Cet amendement touche à ce qui constitue le coeur de nos discussions depuis plus de deux ans. Il tend à supprimer l’article 16, qui instaure la pénalisation de l’achat de tout acte sexuel tarifé.
Ma position, si elle n’est pas massivement partagée dans cet hémicycle, l’est par un certain nombre d’acteurs de l’accompagnement des personnes prostituées dans leur accès aux droits et à la santé. C’est le cas par exemple d’associations comme « Les amis du bus des femmes », « Médecins du monde », ou encore « Aides » qui, depuis plus de trente ans, lutte pour l’accès aux médicaments et contre le VIH. C’est d’ailleurs aussi le cas de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, qui s’est à nouveau opposée à cette mesure dans son avis du 22 mai 2014.
Les arguments contre la pénalisation des clients sont connus : ces mesures fragilisent, excluent et rejettent les prostituées dans les périphéries, où elles tombent parfois entre les mains de clients violents ; elles ne permettent pas un accompagnement sanitaire efficace ; enfin, elles rendent plus difficiles l’accès aux droits. Nul n’a été capable, au cours de nos débats, de nous démontrer la pertinence et l’efficacité réelle de cette mesure.
J’ai rappelé tout à l’heure que la pénalisation, en Suède, n’a pas mis fin à la prostitution, mais qu’elle l’a seulement déplacée. Par ailleurs, alors que 450 hommes ont été condamnés à une amende pour achat de sexe, seules deux personnes ont été condamnées, dans le même temps, pour traite à des fins sexuelles. Cette mesure, dont on nous dit qu’elle permettra de démanteler les réseaux et de mettre à bas les agents de la traite, n’est absolument pas efficace, comme le montre le cas suédois. Elle reste une mesure très doctrinaire, relativement idéologique, sans efficacité réelle sur ce qui devrait nous rassembler, à savoir la lutte contre les réseaux de proxénétisme. Elle est en tout cas très contre-productive et dangereuse pour les prostituées et les prostitués eux-mêmes.