La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Ce matin, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’article 43, appelé par priorité.
La parole est à M. Dominique Potier, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.
Je vous remercie, monsieur le président, de me donner la parole sur cet article 43 qui est tout sauf insignifiant et qui a suscité une certaine passion dans le débat public et parlementaire.
Si vous le permettez, sans abuser de la parole je vais prendre le temps de rappeler l’histoire de cet article : nous y gagnerons tous, compte tenu de l’atterrissage qui nous est proposé.
Je commencerai par un clin d’oeil : tout le monde va déclarer son amour des artisans et des petites entreprises. Dans l’heure qui vient, nous allons assister à ce déchaînement d’amour pour le monde de la petite entreprise. Je vous dirai simplement que je ne suis pas indifférent à cet amour : je le partage, puisque je viens de cet univers-là.
Sourires.
Ce monde de l’artisanat, de la paysannerie et de la petite entreprise est un univers proche de ce que j’ai vécu de façon très concrète.
Deuxième point : si je suis intervenu, comme rapporteur pour avis, dans ce débat législatif, c’est plutôt pour combattre les Panama papers que pour embêter le moindre entrepreneur ou salarié qualifié de France.
Ces éléments étant posés, lorsque nous avons découvert cet article, Sophie Errante et moi, nous l’avons analysé ; nous avons immédiatement senti l’émoi qu’il suscitait dans la population des artisans.
Nous pourrions parler d’un malentendu, en grande partie, mais également d’une grande divergence de points de vue par rapport à l’intention initiale du Gouvernement.
Rapidement, nous avons affirmé notre opposition à l’octroi à l’État, au Gouvernement, d’un pouvoir que nous avons jugé exorbitant : celui de revisiter la liste des activités et des métiers nécessitant une qualification.
Il nous a semblé que le socle acquis progressivement à travers les lois Raffarin et Pinel, ainsi que les travaux de Carole Delga et de tant d’autres, ne devait pas être entamé.
Dans le même temps, nous avons entendu ce qui a été dit suite au rapport Barbaroux sur les millions de personnes en situation de chômage dans notre pays. J’ai passé la matinée de samedi dernier à l’université populaire d’ATD Quart-Monde, avec des gens qui sont dans la dynamique de l’expérimentation « Zéro chômage longue durée ». J’accueillais ce midi des jeunes issus de l’école de la deuxième chance. C’est là l’univers de ceux qui sont au bord de la route et qui veulent travailler. Nous devons tout faire pour mettre notre pays en mouvement et permettre à ces gens d’accéder à une activité, surtout à celles qui suscitent une attente forte de nos concitoyens. Je pense à une population vieillissante, à ces couples qui travaillent ensemble et qui sont saturés d’activité. Il y a des demandes multiples d’aide à la personne, de bricolage, de services qui existent dans notre pays.
Avec Sophie Errante et tous ceux qui ont bien voulu travailler avec nous, nous avons bénéficié de la confiance du Gouvernement dans son ensemble. Je veux le dire avec force : du ministre Macron bien sûr, mais de l’ensemble du Gouvernement.
Notre mission était claire : trouver une alternative à la solution proposée. Il s’agissait d’entendre une partie du diagnostic, mais de proposer des voies nouvelles. C’est cette proposition alternative que nous vous soumettons aujourd’hui et que nous mettons en débat.
En quoi cette solution alternative consiste-t-elle ? Elle comporte trois éléments, dont deux font je crois consensus parmi nous.
Premièrement, les parcours d’insertion professionnelle et de formation sont très différents, de sorte que nous devons nous adapter à cette diversité de la société française et à son goût de l’entrepreneuriat. Tout le monde ne passe pas par l’école. Tout le monde n’empruntera pas cette voie que nous voulons cependant développer et qui est celle de l’apprentissage. À trente ou quarante ans, après un licenciement, un accident de la vie ou une reconversion professionnelle, on peut avoir acquis un savoir-faire, selon des modalités formelles ou informelles – nous n’avons pas à en juger – et avoir besoin de faire valider ces acquis de l’expérience pour devenir artisan, être reconnu dans son savoir-faire et avoir des garanties.
Dans les métiers qui n’en comportent pas, nous proposons d’introduire une validation des acquis de l’expérience moderne, réactive, dont les modalités seront précisées par décret. Elle garantira cette inclusion sociale qu’est la reconnaissance professionnelle à des gens qui en sont exclus aujourd’hui.
Deuxième idée importante : les dispositions de la loi Pinel ont apporté une certaine rigidité en fixant pour chaque métier un besoin de qualification. Or il arrive qu’en exerçant un métier, on ait besoin pour une tâche limitée d’intervenir dans un métier connexe : sur un chantier donné, le plâtrier peut être amené à faire un peu de carrelage et le plombier, un peu de plâtre, sans avoir besoin de disposer de l’ensemble des qualifications ad hoc. Cette interopérabilité des métiers, pour employer un terme un peu barbare, est demandée de façon presque unanime par les professionnels.
Elle donne de la souplesse et une couverture juridique à l’exercice du métier au quotidien. Telle est la deuxième avancée issue de nos travaux en commission des affaires économiques.
Il y avait enfin un troisième chantier, qui ne relève pas de l’artisanat mais d’une activité mal définie aujourd’hui : celle du multiservice, recouvrant des tâches qui, par leur nature et leur volume, mériteraient d’être définies. Elles existent et personne ne peut le nier. Elles sont exécutées de manière confuse dans l’économie informelle. En les qualifiant, en les identifiant, nous protégeons cette activité tout en préservant l’artisanat d’une confusion et d’une concurrence déloyale.
Nous avons introduit, après concertation avec le monde professionnel, ce principe que l’activité multiservice pourrait être un sas d’inclusion de l’économie informelle, tout en protégeant l’artisanat qui nécessite des garanties et des savoir-faire sophistiqués.
Voilà les trois idées que nous avons avancées. Deux font consensus. La troisième suscite de l’émoi. Je suis convaincu, après avoir entendu les uns et les autres, après avoir dialogué avec le Gouvernement et toutes les parties prenantes, qu’il faut intégrer l’activité multiservice dans l’économie du XXIe siècle : cela participe de la modernité.
En outre, pour les publics que j’ai évoqués tout à l’heure, cela peut être une chance.
Mais je le dis avec force : si nous devions renoncer sur ce point précis, parce qu’il suscite confusion et irritation, je vous en supplie, gardons les avantages introduits par cet article 43.
Ils sont utiles aujourd’hui pour poursuivre notre réflexion sur l’évolution des métiers et des qualifications.
Gardons cet article 43, dont les autres dispositions, y compris la qualité d’artisan cuisinier, sont plébiscitées sur le terrain et dans les entreprises.
La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.
Avant que la discussion s’engage, mesdames et messieurs les députés, je voudrais rejoindre le rapporteur pour avis en approuvant l’exposé qui vient d’être fait et simplement rappeler quelques éléments de contexte.
En premier lieu, nous parlons ici de métiers qui exigent des qualifications préalables : elles conditionnent l’accès à ces métiers en apportant des garanties de santé et de sécurité aux travailleurs comme aux consommateurs.
Je voudrais qu’une idée vous reste présente à l’esprit durant ces débats : à savoir, qu’il faut comparer ces professions avec toutes celles qui relèvent du code du commerce et qui ne comportent aucune garantie préalable similaire. Nous allons parler d’esthéticiens, de maçons, d’artisans, mais les conditions que nous allons évoquer ne valent pas pour toutes les professions qui relèvent du code du commerce : en particulier, les restaurateurs.
Ce débat que nous allons avoir sur les qualifications doit prendre en compte cette réalité. Vous pouvez devenir demain restaurateurs ; vous ne pouvez pas devenir sans qualification dirigeants d’une entreprise d’esthétique, sous prétexte qu’on utilise dans cette profession des produits sensibles. C’est vrai d’ailleurs, ils existent et ce souci est légitime, mais de tels produits existent aussi dans la restauration, ou alors quelque chose m’a échappé.
J’ai entendu dire, dans la discussion générale, que réfléchir de nouveau sur ces qualifications et métiers revenait à dégrader ces professions et à ne pas reconnaître les compétences. Je continue à prendre l’exemple des restaurateurs : ne les reconnaît-on pas, dans cette profession ? Il n’y en a pas une dans laquelle les professionnels soient mieux reconnus. Nous avons nous-mêmes, dans la loi pour la croissance et l’activité, reconnu le statut d’artisan restaurateur. Parce qu’il y a les étoiles et le label de « meilleur ouvrier de France », on sait distinguer la qualité et les compétences, mais cela sans créer une barrière à l’entrée.
Après la loi de 1996, les pratiques consulaires et administratives ont constitué une série de barrières à l’entrée. Or, votre rapporteur pour avis vient de le rappeler avec sincérité et précision, qui en pâtit ? Pas celles et ceux qui ont quelque chose, mais celles et ceux qui n’ont pas accédé à une qualification et qui, pour faire certaines tâches que nous voulons isoler, pourraient plus simplement avoir accès à l’entrepreneuriat.
Nous avons ces dernières semaines beaucoup travaillé avec votre rapporteur pour avis et quelques autres. Je veux saluer le travail de M. Potier et de Mme Errante, comme celui de Mme la présidente de la commission des affaires économiques. Je crois pouvoir dire que nous avons trouvé un équilibre – en tout cas un équilibre dynamique.
Le premier point consiste à reconnaître l’importance de la valorisation des acquis de l’expérience, dans certaines professions où cette voie avait été fermée. J’ai d’ailleurs conduit une négociation dans ce sens avec la profession des coiffeurs, seul métier de l’artisanat pour lequel il faut un brevet professionnel – BP – et non un certificat d’aptitude professionnelle – CAP – pour ouvrir un établissement.
Les coiffeurs ont accepté que, s’il faut toujours un BP pour ouvrir ou diriger un salon de coiffure, on puisse reconnaître les acquis de l’expérience : ainsi, après quelques années, le titulaire d’un CAP pourra reprendre un salon ou en fonder un.
C’est une demande forte des salariés et je ne crois pas qu’une telle mesure déséquilibre la profession : elle l’aligne sur les autres.
S’agissant des activités multiservices décrites par votre rapporteur pour avis, il y a beaucoup de tâches au fond détachables de certains métiers. C’est d’ailleurs ce qu’autorisent certaines chambres des métiers et de l’artisanat.
Les laveurs de voiture doivent-ils avoir le CAP de réparation ? Si on s’en tient au droit actuel stricto sensu, oui. Plusieurs chambres des métiers autorisent malgré tout l’ouverture de commerces sans cette qualification, mais dans une forme d’incertitude.
Faut-il, pour ouvrir un commerce d’onglerie, avoir le CAP d’esthétique ? La loi de 1996, dite « loi Raffarin », l’a établi, malheureusement. Il y a aujourd’hui dix mille ongleries en France : faut-il les fermer ? Je ne le crois pas.
