un texte commun. Un long travail va donc s’achever aujourd’hui et notre assemblée doit, dans la phase ultime du « dernier mot » prévue par la Constitution, se prononcer sur ce texte.
Tout a été dit ou presque et certains de mes propos présenteront une teneur connue. Car cette ultime lecture n’apportera pas non plus, hélas, les solutions escomptées aux problèmes soulevés tout au long de l’examen de cette proposition. Je me permettrai d’ajouter : « Tout ça pour ça ! »
Vous connaissez ma réticence à supprimer le délit de racolage passif, qui va se traduire par une perte notable d’informations sur les réseaux de proxénètes.
Vous connaissez ma position personnelle quant à l’instauration d’une pénalisation du client, d’une application incertaine.
D’ailleurs, bien que nous ayons progressé sur plusieurs points au fil des lectures, les deux chambres restent inconciliables sur la pénalisation du client, ainsi que sur la peine complémentaire de stage de sensibilisation, chère à mon collègue Philippe Goujon.
À titre personnel, je reste farouchement opposée au principe de substitution de la pénalisation des prostituées par celle du client. Je crains, et je partage là l’avis exprimé par plusieurs associations féministes et par Élisabeth Badinter entre autres, que cette législation ait pour résultat et corollaire la recherche de clandestinité des personnes prostituées – et partant, le développement accru des réseaux mafieux.
Enfin, je continue à regretter que plusieurs sujets n’entrent pas dans le champ du texte initial : je pense au renforcement de l’arsenal de lutte contre les proxénètes et plus encore à des mesures innovantes de prévention de la prostitution volontaire.
J’ose dire que le pragmatisme et le réalisme n’ont pas toujours été au rendez-vous des intentions dans nos débats.
Vous l’aurez compris, les positions des députés du groupe Les Républicains n’ont pas changé depuis le dernier examen de ce texte. D’aucuns restent résolument favorables à son adoption, d’autres sont par exemple opposés à l’octroi d’une autorisation de séjour assortie d’une allocation spécifique pour les personnes qui s’engagent simplement dans un parcours de sortie de la prostitution. D’autres encore restent, comme moi, défavorables à la pénalisation des clients, pensant que la constatation de la nouvelle infraction par les forces de l’ordre, comme l’éventuelle poursuite, seront matériellement difficiles, voire impossibles.
Enfin, certains considèrent que la peine d’amende d’ordre contraventionnelle relève du pur symbole par l’insuffisance de son niveau.
Bref, force est de constater qu’un véritable consensus n’a pu être dégagé ni entre le Sénat et l’Assemblée, ni entre la droite et la gauche, ni surtout au sein des groupes.
En somme, nous avons échoué à nous convaincre les uns les autres et ce renoncement, en lecture définitive, signe une forme d’aveu que je regrette sincèrement.
Une dernière fois, le groupe Les Républicains fera encore majoritairement le choix de l’abstention.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, monsieur le président de la commission spéciale, madame la rapporteure, mes chers collègues, je suis très heureux que notre Assemblée puisse enfin adopter la version définitive de cette proposition de loi à la fois nécessaire et juste visant à lutter contre le système prostitutionnel.
Depuis la Libération, la France a toujours défendu une position abolitionniste, refusant de voir une fatalité dans ce que certains qualifient improprement de « plus vieux métier du monde ». Il est du devoir du législateur de combattre toutes les formes de violence faites aux femmes – et aux hommes d’ailleurs !
Cette proposition de loi marque le début d’un changement de regard indispensable sur la prostitution et les prostituées. En effet, le texte inverse l’approche de la lutte contre le système prostitutionnel.
En supprimant le délit de racolage, la représentation nationale reconnaît que la prostituée est avant tout une victime prise au piège d’une situation d’une violence extrême et non plus une délinquante. Pendant de cette reconnaissance de la personne prostituée comme victime : la responsabilisation du client.
Mes chers collègues, avec cette loi, le client sera enfin reconnu comme l’un des éléments essentiels du système prostitutionnel. Sans clients, pas de prostitués ! L’article 16 tel qu’issu de notre commission spéciale crée une infraction de recours à la prostitution sous forme d’amende, qui devient un délit en cas de récidive – c’est à mes yeux l’avancée la plus importante.
Le client a sa part de responsabilité dans le développement des réseaux prostitutionnels et il faut lui faire prendre conscience que son comportement contribue à la souffrance des 20 000 à 40 000 personnes prostituées en France, dont on estime qu’au moins 6 000 sont mineures.
J’aurais préféré que nous allions plus loin et que nous considérions dès la primo-infraction qu’il s’agit d’un comportement délictueux, mais procédons par étape…
Mes chers collègues, j’insiste sur ce point : la lutte contre la prostitution passe par un changement complet de regard sur la prostitution et sur les prostituées. Cette étape essentielle est illustrée depuis plus de deux millénaires par le célèbre passage de l’Évangile selon saint Jean où Jésus sauve une femme adultère en disant à ceux – tous des hommes ! – qui voulaient la lapider : « Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il lui jette la première pierre. ». Le texte ajoute : « Ils s’en allaient l’un après l’autre, en commençant par les plus âgés. ».
