On peut les applaudir en effet.
Il a fallu attendre le XXIe siècle pour qu’une loi s’attaque à toutes les violences faites aux femmes et enfin qu’une loi voie le jour contre le système prostitutionnel.
Certes, la position abolitionniste de la France date de 1960 mais, depuis, rien n’avait été fait au plan institutionnel pour faire bouger la société et modifier son regard sur la prostitution. La législation a plutôt porté sur la répression des personnes prostituées – avec la création du délit de racolage institué – que sur les moyens nécessaires pour mettre en cause le système lui-même.
Or, pour mettre en cause ce système, il faut avoir le courage de s’attaquer à tout ce qui lui permet de perdurer et de se développer. Il est nécessaire de s’attaquer à la fois aux réseaux de traite des êtres humains à l’échelle de la planète, aux individus qui en profitent, aux mafieux et proxénètes : des enquêtes montrent que cette violence qu’est la prostitution devient un nouveau marché pour des bandes de dealers qui exploitent des jeunes filles de quinze à dix-sept ans. Mais il faut s’attaquer aussi à ceux qui lui permettent d’exister. Dans cette dernière catégorie, il y a le client.
Sans client, pas de prostitution. Sans demande, pas besoin d’organiser le commerce humain ! Alors oui, pour abolir ce système inhumain, il faut responsabiliser ceux qui ont fait le choix de l’utiliser, ceux qui achètent le corps d’une femme et exercent ainsi une forme de pouvoir sur la personne concernée. Dans cet échange marchand, ce n’est pas de liberté sexuelle ou d’un prétendu « travail du sexe » qu’il s’agit, mais d’une atteinte à la dignité des victimes et des acheteurs, enchaînant les premières à une violence sans pareille et les seconds à une conception de la sexualité empreinte de frustration et de domination.
Avec cette proposition de loi, nous travaillons à délégitimer cette violence et la banalisation de la marchandisation du corps.
Nous oeuvrons, avec cette loi, à éduquer les jeunes au respect de l’intégrité physique et psychique de chaque individu. C’est une nécessité pour construire un avenir d’émancipation pour les générations futures.
Nous faisons oeuvre d’éducation, en donnant à voir à la société toute entière que le client n’est pas un modèle, mais au contraire un contrevenant à la loi, responsable d’un acte délictueux.
Nous ne sommes donc pas ici en présence d’un débat sur la morale ou sur l’immoralité. Non, nous menons un débat – de fait un combat – contre un rapport de domination, avec ses victimes et ses bourreaux. Nous agissons contre une violence, contre des souffrances physiques et psychologiques auxquelles sont astreintes les personnes prostituées.
Non, la prostitution n’est pas le plus vieux métier du monde, c’est la plus vieille domination subie par la femme.