Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, la proposition de loi que je vous présente, adoptée à l’unanimité par la commission des lois, vise à permettre aux collectivités territoriales de recourir à la procédure de déclassement anticipé déjà mise en oeuvre par l’État et les établissements publics de santé.
Lors de l’examen de cette proposition de loi, les membres de la commission des lois – quels que soient les bancs sur lesquels ils siègent – ont souligné que les collectivités territoriales et leurs groupements disposent de moyens limités pour gérer leur patrimoine. Or celui-ci n’a cessé de croître au cours des dernières années, notamment du fait du transfert de certaines compétences auparavant exercées par l’État. Elles se retrouvent ainsi souvent propriétaires de biens immobiliers qui ne répondent plus tout à fait aux besoins des services publics situés sur leurs territoires, et qui peuvent représenter des charges importantes.
La logique voudrait qu’en bonnes gestionnaires, les collectivités puissent alors céder ces biens pour financer des rénovations, des acquisitions ou la construction de nouveaux équipements. Or la cession de biens relevant du domaine public obéit à des règles très strictes : ces biens ne sont ni aliénables, ni prescriptibles. Par conséquent, pour permettre leur cession, il faut, dans un premier temps, les déclasser, c’est-à-dire les transférer du domaine public au domaine privé.
Il faut pour cela satisfaire une condition préalable : le bien cédé ne doit plus être matériellement affecté à un service public, dans le cas d’un bâtiment, ou à un usage public, dans le cas – par exemple – d’une place de parking, ou d’un parking entier. Dans le cas contraire, la vente est annulée.
Cette procédure protège le domaine public, mais elle peut conduire à des contentieux et empêcher des cessions justifiées et utiles à la mise en oeuvre d’une bonne stratégie de valorisation patrimoniale. Par conséquent, une dérogation à cette procédure a été introduite sous la forme d’un déclassement anticipé, prévu par l’article L. 2141-2 du code général de la propriété des personnes publiques. Concrètement, cet article prévoit que pour répondre à des nécessités de service public, il est possible de déclasser et de céder un bien tout en y maintenant des services pour une durée limitée à trois années après la cession.
Ce délai présente plusieurs avantages. En premier lieu, les personnes publiques concernées peuvent utiliser le produit de la vente pour financer l’acquisition de nouveaux immeubles destinés à accueillir les services sans avoir à déménager ces derniers au préalable ; cela représente donc pour elles une économie. En second lieu, ce type de cession peut être intéressant pour certains promoteurs ou bailleurs qui disposent ainsi du temps nécessaire pour instruire les démarches relatives à la transformation des biens cédés.
Compte tenu de ces avantages indéniables, il est dommage que le champ des personnes publiques concernées par cette procédure soit restreint à l’État et ses établissements publics – auxquels s’ajoutent, depuis 2009, les établissements publics de santé. C’est pourquoi je propose par ce texte, avec l’appui de la commission des lois, de l’étendre aux collectivités territoriales.
Cette proposition n’est pas nouvelle : plusieurs parlementaires ont, au cours des dernières années, interrogé les gouvernements successifs quant à l’opportunité d’étendre cette procédure aux collectivités territoriales, et déposé des amendements en ce sens.
Lors des travaux de préparation de ce texte, plusieurs acteurs locaux se sont également prononcés en sa faveur : l’Association des maires de France, l’Association des départements de France et, tout récemment, l’Association des régions de France. Par ailleurs, le Congrès des notaires en avait également fait la recommandation en 2013 dans son rapport sur les propriétés publiques.
Je me réjouis donc, avec tous les membres de la commission des lois, que la position du Gouvernement ait évolué sur ce sujet. Alors qu’il avait opposé aux parlementaires l’absence de bilan de la procédure de déclassement anticipé et le risque financier encouru par les collectivités territoriales, il semble désormais favorable à cette mesure, sous deux conditions qui me semblent tout à fait bienvenues : la première est que le recours à cette procédure par les collectivités territoriales reste exceptionnel et évidemment justifié par une nécessité de service public, comme cela est actuellement le cas pour l’État et les établissements publics de santé ; la seconde est que les risques financiers liés à l’éventuelle annulation de la vente dans le cas où les biens cédés n’auraient pas été désaffectés dans les délais impartis soient couverts par un provisionnement initial suffisant. Je souligne que les dispositions que nous avions adoptées en ce sens en commission seront utilement précisées par deux amendements de notre collègue Hugues Fourage, qui visent respectivement, à ce que les modalités de ce provisionnement soient prévues au code général des collectivités territoriales et à ce que la délibération motivée sur la mise en oeuvre de cette procédure par l’organe délibérant de la collectivité concernée s’accompagne d’une étude d’impact pluriannuelle intégrant le risque financier en cas de résolution de la vente.
Sur le fondement de cette présentation, je vous invite, mes chers collègues, à adopter ces deux amendements de précision ainsi bien évidemment que cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains, du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe socialiste, républicain et citoyen.)