Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, mes chers collègues – nombreux sur ce sujet d’importance –, la proposition de loi visant à étendre aux collectivités territoriales le mécanisme de déclassement anticipé est intéressante, en ce qu’elle s’inscrit dans une volonté de gestion active du patrimoine de ces collectivités.
En effet, elle entend donner aux collectivités la possibilité d’user de la disposition dérogatoire permettant qu’un bien, sous réserve des nécessités de service public, puisse être déclassé et cédé, sans qu’il ne soit matériellement désaffecté, à la condition que sa désaffectation intervienne dans un délai maximal de trois ans au plus après la cession.
Cette procédure de déclassement anticipé permet de céder des immeubles dans lesquels les services publics sont maintenus pour une durée limitée, et d’utiliser le produit de la vente pour financer, par exemple, la construction de nouveaux bâtiments ayant vocation à les accueillir. La continuité du service public est ainsi préservée.
Il s’agit alors de simplifier et de favoriser la capacité des collectivités locales à gérer leur domaine public, et, comme cela a été rappelé, de rendre toujours plus effective la libre administration des collectivités locales. Celles-ci pourront ainsi dégager des moyens budgétaires importants. Selon le rapport annuel de la Cour des comptes de 2013, « il ressort des constats effectués qu’une meilleure gestion du patrimoine immobilier peut donner aux collectivités des marges de manoeuvre budgétaires non négligeables dans un cadre financier durablement contraint. »
Il est vrai que les règles du domaine public sont particulières, notamment en matière d’inaliénabilité et d’imprescriptibilité, deux principes qui visaient, à l’origine, à protéger le domaine royal. Cette proposition de loi permet de faciliter les opérations en la matière : il en va de la bonne gestion du patrimoine des collectivités territoriales.
En effet, le droit actuel prévoit que les biens, pour être déclassés puis cédés, ne puissent plus être affectés à un service public. Cela peut se traduire par le maintien de biens inutilisés dans le patrimoine des collectivités pendant des périodes parfois longues. Le produit de la vente de ces biens n’est alors pas disponible pour financer la construction de nouveaux bâtiments destinés au transfert des services, puisque ces bâtiments doivent être disponibles avant la désaffectation afin d’assurer la continuité du service public.
Par ailleurs, nous avons souhaité encadrer ce dispositif dérogatoire pour éviter certaines difficultés, notamment en motivant la décision de déclassement, et ainsi protéger les collectivités car le risque financier est grand. Je sais, madame la secrétaire d’État, que vous y êtes sensible.
Une opération de déclassement ou de désaffectation est en effet susceptible de faire l’objet de recours et de difficultés, qui peuvent conduire à son abandon. Aussi, les conditions de résolution de la vente devraient obligatoirement être connues lors de la signature du contrat. Il est donc nécessaire de garantir la commune qui lance une telle opération immobilière.
En ce sens, l’amendement déposé par Mme la rapporteure en commission des lois a beaucoup compté dans notre décision de soutenir cette proposition de loi. Il précisait que l’acte de vente d’un immeuble cédé dans le cadre d’une procédure de déclassement anticipé doit comporter une clause obligatoire indiquant les conséquences de la résolution de la vente en cas d’absence de désaffectation effective du bien dans les délais impartis.
Il prévoyait également que le recours à cette procédure par les collectivités locales, leurs groupements ou leurs établissements publics locaux serait conditionné à une décision motivée de leur assemblée délibérante.
C’est avec le même objectif que nous proposons deux amendements. Le premier tend à ouvrir aux collectivités territoriales un nouveau cas de provisionnement pour risque, qui couvrirait uniquement le montant des pénalités inscrites dans la clause résolutoire de l’acte de vente. Le deuxième, toujours pour tenir compte du risque financier pris par la collectivité locale, vise à permettre à l’organe délibérant de se prononcer sur le projet de cession en tenant compte de l’éventuel aléa. Une étude d’impact pluriannuelle permettra de mettre en perspective, à court et moyen terme, l’ensemble des avantages et éventuels inconvénients liés à l’opération envisagée. Cela garantirait la faisabilité du projet, tout en permettant à l’organe délibérant de se prononcer au vu de l’impact attendu sur les finances locales de la collectivité. Je remercie la rapporteure d’avoir donné un avis favorable sur ces deux amendements.
Pour conclure, nous serons favorables à la proposition de loi. La disposition qu’elle contient figure d’ailleurs à l’article 15 du projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dit « Sapin II », via un projet d’ordonnance qui va dans le même sens ; mais, dans un souci de cohérence, nous souhaitons utiliser plutôt le véhicule législatif, plus respectueux du Parlement et plus rapide. C’est pourquoi nous voterons ce texte.