Intervention de Philippe Gomes

Séance en hémicycle du 31 mai 2016 à 15h00
Rénovation des modalités d'inscription sur les listes électorales — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Gomes :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, madame et monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, élection après élection, nous assistons à la progression inexorable de l’abstention. Si ce phénomène est essentiellement lié à un désintérêt vis-à-vis de la politique, qui va parfois jusqu’au rejet, il peut aussi s’expliquer par des dysfonctionnements techniques et une mauvaise information des électeurs sur les démarches à entreprendre.

Nos collègues Elisabeth Pochon et Jean-Luc Warsmann ont constaté les défauts de la procédure actuelle et proposé, à l’issue de la mission d’information sur les modalités d’inscription sur les listes électorales dont ils étaient chargés, des pistes intéressantes de réforme. Ces propositions, traduites dans les trois propositions de loi que nous nous apprêtons à examiner, visent ceux de nos concitoyens qui ne sont pas inscrits ou qui sont mal inscrits et se trouvent de ce fait dans l’incapacité de voter : ceux qui ont déménagé, ceux qui ont eu dix-huit ans entre les deux tours d’une élection, ceux encore qui, vivant à l’étranger, souhaitent voter à leur retour en France. Le phénomène est majeur puisque ce sont près de 9,5 millions d’électeurs qui sont mal inscrits ou non inscrits sur les listes électorales.

Si une révision de notre législation peut réduire, ne serait-ce que de façon minime, l’abstention qui mine notre démocratie, notre devoir d’élu de la nation est d’accompagner ce travail de réforme, afin de permettre au plus grand nombre de s’exprimer par les urnes.

Le rapport découlant de la mission d’information conduite par nos deux collègues rapporteurs ainsi que les présentes propositions de loi partent d’un constat que nous partageons : la procédure d’inscription n’est plus adaptée à la réalité de notre société et contribue à l’éloignement des citoyens de la participation électorale et donc de notre vie démocratique. En effet les contraintes qui pèsent sur le calendrier d’inscription sur les listes électorales et sa complexité sont l’une des sources déterminantes de l’abstentionnisme.

En outre, l’éloignement entre la date de clôture de l’inscription sur les listes électorales et le déroulement du scrutin peut être préjudiciable à l’implication des citoyens dans le processus électoral. Décalé par rapport au rythme démocratique, ce calendrier ne permet pas à ceux qui sont les moins sensibilisés à la politique et les moins susceptibles d’être mobilisés pendant les campagnes électorales de s’inscrire à temps. Figé jusqu’à la révision des listes électorales, il est de plus inadapté à la mobilité résidentielle croissante des électeurs.

Ces mêmes constats avaient amené les parlementaires, parmi lesquels les membres du groupe de l’Union des démocrates et indépendants, à adopter l’an dernier une proposition de loi du groupe SRC, devenue loi du 13 juillet 2015, visant à la réouverture exceptionnelle des délais d’inscription sur les listes électorales. Il s’agissait de permettre la réouverture des délais d’inscription sur les listes électorales pour l’année 2015 en revenant de façon exceptionnelle sur le principe de la révision annuelle des listes électorales, les élections régionales ayant lieu en décembre.

Mes chers collègues, nous approuvons globalement les propositions de ces textes, qui visent à assurer un meilleur établissement des listes électorales pour revitaliser notre démocratie. Les conditions d’inscription sur la liste électorale d’une commune seront rénovées, via notamment un élargissement du champ de la procédure d’inscription d’office des jeunes de dix-huit ans.

Il est nécessaire en outre de moderniser les modalités d’établissement des listes électorales communales. Le calendrier actuel joue un rôle déterminant dans l’éloignement des électeurs de l’institution électorale.

On constate, par ailleurs, une défaillance du dialogue entre les communes et l’INSEE, qui ne permet qu’une coordination imparfaite des listes électorales au niveau national. Pour y remédier, vous prévoyez d’instaurer une révision préélectorale des listes à la place de la révision annuelle, en ouvrant le délai d’inscription jusqu’à trente jours avant un scrutin.

