Si vous me le demandez aussi gentiment, madame la présidente, je le ferai volontiers, à condition que vous m’accordiez un peu plus de temps que les deux minutes octroyées pour la défense d’un seul sous-amendement.
Nous partageons pleinement les propos de notre collègue Galut, que ce soit dans l’hommage rendu aux lanceurs d’alerte ou dans l’importance qu’il accorde à la notion d’intérêt général, qui ne nous paraît pas figurer tout à fait dans la proposition de définition de notre rapporteur.
Je rappelle que la rédaction de la commission ne précise pas la nature du risque que peut révéler un lanceur d’alerte. Celles proposées par les amendements du rapporteur et du groupe majoritaire ne me paraissent pas plus ambitieuses, contrairement à ce que je viens d’entendre : je les trouve même assez restrictives, puisqu’elles limitent l’alerte aux risques sur la santé, l’environnement et la sécurité publique. L’actualité et l’expérience doivent nous permettre d’affiner la définition du lanceur d’alerte.
En commission, nous nous sommes demandé si ce texte permettait de protéger les lanceurs d’alerte qui ont été fortement médiatisés et dont les noms sont aujourd’hui bien connus de l’opinion publique. Je pense à Irène Frachon, à Edward Snowden et à Antoine Deltour. Seule la première serait protégée aujourd’hui si votre texte était adopté dans son état actuel, monsieur le rapporteur.
Le sous-amendement no 1485 vise à compléter la notion de « risque grave » par celle de « préjudice grave ». En effet, la notion de risque ne recouvre qu’une action préventive : elle ne permet pas de protéger des lanceurs d’alerte qui dénonceraient une infraction passée. Ainsi, Antoine Deltour a alerté sur un préjudice, et non sur un risque.
Au-delà des infractions et des faits présentant des risques graves pour l’environnement, la santé ou la sécurité publique, il nous semble également nécessaire de protéger les alertes sur les risques portant sur les finances publiques et les libertés publiques. Les sous-amendements nos 1487 et 1486 permettraient d’inclure directement les situations d’Antoine Deltour et d’Edward Snowden dans la définition.
La rédaction du rapporteur ne prend pas non plus en compte la question des conflits d’intérêts. Nous avons déjà eu ce débat en commission. Deux articles de loi protègent actuellement ceux qui révéleraient de tels conflits, dont on sait à quel point ils peuvent être dangereux ; or ces articles sont supprimés par l’article 6 G, sans qu’aucune protection équivalente ne soit prévue à l’article 6 A.
Je pense également qu’il faudrait protéger les alertes sur des risques graves pour « l’ordre public », comme le propose le sous-amendement no 1489 , plutôt que pour « la sécurité publique ». Comme vous le savez, le maintien de l’ordre public est un objectif de valeur constitutionnelle, plus large que la sauvegarde de la sécurité publique puisqu’il concerne aussi la salubrité et la tranquillité publiques.
Enfin, le sous-amendement no 1490 supprime la précision selon laquelle le lanceur d’alerte doit agir « sans espoir d’avantage propre ni volonté de nuire à autrui ». Ces notions me paraissent effectivement trop larges et trop floues, d’autant que les motivations des lanceurs d’alerte ne sont jamais uniques. Un lanceur d’alerte en conflit avec sa direction mais porteur d’informations précieuses doit être protégé.