Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, notre assemblée examine aujourd’hui un texte qui s’attache à rendre plus effectif le dispositif de lutte contre les abus de dépendance économique.
Le sujet de la régulation et du rééquilibrage des négociations commerciales n’est pas nouveau dans cet hémicycle, cela a été rappelé. Il a déjà fait l’objet de discussions au cours des législatures précédentes et actuelle. Dans le contexte de rapprochement des centrales d’achat dans la grande distribution et de crise agricole, il est nécessaire de retrouver un meilleur équilibre des forces entre l’ensemble des acteurs des négociations commerciales, tant dans le secteur agricole que dans le secteur industriel. Cette guerre commerciale a également des conséquences importantes sur la disparition des commerces de proximité dans les centres-villes. Nous aurons l’occasion d’en discuter le 16 mai prochain en commission des affaires économiques lors d’une table ronde organisée sur le sujet.
Des mesures ont déjà été prises au cours de l’actuelle législature afin de lutter contre les excès des négociations commerciales. Le montant des sanctions pour pratiques commerciales trompeuses ou agressives peut désormais atteindre 10 % du chiffre d’affaires annuel depuis la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation. Le montant des sanctions pour pratiques commerciales restrictives de concurrence a également été relevé dans le cadre de l’examen du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques : il peut désormais atteindre 5 % du chiffre d’affaires. Grâce à l’adoption d’un amendement devenu l’article 37 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, défendu par mon prédécesseur, François Brottes, il existe désormais, dans le code du commerce, une obligation d’information préalable de l’autorité de régulation en cas de rapprochement à l’achat entre distributeurs.
Les contrôles de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes contre les pratiques commerciales abusives ont été renforcés : le nombre de contrôles s’est accru de 70 % par rapport à l’année passée. Ces contrôles ont mené à une perquisition chez une grande enseigne de la distribution en pleine période de négociations commerciales.
La proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui s’inscrit dans cette dynamique de régulation des échanges. Elle s’inspire d’une proposition de l’Autorité de la concurrence dans son avis du 31 mars 2015. Elle réforme l’article L. 420-2 du code du commerce en assouplissant les critères de qualification de l’abus de dépendance économique, notion juridique ancienne quasiment tombée en désuétude aujourd’hui. Son adoption rendrait ainsi effective une sanction qui pourrait déjà en théorie être prononcée dans le cadre d’une procédure introduite devant l’autorité de la concurrence, mais dont la mise en oeuvre est jugée trop complexe. L’autorité administrative indépendante aurait ainsi la possibilité de lutter de manière plus efficace contre les nombreuses pratiques abusives qui ont cours actuellement, telles que les menaces de déréférencement, les demandes de compensation de perte de marge émises avant même la discussion des conditions de vente de l’année à venir, ou encore la facturation de prestation de promotion des produits.
Aussi la mesure fait-elle consensus au sein de notre groupe. Redéfinir l’abus de dépendance économique est une des préoccupations des parlementaires de la commission des affaires économiques ayant travaillé sur le sujet. C’est la proposition no 22 du rapport d’information de Mme Le Loch et de M. Benoit sur l’avenir des filières d’élevage, sur lequel M. Abad a également travaillé, et qui a été déposé par la commission des affaires économiques il y a moins d’un mois, le 30 mars 2016.
Déjà, en octobre 2015, dans leur rapport sur l’application de la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation, Mme Le Loch et M. Philippe Armand Martin insistaient sur l’indispensable pacification des relations commerciales, qui a fait l’objet d’un travail consensuel au sein de notre commission. Certes, le texte a suscité des inquiétudes depuis quelques jours et encore ce matin, un peu tardivement, il faut bien l’admettre. Je ne doute pas que le travail que mèneront M. le rapporteur Abad et M. Accoyer, premier signataire de la proposition de loi, dans le cadre de la navette parlementaire sera à même de les lever voire d’apporter des solutions.
J’ai dit ce matin à M. Abad, lors de notre réunion tenue en application de l’article 88 du règlement, que je lui fais pleinement confiance pour échanger avec l’ensemble des professionnels afin de lever leurs inquiétudes. Je ne doute pas que le Gouvernement sera également à leur écoute et à leurs côtés pour mener ce travail indispensable. Nous travaillons dans un esprit de responsabilité et de consensus. Notre rôle ne consiste pas à mettre en difficulté les TPE et les PME. Sur ce point, je sais que nous partageons tous les mêmes préoccupations.