L’évolution des mentalités passe bien évidemment par la sensibilisation de la société, l’éducation des jeunes générations constituant un volet essentiel de la lutte contre la prostitution. Ce texte propose d’ailleurs une information des collégiens et lycéens sur les réalités de la prostitution, suite à un amendement que j’avais proposé et qui a été adopté en première lecture par notre assemblée. Le Sénat a d’ailleurs enrichi le texte en ajoutant les enjeux liés aux représentations sociales du corps humain.
Deuxième message que je voudrais faire passer : la lutte contre la prostitution doit également s’adapter aux nouvelles formes de proxénétisme et d’exploitation des femmes et, aussi, des hommes.
Je me réjouis que ce texte prenne en compte les nouvelles réalités de la prostitution, qui s’organise aujourd’hui en réseaux dont la grande majorité – autour de 90 % – concerne des personnes étrangères, parfois en situation irrégulière. La prostitution de rue, traditionnelle, disparaît peu à peu, au profit de réseaux usant d’internet et des moyens les plus modernes de communication.
Je regrette cependant que nos travaux ne soient pas allés assez loin pour créer des outils permettant de lutter contre ces réseaux dématérialisés. Contraindre les fournisseurs d’accès à internet à bloquer l’accès aux sites hébergés à l’étranger qui contreviennent à la loi française contre le proxénétisme et la traite des êtres humains est certes une première étape mais elle n’est pas suffisante.
En conclusion, mes chers collègues, je réitère donc mon soutien à cette proposition de loi qui repose sur une approche humaniste et équilibrée. J’ajoute que je m’exprime ici à titre personnel car le groupe UDI auquel j’appartiens préconise sur ce sujet, comme sur tous les sujets de conscience, la liberté de vote.
Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants, du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Madame la ministre, monsieur le président de la commission spéciale, madame la rapporteure, chers collègues, nul ne peut ni ne doit attenter à la dignité ni à l’intégrité d’une personne. La traite des êtres humains doit être réprimée et ceux qui la pratiquent très sévèrement sanctionnés.
Pour notre groupe des radicaux de gauche et apparentés, il s’agit d’une évidence que nous portons avec fermeté : ni violence, ni marchandisation des personnes – je dis « personnes » volontairement car cette proposition de loi que nous examinons encore aujourd’hui concerne des femmes mais, aussi, des hommes, des jeunes et des moins jeunes, dans la rue, sur internet, sur les réseaux sociaux.
La prostitution, non, n’est pas un travail ni un métier. C’est le plus souvent un piège violent, une spirale d’où il est difficile de s’extraire. Pourtant, cette proposition de loi, apporte-t-elle une réponse juste en tout point pour les victimes ?
Car c’est bien de victimes dont nous parlons, victimes de pression économique, de précarité et, le plus souvent, de tromperies et d’abus, voire de chantage sur la personne ou sa famille restée au loin.
Lors de nos précédents débats, nous avons pu entendre des arguments certes contradictoires mais certains ne peuvent que susciter des interrogations.
Rappelons, par exemple, la position de certains organismes qui s’opposent à la pénalisation du client pour des questions de santé publique et se battent par ailleurs en faveur d’actions de prévention et d’accompagnement efficaces contre les infections sexuellement transmissibles et, particulièrement, le sida. L’ONUSIDA ou Médecins du monde ont publié des rapports qui mettent en garde quant à la pénalisation des clients. Ils montrent qu’une telle mesure ne réglerait non seulement pas forcément le problème de la prostitution mais pourrait présenter le risque d’éloigner les victimes des structures qui agissent pour l’information et la prévention. En effet, on peut se poser la question.
Nous le savons, les motifs du recours à l’acte sexuel tarifé sont divers. Pensons avant tout aux personnes dont on se saisit et qu’on prostitue via des réseaux mafieux.
Certes, nous devons régler ce problème et lutter contre cette forme d’emprise mais est-ce en décrétant qu’un problème doit devenir invisible qu’il le devient réellement ?
Pénaliser le client alors même que le texte prévoit de supprimer le délit de racolage passif pourrait avoir un effet contraire à ce que vise cette proposition de loi. Comment dès lors, remonter les filières prostitutionnelles ?
La Suède est souvent prise comme exemple alors qu’un rapport du Programme des Nations unies pour le développement, le PNUD, démontre que cette pénalisation des clients a été inefficace dans la lutte contre les réseaux mafieux. Le planning familial de Paris estime que plus de 22 000 mineurs se prostitueraient en Suède, à tel point que des alertes et des programmes spécifiques de sensibilisation ont été lancés en leur direction.
Il ne s’agit surtout pas de remettre en cause le droit des femmes, ni le droit à disposer de leur corps.
Mais sommes-nous prêts à exposer les personnes à ce risque sanitaire accru que pourrait induire la clandestinité ?
Ne nous leurrons pas : elle ne manquerait pas de conduire certaines personnes prostituées et les clients sur une telle voie, or, il est primordial de préserver l’accès aux conseils et aux soins des uns et des autres. La clandestinité, de plus, pourrait être un facteur aggravant de violence de la part des clients mais aussi de menaces, de pratiques humiliantes et de viols.
