Intervention de Ericka Bareigts

Séance en hémicycle du 7 avril 2016 à 9h30
Statut des autorités administratives indépendantes créées par la nouvelle-calédonie — Présentation

Ericka Bareigts, secrétaire d’état chargée de l’égalité réelle :

Monsieur le président, mesdames, messieurs, nous examinons en première lecture la proposition de loi organique relative au statut des autorités administratives indépendantes créées par la Nouvelle-Calédonie et adoptée par le Sénat le 18 novembre dernier.

Il n’est jamais anodin de modifier le statut de la Nouvelle-Calédonie. La loi organique du 19 mars 1999 a, je le rappelle, été adoptée à l’issue du protocole de Nouméa, qui a prolongé les accords de Matignon signés en 1988 à l’issue de la fameuse poignée de main entre Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur.

Ce statut régit depuis plus de quinze ans la Nouvelle-Calédonie. Il a permis de tourner définitivement la page des années 1980 et dépasser les antagonismes pour construire « un avenir commun ».

La modification de la loi organique du 19 mars 1999 qui vous est proposée permettra à la Nouvelle-Calédonie de se doter, je l’espère, d’un cadre juridique équilibré de nature à permettre l’installation d’autorités administratives indépendantes sur le territoire.

Au-delà du débat général, il s’agit en particulier, vous le savez, d’aider les autorités calédoniennes à mettre en place une autorité locale de la concurrence.

La Nouvelle-Calédonie détient en effet de larges compétences en matière de régulation économique. À ce titre, une réflexion a été engagée sur la levée des obstacles à la libre concurrence depuis plusieurs années. Comme dans d’autres territoires ultramarins, les prix des biens de consommation courante demeurent en effet élevés en Nouvelle-Calédonie.

Plusieurs raisons expliquent cet état de fait : il y a bien entendu les difficultés touchant à l’insularité et à l’éloignement des circuits de distribution, mais il y a également l’excessive concentration de l’économie calédonienne. Ce constat est largement partagé au niveau local. Dans certains secteurs, le nombre limité d’opérateurs révèle l’existence d’obstacles à la concurrence, à cause desquels les prix restent à un niveau élevé.

En 2013, le législateur organique a donc modifié la loi statutaire de 1999 pour donner la possibilité à la Nouvelle-Calédonie de créer des autorités administratives indépendantes.

Exploitant cette nouvelle possibilité, la Nouvelle-Calédonie a adopté la loi du pays du 24 avril 2014 créant une autorité de la concurrence. Selon les termes de cette loi du pays, l’autorité ainsi établie « doit veiller au libre jeu de la concurrence en Nouvelle-Calédonie et au fonctionnement concurrentiel des marchés en Nouvelle-Calédonie. » Cette démarche est à saluer.

Composée d’un président et de trois autres membres nommés pour une durée de cinq ans, cette autorité locale de la concurrence est donc appelée à exercer en toute indépendance les prérogatives dévolues au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie en matière de lutte contre les pratiques anticoncurrentielles.

Des précautions ont été prises pour garantir l’impartialité des décisions prises par cette autorité. Une règle de déport a notamment été introduite et un dispositif a été prévu pour prévenir les conflits d’intérêts. Toutefois, en dépit de ces avancées juridiques, l’autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie n’a toujours pas commencé ses travaux.

Pour la désignation des membres qui la composent, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie se heurte en effet à l’excessive rigueur du régime des incompatibilités. En effet, si la question du président de l’autorité de la concurrence ne pose pas de difficultés sérieuses, dès lors que celui-ci exerce son office à temps plein, celle des autres membres du collège est plus délicate, dans la mesure où ils n’exercent leurs fonctions qu’en parallèle de leur activité principale.

En pratique, il s’est avéré difficile d’identifier des personnalités qualifiées dont l’activité principale ne tombe pas sous le coup des incompatibilités voulues par le législateur organique. Le besoin s’est donc fait ressentir d’abaisser quelque peu les garde-fous mis en place en 2013. Il importe en effet d’aider le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie à pourvoir aux postes de cette nouvelle autorité de la concurrence.

C’est pourquoi nous avons cherché le vecteur législatif approprié, la loi du 5 août 2015 relative à la consultation sur l’accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté ne remplissant pas cette fonction compte tenu du caractère très particulier de son objet. Nous avons convenu qu’un texte dédié serait plus opportun pour lever les difficultés techniques qui nous occupent aujourd’hui.

Deux propositions de loi organique ont finalement émergé : l’une au Sénat et l’autre à l’Assemblée nationale. Je ne peux que me réjouir de ce volontarisme législatif ! C’est l’occasion pour le Gouvernement de saluer le travail effectué par Mme la sénatrice Catherine Tasca et par vous, monsieur le rapporteur, cher Philippe Gomes.

Ces deux textes, dans les deux assemblées, avaient fait l’objet d’un examen à une semaine d’intervalle, les 18 et 26 novembre dernier. Grâce à une coordination étroite entre les deux auteurs des propositions de loi organique, il a été possible d’aboutir à une rédaction commune. Le Gouvernement remercie le député René Dosière qui a beaucoup oeuvré pour atteindre une solution de compromis. Le texte aujourd’hui soumis à votre assemblée ne vous est donc pas inconnu.

Sur le fond, la proposition de loi organique propose de modifier l’article 27-1 de la loi organique du 19 mars 1999. Elle limite l’incompatibilité applicable aux membres d’une autorité administrative indépendante aux seuls emplois publics exercés sur ce territoire. En d’autres termes, un fonctionnaire d’État, tel qu’un universitaire ou un magistrat, pourra exercer les fonctions de membre de l’autorité administrative indépendante.

En revanche, votre commission des lois a choisi d’amender la proposition initiale en maintenant un régime plus rigoureux pour le président de l’autorité. Cet amendement fait suite aux observations en ce sens du Congrès de la Nouvelle-Calédonie.

Le texte propose également la mise en place d’un délai de carence appelé à faire obstacle à la désignation d’une personnalité qualifiée si, au cours des trois années précédant sa nomination, elle a exercé un mandat électif ou un emploi public ou détenu des intérêts considérés comme incompatibles avec ses fonctions. Cette mesure, également souhaitée par le Congrès de Nouvelle-Calédonie, doit permettre de renforcer les garanties d’impartialité des autorités administratives indépendantes créées par la Nouvelle-Calédonie.

La proposition trouve ainsi un équilibre plus réaliste entre l’obligation d’impartialité, d’une part, et la nécessité de désigner des personnalités qualifiées à l’expérience reconnue d’autre part. L’approche consensuelle et transpartisane qui a présidé à la rédaction de ce texte doit être saluée, car elle s’inscrit résolument dans l’engagement constant du Gouvernement à lutter contre la vie chère dans nos outre-mer en général et en Nouvelle-Calédonie en particulier.

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