Intervention de Emmanuel Macron

Séance en hémicycle du 9 juin 2016 à 15h00
Transparence lutte contre la corruption et modernisation de la vie économique — Article 43

Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique :

C’est une demande forte des salariés et je ne crois pas qu’une telle mesure déséquilibre la profession : elle l’aligne sur les autres.

S’agissant des activités multiservices décrites par votre rapporteur pour avis, il y a beaucoup de tâches au fond détachables de certains métiers. C’est d’ailleurs ce qu’autorisent certaines chambres des métiers et de l’artisanat.

Les laveurs de voiture doivent-ils avoir le CAP de réparation ? Si on s’en tient au droit actuel stricto sensu, oui. Plusieurs chambres des métiers autorisent malgré tout l’ouverture de commerces sans cette qualification, mais dans une forme d’incertitude.

Faut-il, pour ouvrir un commerce d’onglerie, avoir le CAP d’esthétique ? La loi de 1996, dite « loi Raffarin », l’a établi, malheureusement. Il y a aujourd’hui dix mille ongleries en France : faut-il les fermer ? Je ne le crois pas.

Vous avez aussi, dans le bâtiment, des petits métiers qui sont détachables du gros oeuvre : le nettoyage des murs, des prestations de peinture qui n’engagent aucun élément de santé ou de sécurité. On voit bien qu’ils pourraient être exercés par des femmes et des hommes qui n’ont pas les qualifications requises et qui voudraient entreprendre.

La réalité, c’est que cela se fait. Il suffit de regarder la dynamique du chiffre d’affaires des entreprises de bricolage pour s’apercevoir que les gens exécutent eux-mêmes certains travaux ou les font faire par d’autres.

Je vous recommande de regarder ce qu’un organisme de microcrédit commel’Association pour le droit à l’initiative économique accorde en matière de prêts : un tiers des crédits de l’ADIE, l’année dernière, ont été accordés à des femmes et à des hommes qui n’avaient pas le CAP. Ils ont créé des activités, mais en dehors du cadre légal dans lequel ils étaient censés opérer.

Notre système, tel qu’il fonctionne, présente donc une véritable hypocrisie. Notre système, tel qu’il fonctionne, comporte des barrières à l’entrée qui ne sont parfois plus tout à fait justifiées et dont les première victimes sont celles et ceux qui connaissent le plus de difficultés, celles et ceux qui parfois, grâce à l’entreprenariat, peuvent avoir des perspectives qu’ils n’ont pas trouvées dans l’apprentissage, qu’ils n’ont pas trouvées dans la formation académique, qu’ils n’ont pas su trouver en devenant salariés.

Ce texte, cet article tendent à reconnaître la place de l’initiative économique en tant que voie d’émancipation, parmi d’autres, dans notre société.

Maintenant, comme vous l’avez toutes et tous constaté – votre rapporteur l’a dit lui-même : les émois ont été nombreux. J’appelle votre attention : au cours de la discussion sur ce texte, vous vous êtes constamment émus, à juste titre, de ce que les lobbies peuvent représenter. Or, il n’y a pas de lobbies sympathiques et d’autres malfaisants : simplement, il existe dans notre société des intérêts qui sont représentés et constitués, fort actifs, en particulier dans les territoires, et d’autres qui le sont moins. Les femmes et les hommes que j’ai évoqués disposent de peu de lobbies, peu d’intérêts constitués, peu de relais. Néanmoins, l’intérêt général implique que nous devons penser à eux.

Nous voulons avancer de manière pacifiée, pédagogique et constructive. C’est ce que nous avons tous essayé de faire ensemble, les uns et les autres, ces derniers jours et ces dernières heures.

Aussi, fort de ce constat, de cette volonté je crois partagée et des premiers travaux engagés, nous voulons avancer dans le sillage de l’amendement no 1284 rectifié proposé par votre rapporteur, qui ouvre de telles voies. Après discussion, je vous proposerai un sous-amendement no 1565 visant à supprimer l’alinéa 8 visant toutes les tâches multiservices que j’ai évoquées, ces tâches « détachables », afin de pouvoir continuer ce travail en lien avec les parlementaires impliqués et avec les professionnels.

Ainsi, de manière apaisée, nous trouverons le cadre favorisant l’entreprenariat et les initiatives de celles et ceux qui sont parfois les plus fragiles dans un contexte de concertation volontaire avec les professions, comme nous avons d’ailleurs réussi à le faire voilà plusieurs semaines avec les professionnels de la coiffure.

Voilà la position équilibrée du Gouvernement telle que je souhaitais la rappeler avant notre discussion, monsieur le président !

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