Notre collègue Alain Tourret, lors des précédentes discussions générales, a rappelé qu’imposer un rapport sexuel contre une rémunération à une personne vulnérable constitue juridiquement un crime, pire, un viol.
Je tiens à souligner les objectifs absolument positifs de ce texte. Ainsi prévoit-il le changement de statut des personnes prostituées qui accéderont à celui de victimes et non plus de délinquantes, disposition qui éloigne l’épouvantail de la stigmatisation et de la moralisation.
Autre point devant être salué : les mesures envisagées de repérage, les titres de séjour accordés, enfin, le fonds dégagé pour la prévention de la prostitution, le parcours de sortie et l’accompagnement social et professionnel des personnes prostituées.
Le groupe RRDP, sur ce texte, est partagé.
Certains doutent de son efficacité, évoquent des demi-mesures, et la plupart y sont opposés. Quoi qu’il en soit, chacun votera selon sa conviction.
Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, monsieur le président de la commission spéciale, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, nous parvenons au terme de ce débat qui nous a occupés pendant plus de deux ans et nos désaccords sont bien connus dans cet hémicycle.
Je regrette que le temps du débat parlementaire n’ait pas contribué – au contraire – au rapprochement des points de vue.
À la diversité des situations de prostitution que soulignent nombre de rapports – comme celui de l’IGAS publié au mois de décembre 2012 – d’études scientifiques, de recherches universitaires, vous avez préféré opposer en permanence une vision où la seule problématique qui vaille est celle du genre : d’un côté, les prostituées – toujours des femmes, toujours victimes – et, de l’autre, des clients – toujours des hommes, toujours coupables.
Comme à vos yeux et pour tant d’autres les victimes sont dans ce cas dépourvues de volonté propre, de consentement, il a été facile de parler à leur place, en leur nom.
Pour mieux les confondre, vous avez allègrement mêlé traite, esclavage, proxénétisme et le fait de se prostituer. Avec beaucoup de persévérance, vous avez aussi fait valser les chiffres sans jamais vraiment en donner les sources.
Parfois – mais finalement si peu – la réalité dans sa complexité et ses nuances a eu droit de cité dans nos discussions mais la logique est chaque fois restée implacable : même lorsque l’on reconnaît que l’on puisse se livrer à la prostitution de manière consentie, ce consentement est pour vous dans tous les cas une négation du libre arbitre. Dès lors que l’on s’adonne à la prostitution, on est dépourvue de volonté, de choix propre, les victimes que vous dites vouloir défendre n’ont jamais droit à la parole et lorsqu’elles la prennent, vous la niez. Vous avez décidé de parler en leur nom et à leur place ; depuis le début, vous savez mieux qu’elles ce dont elles ont besoin.
Je crois, au contraire, que c’est en reconnaissant leur pleine dignité et liberté aux personnes qu’on les aide à s’émanciper. Je crois que c’est en leur garantissant l’accès aux droits communs que l’on contribue à donner des outils permettant de prendre sa vie en main.
Vous avez justifié la mise en place de la pénalisation de tout achat d’acte sexuel tarifé par la mise en avant d’un prétendu volet social de sortie de la prostitution. Or, vous le savez autant que moi, la pénalisation des clients ne met pas fin à la prostitution. En Suède, pays dont vous vous êtes inspirés, on a assisté à un déplacement des lieux de prostitution.
La prostitution de rue a laissé place à une activité plus clandestine, notamment sur internet.
Cette pénalisation ne constitue pas plus un outil de démantèlement des réseaux de proxénétisme ou de traite. Les chiffres de condamnation pour proxénétisme et traite restent dans ce pays – comme dans d’autres hélas – particulièrement modestes.
Selon les principales associations qui travaillent auprès des prostituées – Planning familial, Médecins du monde, Amis du bus des femmes, Défenseur des droits, organismes internationaux –, les mesures de pénalisation aggravent la précarité…
…fragilisent les personnes, rendent encore plus difficile l’accès à la santé et aux droits. Ces mesures de pénalisation n’affranchissent pas, ne libèrent pas mais marginalisent et ouvrent la voie aux violences.
Cette proposition de loi prévoit la création d’un parcours de sortie de la prostitution mis en oeuvre par des associations agréées. Qu’en est-il vraiment ?
Les conditions imposées aux personnes pour bénéficier des mesures sociales sont à la fois irréalistes et illusoires. Ce parcours n’est en fait que l’habillage politiquement correct de la détermination à pénaliser.
La conditionnalité exigée témoigne de toute absence de volonté d’assurer un égal accès aux droits pour toutes et tous. En fait, toutes les victimes ne se valent pas : il y a les bonnes… et les autres, celles qui veulent quitter du jour au lendemain la prostitution… et les autres, toutes et tous les autres.
Qui peut croire un seul instant que l’on peut cesser une activité de prostitution sans garantie de titre de séjour pour les étrangères – de ce point de vue, madame la rapporteure, vous vous êtes montrée un agent zélé du contrôle des flux migratoires –, sans hébergement pérenne, ni allocation suffisante ?
En fait le budget alloué à la sortie de la prostitution pour les 30 000 prostituées – selon les estimations de l’Office central pour la répression de la traite des êtres humains – s’élèvera à 160 euros par an et par personne.
