Même s’il peut sembler normal que le président du groupe s’exprime à l’occasion des explications de vote, je tiens à remercier Maud Olivier et Catherine Coutelle de me l’avoir demandé car c’est un honneur et une fierté pour moi que de le faire. Je salue le travail effectué sur ce texte pendant de trop nombreux mois, et dont on voit enfin l’aboutissement.
Je ne reviendrai pas sur les détails de nos débats. Je voudrais simplement dire une chose : il y a, en définitive, deux manières de considérer la prostitution. La première établit, sans toujours le dire d’ailleurs, sans toujours l’avouer, qu’il s’agit là d’un « mal nécessaire » – nous l’avons entendu dans cet hémicycle –, d’une pratique qui ressort de l’ordre immuable des choses. Cette vision-là de la prostitution se nourrit d’une sorte de fatalisme et de renoncement. Elle se nourrit également d’une vision fantasmée de la réalité, empruntant à la littérature, au cinéma, à la peinture. Elle s’inspire d’une image idéalisée et fabriquée : c’est Toulouse-Lautrec et ses danseuses ; c’est Alphonse Boudard et ses « claques » ; c’est Joseph Kessel et Belle de Jour. Elle occulte une réalité : les réseaux de la prostitution sont des réseaux mafieux, les mêmes qui se livrent au trafic d’armes, au trafic de drogue, aux trafics en tout genre. Ce sont des réseaux de l’ultra-violence, de l’esclavagisme et de la dépersonnalisation des femmes.
Et il y a une autre façon de considérer la prostitution, celle que nous retenons, qui nous anime et qui sous-tend ce texte : le système prostitutionnel est une violence faite aux femmes, qu’aucune raison, fusse celle illusoire et fausse de la liberté individuelle, ne saurait légitimer d’aucune façon. Il n’y a pas de marché possible du corps des femmes : voilà l’objet de ce texte, mes chers collègues. Voilà ce que nous affirmons aujourd’hui et qui restera comme un des acquis de cette législature.
Selon que l’on se réfère à l’une ou l’autre de ces conceptions de la prostitution – l’une bon enfant et moraliste à la fois, l’autre morale et politique – la réponse apportée par les pouvoirs publics diffère sensiblement. Là encore, dans un cas on se situe en premier lieu sur le terrain de l’ordre et de la morale publiques : on cherche à déplacer, à éloigner, à reléguer les prostituées pour éviter de voir ces passes à la va-vite, à même le sol, et ces préservatifs qui jonchent les halls de certains immeubles. La prostitution est considérée dans ce cas comme une pollution urbaine, qu’il faut traiter comme telle.
Et puis, il y a une réponse publique, qui s’attache avant tout à tendre la main à ces femmes, à sanctionner ceux qui en profitent et à combattre la traite des êtres humains. C’est ce que nous faisons avec ce texte : nous renforçons les moyens de lutte contre le proxénétisme et la traite des femmes ; nous améliorons la prise en charge des personnes prostituées ; nous renforçons la prévention des pratiques prostitutionnelles, y compris au lycée. On ne loue pas une femme comme on loue une voiture. Notre société ne doit plus le tolérer.