Intervention de Joaquim Pueyo

Séance en hémicycle du 31 mai 2016 à 15h00
Rénovation des modalités d'inscription sur les listes électorales — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoaquim Pueyo :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l’État et de la simplification, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, depuis de nombreuses années, une défiance envers le système politique et ses représentants s’est installée.

Cette méfiance s’enracine élection après élection et se manifeste, de façon très concrète, par une augmentation nette du taux d’abstention lors des différents scrutins, y compris lors de l’élection présidentielle, alors que celle-ci reste la plus mobilisatrice. L’écart se creuse : en 1974, l’abstention ne s’élevait au second tour qu’à 12,7 %, alors qu’elle était de près de 20 % en 2012.

Cependant, ces chiffres sont trompeurs en ce qu’ils ne reflètent pas une réalité bien plus préoccupante. En effet, ils font l’impasse sur les quelque dix millions de Français qui ne prennent pas ou plus part au scrutin parce qu’ils ne sont pas ou sont mal inscrits sur les listes électorales – les rapporteurs l’ont rappelé.

Il faut rappeler que 7 % du corps électoral ne sont pas actuellement en capacité de voter faute d’inscription sur les listes électorales. À cela s’ajoutent 6,5 millions de Français mal-inscrits, c’est-à-dire inscrits dans un bureau de vote ne correspondant plus à leur lieu de résidence effectif. Ces chiffres sont considérables !

Certes certains choisissent de ne pas participer à la vie démocratique mais ces textes visent à faciliter, autant que faire se peut, la participation des autres. S’il est de notre responsabilité collective de travailler quotidiennement à redonner l’envie aux Français qui s’abstiennent de prendre à nouveau part à la vie démocratique, il est également de notre ressort de faciliter les procédures d’inscription sur les listes électorales.

Le fait de ne pas être inscrit ou d’être mal inscrit reflète une réalité sociologique qui ne peut nous échapper. Selon les chiffres de l’INSEE, des caractéristiques comme le lieu de naissance ou le niveau de diplôme joue un rôle important dans l’inscription. Les chiffres de l’Institut sont éloquents : plus de dix-huit points séparent le taux d’inscription des jeunes adultes ayant au plus le brevet des collèges – 72 % – du taux d’inscription de ceux ayant un diplôme supérieur au baccalauréat, qui s’élève à 91 %.

Les textes que nous allons étudier visent donc à favoriser l’égalité de l’ensemble des citoyens français devant l’inscription sur les listes électorales. De ce point de vue, la mesure la plus importante est, bien entendu, la modification du délai d’inscription figurant à l’article 2 de la proposition de loi rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales.

Les Français pourront désormais s’inscrire jusqu’à trente jours avant un scrutin Cette disposition est de bon sens. En effet, nos concitoyens prennent plus facilement connaissance des échéances électorales quelques semaines avant celles-ci, notamment du fait de leur couverture par les médias. Or les modalités d’inscription actuellement en vigueur ont pour conséquence que nombre d’électeurs se rendent compte bien trop tard qu’ils ne pourront pas participer à un scrutin faute d’inscription conforme. Il semble donc qu’en levant cette barrière administrative et technique on gagnerait un nombre important d’électeurs, qui prendraient prendre part aux scrutins si ce délai était modifié.

Dans de nombreux pays européens les délais sont très réduits : c’est le cas en Espagne, où les listes électorales sont tous les mois automatiquement mises à jour grâce aux déclarations domiciliaires obligatoires. Cette obligation de déclaration du domicile permet à de nombreux pays de mettre à jour leurs registres électoraux de façon automatique, dans des délais relativement courts avant chaque élection : c’est le cas en Allemagne, en Belgique, ou encore au Danemark. Outre-Rhin par exemple, le délai est de trente-cinq jours.

Une telle obligation de déclaration domiciliaire, qui semble pourtant faciliter l’inscription, n’existe pas en France, en raison notamment, d’après les informations dont je dispose, d’obstacles constitutionnels, touchant notamment au respect de la liberté d’aller et de venir. Il faudrait cependant que nous puissions débattre d’une telle possibilité, qui me paraît intéressante.