Vous avez aussi, dans le bâtiment, des petits métiers qui sont détachables du gros oeuvre : le nettoyage des murs, des prestations de peinture qui n’engagent aucun élément de santé ou de sécurité. On voit bien qu’ils pourraient être exercés par des femmes et des hommes qui n’ont pas les qualifications requises et qui voudraient entreprendre.
La réalité, c’est que cela se fait. Il suffit de regarder la dynamique du chiffre d’affaires des entreprises de bricolage pour s’apercevoir que les gens exécutent eux-mêmes certains travaux ou les font faire par d’autres.
Je vous recommande de regarder ce qu’un organisme de microcrédit commel’Association pour le droit à l’initiative économique accorde en matière de prêts : un tiers des crédits de l’ADIE, l’année dernière, ont été accordés à des femmes et à des hommes qui n’avaient pas le CAP. Ils ont créé des activités, mais en dehors du cadre légal dans lequel ils étaient censés opérer.
Notre système, tel qu’il fonctionne, présente donc une véritable hypocrisie. Notre système, tel qu’il fonctionne, comporte des barrières à l’entrée qui ne sont parfois plus tout à fait justifiées et dont les première victimes sont celles et ceux qui connaissent le plus de difficultés, celles et ceux qui parfois, grâce à l’entreprenariat, peuvent avoir des perspectives qu’ils n’ont pas trouvées dans l’apprentissage, qu’ils n’ont pas trouvées dans la formation académique, qu’ils n’ont pas su trouver en devenant salariés.
Ce texte, cet article tendent à reconnaître la place de l’initiative économique en tant que voie d’émancipation, parmi d’autres, dans notre société.
Maintenant, comme vous l’avez toutes et tous constaté – votre rapporteur l’a dit lui-même : les émois ont été nombreux. J’appelle votre attention : au cours de la discussion sur ce texte, vous vous êtes constamment émus, à juste titre, de ce que les lobbies peuvent représenter. Or, il n’y a pas de lobbies sympathiques et d’autres malfaisants : simplement, il existe dans notre société des intérêts qui sont représentés et constitués, fort actifs, en particulier dans les territoires, et d’autres qui le sont moins. Les femmes et les hommes que j’ai évoqués disposent de peu de lobbies, peu d’intérêts constitués, peu de relais. Néanmoins, l’intérêt général implique que nous devons penser à eux.
Nous voulons avancer de manière pacifiée, pédagogique et constructive. C’est ce que nous avons tous essayé de faire ensemble, les uns et les autres, ces derniers jours et ces dernières heures.
Aussi, fort de ce constat, de cette volonté je crois partagée et des premiers travaux engagés, nous voulons avancer dans le sillage de l’amendement no 1284 rectifié proposé par votre rapporteur, qui ouvre de telles voies. Après discussion, je vous proposerai un sous-amendement no 1565 visant à supprimer l’alinéa 8 visant toutes les tâches multiservices que j’ai évoquées, ces tâches « détachables », afin de pouvoir continuer ce travail en lien avec les parlementaires impliqués et avec les professionnels.
Ainsi, de manière apaisée, nous trouverons le cadre favorisant l’entreprenariat et les initiatives de celles et ceux qui sont parfois les plus fragiles dans un contexte de concertation volontaire avec les professions, comme nous avons d’ailleurs réussi à le faire voilà plusieurs semaines avec les professionnels de la coiffure.
Voilà la position équilibrée du Gouvernement telle que je souhaitais la rappeler avant notre discussion, monsieur le président !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Quatorze collègues sont inscrits sur cet article. Chacun d’entre vous peut certes renoncer à son temps de parole, d’autant plus semble-t-il que les choses ont évolué après les propos qui viennent d’être tenus.
Avant de donner la parole à Mme Marcel, je la donne à M. Sébastien Denaja, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour deux minutes je le rappelle – c’est un peu compliqué compte tenu de la présence de plusieurs rapporteurs mais… vous parlez le premier, monsieur Denaja.
Justement, il s’agit d’un texte « choral » mais je suis quant à moi rapporteur pour l’ensemble du projet.
Cet important article 43 a en effet suscité des inquiétudes mais il répond aussi à des intentions tout à fait légitimes que le ministre a remarquablement exposées à l’instant.
Il a donc suscité des réserves et, parmi elles, les miennes car comme vous tous, j’ai moi aussi une histoire, monsieur Potier, une filiation – je n’ai jamais oublié que je suis le petit-fils d’un tailleur de pierres qui travaillait, dès l’âge de 14 ans, au fin fond du Maroc. J’ai un profond respect pour la profession d’artisan, comme nous tous ici.
Je serai rapide.
Un certain nombre d’amendements de suppression ont été déposés mais de nombreuses discussions ont eu lieu et je tiens à saluer le travail extraordinaire de concertation et de dialogue mené par le rapporteur pour avis Dominique Potier, en lien avec la présidente de la commission des affaires économiques Frédérique Massat.
Grâce à leur impulsion et à leur initiative, ils ont permis au Gouvernement de trouver une solution équilibrée afin de répondre à toutes les inquiétudes et les réserves qui se sont fait jour, y compris de la part de votre rapporteur jusqu’à très récemment.
Bref : cet article 43 a déjà été profondément remanié. À l’initiative de Dominique Potier, il a apporté quelque chose d’absolument essentiel : rien ne se fera sans une entière concertation sur chaque point avec les représentants des artisans, qui sont des représentants d’intérêts tout à fait légitimes. Rien ne se fera autour de l’article 43 tel qu’issu de nos travaux sans la concertation avec les artisans, dont les représentants d’intérêts ont toute légitimité à intervenir.
Dans un instant, le Gouvernement, par l’intermédiaire du ministre, proposera de parvenir à un point d’équilibre : les députés ont été entendus, quels que soient leurs bancs, de même que l’ensemble des métiers de l’artisanat français.
À ce stade, il me paraît utile et pertinent de rejeter ou de retirer les amendements de suppression afin de parvenir à cette solution de compromis, équilibrée, qui permettra d’envoyer ce message à l’ensemble des artisans de France : l’ensemble de la représentation nationale est fier des métiers de l’artisanat et, en même temps, se montre capable d’envisager une fluidification et des passerelles, notamment en matière de VAE.
Je vous remercie, monsieur le président, de m’avoir permis de dire ces quelques mots.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire, messieurs les rapporteurs, j’ai bien compris que des avancées sont possibles, néanmoins, je souhaite intervenir sur cet article tel qu’il figure en l’état dans le texte.
En effet, cet article est dangereux…
…car il remet en cause les obligations de qualifications professionnelles des artisans qui seraient déterminées uniquement en fonction des risques pour la santé et la sécurité des personnes.
Dangereux, aussi, car il ouvre la possibilité de scinder les métiers entre parties relevant ou ne relevant pas de qualifications professionnelles, distinctions impossibles à établir dans certains secteurs comme celui du bâtiment.
Dangereux, aussi, car il renvoie à un décret.
La loi Pinel avait renforcé le contrôle des qualifications et défini les conditions d’obtention du titre d’artisan.
La VAE était également reconnue dans la loi de 1996.
Cet article, qui engendre une concurrence déloyale avec les artisans, serait préjudiciable au consommateur s’il était adopté en l’état. Il impacterait aussi la formation des apprentis, qui sont les salariés et les chefs d’entreprise de demain.
Comment être maître d’apprentissage si l’on n’est pas soi-même formé et expert dans son métier ? Croyez-vous que l’on puisse s’improviser artisan ?
Cet article va aussi à rencontre de la volonté affichée par le Gouvernement de former 500 000 apprentis et déréglerait tout le secteur de l’artisanat.
À titre d’exemple, l’artisanat représente en Aveyron 20 % de la population active, soit 6 700 entreprises et 12 500 salariés. Sur le campus de la chambre des métiers de l’Aveyron, 856 jeunes sont formés, toutes activités confondues…
…et ce sont autant de maîtres de stages qui s’investissent dans la transmission de leur savoir.
Les métiers manuels sont nobles, ils requièrent des savoir-faire spécifiques acquis par une formation adaptée.
Les artisans ne sont pas has been, ils innovent et s’adaptent aux besoins des consommateurs.
Pour terminer, je reprendrai la question de la présidente de la chambre de métiers de l’Aveyron : « Avec cet article, où s’arrête le bricolage et où commence l’artisanat ? ».
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Les dispositions de l’article 43 ainsi que certains amendements soutenus par nos collègues tendent à assouplir les obligations de qualifications professionnelles applicables aux activités artisanales.
L’article 43 introduit donc la possibilité de scinder les métiers entre une partie relevant de la qualification professionnelle et une autre partie n’en relevant pas, mais c’est oublier que ces qualifications ne sont pas de simples barrières à l’accès au marché : ce sont des garanties de fiabilité.
Ces règles, parfois strictes, sont déterminées en fonction du risque pour la santé et la sécurité des personnes. Les remettre en question, c’est menacer la qualité des prestations délivrées en France. Cette réforme pourrait se révéler autant préjudiciable pour les activités artisanales que pour les consommateurs.
Un seul exemple. Dans le cadre de la loi sur la transition énergétique, et afin de lutter contre les passoires énergétiques, nous avons exigé sur ces bancs que les professionnels se forment : l’obtention de la qualification RGE – reconnu garant de l’environnement – est désormais nécessaire pour que leurs clients puissent prétendre au crédit d’impôt « transition énergétique ».
J’ai bien entendu votre proposition, monsieur le ministre, et j’espère que nous parviendrons à son terme. Si tel n’était pas le cas, je maintiendrais quant à moi mon vote contre cet article.
Compte tenu de la discussion que nous venons d’avoir, j’ai bien compris que l’alinéa 8 était remis en question, mais je souhaite néanmoins vous présenter le fruit de nos réflexions, de ce travail qui s’est terminé hier et dont le résultat a peut-être surpris la représentation nationale – certains découvrent ainsi des sous-amendements.
J’ai quant à moi proposé qu’un décret soit pris en Conseil d’État, certes, mais après avis de l’Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat, du Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelle ainsi que des organisations professionnelles représentatives du secteur de l’artisanat. Il définit les tâches courantes et élémentaires dites multiservices qui, en raison de leurs caractéristiques ou de leurs volumes, présentent un risque limité pour la santé et la sécurité des personnes et ne relèvent pas de l’obligation de qualification prévue aux alinéas précédents.
Soit, mais l’article ne s’arrête pas là : comment continuerons-nous la discussion ? Le compromis, si j’ose dire, court jusqu’à la deuxième lecture.
Le deuxième sous-amendement, qui concerne l’alinéa 9 – j’espère que nous irons jusque là ! – propose quant à lui de mettre au pluriel l’expression : « d’un métier connexe ».
L’article 43 fait l’objet de nombreuses interrogations mais, depuis l’examen du texte, nous constatons qu’il évolue encore. La suppression de l’exigence de qualification professionnelle prévue à l’origine a suscité de nombreuses inquiétudes au sein des très petites entreprises et auprès de nos artisans.
Il n’est pas inutile de rappeler que l’artisanat est un secteur important en matière de créations d’emplois et de dynamisme économique dans nos territoires.