Je dis bien : 160 euros par an et par personne ! À qui voulez-vous faire croire que 160 euros par an et par personne suffiront à accompagner une sortie de la prostitution ? Au fond, il fallait tout simplement habiller la nature répressive du texte, le rendre présentable.
Par ailleurs, il est à craindre que ce fonds vienne piocher dans des budgets d’actions essentielles comme la lutte contre le VIH, contre les violences ou l’accès à l’IVG.
Chère Catherine Coutelle, ce sont des préoccupations que des associations ont fait valoir à travers des courriers, des pétitions, des manifestes.
Seul point positif : l’abrogation du racolage passif, qui avait été votée au Sénat à l’initiative de la sénatrice écologiste Esther Benbassa. Cette abrogation, malheureusement, ne mettra pas fin aux arrêtés municipaux qui s’en prennent toujours aux prostituées.
Cette vision paternaliste implique un refus de considérer les prostituées comme des sujets. Nous ne partageons pas cette position et nous ne voterons donc pas ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
J’appelle maintenant, conformément à l’article 114, alinéa 3, du règlement, la proposition de loi dans le texte voté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.
J’appelle l’Assemblée à statuer d’abord sur les amendements dont je suis saisi.
Il s’agit d’un amendement de coordination, adopté par le Sénat en séance publique. Notre commission lui a donné un avis favorable.
Avis favorable.
L’amendement no 4 , modifiant l’article 3, est adopté.
Cet amendement renforce la base légale sur laquelle le pouvoir réglementaire élaborera la prestation en faveur de la réinsertion des personnes prostituées. Le texte, tel qu’il était rédigé jusqu’à présent, nous semblait en effet un peu insuffisant.
Il est proposé d’ajouter dans la loi des dispositions sur les contours de la prestation : mode de financement ; renvoi au pouvoir réglementaire pour la fixation du montant et la désignation de l’organisme payeur ; procédure d’attribution, incessibilité et insaisissabilité.
L’amendement no 5 , modifiant l’article 3, est adopté.
Cet amendement touche à ce qui constitue le coeur de nos discussions depuis plus de deux ans. Il tend à supprimer l’article 16, qui instaure la pénalisation de l’achat de tout acte sexuel tarifé.
Ma position, si elle n’est pas massivement partagée dans cet hémicycle, l’est par un certain nombre d’acteurs de l’accompagnement des personnes prostituées dans leur accès aux droits et à la santé. C’est le cas par exemple d’associations comme « Les amis du bus des femmes », « Médecins du monde », ou encore « Aides » qui, depuis plus de trente ans, lutte pour l’accès aux médicaments et contre le VIH. C’est d’ailleurs aussi le cas de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, qui s’est à nouveau opposée à cette mesure dans son avis du 22 mai 2014.
Les arguments contre la pénalisation des clients sont connus : ces mesures fragilisent, excluent et rejettent les prostituées dans les périphéries, où elles tombent parfois entre les mains de clients violents ; elles ne permettent pas un accompagnement sanitaire efficace ; enfin, elles rendent plus difficiles l’accès aux droits. Nul n’a été capable, au cours de nos débats, de nous démontrer la pertinence et l’efficacité réelle de cette mesure.
J’ai rappelé tout à l’heure que la pénalisation, en Suède, n’a pas mis fin à la prostitution, mais qu’elle l’a seulement déplacée. Par ailleurs, alors que 450 hommes ont été condamnés à une amende pour achat de sexe, seules deux personnes ont été condamnées, dans le même temps, pour traite à des fins sexuelles. Cette mesure, dont on nous dit qu’elle permettra de démanteler les réseaux et de mettre à bas les agents de la traite, n’est absolument pas efficace, comme le montre le cas suédois. Elle reste une mesure très doctrinaire, relativement idéologique, sans efficacité réelle sur ce qui devrait nous rassembler, à savoir la lutte contre les réseaux de proxénétisme. Elle est en tout cas très contre-productive et dangereuse pour les prostituées et les prostitués eux-mêmes.
La parole est à Mme Françoise Dubois, pour soutenir l’amendement no 8 .
Cet amendement vise à supprimer l’article 16, qu’il m’est impossible de soutenir.
Pénaliser le client risquerait de favoriser le recours à des intermédiaires, de déplacer encore plus les personnes prostituées dans des lieux où elles seraient contraintes de se dissimuler, où elles seraient isolées, plus exposées encore aux violences et aux risques sanitaires, et où elles perdraient le contact avec les associations d’accompagnement et de prévention qui viennent à leur rencontre.
Pénaliser les clients, c’est prendre le problème à l’envers. La prostitution existe pour diverses raisons, que vous connaissez, et la prohibition ne fait que pousser à la clandestinité. La prostitution existe depuis la nuit des temps et elle continuera d’exister jusqu’à la fin du monde.
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Je savais que mes propos susciteraient des réactions, mais peu m’importe, car j’avais envie de livrer ce que je pense profondément.
Cessons d’être hypocrites et voyons pourquoi ces hommes vont voir des prostituées : certains sont seuls et cherchent tout simplement à avoir une vie sexuelle, comme tout le monde. Je ne peux pas soutenir cet article et je ne voterai pas cette proposition de loi.
