Monsieur le président, monsieur le rapporteur, madame la présidente de la commission, mesdames, messieurs les députés, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi visant à mieux définir l’abus de dépendance économique.
Comme l’indiquent les auteurs du texte dans l’exposé des motifs, il s’agit de revenir une nouvelle fois sur les déséquilibres des relations commerciales entre la grande distribution et ses fournisseurs. J’ajouterai qu’il s’agit sans doute également, dans le contexte que nous connaissons – vous l’avez dit, monsieur le rapporteur –, de répondre en partie à la crise que traversent certaines filières agricoles.
Il est vrai que la crise que nous traversons aujourd’hui est particulièrement préoccupante. Comme vous le savez, plusieurs filières sont en grande difficulté. Les producteurs ne parviennent pas toujours à vendre leurs produits à un prix qui leur garantisse une juste rémunération, ce qui pèse sur leur capacité à investir ou à innover. En aval, les négociations commerciales sont de plus en plus difficiles entre les fournisseurs et les distributeurs, particulièrement après le rapprochement récent des enseignes de la grande distribution, qui a renforcé le pouvoir de négociation de ces dernières.
Face à ce constat inquiétant, le Gouvernement s’est mobilisé sans relâche : de nombreuses mesures très importantes ont été prises depuis le début du quinquennat et d’autres seront prises dans les prochaines semaines. Ainsi, la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation a renforcé les moyens d’action et de sanction des services de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. En outre, des ajustements de fond au dispositif d’encadrement des relations commerciales ont permis notamment de lutter contre la pratique des délais de paiement ou de renforcer la transparence de la relation commerciale. La loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques a également apporté quelques ajustements aux règles d’encadrement des relations commerciales et a encore renforcé le dispositif de sanction. Ces lois ont permis de renforcer le dispositif de régulation pour mettre un terme à des pratiques abusives persistantes.
Par ailleurs, la DGCCRF, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, a exercé une vigilance accrue pendant les négociations qui se sont achevées le 29 février dernier : 151 établissements ont été contrôlés entre le 1er novembre 2015 et le 1er mars 2016, soit deux fois plus que l’année dernière pour la même période. Les services d’enquête ont en outre effectué une perquisition dans les locaux d’une enseigne de la grande distribution le 9 février 2016, et d’autres vont suivre. Le Gouvernement proposera encore des solutions concrètes dans le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dit Sapin 2, qui sera bientôt examiné par votre assemblée.
J’en viens à présent à la proposition de loi examinée aujourd’hui. L’Autorité de la concurrence a rendu en mars 2015, à la demande du ministre de l’économie et de la commission des affaires économiques du Sénat, un avis sur les risques engendrés pour la concurrence par les accords de coopération à l’achat entre enseignes de la grande distribution. Dans son avis, l’Autorité recommandait d’instaurer une obligation légale d’information préalable de tout nouvel accord de rapprochement. Cette obligation a été introduite dans la loi d’août 2015. L’Autorité proposait également une modification législative pour appréhender ces accords sous l’angle de la notion d’abus de dépendance économique en assouplissant la définition de ce délit, tout en se montrant prudente, à juste titre, sur cette proposition.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui reprend cette deuxième proposition de l’Autorité, qui avait été examinée et écartée lors de l’examen de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. Le principal objectif de la proposition de loi est de protéger les fournisseurs de la grande distribution alimentaire dans un contexte où le rapport de forces entre fournisseurs et distributeurs est fortement déséquilibré. On ne peut que souscrire à un tel objectif. Pour autant, je suis très réservée sur cette proposition,…