La proposition de loi ordinaire prévoit également de transférer au maire, plutôt qu’à une commission administrative, la responsabilité d’inscrire et de radier les électeurs. Elle crée également un répertoire électoral unique servant à l’extraction des listes communales et qui sera tenu par l’INSEE. Afin de rendre possible ce nouveau calendrier d’inscription, elle institue en effet un répertoire électoral unique géré par l’INSEE, alimenté par les décisions d’inscription et de radiation prises par le maire, auquel est confiée cette responsabilité aujourd’hui dévolue à des commissions administratives, et à partir duquel seront extraites les listes électorales de chaque commune.

Cette réforme ne s’appliquera pas à la Nouvelle-Calédonie, dans l’attente de la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté à laquelle ce territoire devra se soumettre en novembre 2018 au plus tard. L’applicabilité de cette réforme pose en effet problème, en raison notamment de l’existence de listes électorales spéciales, dont la constitution répond à des règles spécifiques et qui ont fait l’objet, ces dernières années, d’un certain nombre de polémiques.

En revanche, conformément à l’avis rendu par les communes et l’Assemblée de Polynésie française, plusieurs adaptations seraient nécessaires pour appliquer cette réforme à la Polynésie. Le délai de trente jours avant la date d’un scrutin pourrait être porté à soixante, afin de laisser le temps aux communes de gérer les éventuels recours et de se concentrer sur les opérations électorales elles-mêmes.

Le remplacement des commissions administratives de révision pour chaque bureau de vote par une commission de contrôle unique constitue un allégement notable pour les services communaux, qui éprouvent parfois des difficultés à les réunir. Or, aucune disposition n’est prévue pour les communes de plus de 1 000 habitants avec communes associées, ni pour les communes associées avec discontinuité géographique. La composition des commissions des communes associées devrait être alignée sur celles des communes de moins de 1 000 habitants.

S’agissant de la création d’un répertoire unique, les dispositions relatives aux échanges dématérialisés entre les communes et l’Institut de la statistique de la Polynésie française se heurtent au fait que les communes les plus isolées de Polynésie française n’ont pas nécessairement accès à l’internet. Il faudra donc, soit faire évoluer ce texte à l’occasion de la navette, soit prévoir dans un texte ultérieur les dispositions nécessaires en termes d’adaptation à la Polynésie française.

Enfin, ces propositions de loi adaptent les modifications envisagées au cas spécifique des Français établis hors de France et, partant, à la liste électorale consulaire. La suppression de la double inscription sur une liste consulaire et une liste communale semble inéluctable, compte tenu de la mise en place d’un répertoire unique. Cette possibilité peut soulever des difficultés, en particulier lorsque des électeurs, de retour en France après plusieurs années passées à l’étranger, veulent voter à un scrutin national dans la commune où ils sont inscrits et découvrent alors que leur inscription ne vaut que pour les scrutins locaux.

Néanmoins, dès lors que la proposition de loi supprime la double inscription, la procédure de radiation automatique de la liste électorale consulaire d’un Français radié du registre des Français établis hors de France, prévue par la loi du 25 avril 2016 de modernisation de diverses règles applicables aux élections, n’est plus justifiée. Nous devrons donc nous assurer que cette mesure est bien supprimée par la présente proposition de loi organique.

Une autre disposition soulève quelques interrogations. La liste électorale consulaire permanente réduira le travail supplémentaire dû aux inscriptions de dernière minute en fin d’année et permettra une flexibilité d’inscription aux électeurs qui pourront le faire jusqu’au trentième jour précédant un scrutin. En revanche, cette facilité risque de poser problème lors des scrutins pour lesquels le vote électronique est possible. Si le délai est maintenu, il sera nécessaire d’adapter les textes régissant le vote en ligne.

Mes chers collègues, cette réforme comporte des dispositions particulièrement utiles et nécessaires à la lutte contre l’abstentionnisme. Elle nécessitera sans doute quelques adaptations s’agissant de son application ultérieure à l’outre-mer et aux Français de l’étranger. Le groupe UDI n’en soutiendra pas moins ces trois propositions de loi.

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