La commission, personne n’en sera surpris, a donné un avis défavorable à ces deux amendements. Je ne reviendrai pas sur les arguments qui ont été avancés depuis le début de nos travaux en première lecture, mais je me permettrai de réagir aux propos qui viennent d’être tenus.
Vous avez dit, madame Dubois, que la prostitution existe depuis toujours et qu’elle existera toujours. Il y a une dizaine d’années, lorsque nous avons commencé ici le travail de lutte contre les violences faites aux femmes, et notamment contre les violences intrafamiliales, beaucoup nous disaient la même chose. On nous disait que ce qui se passe dans le couple ne concernait en rien la société, que l’on ne pouvait pas y démêler le vrai du faux. On évoquait même encore l’idée d’une médiation dans les affaires de violence conjugale. On n’avait rien compris !
Il est heureux que certains d’entre nous se soient dits, il y a un peu plus d’une dizaine d’années, qu’il fallait que la société prenne ses responsabilités face aux violences subies dans l’intimité du couple. Ces violences au sein du couple, qui ont toujours existé, n’existeront pas pour toujours, parce que nous en avons décidé ainsi.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
De la même manière, cette violence absolue que constitue la prostitution, ce n’est pas parce qu’elle existe depuis toujours qu’elle doit exister pour toujours. Et nous sommes là, aujourd’hui, pour y mettre un terme.
Mêmes mouvements.
S’agissant des arguments sur la précarisation et les violences supplémentaires que les personnes prostituées pourraient subir, permettez-moi, mes chers collègues de vous rappeler ceci : c’est maintenant, en vertu du droit actuel, que les personnes prostituées sont considérées comme des délinquantes ; c’est maintenant qu’elles peuvent être poursuivies ; c’est maintenant qu’elles se cachent, parce que c’est maintenant qu’on peut les interpeller.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Ce n’est pas avec une loi qui dépénalise leur activité qu’elles vont aller se cacher davantage.
Monsieur Coronado, nous avons eu ces échanges à maintes reprises et je m’inscris en faux contre ce que vous avancez. Les personnes qui voudront continuer à avoir des relations sexuelles contre de l’argent pourront le faire, puisque ce seront des femmes libres. À elles d’imposer aux clients qu’ils les préservent de tous les dangers qu’ils pourraient leur faire courir. Je rappelle aussi qu’elles pourront porter plainte contre leur client, ce qui est complètement impossible aujourd’hui. Alors, arrêtons de dire que les personnes prostituées subiront des violences supplémentaires !
Je répète qu’il n’y a aucune raison qu’elles aillent se cacher beaucoup plus loin qu’elles ne le font maintenant. Le client doit être responsable de ses actes. Il faut en finir avec ces clients qui profitent de ce que la personne prostituée est sans défense pour être violents avec elle.
Aujourd’hui, nous donnons aux personnes prostituées les moyens de se défendre. Nous l’écrivons dans notre droit ; nous l’écrivons dans notre parcours de sortie de la prostitution ; nous l’écrivons à maints endroits. Il faut arrêter avec ces faux débats.
Vous citez des associations qui s’opposent à la pénalisation des clients, mais je peux vous en citer dix fois plus qui sont pour l’abolition de la prostitution…
…et elles sont présentes aujourd’hui à nos côtés. Je veux les saluer et les remercier de leur présence et de leur soutien.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Une dernière chose : vous parlez de ces personnes qui sont dans la prostitution par choix. Comment peut-on choisir de rentrer dans la prostitution, si l’on n’y est pas obligé, pour des raisons économiques ou parce que l’on subit des violences ? Même s’il y avait 5 ou 10 % de personnes qui choisissaient la prostitution, pensez-vous qu’il faille balayer d’un revers de main les 90 ou 95 % de celles qui sont victimes de la traite et des réseaux, monsieur Coronado ?
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur quelques bancs du groupe Les Républicains.
Il est clair qu’à ce stade, après le long débat que nous avons eu, aussi bien au Parlement qu’au sein de la société, il est peu probable que nous tombions d’accord, surtout au détour d’un amendement.
Peut-être puis-je simplement vous convaincre de ne pas utiliser certains arguments, à commencer par celui qui consiste à dire que la prostitution a toujours existé. Guy Geoffroy a rappelé il y a un instant que les violences intrafamiliales étaient, elles aussi, une réalité séculaire.
Le viol date lui aussi de la nuit des temps, et pourtant, nous nous mobilisons ! Le code pénal a été réformé pour que le viol soit sanctionné, et nous pensons qu’il y a encore un travail important de conviction à faire au sein de la société, pour que le viol soit bien désigné comme la première et la pire des violences sexuelles faites aux femmes. Cet argument n’est pas valable.
J’en viens à l’argument selon lequel cette loi risquerait d’être inefficace ou difficile à mettre en pratique. J’ai été parlementaire, moi aussi, et même si je ne suis pas ministre de la justice ou de l’intérieur, j’ai vu de nombreuses lois pénales votées par le Parlement. Or je n’ai jamais autant entendu l’argument de l’inefficacité de la loi pénale que depuis que nous parlons de la pénalisation du client.