Le texte demeure encore trop vague, notamment s’agissant des notions de risque limité pour la santé, d’entretien courant ou de menues réparations. Comment peut-on vraiment contrôler que les activités exercées au titre des menues réparations en sont réellement ?
Par ailleurs, le risque de concurrence déloyale est une réalité et peut entraîner, pour le consommateur, une perte de qualité des services rendus. C’est une réalité.
L’exigence actuelle de qualification est indispensable. Il s’agit, en général, d’obtenir des certificats d’aptitude professionnelle ou de justifier d’expériences professionnelles. Qui peut le faire – cela a été rappelé – sans passer par la case de l’apprentissage ?
Les inquiétudes sont donc réelles. L’élaboration des décrets d’application et la définition des professions, selon la proposition de M. le ministre, devraient bien entendu associer systématiquement les représentants consulaires.
La loi Pinel sur l’artisanat, le commerce et les très petites entreprises du mois de juin 2014 a permis de trouver des équilibres satisfaisants sur ces dispositifs.
La proposition de M. le ministre visant à supprimer l’alinéa 8 est de nature à apaiser la situation et à réunir tout le monde autour de la table pour bien travailler. Il faut soutenir les sous-amendements à venir car l’article 43 comprend des points intéressants qui doivent être maintenus.
Monsieur le ministre, le débat que nous engageons est important. Loin des caricatures faites parfois, il ne s’agit pas d’opposer deux mondes, l’ancien et l’économie de l’avenir, mais d’ouvrir des portes et de bâtir des passerelles permettant l’insertion professionnelle des demandeurs d’emploi et, en particulier, des jeunes.
Face au chômage, la création d’activité devient une voie d’insertion professionnelle possible. Oui, créer son propre emploi peut apparaître comme un risque moins grand quand l’insertion est précaire et la discrimination très importante pour les jeunes issus des quartiers notamment.
Pour nombre d’entre eux, il est évident qu’il est plus facile de trouver des activités – c’est-à-dire un marché et des clients – que de trouver un emploi correspondant à leur qualification.
Il est temps de reconnaître les talents, les compétences, et d’accompagner les initiatives ! Il est temps de reconnaître cette capacité de débrouillardise face à un environnement difficile, parfois hostile et complexe.
Il est de notre responsabilité d’accompagner cette créativité qui s’illustre par de nouveaux services, de nouvelles activités liées à l’évolution de notre société, à la révolution numérique ou, tout simplement, à des niches délaissées par certaines entreprises.
En ce sens, je soutiens les mesures qui permettent de lever des freins à l’accès à certaines activités, de reconnaître les savoir-faire professionnels en simplifiant la VAE tout en assurant un niveau de qualification et en garantissant, pour le consommateur, une qualité et une sécurité des prestations ou des produits.
Nous pourrions ainsi réduire le secteur informel de l’économie, ce qui me semble être un gage de concurrence loyale pour nos entreprises.
Je souhaite que le dialogue ait lieu sur ces bases avec les chambres des métiers et les organisations professionnelles représentatives. Je sais que certains amendements vont dans ce sens.
Mes chers collègues, il est de notre responsabilité d’être aux côtés de celles et de ceux qui prennent leur destin en main, qui sont acteurs de leur insertion professionnelle et qui refusent la fatalité. Ouvrons ensemble les champs des possibles !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.
L’article 43 suscite de nombreux débats, et c’est normal. Il en a suscité beaucoup en commission, et nous avons eu l’occasion d’échanger sur ce sujet avec vous, monsieur le ministre. Depuis, les uns et les autres ont cheminé. Pour ma part, comme vous le savez, j’avais déposé un amendement de suppression de l’article en commission…
Nous avons travaillé, nous avons avancé, et cela nous a permis d’atteindre aujourd’hui un équilibre, qui devrait nous permettre de poursuivre le travail au cours de la navette parlementaire.
D’une part, nous disposons aujourd’hui – le rapporteur l’a rappelé – d’un socle, avec la validation des acquis de l’expérience et la reconnaissance des métiers connexes, que les artisans réclament. D’autre part, nous supprimons de cet article tout ce qui crispe actuellement le monde de l’artisanat, de façon à poursuivre le travail ensemble. Car c’est ainsi que le Gouvernement souhaite travailler ; c’est ainsi que le rapporteur souhaite nous associer à ces travaux.
La navette parlementaire va nous donner l’occasion d’avancer. Le texte qui sortira de nos travaux, si nous votons l’amendement de M. Dominique Potier et le sous-amendement tendant à supprimer l’alinéa 8, ne mettra plus en danger les qualifications des artisans actuellement en activité. Nous nous retrouverons donc dans une situation apaisée, propice au dialogue et au travail. Nous pourrons nous remettre autour de la table et avancer sur ce dossier.
Je salue tous ceux de nos collègues qui ont travaillé sur ce dossier et qui ont pris part aux nombreuses concertations que nous avons organisées. Ce travail nous a permis d’aboutir à une position satisfaisante, à la fois pour les organisations professionnelles et pour les personnes qui sont en difficulté et à la recherche d’un emploi. Nous pouvons désormais avancer sur ce dossier dans un climat plus serein et plus apaisé.
Comment créer de l’emploi dans notre pays ? Pour certains, il faut réduire les coûts, réduire les prix, afin de favoriser une compétition et une concurrence beaucoup plus féroces. Pour d’autres, et j’en fais partie, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, il s’agit d’augmenter la valeur ajoutée, d’améliorer la qualité de notre économie, d’accroître la qualification de notre pays.
Le mot « technique » vient du mot grec « technè », qui signifie « production ». La production de notre pays, c’est sa technique, c’est son génie, c’est toute l’ingénierie qui, au départ, se développe dans la transmission artisanale de savoir-faire, la formation, la connaissance et la capacité à inventer des solutions intelligentes grâce à des qualifications très solides.
Monsieur le ministre, vous nous avez dit à l’instant que la réalité, c’est que cela se fait. La politique, cela consiste, non pas à valider ce que l’on essaie de nous imposer, mais ce qui peut conduire à l’intérêt général. Or l’intérêt général, c’est de reconnaître la qualité et la qualification par la formation, les diplômes et la compétence. Et ce qui vaut pour les métiers de l’artisanat vaut pour tous les métiers. C’est la raison pour laquelle il faut renoncer à l’article 43.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe Les Républicains.
J’ai été rassuré par l’intervention de notre rapporteur pour avis, Dominique Potier, qui a exprimé ses doutes, et que j’ai écouté attentivement. Cet article a en effet été extrêmement mal vécu par des centaines de milliers d’artisans qui y ont vu une forme de mépris. L’idée selon laquelle on pourrait exercer certains métiers réclamant un vrai savoir-faire sans avoir reçu aucune formation a été très mal reçue.
J’ai écouté attentivement aussi votre propos liminaire, monsieur le ministre, et je dois dire que vous ne m’avez pas convaincu. Si tout cet article ne vise qu’à réglementer les ongleries ou le lavage des voitures, je crois que vous êtes le premier ministre de l’économie qui n’a rien d’autre à faire que de se poser ce genre de question !
Nous n’en serions pas là aujourd’hui, si M. Jean-Pierre Raffarin ne s’en était pas soucié avant moi !
Mobiliser autant d’intelligences à Bercy pour identifier ce sujet comme celui qui est au coeur de la croissance du pays, c’est un peu décevant, permettez-moi de vous le dire.
Malgré les efforts de Dominique Potier, qui a proposé un amendement pour arranger les choses, cet article crée de la confusion. Dans le secteur du bâtiment, notamment, les différentes tâches sont très difficiles à différencier – même si, je le répète, des efforts sont faits pour clarifier les choses. Nous allons fragiliser encore un peu plus un secteur qui est déjà en crise, et qui reste pourtant, avec une agriculture elle-même en crise et un commerce de proximité en profonde difficulté, l’ossature principale de notre économie rurale. Dans le monde rural, il n’y a plus que cela ! Alors, prenez garde à ce que vous faites.
Vous créez par ailleurs un risque véritable pour le consommateur, qui ne pourra plus s’y retrouver. Nous avons déjà quantité de situations où le consommateur se retrouve en difficulté : je pense par exemple à toutes les personnes que l’on a vu arriver sur le marché pour réaliser des travaux d’isolation, alors qu’elles n’ont pas toujours les qualifications requises. En recourant à de telles entreprises, les consommateurs se retrouvent dans des situations inextricables.
Ce que vous voulez réinventer, ce sont les services à la personne. Il est dommage de vous rendre compte, au bout de quatre ans, que ces services à la personne existent déjà, monsieur le ministre ! C’est un secteur que vous avez extrêmement malmené : je vous rappelle que plus de 50 000 emplois ont été détruits dans ce secteur.
Je crois vraiment qu’il serait beaucoup plus sage, comme de nombreux parlementaires l’ont demandé, de prendre le temps du débat. Je ne dis pas que la question est illégitime, monsieur le ministre : nous pouvons réfléchir à la VAE pour enrichir les parcours d’intégration dans ces métiers, mais soyons extrêmement prudents. En l’état, le groupe Les Républicains vous demande solennellement de retirer l’article 43, pour prendre le temps de mieux y réfléchir et d’y retravailler.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, j’étais venu dans l’idée de combattre cet article 43, mais l’échange, et surtout l’échange apaisé, comme celui que nous avons cet après-midi, a beaucoup de vertus.
Comme tous les ruraux, je suis particulièrement sensible au rôle des artisans et des petites entreprises, et il n’est pas question de leur compliquer davantage la vie, car elle l’est déjà suffisamment ainsi. Cependant, j’ai été très sensible à vos propos, monsieur le rapporteur, et plus encore aux vôtres, monsieur le ministre. Je ne suis pas souvent en désaccord avec le collègue qui vient de s’exprimer, mais je le suis aujourd’hui, car je pense qu’il faut avancer. Les choses iront mieux lorsque nous aurons atteint le nombre annoncé de 500 000 apprentis, lorsque ces jeunes auront pu faire leur apprentissage auprès d’artisans, et que nous aurons relancé la formation en apprentissage comme elle doit l’être, et au niveau où elle doit l’être.
En attendant, je ne trouve pas déplacé – et je ne pense pas que cela puisse déstabiliser les petites entreprises – de donner la possibilité à des gens de devenir esthéticienne – ou estéticien – ou laveur de voiture.
Sourires.
Je sais bien que le lavage de voitures constitue un complément pour les garages, mais c’est aussi une chance pour ceux qui n’ont rien et qui n’ont plus d’espoir de s’intégrer dans la vie.
J’aurais donc plutôt tendance à penser que si les choses se passent comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, en partenariat et sous l’égide des chambres des métiers, on doit pouvoir trouver un accord et, personnellement, j’y suis favorable.
Je partage l’idée qu’il faut insuffler de l’oxygène dans notre société, faire souffler un vent de liberté et donner des opportunités à chacun, aux jeunes en particulier, dans un monde qui change extrêmement vite. Tout ce qui tourne autour de l’économie collaborative représente un potentiel énorme, dont on ne peut pas se passer. Il convient néanmoins de circonscrire les risques. Nous ne pourrons pas y parvenir pleinement aujourd’hui, mais il faut que nous les ayons à l’esprit, d’autant que certains vont prendre de l’importance dans les années à venir.
