Intervention de Maina Sage

Séance en hémicycle du 28 avril 2016 à 15h00
Extension aux collectivités territoriales du mécanisme de déclassement anticipé — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMaina Sage :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, ainsi que tous les collaborateurs, chers collègues, dans la période budgétaire contrainte que nous connaissons, la gestion patrimoniale des collectivités territoriales constitue un enjeu primordial de bonne gouvernance. Opéré depuis les lois de décentralisation, le transfert de compétences de l’État vers les collectivités a encouragé ces dernières à faire des investissements supplémentaires pour répondre aux besoins de leurs territoires.

En trente ans, le patrimoine global des collectivités a ainsi triplé, pour atteindre 242 milliards d’euros en 2008. Inévitablement, cette extension du patrimoine a entraîné une hausse des charges d’entretien et de rénovation des propriétés existantes.

Les collectivités territoriales, qui ont une connaissance concrète des besoins de leur territoire, sont donc confrontées au même défi patrimonial que l’État. Elles sont, par ailleurs, fortement mises à contribution pour réduire le niveau des dépenses publiques.

Dans la législation française, comme l’ont expliqué tous les intervenants, les conditions de sortie du domaine public et de cession des biens concernés sont extrêmement encadrées. Pour être cédés, les biens publics doivent en effet faire l’objet d’une décision de désaffectation préalable ou concomitante à l’acte de déclassement du domaine public vers le domaine privé. Tant que l’affectation demeure, il est considéré que le bien appartient au domaine public et le déclassement est illégal. Cela s’explique par la volonté de prévoir un régime protecteur des propriétés matériellement affectées à une utilité publique, régi par deux principes fondamentaux, que Pierre Morel-A-L’Huissier vient de rappeler, l’inaliénabilité et l’imprescriptibilité.

Si la préservation d’un tel régime est nécessaire, il comporte tout de même quelques inconvénients. En premier lieu, il peut représenter une entrave à la continuité du service public puisque, dans certains cas, seule son interruption temporaire permet de respecter les termes de la loi. Ensuite, les biens désaffectés sont de fait inutilisés pendant des délais difficilement compressibles. Enfin, le financement des nouvelles installations doit intervenir en amont de la vente, pour en limiter l’interruption, et ne peut ainsi être minoré du prix de la cession des biens existants.

Par ailleurs, si une collectivité veut céder un terrain sportif, elle ne peut le faire sans démontrer que le bien n’est plus affecté au service sportif. Cela nécessitera d’arrêter les activités sur une période significativement longue.

Autre exemple : la cession d’un terrain servant de parking et sur lequel des logements seront construits à terme. Le terrain restera désaffecté pendant des mois, avant que l’acte authentique de vente ne soit signé. Toutes ces difficultés justifient la nécessité d’assouplir la procédure de droit commun, qui conduit aujourd’hui à immobiliser certains biens sur de longues périodes, parfois au détriment du bon fonctionnement des services publics locaux.

Il y a dix ans, le législateur avait mis en place une procédure de régime dérogatoire permettant à l’État et à ses établissements publics de déclasser et de céder un bien sans que celui-ci ne soit matériellement désaffecté, à la condition que sa désaffectation intervienne dans un délai maximal de trois ans après la cession.

Ce déclassement par anticipation permet aux personnes publiques concernées par la vente d’immeubles encore occupés, de financer par exemple la construction des immeubles dans lesquels les services intéressés pourront être transférés. Il convenait d’étendre aux collectivités territoriales cette procédure, réservée jusqu’à présent à l’État et à ses établissements publics. Nous considérons donc que ce texte présente une évolution législative utile et nécessaire. C’est pourquoi nous le soutiendrons.

Contrairement aux idées reçues, à notre sens, ce dispositif permet surtout aux collectivités de dégager des économies importantes. En 2013, un rapport de la Cour des comptes indiquait ainsi qu’« une meilleure gestion du patrimoine immobilier peut donner aux collectivités des marges de manoeuvre budgétaires non négligeables, dans un cadre financier durablement contraint ». De nombreux exemples ont été cités, qui démontrent la nécessité d’appliquer ce dispositif à nos territoires.

Ce sujet a fait l’objet de plusieurs questions orales et écrites des parlementaires. De plus, plusieurs acteurs tels que l’Association des maires de France, l’Assemblée des départements de France ou le Congrès des notaires se sont prononcés en faveur de l’extension de ce dispositif aux collectivités territoriales.

Alors que le Gouvernement avait plusieurs fois repoussé cette évolution, arguant notamment de la nécessité de dresser un premier bilan de cette procédure dérogatoire, nous sommes heureux du consensus auquel nous sommes finalement parvenus. Les amendements adoptés permettent au groupe de l’Union des démocrates et indépendants de voter ce texte qui permettra une gestion plus dynamique et efficace du patrimoine des collectivités territoriales.

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