Si cet argument avait été utilisé à chaque fois, vous auriez voté beaucoup moins de lois pénales dans l’histoire !
Enfin, nous ne sommes pas seuls au monde : les violences sexuelles et les violences faites aux femmes sont une préoccupation de tous les pays, de toutes les organisations non gouvernementales. J’étais il y a quinze jours à l’ONU pour la réunion des ministres des droits des femmes de la commission dite de la condition féminine. Les questions de la traite, de la lutte contre la prostitution, de l’enlèvement des femmes, de la place spécifique des violences faites aux femmes dans le cadre du terrorisme sont des sujets majeurs au niveau planétaire.
Au moment où vous vous apprêtez à voter cette loi, les personnes prostituées et les associations en France ne sont pas les seules à nous regarder : partout dans le monde, des femmes attendent que la France vote cette loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Madame Dubois, je suis très étonné de votre amendement. Comment, en tant que femme, pouvez-vous écrire que cette disposition ne permet pas de « différencier la prostitution contrainte et la prostitution choisie au nom de la liberté de l’individu et de son autonomie personnelle » ? Pour vous, c’est une liberté de se prostituer ?
Je ne sais pas si vous avez une fille, mais si c’est le cas, accepteriez-vous qu’elle se prostitue ? Non ! Eh bien, ne souhaitez pas aux autres ce que vous ne souhaitez pas à votre propre fille.
Je voudrais revenir sur quelques points de l’intervention de Mme la rapporteure.
Les débats ont commencé sur les chapeaux de roue ici, d’une manière parfois un peu caricaturale. On a plutôt progressé depuis deux ans, puisqu’on n’accuse plus aujourd’hui ceux qui sont opposés à la pénalisation des clients d’être des clients potentiels, comme un parlementaire avait pu le faire au début de nos discussions.
Madame la rapporteure, jamais il n’y a eu, dans le groupe écologiste, de parlementaire favorable à la pénalisation du racolage actif, contrairement à ce que vous avez essayé d’insinuer. Personne, jamais, dans le groupe écologiste, n’a été favorable à la pénalisation du racolage. C’est même à l’initiative d’une sénatrice écologiste, Esther Benbassa, que le délit de racolage a été abrogé par l’ancienne majorité sénatoriale. Il me semble utile de remettre les choses au clair, parce que vous ne cessez de faire passer ceux qui sont opposés à la pénalisation des clients comme des partisans de la pénalisation du racolage, ce qui n’a jamais été le cas.
Par ailleurs, vous faites en permanence, comme Mme la ministre à l’instant, la confusion entre la traite, l’esclavage et la prostitution.
Sur la traite et sur l’esclavage moderne, j’allais tout simplement me référer, madame la ministre, au fameux rapport produit par votre collègue Alain Vidalies, qui dénonçait ces amalgames, cette confusion. Dans le droit français, dans le droit pénal, nous avons un arsenal qui permet de s’attaquer aux réseaux, à la traite et au proxénétisme.
Or on ne parle pas de cela ici : on parle d’actes sexuels tarifés, qui peuvent parfois avoir lieu entre un client, ou une cliente, et une personne prostituée qui le fait de manière consentante.
Vous dites bien « parfois » !
Si vous estimez qu’il ne peut pas y avoir de consentement à la prostitution, alors ne restez pas au milieu du gué et interdisez la prostitution ! Voilà où est l’hypocrisie de ce texte ! Interdisez la possibilité que donne aujourd’hui la loi de se prostituer. C’est cela qui fait que ce texte est inefficace, contre-productif et hypocrite !
Je ne tiens pas à prolonger les débats, d’autant que cet amendement et le suivant se bornent à tirer les conséquences…
Exactement ! Chacun a donné ses arguments et nous n’arriverons pas à faire évoluer la vision doctrinaire et très idéologique qui sous-tend ce texte.
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la rapporteure, les associations s’opposant à la pénalisation ne sont pas n’importe lesquelles : depuis vingt-cinq ans, elles luttent pour que les prostituées aient accès à la santé, au droit, et pour éviter la propagation de la pandémie du VIH. Il s’agit par exemple de Médecins du monde ou des Amis du bus des femmes, soit les principales associations oeuvrant pour l’accompagnement sanitaire et l’accès au droit.
L’amendement no 2 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
L’amendement no 3 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Sur l’ensemble de la proposition de loi, je suis saisi par le groupe écologiste d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Dans les explications de vote, la parole est à Mme Marie-George Buffet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Le vote de cette proposition de loi est un moment important pour notre assemblée car il s’agit d’une avancée pour toute notre société. En l’adoptant, nous ferons reculer la marchandisation du corps. L’argument selon lequel il s’agirait du plus vieux métier du monde ne tient pas car il a servi, génération après génération, à masquer les plus anciennes formes de domination patriarcale et de violences infligées aux femmes. Il est temps de s’y attaquer, comme nous l’avons fait pour les autres violences faites aux femmes, notamment en faisant du viol un crime.