La question qui nous occupe aujourd’hui est celle de la compétence : il faut pouvoir garantir à ceux qui font intervenir un professionnel chez eux que les travaux seront bien faits. Or, de ce point de vue, il me semble que les critères de santé et de sécurité ne suffisent pas toujours. Lorsqu’on fait installer une isolation thermique, ce n’est ni la santé, ni la sécurité qui est en jeu : ce qu’il faut, c’est que les travaux soient achevés, et qu’ils le soient dans les règles de l’art. On a vu des gens incompétents faire tomber une poutre porteuse : même s’il n’y avait aucun risque, ni pour la santé, ni pour la sécurité, c’était tout de même grave ! La question de la compétence est donc la première à se poser.
Un problème plus fondamental se pose également : celui, à long terme, de notre modèle de société. Il est évident qu’à côté des emplois que l’on connaît – dans le privé, le public, en tant que salarié ou comme profession libérale – d’autres types d’emplois vont émerger. Il conviendra évidemment de les accompagner, mais il faudra aussi prendre des précautions. Il faudra notamment veiller à ce que certains n’en profitent pas pour contourner – ou détourner – les systèmes traditionnels, dans le but de moins cotiser. Il faudra éviter aussi que ne se multiplient les situations précaires, comme celles que connaissent déjà certains autoentrepreneurs – ce qui n’est pas grave lorsque cela ne dure que quelques années.
Toutes ces évolutions pourraient finir par mettre à mal notre système de protection sociale, ce qui serait pénalisant à la fois pour les personnes concernées, et pour la collectivité tout entière, puisqu’à terme, de moins en moins de gens seront capables de cotiser au système de retraite ou de protection sociale. Il faut être conscient de ces problèmes, même s’ils ne se posent pas dans l’immédiat. Prenons garde de ne pas recréer, demain, des statuts d’artisans et d’agriculteurs comparables à ceux que l’on connaissait il y a quarante ans, sans aucune protection sociale. Il y a un risque que l’on en revienne à cela, dans dix ou vingt ans. Donc, soyons prudents.
Je m’inscrirai dans la droite ligne des propos de notre collègue Éric Alauzet. Il est dommage d’avoir provoqué tant d’émotions et tant d’oppositions autour de cet article 43, alors même que l’élaboration de ce texte, depuis le début, se caractérise par la qualité des échanges entre l’exécutif et le législateur. Le Parlement a enrichi ce texte sur des points très importants, comme la protection des lanceurs d’alerte.
Il est dommage qu’il nous ait fallu fournir autant d’efforts pour parvenir à ne pas opposer les artisans et ceux qui sont susceptibles de le devenir – les jeunes en apprentissage, leurs enseignants ou les personnes ayant perdu un emploi et qui se reconvertissent. Il nous a fallu surmonter bien des incompréhensions, faire des efforts considérables pour arriver, finalement, à ce qui m’apparaît comme un bon compromis.
Le bon compromis, c’est celui que proposent le rapporteur et la présidente de la commission des affaires économiques : il s’agit d’avancer, afin de rassurer, non pas des lobbies extrêmement puissants d’insiders, mais les représentants des artisans de nos villages et de nos villes, ceux qui sont à la fois de grands employeurs et de grands formateurs des jeunes qui ont été rejetés d’un système académique parfois peu accueillant, mais aussi des adultes que le monde du travail exclut si vite, si tôt et si facilement de l’activité.
Je crois que l’intention de Mme Frédérique Massat, de M. Dominique Potier et de Mme Sophie Errante, que je tiens à saluer, c’est précisément de ne pas opposer ces univers, de faire en sorte que les évolutions du travail manuel et de l’initiative économique ne s’opposent pas, et que la protection sociale de l’ensemble de nos concitoyens, qu’ils soient dans l’emploi ou hors de l’emploi, salariés ou entrepreneurs, soit garantie. C’est cela, je crois, ce que nous recherchons tous. Je vous invite donc à adopter l’amendement de M. Dominique Potier et le sous-amendement de Mme Massat, afin de garder ce qu’il y a de positif dans l’article 43.
Je voudrais revenir sur un point assez troublant. Tout d’abord, notre collègue Dominique Potier a indiqué tout à l’heure que son amendement vise à tempérer les rigidités introduites par la loi du 18 juin 2014. Il est tout de même assez étonnant de s’apercevoir qu’un texte que nous avons adopté il y a moins de deux ans présente des rigidités. Je rappelle que nous avions déjà souligné ces problèmes à l’époque.
S’agissant précisément de l’article 43, on voit bien qu’il ne retient pas, en l’état, tous les métiers dans leur complexité. Je pense notamment que, contrairement à l’hypothèse qui a été retenue, la question de la qualification se pose de plus en plus.
Je vais vous en donner une illustration : j’ai la chance d’avoir, dans ma circonscription, le siège de la Fédération nationale de la construction passive. Je puis vous dire que ce secteur n’est pas en train de travailler dans une optique de réduction de la qualification, bien au contraire.
L’article est donc en contradiction avec les besoins réels du monde économique. Je suis surpris que le ministre de l’économie défende une disposition aussi paradoxale, car les professionnels ont besoin, non pas de moins, mais de plus de qualification.
Il n’y a pas si longtemps, la question de la qualification a d’ailleurs occupé une place centrale dans l’examen de la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école, de même que dans les débats relatifs à la formation professionnelle. Déconstruire le système actuel n’est pas souhaitable, non seulement pour les métiers de l’artisanat, mais pour toute notre économie et nos entreprises en général.
Sur le plan purement philosophique, j’ai été assez convaincu par la volonté du ministre de débloquer un système trop verrouillé, qui semble ne pas donner à la société les conditions de sa propre émancipation. Mais, toujours sur le plan philosophique, on a plus de mal à comprendre pourquoi l’on s’acharne à vouloir retirer toute forme de garantie statutaire à des professions peu protégées, alors que l’on mobilise tout notre talent à protéger les grandes entreprises qui, elles, pourraient rentrer dans le champ de la concurrence.
Monsieur le ministre, un artisan m’a posé une question, à laquelle je souhaite que vous répondiez. Vous voulez déverrouiller la profession de coiffeurs, d’esthéticien et d’autres métiers que vous considérez comme peu intellectuels, mais n’existe-t-il pas, dans la fonction publique d’État, des actes « détachables » qui pourraient également être concernés par cette mesure ? Ainsi, les sujets aujourd’hui traités exclusivement par l’Inspection des finances pourraient l’être demain par des corps administratifs de moindre importance au regard du classement de sortie à l’École nationale d’administration...
Si vous êtes prêt à déverrouiller tous les échelons du système, alors je pense que vous serez entendu, y compris par les parlementaires, parce que cette question ne se pose pas seulement pour les artisans.
Il serait inopportun de réduire ce débat important à une discussion sur le lavage de voiture ou les ongleries, car il renvoie en réalité à la question, régulièrement débattue depuis deux ans, de la stratégie de sortie de crise. Je reprends à mon compte la question de Mme Berger : voulons-nous sortir de la crise par le haut, en nous alignant sur les économies les plus performantes, qui garantissent la rémunération et la protection des salariés, ou au contraire par le bas, en suivant les standards européens et mondiaux les plus faibles ? Nous en avons débattu à l’occasion de la discussion sur le pacte de responsabilité et de solidarité : fallait-il investir dans la recherche et l’innovation ou dans la baisse du coût du travail ? Nous en avons débattu à propos du travail du dimanche : fallait-il préserver le modèle français, qui promeut une certaine qualité de vie des salariés et le repos dominical sans nuire à leur performance ? Nous en débattons également dans le cadre du projet de loi défendu par Mme El Khomri et nous en discutons à nouveau à propos de cette disposition.
Nous partageons tous la conviction que tout le monde est capable d’accéder à une qualification et doit avoir la possibilité de le faire. Le diplôme, le certificat professionnel ou la qualification permettent non seulement de réussir dans son métier mais aussi d’acquérir des compétences transférables dans d’autres secteurs. C’est, au fond, la meilleure protection contre le chômage. C’est la raison pour laquelle je suis opposé à cet article, dont les impacts concrets seront négatifs, et ce malgré les efforts louables du rapporteur et de la présidente de la commission des affaires économiques, car les améliorations apportées à une mauvaise disposition ne permettent pas d’en faire une bonne.
Je pense qu’il faut développer la formation professionnelle. Je suis favorable à la valorisation des acquis de l’expérience mais cet article n’y contribuera pas. C’est une question importante, que nous allons trancher dans les minutes qui viennent.
Je ne suis pas sûr que nous puissions trancher des questions aussi importantes dans les minutes qui viennent, simplement en adoptant ou non cet article.
C’est par l’emploi que nous sortirons de la crise. Ce qui est dangereux, c’est le statu quo et l’acceptation de la forme de malthusianisme qui prévaut dans certaines professions. Je suis élu dans un département aussi rural qu’urbain, avec des quartiers prioritaires de la politique de la ville. La chambre de métiers et de l’artisanat m’a dit tout le mal qu’il fallait penser de l’article 43 et les risques encourus, y compris pour sa propre trésorerie. Mais les jeunes et les moins jeunes de ces quartiers demandent qu’on leur donne la possibilité de réussir avec leur propre talent, qu’on les fasse travailler et agir dans leur quartier, et même qu’on accepte qu’ils sortent de leur quartier. Une politique de l’entrepreneuriat et de simplification du marché du travail doit aussi s’adresser à eux.
L’enjeu est de redonner un accès à la mobilité et à l’embauche. Le ministre évoquait tout à l’heure la présidente de l’ADIE : un tiers des crédits de cette association est accordé à la ruralité, qui forme la deuxième partie de ma circonscription. Dans les zones rurales, les dossiers portent sur les conditions principales de financement. Le facteur qui permet de les mobiliser est précisément la validation des acquis de l’expérience de ces femmes et ces hommes qui agissent dans nos territoires. Le manque de financement est la première difficulté mais ils se heurtent rapidement à la complexité des démarches administratives.
Au fond, la ruralité rencontre les mêmes difficultés que le milieu urbain, mais s’y ajoute la rareté de l’emploi salarié. Très clairement, les entreprises de trente à quarante salariés ne s’y installent pas. Les jeunes et les moins jeunes espèrent, non pas un CDI, mais seulement un travail. À cela s’ajoutent les questions de mobilité et d’éloignement, qui impliquent que nous facilitions les emplois de proximité. Il ne faut pas opposer les CDI aux indépendants, ni les savoir-faire justifiés de certaines professions à tous ces nouveaux métiers auxquels la loi de 1996 peut parfois faire référence, mais selon des modalités qui ne correspondent plus à la réalité de notre économie locale.
Je crois comprendre ce qui vous a inspiré cette proposition, monsieur le ministre. Et il est rassurant qu’en 2016, au début du nouveau millénaire, soit encouragé en France ce qu’on appelait autrefois – dans l’ancienne économie, pourrai-on dire –, la débrouillardise. On donne une chance à celui qui n’est pas qualifié ou qui n’aime pas l’école, mais qui est débrouillard, entreprenant.