C’est pourquoi les rapporteurs ont fait le choix de rénover les modalités relatives à l’inscription en conservant un relais local qui aura la charge de transmettre à l’INSEE les informations issues des demandes d’inscription. Il est important de rappeler que cette proposition de loi confère à l’INSEE la mission de centraliser ces informations et de tenir ce répertoire national, qui sera mis à jour en permanence et d’où seront extraites les listes électorales.

Cependant, au-delà de cette évolution majeure du rôle de l’INSEE, ce sont bien les maires qui occuperont une place centrale dans le nouveau dispositif. Actuellement, au sein de chaque commune, une commission administrative de révision est chargée de statuer sur les demandes d’inscription et de radiation. Elle se compose de trois membres pour chaque bureau de vote. Cette organisation est particulièrement lourde et peu adaptée aux modifications proposées par le texte, en particulier en matière de délais d’inscription. C’est pourquoi l’article 2 de la proposition de loi ordinaire vise à modifier L. 18 du code électoral afin de transférer au maire la compétence de radiation et d’inscription.

Afin de lutter contre le risque d’accumulation de demandes non traitées et d’engorgement des services municipaux à l’approche des dates limites d’inscription avant un scrutin, l’alinéa 15 de ce même article 2 prévoit que le maire devra statuer sur toute demande d’inscription « dans un délai de cinq jours suivant son dépôt. »

Cependant, dans la mesure où le législateur va accorder des pouvoirs importants et décisionnels au maire, nous devons nous assurer qu’ils s’exerceront dans un cadre clairement défini et mettre en place des organes de contrôle ainsi que des procédures permettant de contester ses décisions.

C’est pourquoi le texte propose de modifier l’article L. 20 du code électoral afin de permettre à tout électeur inscrit sur la liste électorale de la commune de demander au tribunal d’instance l’inscription d’un électeur sur cette liste ou sa radiation ou au contraire de contester de telles décisions. Tous les problèmes de recours ont donc été examinés et les dispositions concernées vont dans le bons sens.

S’agissant du contrôle, point qui me paraît également important, le texte de loi prévoit la mise en place d’une commission de contrôle composée d’élus qui, dans les commune de moins de 1 000 habitants, n’appartiendront pas à l’exécutif municipal. Pour celles de plus de 1 000 habitants, l’opposition y sera même quasiment majoritaire. Le rôle de cette commission sera essentiel puisqu’elle sera indépendante et pourra même former des recours à l’encontre de décisions des maires qui ne lui paraîtraient pas justifiées.

La proposition de loi ordinaire est assortie de deux propositions de loi organiques visant à rénover, l’une les modalités d’inscription sur les listes électorales des ressortissants d’un État membre de l’Union européenne autre que la France pour les élections municipales et l’autre les modalités d’inscription sur les listes électorales des Français établis hors de France. Ces propositions de loi prévoient que ces nouvelles règles s’appliqueront également à l’établissement des listes électorales complémentaires servant à la participation des ressortissants de l’Union européenne aux élections européennes et municipales.

Quelques précisions et adaptations sont prévues pour l’établissement des listes électorales consulaires, notamment s’agissant des compétences exercées dans les circonscriptions consulaires en lieu et place du maire par l’ambassadeur, le chef de poste consulaire ou leur représentant. Le contrôle sera également assuré puisque le texte prévoit la création de commissions de contrôle chargées de vérifier la régularité des listes électorales.

Pour ma part, j’estime que ces trois textes doivent faire l’objet d’un large consensus puisqu’ils visent à revigorer la démocratie de notre pays. Ils ne constituent évidemment pas la seule réponse à apporter mais lever des obstacles administratifs est un préalable simple et néanmoins indispensable dans cette optique.

Il va de soi que le groupe socialiste, écologiste et républicain votera ce texte qui renforcera le lien entre les électeurs et leurs élus.

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