L’objet de cette proposition de loi est d’affirmer que la victime est la prostituée et que les responsables de ce commerce inique sont non seulement les agents de la traite et les mafieux mais aussi les clients. Cette proposition de loi marque donc un progrès considérable, qui est à l’honneur de tous ceux qui l’adopteront aujourd’hui.
Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. Bruno Le Roux, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Même s’il peut sembler normal que le président du groupe s’exprime à l’occasion des explications de vote, je tiens à remercier Maud Olivier et Catherine Coutelle de me l’avoir demandé car c’est un honneur et une fierté pour moi que de le faire. Je salue le travail effectué sur ce texte pendant de trop nombreux mois, et dont on voit enfin l’aboutissement.
Je ne reviendrai pas sur les détails de nos débats. Je voudrais simplement dire une chose : il y a, en définitive, deux manières de considérer la prostitution. La première établit, sans toujours le dire d’ailleurs, sans toujours l’avouer, qu’il s’agit là d’un « mal nécessaire » – nous l’avons entendu dans cet hémicycle –, d’une pratique qui ressort de l’ordre immuable des choses. Cette vision-là de la prostitution se nourrit d’une sorte de fatalisme et de renoncement. Elle se nourrit également d’une vision fantasmée de la réalité, empruntant à la littérature, au cinéma, à la peinture. Elle s’inspire d’une image idéalisée et fabriquée : c’est Toulouse-Lautrec et ses danseuses ; c’est Alphonse Boudard et ses « claques » ; c’est Joseph Kessel et Belle de Jour. Elle occulte une réalité : les réseaux de la prostitution sont des réseaux mafieux, les mêmes qui se livrent au trafic d’armes, au trafic de drogue, aux trafics en tout genre. Ce sont des réseaux de l’ultra-violence, de l’esclavagisme et de la dépersonnalisation des femmes.
Et il y a une autre façon de considérer la prostitution, celle que nous retenons, qui nous anime et qui sous-tend ce texte : le système prostitutionnel est une violence faite aux femmes, qu’aucune raison, fusse celle illusoire et fausse de la liberté individuelle, ne saurait légitimer d’aucune façon. Il n’y a pas de marché possible du corps des femmes : voilà l’objet de ce texte, mes chers collègues. Voilà ce que nous affirmons aujourd’hui et qui restera comme un des acquis de cette législature.
Selon que l’on se réfère à l’une ou l’autre de ces conceptions de la prostitution – l’une bon enfant et moraliste à la fois, l’autre morale et politique – la réponse apportée par les pouvoirs publics diffère sensiblement. Là encore, dans un cas on se situe en premier lieu sur le terrain de l’ordre et de la morale publiques : on cherche à déplacer, à éloigner, à reléguer les prostituées pour éviter de voir ces passes à la va-vite, à même le sol, et ces préservatifs qui jonchent les halls de certains immeubles. La prostitution est considérée dans ce cas comme une pollution urbaine, qu’il faut traiter comme telle.
Et puis, il y a une réponse publique, qui s’attache avant tout à tendre la main à ces femmes, à sanctionner ceux qui en profitent et à combattre la traite des êtres humains. C’est ce que nous faisons avec ce texte : nous renforçons les moyens de lutte contre le proxénétisme et la traite des femmes ; nous améliorons la prise en charge des personnes prostituées ; nous renforçons la prévention des pratiques prostitutionnelles, y compris au lycée. On ne loue pas une femme comme on loue une voiture. Notre société ne doit plus le tolérer.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Mes chers collègues, nous avons rappelé pendant nos débats la Convention des Nations unies du 2 décembre 1949, que la France a ratifiée et qui établit que la prostitution est « incompatible avec la dignité et la valeur de la personne humaine ». En votant ce texte, nous respectons ce principe et la signature de la France. Je suis fier de m’exprimer, pour ces explications de vote, au nom du groupe socialiste et plus généralement de la large majorité qui s’est engagée pour ce texte – et je tiens à remercier plus particulièrement Guy Geoffroy. Nous le voterons à une large majorité.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur plusieurs bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Pourquoi faut-il adopter ce texte ? D’abord, parce qu’il est humaniste et qu’il vise à appliquer, dans le domaine de la prostitution, le principe de l’indisponibilité du corps humain, lequel devrait guider nos travaux dans beaucoup d’autres domaines également.
Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants, du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Ensuite, si la loi peut contribuer à l’évolution de la société, celle-ci servira avant tout à changer les regards sur les clients des prostituées et leurs motivations, dont on ne parle pas assez, et sur les prostituées elles-mêmes, qui ne doivent pas être considérées comme toujours coupables, comme le suggère une certaine littérature. Enfin, respecter les autres, c’est respecter le corps de l’autre. S’agissant de ces différents principes, cette proposition de loi va dans la bonne direction. Voilà pourquoi il faut la soutenir.
Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants,du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
La parole est à M. Alain Tourret, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Nous ne voterons pas cette loi, alors même qu’elle comporte une bonne disposition : la fin des sanctions contre le racolage, lesquelles étaient absolument inconcevables. Mais les poursuites et les sanctions pénales éventuelles contre les clients nous semblent inadmissibles
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Je m’exprime au nom des associations suivantes : la Ligue des droits de l’Homme, Amnesty international, Médecins du monde, la Ligue de l’enseignement, le Syndicat de la magistrature, AIDS Action Foundation, le Planning familial, le Syndicat des avocats de France, Aides, Solidarité sida, le Syndicat du travail sexuel – STRASS –, Act up, ou encore l’Alliance féministe solidaire. Au total, 200 associations disent, comme moi, qu’il ne faut pas pénaliser le client car cela ne servira à rien, si ce n’est à exposer davantage la malheureuse prostituée.
