L’ironie de la politique menée par votre majorité est que vos dispositifs censés lutter contre la récidive n’ont fait qu’abaisser les barrières qui la prévenaient. Vous avez en effet abrogé toutes les règles qui visaient à l’endiguer. Pendant quatre ans, la politique menée par Mme Taubira a rendu notre justice incapable de faire exécuter les peines qu’elle prononce en diffusant un message d’impunité, message largement entendu par les délinquants.
Avec son départ, grand fut l’espoir d’une inflexion de la politique pénale… Toutefois, au regard de la continuité observée entre la politique menée par l’ancienne et l’actuel garde des sceaux, on ne peut que regretter que le legs idéologique de Mme Taubira ait été accepté par son successeur.
Pour que la justice fonctionne correctement, la France doit impérativement rattraper son retard en termes de construction de places de prison en mettant en place une politique carcérale intelligente. Nous proposons de construire 20 000 places supplémentaires en cinq ans pour répondre aux besoins, ce qui nous situerait seulement dans la moyenne européenne en proportion de la population. Il n’y a plus à tergiverser car c’est une condition sine qua non pour mettre un terme au paradoxe actuel : la délinquance explose pendant que le nombre de détenus ne cesse de diminuer. Pour répondre de manière adéquate aux différents types de peines et de délinquants, l’investissement dans des prisons diversifiées et adaptées sera plus que jamais nécessaire.
À présent, pour nos concitoyens, le laxisme actuel n’est plus supportable. Nous devons dorénavant tourner le dos à la culture de la déresponsabilisation et de l’excuse. L’État de droit doit être fort, et l’autorité de l’État rétablie.
Pour conclure, je dirai que si nous observons avec un peu de recul l’architecture de la justice que vous voulez mettre en place, nous ne pouvons qu’être atterrés. En effet, en conjuguant votre souhait de modifier la composition du Conseil supérieur de la magistrature de manière à y rétablir une majorité de magistrats – cette réforme constitutionnelle n’attendant qu’un Congrès pour être mise en oeuvre – avec les dispositions ayant pour vocation à rendre le parquet indépendant de l’exécutif, vous vous apprêtez à mettre à mal le principe de l’uniformité de la politique pénale sur l’ensemble du territoire de la République ou, à tout le moins, à en déléguer la définition aux syndicats de magistrats représentés au sein du Conseil supérieur de la magistrature puisque votre volonté est que celui-ci, et non plus le Gouvernement, soit désormais en charge des nominations du parquet. Vous allez ainsi accroître la distance entre les citoyens et la justice en éloignant un peu plus cette dernière de la démocratie.
Comment justifierez-vous alors, ou plutôt comment vos successeurs justifieront-ils auprès de nos concitoyens, qui les auront démocratiquement élus, leur incapacité à définir une politique pénale suivie d’effet ? Vous allez invoquer sans doute la position de la Cour européenne des droits de l’homme sur l’indépendance des procureurs, mais je rappelle que ces derniers tiennent une place bien différente dans notre système juridique que leurs homologues dans le droit anglo-saxon auquel se réfère en permanence la Cour européenne : les premiers représentent la société et mènent leurs investigations à charge et à décharge quand les seconds, représentants de l’accusation, n’instrumentent qu’à charge. Là aussi, comme dans bien d’autres domaines, vous capitulez face à la tentation hégémonique du droit anglo-saxon.
Votre projet de loi n’est ni abouti, ni satisfaisant. Il ne contient pas les conditions indispensables au redressement de l’institution judiciaire et à un retour de la confiance des Français envers leur justice. Il ne sera pas un moyen de rendre notre justice plus efficace, plus proche des Français et plus crédible. C’est pourquoi nous demandons le rejet préalable de ce projet de loi, dans l’attente d’un nouveau texte pour une réelle réforme ambitieuse de notre justice telle que nos concitoyens sont en droit de l’attendre.