Cependant, il est clair que la façon dont vous vous y êtes pris revient à développer une filière parallèle à celle des artisans. De son côté, le projet d’amendement défendu par M. Potier et Mme Massat prend en compte la validation des acquis de l’expérience. Selon moi, il faut montrer que chacun est utile à la bonne marche de notre société, même ceux qui n’ont pas de travail et perçoivent une allocation ou une pension. C’est pour cela qu’on essaie de déverrouiller et d’ouvrir les professions, proposition qu’Alain Madelin ou Jean-Pierre Raffarin aurait pu faire en leur temps, j’en suis convaincu. Je ne suis d’ailleurs pas loin de la soutenir.
Pour autant, après avoir pris en compte la validation de l’expérience, il faut également introduire une disposition sur la professionnalisation, afin d’orienter les bonnes volontés vers l’excellence. Aussi, il convient d’établir un lien étroit entre les métiers dont votre décret fera la liste et les chambres de métiers et d’artisanat, car les artisans subissent une concurrence forte et parfois déloyale. Nous devons donc définir très précisément les objectifs d’une disposition que, au nom de l’UDI, je pense pouvoir soutenir.
Voilà déjà quelques décennies que je participe à des travaux de qualification des entreprises, en tant que représentant de maître d’ouvrage. L’action de l’organisme professionnel de qualification et classification du bâtiment et des activités annexes, l’OPQCB, aujourd’hui Qualibat, se fait au profit de toutes les entreprises, des plus grandes jusqu’aux artisans. Chaque dossier ou presque fait apparaître le cas d’une personne qui a commencé par travailler dur, qui s’est formée sur le tas, et qui a su faire valider ses acquis – ce qui se traduit, au sein de son entreprise, par une qualification.
Cela vaut pour d’autres domaines, comme la coiffure par exemple. J’étais il y a quelques instants avec un apprenti coiffeur. Je ne vois d’ailleurs pas dans cet hémicycle de coupes qui soient de lui ; la diversité de la société ne se retrouve peut-être pas tout à fait ici.
Sourires.
En tout état de cause, je peux vous garantir que la formation professionnelle est une chance unique dans les quartiers, cela a été dit. Cela doit se traduire par une reconnaissance.
Il y a quelques années, en ces lieux, nous avons débattu de la création du statut de l’autoentrepreneur. Il fallait à l’époque faire « exploser l’emploi et l’entreprise ». On a vu ce que cela a donné sur le terrain. Pour les métiers où la formation n’est pas aussi nécessaire que la volonté et une petite expertise, cela peut marcher. Pour ceux où une qualification reconnue, voire un diplôme, était nécessaire, la création de ce statut a conduit à l’apparition d’une deuxième filière, qui permettait d’ailleurs d’échapper au fisc.
Vous venez de Bercy, monsieur le ministre. Et derrière vous, il y a peut-être les mêmes fonctionnaires, les mêmes experts, qui ont poussé pour le statut d’autoentrepreneur, et qui vous poussent aujourd’hui à casser tout ce que cet article veut casser. Après tout, cela ne concerne que les territoires ruraux… C’est le centre hospitalier universitaire régional qui se moque de l’hôpital rural. Et pourtant, s’il ne reste plus beaucoup d’hôpitaux ruraux, je peux vous garantir qu’ils sont utiles !
Donc, oui aux qualifications, mais non à la libéralisation. Elle sera de toute façon contre-productive, car derrière ces métiers, il y a un client, il y a des familles. Dans le monde des services à la personne – et certains d’entre vous ont une expérience dans le secteur associatif –, on peut garantir que celui qui rentre dans l’intimité des familles est bien salarié d’une association, que cette dernière dispose d’un code éthique, qu’elle contrôle ses agents. C’est rassurant pour la personne âgée, et c’est un facteur de sécurité. C’est tout cela, monsieur le ministre, que vous voulez mettre en cause.
De grâce, écoutons la sagesse dont font preuve certains orateurs, la présidente et les rapporteurs. Repoussons cet article qui est à la fois contre-productif, anti-économique et anti-humain, et qui ne nous rassure pas, bien au contraire !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Avant toutes choses, je tiens à dire qu’il n’est ni péjoratif ni médiocre qu’un ministre de l’économie s’intéresse aux secteurs de l’onglerie ou de la coiffure, et à l’artisanat en général. Au contraire, c’est très important.
C’est la vie concrète des Français, et cela représente des moyens d’accéder à l’emploi pour des gens souvent très modestes. Ce sont des métiers en tout cas extrêmement utiles pour la société.
Néanmoins, je n’aurais pas voté le présent article en l’état, et ce pour deux raisons. D’abord, ce n’est pas parce qu’un métier est manuel que l’on peut l’exercer sans formation. Certains métiers manuels requièrent une longue formation et beaucoup de savoir-faire, souvent extrêmement précieux.
Ensuite, il ne faut pas confondre la libéralisation et la qualification. Un secteur peut être totalement libéralisé tout en exigeant une grande qualification. Les médecins se veulent libéraux et ils ont au moins bac plus 7. Ce qu’il est important de savoir, c’est si le secteur est fermé par un numerus clausus ou par un statut ancien très protecteur qui fait barrière.
Je ne suis pas de ceux qui considèrent que deux modèles seraient en confrontation, l’un qui chercherait à précariser l’emploi et l’autre, qui sauvegarderait des emplois de haut niveau. En réalité, le monde nouveau fait face au monde ancien. Aujourd’hui, très nombreux sont ceux qui, en France, emploient des travailleurs au noir. Cela concerne un grand nombre de métiers, en particulier ceux que l’on appelait jadis les « Michel Morin ». Or ces employés au noir aimeraient bénéficier d’un minimum de protection sociale et de reconnaissance. Les dispositions qui nous sont proposées doivent être votées, car elles constituent une voie moyenne entre la protection intégrale assurée dans le monde ancien et la respiration dont a besoin ce secteur.
Ne nous leurrons pas. Nous vivons dans un pays de protection corporatiste. La droite protège ses corporations et la gauche les siennes – on voit bien ce qui se passe aujourd’hui dans la rue. Il faut sortir de ce vieux monde corporatiste, qui est celui du repli français chaque fois que des crises ou des difficultés surgissent dans le pays.
Nous avons un vrai débat de fond entre la vision qui est la vôtre, monsieur le ministre, et que vous défendez, texte après texte, depuis un an et demi, et une autre, que nous ne partageons pas. C’est un fait : nous assistons à un rejet dans nos territoires des mesures que vous proposez. On peut approuver votre discours sur les blocages de la société et le fait que des citoyens n’ont pas accès au travail et à la formation. Toutefois, si votre analyse peut se justifier, voire être partagée, les solutions que vous avancez ne nous satisfont pas.
Ce n’est pas en proposant une libéralisation du secteur de l’artisanat comme d’autres secteurs que nous irons dans le sens que nous voulons. Nous considérons que la qualification protège. Je suis en total désaccord avec les propos qui ont été tenus à l’instant : il n’existe ni corporatismes de gauche ni corporatismes de droite. On ne saurait accepter ce type de discours. Il y a des élus de tous bords confrontés dans leurs circonscriptions – notamment rurales, mais ce ne sont pas les seules – à des situations telles qu’ils sont conduits à devoir défendre le monde artisanal, d’autant que ce dernier, disons-le, a été fragilisé par plusieurs dispositions votées précédemment.
Enfin, au-delà de mon désaccord de fond sur l’article 43, je tiens à mentionner un problème de méthode. Monsieur le ministre, les membres du Gouvernement ne peuvent pas avoir toujours raison contre celles et ceux qui sont sur le terrain, notamment les parlementaires qui s’interrogent sur la méthode. Vous devez revenir sur ces dispositions pour des questions tant de fond que de forme.
Ce débat très intéressant est animé parce qu’il porte sur les petites entreprises artisanales présentes dans nos territoires, où elles ont une empreinte sociale, économique et écologique. Ce sont les mêmes qui paient des impôts en France et n’ont pas accès à des schémas d’optimisation fiscale.
Il faut défendre l’État de droit, qui passe par les régulations et les qualifications. Aujourd’hui des plateformes se prévalent de l’économie dite collaborative, alors qu’en réalité cette économie casse les entreprises présentes dans les territoires. En effet, celle-ci prélève des fonds dans la Silicon Valley pour imposer un état de fait à l’État de droit et défendre un monde dépourvu de qualifications : chacun deviendrait un micro-travailleur mis en concurrence avec tous les autres.
S’il faut simplifier les qualifications, il est tout autant nécessaire de les défendre, non pas seulement pour les entreprises mais également pour les consommateurs. Les qualifications apportent de la sécurité aux consommateurs dans des métiers qui peuvent comporter des dangers, mais aussi de la qualité. C’est l’excellence française qu’incarne l’artisanat.
Il faut entendre les messages des parlementaires qui sont intervenus aujourd’hui pour exprimer à la fois les difficultés qu’ils rencontrent sur le terrain et le désarroi des nombreux artisans qui les ont interpellés et qui demandent la révision de ces dispositions.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
En tant que député des Français de l’étranger, j’observe à quel point les manifestations de l’artisanat à l’étranger, via le made in France ou Atout France, résonnent dans l’esprit de nos partenaires, notamment européens.
Il s’agit non pas de rejouer le match des professions réglementées ni d’opposer l’emploi à la formation mais de se recentrer sur la question de la reconnaissance de la qualification. Certes, l’accès à la qualification est problématique. J’ai vu de nombreux jeunes en décrochage scolaire se révéler à l’étranger, via le réseau des maisons familiales rurales, en prenant goût à un nouveau métier. Ce dont on a besoin, c’est de favoriser l’accès à la qualification plutôt que de scinder les compétences entre les tâches qui figureraient dans le répertoire des métiers et les autres.
Nous avons d’excellents concours de maîtres ouvriers, notamment de cuisiniers. Les étrangers nous envient ce répertoire des qualifications. Pourquoi sabrer un tel outil d’attractivité, que d’ailleurs l’action du secrétariat d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger vise à renforcer ?
Valorisons les patrimoines de nos territoires : c’est un message que notre regrettée Sophie Dessus aurait porté.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le ministre, votre proposition a un côté frustrant. Je me demande si, en réalité, derrière cet article, ne se profile pas une revanche sur les surdiplômés, que, peut-être, vous représentez. Peut-être voulez-vous aligner tous les métiers sur le manque de qualification de certains ministres ou députés. Nous sommes en droit de nous poser la question.
Vous commettez une faute sociale. Le CAP, comme, jadis dans nos campagnes, le certificat d’études, est une promotion : le jeune qui acquiert aujourd’hui le CAP le reçoit de la même façon que celui qui acquérait le certificat d’études, à savoir comme sa légion d’honneur. Il faut maintenir les CAP pour tous les artisans car ils assurent l’ascenseur social en sanctionnant le mérite. Voilà pourquoi il faut supprimer cet article contre-productif pour l’intégration républicaine.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le ministre, nous payons aujourd’hui plusieurs erreurs. Nos sociétés modernes ont tout d’abord un problème avec la complexité et la transmission d’homme à homme des savoirs qui ne peuvent être ni normés ni formatés. La médecine elle-même paie lourdement cette normalisation et cette standardisation des formations.