Je tiens à dénoncer la grande hypocrisie qu’il y a à soutenir une telle pénalisation. De deux choses l’une : soit la prostitution est autorisée, soit elle est interdite. Pourquoi donc n’avez-vous pas le courage de l’interdire ? Je n’aurai aucun problème avec cela ! D’autres pays, comme le Canada, l’interdisent !
Ensuite, pourquoi retenez-vous la pénalisation du client ? Vous supposez que la malheureuse prostituée est incapable d’exprimer son accord et qu’elle est, en réalité, violée. Si l’on suit votre argumentation, il s’agit effectivement d’un viol. Dès lors, comment peut-on punir un viol d’une peine d’amende ? C’est une question que j’ai posée à plusieurs reprises ! D’ailleurs, Charles de Courson est allé un peu plus loin en demandant une peine de prison. Un viol est passible de quinze ans de réclusion criminelle : chaque acte de prostitution devrait donc être qualifié de crime et être passible d’une telle peine ! Pourquoi en restez-vous à ces demi-mesures ? Pourquoi une telle hypocrisie ? Voilà pourquoi nous ne voterons pas cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur certains bancs du groupe écologiste.
La parole est à Mme Marie-Louise Fort, pour le groupe Les Républicains.
Mon propos sera très bref car je me suis déjà expliquée lors de la discussion générale. Je n’insisterai pas, comme l’a fait M. Tourret, sur le nombre des associations et des personnalités qui ne sont pas favorables à ce texte. Je me contente de souligner qu’à l’issue de deux ans de discussions, nous ne sommes pas parvenus à dégager un consensus, ni entre le Sénat et l’Assemblée, ni entre la gauche et la droite, ni même au sein des groupes – nous venons de le constater. Il ne me reste qu’à déplorer que nous n’ayons pas réussi à nous mettre d’accord, ce qui, lors de la lecture définitive, sonne comme un aveu de défaite qui n’incitera pas notre groupe – comme d’autres – à voter de manière unanime. La majorité de notre groupe s’abstiendra mais chacun de nous sera libre de son vote.
Nous l’avons suffisamment répété pendant ces deux ans de débat, la majorité du groupe écologiste votera contre ce texte. D’abord parce qu’il relève d’une « illusion suédoise » : on nous a dit qu’en Suède, la pénalisation du client avait tout réglé.
« On n’a pas dit cela ! » sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Or, selon le rapport du groupe chargé des questions liées au VIH et au SIDA du PNUD, qui est une organisation respectée, bien connue, s’appuyant sur des chercheurs et des expertises de terrain, « selon la police, le commerce sexuel dans la rue a diminué de moitié en Suède, mais globalement, il reste au niveau qu’il avait avant la promulgation de la loi, mais est devenu, en grande partie, clandestin. Il s’est déplacé dans les hôtels et les restaurants, ainsi que sur internet et au Danemark. Selon les services suédois de police judiciaire, il est devenu plus violent. Ces services s’inquiètent particulièrement de l’arrivée dans la profession de femmes étrangères, souvent entièrement contrôlées par des proxénètes. »
Dans mon opposition à ce texte, je n’ai jamais cherché à enjoliver la prostitution, ni à me référer à des romans du XIXe siècle. Mes citations et mes argumentations sont souvent rigoureuses, contrairement à ceux qui ont été pêcher chez certains auteurs classiques des références qui se sont finalement retournées contre eux. Mon argumentation, que j’ai simplement voulue efficace et pertinente, reposait sur l’efficacité de la mesure. Or l’exemple suédois montre que celle-ci n’est pas efficace et ne permet pas d’obtenir ce que vous semblez rechercher : le démantèlement des réseaux et la disparition de la prostitution.
Enfin, il y a une question sans doute plus fondamentale, qui a trait aux luttes d’émancipation et à la liberté individuelle. Je ne pense pas qu’on émancipe les gens à leur place. Je ne crois pas que l’on puisse parler à la place des victimes.
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen
Je crois, en effet, que c’est l’octroi de droits qui est un levier d’émancipation.
Tel est l’enseignement des luttes, notamment celui des luttes des femmes.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 87 Nombre de suffrages exprimés: 76 Majorité absolue: 39 Pour l’adoption: 64 contre: 12 (La proposition de loi est adoptée.) (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur quelques bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)
Prochaine séance, demain, à neuf heures trente :
Discussion du projet de loi autorisant l’accession de la France au protocole sur le statut des quartiers généraux militaires internationaux créés en vertu du Traité de l’Atlantique Nord ;
Discussion de la proposition de loi organique relative au statut des autorités administratives indépendantes créées par la Nouvelle-Calédonie ;
Discussion de la proposition de loi réformant le système de répression des abus de marché.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-huit heures.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly