Intervention de Éric Ciotti

Séance en hémicycle du 17 mai 2016 à 21h30
Statut des magistrats et conseil supérieur de la magistrature - modernisation de la justice du xxie siècle — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Ciotti :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui le projet de loi intitulé de façon très immodeste, il faut en convenir, « Modernisation de la justice du XXIe siècle » et le projet de loi organique relatif aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu’au Conseil supérieur de la magistrature.

Ces deux textes ont en commun d’afficher de grandes ambitions, du moins dans leur intitulé. Malheureusement, la réalité de leur contenu contraste par sa vacuité. Nous le déplorons car les enjeux attachés à ces projets sont considérables.

Dans un entretien du 2 avril dernier, monsieur le garde des sceaux, vous dressiez un constat lucide des dégâts causés par votre prédécesseur. Vous reconnaissiez que la justice était « à bout de souffle », soulignant la possibilité que « la machine judiciaire se grippe ». Nous partageons cet avis. Vous venez d’ailleurs, avec une grande lucidité et un certain courage, de l’admettre à nouveau : la situation de notre justice est déplorable.

Parallèlement – et cela est très préoccupant –, le sentiment de défiance des Français à l’égard de l’institution judiciaire n’a jamais été aussi profond. Vous avez rappelé en commission les résultats alarmants de certaines enquêtes d’opinion ; selon un sondage CSA de mars 2014, plus des trois quarts des Français – 77 % – pensent que la justice fonctionne mal ; et d’après le CEVIPOF, ils sont seulement 44 % à avoir confiance dans le système judiciaire. Nous ne pouvons nous résoudre à accepter de tels chiffres. Les Français doivent avoir confiance dans leur justice. Cela est essentiel : c’est notre responsabilité commune.

Monsieur le ministre, vous avez également souligné la tension grandissante qui s’était installée entre les moyens octroyés à la justice et les besoins nécessaires à la bonne mise en oeuvre de ses missions. Vous avez pertinemment ajouté qu’il était de la responsabilité du Gouvernement de proposer des remèdes. Nous souscrivons volontiers à ces analyses.

Mais derrière les paroles, il y a peu d’actes. Car en réalité, vous le savez, ces projets de loi ne régleront en rien les difficultés abyssales que la justice connaît. En effet, et contrairement à ce que vous prétendez, monsieur le ministre, il ne s’agit pas là d’une « réforme en profondeur » – pour reprendre l’expression de Paul-André Breton, président du tribunal de grande instance de Lyon et de la Conférence des présidents de TGI –, mais plutôt d’une multitude de micro-changements et de micro-mesures, aucune politique ambitieuse pour la justice n’étant clairement affichée.

Nous le regrettons sincèrement car vous aviez l’occasion de présenter la grande loi de programmation pour la justice que nous appelons de nos voeux depuis 2012 – et que pour ma part j’attends depuis plus longtemps encore –, une loi que les magistrats réclament désormais ouvertement. Compte tenu de vos propos et de votre expérience, monsieur le ministre, nous vous pensions à même de porter ce grand projet dont la justice du XXIe siècle a besoin. À la place, nous sommes confrontés, au mieux, à une somme de mesurettes et, au pire, après le passage en commission, à une addition de mesures dont l’effet risque d’être l’inverse de celui recherché. C’est d’ailleurs pour dénoncer leurs dangers que nous réclamons le renvoi du projet de loi en commission. Ce texte, qui mérite d’être amélioré, doit en effet être revu en profondeur.

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