C’est à cette erreur que vous êtes confronté : le système politique vous demande aujourd’hui soit de normaliser à l’extrême, soit de libéraliser, c’est-à-dire de détruire, selon le modèle anglo-saxon, tous les repères de formation professionnelle et tous les cadres qui permettent de structurer une société et à chacun d’y trouver sa place.
Dans votre démarche de philosophie politique, vous vous voyez contraint, du fait de la faiblesse financière et budgétaire de la France, confrontée au poids de l’Union européenne et, derrière celle-ci, des banques américaines et des prêts dont vous êtes dépendants, à faire adopter des lois toujours plus nombreuses qui déstructurent le tissu social ainsi que ces repères d’identification que nos collègues, dits de droite ou de gauche, ont évoqués.
Monsieur le ministre, cette pente, que vos prédécesseurs avaient déjà empruntée, est très dangereuse. Le débat qui s’ouvrira en 2017 portera sur le choix de société, entre notamment ceux qui veulent détruire les repères et la position de l’humain dans la société et ceux qui croient, sans doute comme vous, que les institutions supranationales, la déréglementation, la libéralisation et, donc, la destruction à terme sur la plaque continentale européenne de certains emplois, valent pour l’avenir.
C’est pourquoi la portée symbolique de l’article 43 va bien au-delà des débats sur telle ou telle profession, quelle que soit par ailleurs leur honorabilité. Monsieur le ministre, si vous voulez être contemporain et porter une vision d’avenir, supprimez l’article 43.
Monsieur Premat, je partage totalement ce que vous avez dit : les cuisiniers sont un très bon exemple d’excellence française. Or ils ne sont pas concernés par cette réforme, du fait qu’ils échappent aux qualifications professionnelles qui touchent aux métiers de l’artisanat. Votre propos est l’illustration parfaite du caractère hors sujet d’une bonne partie de notre débat. Il est possible de reconnaître les qualifications des métiers et l’excellence d’un geste sans créer une barrière à leur accès. On peut devenir cuisinier sans qualification préalable : celui dont l’excellence du geste sera reconnue progressera et pourra être récompensé du titre de meilleur ouvrier de France. La sélection par la qualité, voilà ce qui crée l’attractivité de cette profession.
Or toutes les professions que nous évoquons appartiennent à un autre système, celui qui relève du répertoire des métiers.
Monsieur Myard, nous ne supprimons pas le CAP : si je souscris à la teneur de votre propos, vous me reprochez une mesure qui n’est pas dans le texte – je vous invite à relire l’article 43. De plus, nous proposons de reconnaître les acquis de l’expérience. Monsieur Dumont, je rejoins en tout point vos propos : or ils sont satisfaits par l’amendement du rapporteur. En effet, l’amendement no 1284 rectifié , via la valorisation des acquis de l’expérience, va dans votre sens en permettant à des jeunes et des moins jeunes de continuer à progresser tout au long de leur vie en valorisant les acquis de leur expérience et en passant des qualifications. Voilà ce qu’autorise ce texte.
Un point demeure cependant problématique, même si je pense toujours qu’il est pertinent – je suis d’accord avec Mme Khirouni, qui l’a évoqué. Il s’agit de la reconnaissance de l’initiative économique. Le Gouvernement vous propose non pas de supprimer l’article – ce serait une erreur car une telle suppression reviendrait à renoncer à toute une réforme – mais de le maintenir tout en adoptant l’amendement no 1284 rectifié du rapporteur, sur lequel j’ai déposé un sous-amendement, à la suite de la discussion que j’ai eue avec la présidente de la commission, le rapporteur, les rapporteurs pour avis et le groupe. Ce sous-amendement vise à supprimer l’alinéa 8 de l’amendement no 1284 rectifié , en vue de poursuivre la discussion avec les professions pour trouver les bons équilibres.
Les tâches accessoires sont importantes, monsieur Germain : loin d’être anecdotiques, elles valent autant que les autres. Elles emploient d’ailleurs des dizaines de milliers de professionnels en France. Nous pourrons ainsi, dans le cadre de la navette parlementaire, préciser la rédaction de cette disposition en vue de procéder de manière apaisée aux ajustements dont nous avons besoin.
Pourquoi, à la fin des fins, avons-nous besoin de passer par la loi ? Parce qu’en 1996, le législateur a décidé de fixer toutes ces règles dans la loi.
Vous m’en voyez désolé mais, dans le système qui est le nôtre, on ne peut modifier la loi que par la loi.
Puisque le législateur est intervenu en 1996, nous devons passer par la loi pour ouvrir le système. Ce n’est pas optimal, je vous l’accorde, mais il faut avancer.
Sourires et exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures vingt-cinq.
La séance est reprise.
Nous abordons maintenant l’examen des amendements à l’article 43.
Je suis saisi de cinq amendements de suppression, nos 20, 312, 731, 1151 et 1367.
La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement no 20 .
Nous l’avons tous compris : l’article 43 vise à assouplir les conditions de qualifications professionnelles pour certaines activités artisanales et commerciales. Si simplifier les formalités de création et l’exercice d’une activité artisanale et commerciale est un objectif partagé – beaucoup l’ont dit –, il ne faudrait pas que cette simplification entraîne des effets non souhaitables. L’idée selon laquelle n’importe quelle personne peut exercer n’importe quelle activité est fausse : certaines professions exigent des qualifications pour garantir la sécurité et la santé des consommateurs. L’article 43 inquiète donc les professionnels concernés, qui redoutent la perte de reconnaissance de leur savoir-faire, de leurs compétences et de la spécificité de leur talent. Par ailleurs, on peut s’interroger sur les conséquences de cette réforme sur la valeur des fonds de commerce.
Voilà pourquoi le groupe Les Républicains souhaite supprimer l’article 43. À défaut, à titre personnel, j’ai déposé des sous-amendements, nos 1517 et 1520 , à l’amendement no 1284 rectifié du rapporteur. Mon sous-amendement no 1520 recueille d’ailleurs l’accord du Gouvernement, puisque ce dernier vient de déposer un sous-amendement identique, no 1565 .
La parole est à Mme Marie-Lou Marcel, pour soutenir l’amendement no 312 .
Je ne répéterai pas ce que j’ai déjà dit tout à l’heure, lors de mon intervention sur l’article. Néanmoins, j’aimerais que le Gouvernement m’apporte quelques précisions.
J’ai pris acte de l’ouverture du Gouvernement, qui propose de retravailler la rédaction de l’alinéa 8 au cours de la navette. Cela me paraît toutefois insuffisant. Avant de retirer mon amendement de suppression, je souhaiterais que puisse être intégrée à cette réflexion une étude d’impact sur les conséquences en termes d’emplois des ouvertures envisagées.
Par ailleurs, il est choquant d’opposer ainsi ancienne et nouvelle économie. Ces mesures et ces expressions sont clairement ressenties comme dévalorisantes, voire insultantes pour les artisans qui sont détenteurs d’un vrai savoir-faire.
Je suis également surprise qu’au moment où l’on demande de plus en plus de qualifications aux artisans – par exemple pour obtenir le label RGE, requis pour que le client bénéficie d’un crédit d’impôt –, l’article 43 tende à les occulter.
La parole est à Mme Huguette Bello, pour soutenir l’amendement no 731 .
Le présent amendement vise à supprimer l’article 43 ne se contente pas de poser certaines difficultés : il traduit une approche de la situation des jeunes sans qualification que nous ne partageons pas.
L’article revient en effet sur les équilibres et compromis trouvés, avec l’assentiment des professionnels, lors de l’examen de la loi du 8 juillet 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises. Il ouvre notamment la voie à la suppression de l’obligation de qualification pour certaines activités artisanales alors même que l’immense majorité des activités artisanales exige des savoir-faire spécifiques, des qualifications de plus en plus complexes qui supposent une formation adaptée.
La technicité de ces activités ne cesse en effet de progresser, notamment à la faveur d’un environnement normatif toujours plus exigeant en matière de sécurité, de santé et de protection de l’environnement. L’adoption de cet article aurait pour conséquence non seulement de voir se développer des phénomènes de concurrence déloyale pour les artisans qui ont obtenu les qualifications requises, mais aussi une baisse sensible et inévitable de la qualité du service rendu pour le consommateur.
En d’autres termes, la souplesse que vous introduisez menace de tirer de nombreux métiers vers le bas, de favoriser la multiplication de « petits métiers », sources de faibles revenus pour des durées limitées. Pour stimuler l’entrepreunariat individuel et parvenir à une réduction artificielle du chômage, vous nous proposez, en somme, de permettre aux jeunes sans qualification d’exercer de petits jobs sans lendemain.
Certes, les travaux en commission ont permis d’améliorer la rédaction du texte. Pour autant, la réforme proposée continue de faire peser de lourdes menaces, tant pour les artisans et pour les consommateurs que pour ceux auxquels elle s’adresse.
La parole est à M. Stéphane Saint-André, pour soutenir l’amendement no 1151 .
La parole est à Mme Frédérique Massat, pour soutenir l’amendement no 1367 . J’imagine que vous allez le retirer.
En effet, mais auparavant, permettez-moi de présenter le résultat des longues heures de travail effectuées au sein de la commission des affaires économiques. Le texte que nous allons soutenir n’est plus celui qui prévoyait d’alléger les obligations en matière de qualification. En revanche, il comprend des dispositions sur la VAE et conserve celles concernant « l’interopérabilité » entre métiers connexes, réclamées par les artisans eux-mêmes, ainsi que la possibilité de se prévaloir de la qualité de d’artisan cuisinier. Bref, il s’agit d’une rédaction complètement différente de celle du projet de loi initial. En l’adoptant, nous lèverons la pression qui pesait sur le monde de l’artisanat et la crainte que, demain, on n’allège l’obligation de qualifications Ce n’est plus du tout le cas.
L’amendement no 1367 est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur cette série d’amendements de suppression ?
Avis défavorable, bien entendu. Nous soutiendrons la proposition que j’ai formulée, en ôtant l’alinéa 8, mais en conservant les dispositions sur « l’interopérabilité », qui répondent à une demande formelle de la chambre des métiers et des organisations représentatives en faveur d’une plus grande souplesse. Il n’y a là, désormais, que du bonus pour les artisans, dont la reconnaissance n’aura jamais été entamée. Le dialogue pourra se poursuivre sur des fondements que nous partageons. Je vous remercie de ce débat passionnant qui nous éclairera pour la suite.
Dans le texte porté par le Gouvernement et, a fortiori dans le texte proposé par le rapporteur dans son amendement no 1284 rectifié , il n’a jamais été question de toucher aux nombreuses professions qui ont été évoquées – boulanger, électricien etc. De même, le CAP est préservé partout. De surcroît, les acquis de l’expérience sont reconnus et valorisés pour toutes les professions.
Ces apports en matière de VAE ont été conservés dans l’amendement du rapporteur, mais ils seraient perdus si vous adoptiez les amendements de suppression de l’article.
Le Gouvernement soutiendra l’amendement no 1284 rectifié et défendra un sous-amendement visant à en supprimer l’alinéa 8. Ainsi, l’ouverture que nous proposons ne pourra concerner que quelques tâches marginales et n’aura lieu, en tout état de cause, qu’après concertation avec les professions, à l’instar de ce que nous avons fait avec les coiffeurs.
Telle est la position à laquelle nous sommes parvenus au cours des derniers jours et qui est soumise cet après-midi à votre suffrage. Elle permet d’avancer dans la bonne direction, de manière apaisée.
Avis défavorable, donc, sur l’ensemble des amendements de suppression. Je rappelle que s’ils étaient adoptés, tout ce qui est proposé en matière de valorisation des acquis de l’expérience serait remis en cause.
La parole est à Mme Michèle Bonneton. Brièvement, madame la députée, car tout a été dit.
J’ai bien conscience du travail réalisé en commission et des avancées obtenues. Je me réjouis, par exemple, de voir que l’amendement de M. Potier prévoit une meilleure consultation des organisations professionnelles. Mais je constate également qu’il renvoie à de nombreux décrets le soin de déterminer l’exigence ou non de qualifications pour les artisans.
C’est là un chemin très risqué, tant pour les artisans eux-mêmes, qui pourraient rester coincés une grande partie de leur vie dans des professions dénuées de qualifications et offrant des niveaux de salaires très faibles, que pour les clients. Un autre chemin, certes plus long et plus difficile, me semble devoir être emprunté : il convient de valoriser les métiers manuels et le travail artisanal de qualité, de mieux adapter la formation aux personnes douées manuellement, mais appréciant modérément le travail intellectuel, et de modifier la valorisation des acquis professionnels afin de généraliser l’accès à une vraie formation et à une vraie valorisation de son travail.
Mes camarades écologistes et moi-même sommes donc pour la suppression de l’article 43.
Je suis saisi d’un amendement no 1284 rectifié qui fait l’objet de plusieurs sous-amendements.
La parole est à M. Dominique Potier, rapporteur pour avis, pour soutenir l’amendement.
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir le sous-amendement no 1549 .
L’article 16 de la loi du 5 juillet 1996 doit s’appliquer aussi aux établissements et aux micro-entreprises. Pour éviter toute distorsion de concurrence, il convient de traiter tout le monde de la même manière.
La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir le sous-amendement no 1517 .
L’amendement du rapporteur, tout le monde l’a bien compris, est un amendement de compromis. En dépit des gages donnés par le rapporteur en commission des affaires économiques, en particulier sur la concertation préalable à l’élaboration des décrets, la philosophie de cet article posait en effet problème. C’est pourquoi nous avions demandé sa suppression.
Je le répète, je ne vois pas quelle est la logique du ministre de l’économie qui, pour favoriser l’emploi et l’activité artisanale, préfère réduire les qualifications plutôt que de s’attaquer aux charges et la paperasse ou de travailler sur le régime social des indépendants.
Ce n’est pas en supprimant des qualifications que l’on va favoriser l’accès à un métier – surtout si ce dernier nécessite de prendre des précautions particulières en matière de sécurité et d’hygiène. En ce sens, l’amendement du rapporteur apporte quelques avancées dans la mesure où il maintient les exigences de qualification pour certains métiers comme les ramoneurs, lesquels sont concernés par mon amendement no 271 .
En revanche, la liste des activités ne pouvant être exercées que par une personne qualifiée comprend une lacune. En effet, outre « l’entretien et la réparation des véhicules terrestres à moteur et des machines agricoles, forestières et de travaux publics », le démontage et le recyclage automobile devraient également faire l’objet d’une qualification minimum. Les raisons sont évidentes : sécurité routière, réutilisation des pièces détachées et protection de l’environnement.
Tel est le sens de mon sous-amendement, qui permettrait notamment de soumettre l’agrément d’un centre VHU – véhicule hors d’usage – à la présentation d’une qualification de démonteur automobile spécialiste.
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir le sous-amendement no 1526 .
Il convient de compléter l’alinéa 7 de l’amendement du rapporteur afin de ne pas créer de distorsion de concurrence. Il serait en effet incompréhensible d’appliquer des règles différentes à une même profession sous prétexte que le lieu d’exercice peut varier. C’est une question d’équité : il faut traiter les professionnels de manière identique. L’ensemble du secteur de la coiffure doit donc être pris en compte, y compris la coiffure à domicile. Il en va évidemment de la sécurité de nos concitoyens.
La parole est à M. le ministre, pour soutenir le sous-amendement no 1565 .
L’amendement est défendu.
La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir le sous-amendement no 1520 .
La solution idéale n’existe pas. Le Gouvernement a voulu ouvrir une brèche qu’il est désormais compliqué de refermer. Vous voulez maintenir la législation actuelle sur l’obligation de qualification tout en excluant certaines tâches dont la liste sera fixée par décret. Cependant, l’alinéa relatif à ces tâches, correspondant aux activités multiservices, comprend plusieurs notions très floues.
Qu’est-ce qu’un « risque limité » pour « la santé et la sécurité des personnes » ? À partir de quel moment le risque est-il limité ? Que signifie « les tâches courantes, élémentaires ou d’entretien courant ainsi que les menues réparations » ? Quel est l’apport de cet alinéa par rapport au droit existant ? Sauf erreur, de tels professionnels exercent déjà. Quant au décret d’application, il pose plus de questions qu’il n’offre de solutions.
C’est pourquoi je propose la suppression de l’alinéa 8. Le rapporteur et le Gouvernement se sont du reste rangés à ma suggestion puisque ce dernier a déposé un sous-amendement no 1565 visant le même objectif.
La parole est à M. Thierry Benoit, pour soutenir le sous-amendement no 1557 .
Puisqu’il s’agit de clarifier et de donner des assurances aux professionnels, il convient de supprimer l’alinéa 8 qui introduit la notion « d’activités multiservices », laquelle peut concourir à créer de l’ambiguïté et donner à croire que l’on soutiendrait une filière, sinon parallèle, du moins pouvant être source de concurrence déloyale. En supprimant cet alinéa, on lève toutes les ambiguïtés, on clarifie et on avance. « En marche » !
Sourires.
La parole est à Mme Frédérique Massat, pour soutenir le sous-amendement no 1558 .
La parole est à Mme Sophie Errante, pour soutenir le sous-amendement no 1552 .
Le sous-amendement no 1552 est retiré.
La parole est à Mme Sophie Errante, pour soutenir le sous-amendement no 1553 .
À la demande des partenaires professionnels, il est utile de mettre au pluriel l’expression : « d’un métier connexe » afin de donner à un artisan la possibilité de réaliser des tâches relevant de plusieurs métiers connexes, pour autant qu’ils relèvent de la même activité.
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir le sous-amendement no 1527 .
En cohérence avec tous nos débats précédant, avis favorable aux sous-amendements nos 1520 , 1557 , 1558 et 1553 et défavorable aux sous-amendements nos 1549 , 1517 , 1526 , 1552 et 1527 .
Monsieur Hetzel, vos sous-amendements sont satisfaits. Quant aux autres, ils ne correspondent pas à l’économie du projet de loi et à la ligne que nous avons adoptée.
J’ajouterai enfin une précision importante, que m’a suggérée M. Romain Colas en toute cohérence avec ce projet de loi : pour ce qui concerne la coiffure, je suis au-dessus de tout soupçon de corruption.
Sourires.
Il est temps que j’intervienne !
Sourires.
Même avis.
Le sous-amendement no 1553 est adopté.
Le sous-amendement no 1527 n’est pas adopté.
L’amendement no 1284 rectifié , sous-amendé, est adopté. En conséquence, l’article 43 est ainsi rédigé et les autres amendements tombent.
Je suis saisi d’un amendement, no 1460 , portant article additionnel après l’article 43.
La parole est à M. le ministre, pour le soutenir.
Il est défendu.
L’amendement no 1460 , accepté par la commission, est adopté.
La loi du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux petites entreprises a prévu que les entreprises artisanales employant plus de dix salariés et dépassant un second seuil de salariés fixé par décret sont radiées du répertoire des métiers et, de ce fait, exclues du secteur de l’artisanat. Elles ne peuvent alors plus bénéficier du droit de suite.
Cette disposition ne prend aucunement en compte la réalité économique du secteur de l’artisanat, car elle obligerait plusieurs dizaines de milliers d’entreprises à être radiées du répertoire des métiers, avec d’importantes conséquences en termes de ressources pour le réseau des chambres des métiers et de l’artisanat et la composition interne de ces réseaux.
De plus, l’application de ces dispositions emporterait mécaniquement une augmentation de la fiscalité pesant sur les entreprises immatriculées, par effet de report de la fiscalité qui ne serait plus acquittée par les entreprises radiées.
Pour répondre à ces difficultés, l’amendement tend à autoriser, de manière facultative, l’immatriculation au répertoire des métiers des entreprises de plus de dix salariés exerçant une activité artisanale.
La parole est à Mme Sophie Errante, pour soutenir l’amendement no 1413 .
La parole est à M. Dominique Potier, rapporteur pour avis, pour soutenir l’amendement no 1232 .
L’amendement no 1232 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 44 bis, amendé, est adopté.
Je suis saisi de deux amendements, nos 1255 rectifié et 222 , portant article additionnel après l’article 44 bis et pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Huguette Bello, pour soutenir l’amendement no 1255 rectifié .
Cet amendement reprend l’article 2 de la proposition de loi de M. Gaby Charroux visant à encadrer les rémunérations des entreprises, adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture le 26 mai 2016. Il tend à limiter à deux le nombre de conseils d’administration au sein desquels une même personne peut siéger, au lieu de cinq dans le droit actuellement en vigueur. La pratique française des mandats d’administrateur croisés favorise en effet les échanges de bons procédés, chacun votant la rémunération proposée pour ses collègues dans le conseil dont ils assurent la présidence.
Cet amendement s’inscrit dans un mouvement ininterrompu de limitation du cumul des mandats d’administrateur par une même personne. Une telle limitation aurait vocation à s’appliquer également au sein des sociétés anonymes dotées d’un directoire et d’un conseil de surveillance.
Cet amendement tend à réduire de cinq à deux le nombre de mandats sociaux pouvant être exercés par la même personne, mais nous avons très récemment réduit ce nombre de cinq à trois pour les sociétés cotées. Il conviendrait donc, à ce stade, de préserver l’équilibre. C’est en tout cas ce qu’a considéré la commission, qui a émis un avis défavorable.
La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l’amendement no 222 .
L’article 44 bis, même s’il n’est pas très normatif, permet à l’assemblée générale ordinaire de désigner un administrateur chargé du suivi des questions d’innovation et de transformation numériques au sein de la société. Il est important de pouvoir renouveler les membres des conseils d’administration et le fait de limiter à deux au lieu de cinq le nombre de mandats pour les grandes entreprises de plus de 5 000 salariés crée un appel d’air pour de nouveaux types d’administrateurs, notamment des entrepreneurs du numérique. Il importe en effet que ceux-ci puissent trouver leur place au sein des conseils d’administration des grands groupes, pour participer activement à la transformation numérique de la société.
Le renouvellement des membres des conseils d’administration apparaît également important dans le contexte du scandale qu’a suscité la rémunération de Carlos Ghosn. Compte tenu en effet de l’entente qui règne entre les membres des conseils d’administration, l’adoption de mon amendement permettrait un renouvellement bénéfique tant pour apporter de nouveaux profils au sein des conseils d’administration que pour éviter l’entente qui peut aujourd’hui s’être établie entre les différents conseils d’administration par une sorte d’équivalence entre les profils des administrateurs qui y siègent.
En tout cas, il va dans le même sens. Avis toujours défavorable, donc.
Étant donné, cependant, qu’il s’applique à toutes les entreprises, il est curieux, et même paradoxal, que vous souhaitiez l’appliquer même aux très petites entreprises, pour qui il est parfois, en pratique, très difficile de trouver des mandataires. Je m’étonne donc de cette position très contradictoire avec l’ensemble des propos que vous avez tenus tout l’après-midi.
Même avis.
Je tiens à saluer l’excellent amendement de Mme de La Raudière, qui répond précisément au souhait exprimé tout à l’heure par le ministre d’« oxygéner » le monde de l’entreprise, en proposant un plus grand renouvellement dans les conseils d’administration et conseils de surveillance, lesquels, on le sait, fonctionnent par cooptation. La limitation du nombre de mandats permettrait cette oxygénation que le ministre appelait de ses voeux. Il est regrettable que les discours ne soient pas suivis par des actes.
Ce débat a déjà eu lieu récemment dans cet hémicycle. Il ne faut pas raisonner seulement en pensant aux conseils d’administration des grandes entreprises, pour lesquels il peut être nécessaire d’aller dans le sens proposé par votre amendement – du chemin a, du reste, déjà été fait en ce sens, car le nombre d’administrateurs a été réduit à cinq et on peut éventuellement poursuivre ce mouvement.
Il ne faut cependant pas oublier, madame de la Raudière, comme vous le rappelle le rapporteur, qu’il existe également des entreprises de taille intermédiaire qui se sont constituées par rapprochement de PME et que, pour que ce rapprochement ait lieu dans de bonnes conditions, il peut exister deux, trois, quatre ou cinq entreprises possédant chacune son conseil d’administration. L’impossibilité que vous voulez instaurer risquerait de compliquer considérablement le travail de certaines de ces ETI et PME qui se rapprochent. Si nous voulons donc oxygéner les entreprises – ce qui est parfaitement légitime –, nous voulons aussi consolider des ETI qui se constituent par rapprochement entre PME.
Monsieur le président, mon amendement comporte une erreur de rédaction, car je ne voulais viser que les entreprises de plus de 5 000 salariés. Je le retirerai donc, mais je souhaiterais néanmoins obtenir du Gouvernement une réponse de fond quant à savoir s’il est possible, pour les entreprises de plus de 5 000 salariés, de réduire de cinq à deux le nombre maximal de mandats d’administrateur, afin d’oxygéner les conseils d’administration.
En deuxième lieu, monsieur le ministre, vous n’avez pas été aussi attentif aux ETI composées de plusieurs PME lors de la discussion de l’article 8, où j’étais intervenue pour limiter aux entreprises de plus de 5 000 salariés les dispositions très complexes de votre projet loi, qui s’appliqueront à toutes les ETI.
L’amendement no 222 est retiré.
Je tiens, madame la députée, à vous rassurer pleinement. M. Sapin vient d’exposer les contraintes que créerait l’adoption de votre amendement – que vous avez du reste reconnues en le retirant –, mais je vous rappelle que, dans la loi pour la croissance et l’activité, nous avons déjà réduit de cinq à trois le nombre de mandats pour les entreprises de plus de 5 000 salariés en France et de plus de 10 000 salariés dans le monde. Cette mesure entrera en vigueur un an après la promulgation de la loi, soit le 6 août prochain et nous en ferons le bilan pour savoir s’il faut réduire à deux le nombre de mandats.
Nous avons déjà eu cette discussion lors de la niche parlementaire du groupe GDR, voilà quelques jeudis.
L’amendement no 1255 rectifié n’est pas adopté.
La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain, pour soutenir l’amendement no 1175 .
Cet amendement va un peu dans le même sens que le précédent, mais au bénéfice des salariés. Aujourd’hui, en effet, les dispositions de l’article L. 225-27-1 du code du commerce, issues, me semble-t-il, d’une décision que nous avons prise dans cet hémicycle en 2013, prévoient que le nombre des administrateurs représentant les salariés est au moins égal à deux dans les sociétés dont le nombre d’administrateurs mentionnés aux articles L. 225-17 et L. 225-18 est supérieur à douze et au moins à un s’il est égal ou inférieur à douze.
Il me paraît important d’augmenter la présence des salariés dans les conseils d’administration des grandes entreprises. Je propose donc par cet amendement qu’on passe de deux à trois salariés lorsque le nombre d’administrateurs est supérieur à douze et de un à deux salariés quand ce même nombre est inférieur à douze. Cela me paraît d’autant plus souhaitable que nous avions décidé qu’une telle modification ne changerait rien à l’équilibre général des conseils d’administration, ce que j’avais alors regretté.
Il me semble que la performance économique d’une entreprise est meilleure quand les salariés sont impliqués dans les décisions ; cela se vérifie en Allemagne et aux États-Unis. Nous avons d’ailleurs introduit cela voilà deux ou trois ans et cela marche très bien. On peut d’ailleurs le lire dans la presse. Même des chefs d’entreprise qui n’étaient pas d’accord a priori reconnaissent aujourd’hui que cela a été très bénéfique.
J’insiste donc sur cet amendement, car il me paraît aller dans le bon sens, même si sa rédaction n’est pas parfaite. Nous pourrions éventuellement convenir d’autres rendez-vous le cas échéant. Aller dans le sens de l’augmentation de la participation des salariés dans de très grosses entreprises c’est faire en sorte que les salariés aient un intérêt à ce que leur entreprise marche.
Madame la députée, à titre personnel, je comprends tout à fait la logique que vous suivez et j’y souscris pleinement. Je trouve qu’il y a un intérêt à essayer de renforcer la présence des salariés dans les conseils d’administration, en passant de deux à trois dans ceux qui comptent plus de douze membres, et de un à deux dans ceux qui comptent moins de douze membres. Cela étant dit, la commission a préféré par prudence s’en remettre à la sagesse de ses membres, et l’avis émis dans les conditions énoncées à l’article 88 de notre règlement a finalement été défavorable. Nous souhaitons en effet comme vous connaître les intentions du Gouvernement sur ces sujets, qui ont peut-être été mis à l’étude.
Madame la députée, à nouveau, pour avoir précédemment proposé des mesures comparables, nous comprenons la philosophie de votre amendement. Néanmoins, j’en demande le retrait ; à défaut, l’avis sera défavorable.
De nombreux débats ont eu lieu dans cette assemblée l’année dernière au moment de la discussion du projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi, donc il y a moins d’un an. Un compromis équilibré a été trouvé. L’objectif du Gouvernement est à présent d’en mesurer la portée. Les premiers retours que vous indiquez, ceux dont vous avez eu connaissance, semblent montrer une certaine satisfaction. Cette mesure permettrait véritablement de construire le compromis social dans les instances de gouvernance de l’entreprise, comme le Gouvernement le croit profondément, et c’est la raison pour laquelle nous l’avions défendue à la suite de la remise du rapport de Louis Gallois. C’est donc une bonne mesure.
Toutefois, il ne faut pas créer d’instabilité sur le sujet. Il convient dans un premier temps d’évaluer l’impact de la mesure qui a été prise il y a un an et qui avait été portée alors par François Rebsamen. À l’issue de cette évaluation, nous déciderons de l’opportunité de modifier le nombre de salariés au sein des conseils d’administration. L’intention du Gouvernement est bien d’aller dans cette direction si l’évaluation se montre positive et correspond à vos commentaires. La demande de retrait correspond à une volonté de stabiliser et d’évaluer.
Non, je le retire, monsieur le président. Permettez-moi d’ajouter que dans un autre amendement que je n’ai finalement pas déposé, j’avais imaginé un dispositif similaire pour les entreprises de plus de 500 salariés ou de plus de 250 salariés. Il me semble que c’est le sens de l’histoire, et que cela donnerait de la force à l’économie française, à nos entreprises, car salariés et employeurs seraient ainsi convaincus d’oeuvrer pour l’intérêt de l’entreprise.
L’amendement no 1175 est retiré.
Vous conservez la parole pour soutenir l’amendement no 154 , chère collègue Anne-Yvonne Le Dain.
Cette mesure, que nous avons votée dans cet hémicycle l’année dernière, concerne le principe d’innovation, et j’entends la présenter au nom de mes deux collègues Jean-Yves Le Déaut et Geneviève Fioraso, ancienne ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Il est ainsi proposé dans le premier amendement de la série, l’amendement no 154 , qu’une information soit apportée aux membres de la communauté scientifique dans les domaines qui touchent au monde de l’entreprise et de l’administration. C’est un point très important, car cela n’est écrit nulle part aujourd’hui. Cela va sans dire, mais ça va mieux en le disant.
L’Institut des hautes études pour la science et la technologie, l’IHEST, placé auprès du ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, se donne notamment pour mission d’apporter une information sur le monde scientifique, technologique et universitaire au monde de l’entreprise et de la haute administration. Il serait important qu’il y ait une réciprocité, que le monde universitaire et scientifique soit mieux formé, mieux informé sur le monde de l’administration et des entreprises. Tel est le sens de l’amendement, qui a d’ailleurs été adopté l’année dernière au cours de l’examen parlementaire de la loi qui porte votre nom, monsieur le ministre de l’économie, et supprimé au Sénat pour je ne sais quelle raison, je tiens à le rappeler. Il serait souhaitable de le retenir à nouveau, car c’est un enjeu essentiel.
L’article auquel vous faites référence, madame Le Dain, prévoit que la concertation avec la communauté scientifique précède la définition de la stratégie nationale. Il convient donc que la communauté scientifique exprime le désir d’une meilleure connaissance des administrations et du monde de l’entreprise, et votre amendement sera ainsi satisfait. Il est inutile de charger la loi de dispositions réglementaires déjà écrites. L’avis est donc défavorable.
Même avis.
L’amendement no 154 n’est pas adopté.
Pouvons-nous considérer que l’amendement no 87 a été présenté, madame Le Dain ?
Non, monsieur le président, je vais le soutenir, en même temps que les deux suivants, si vous le permettez.
Le précédent amendement visait à procéder par équivalence de forme. Aujourd’hui, les administrateurs, les hauts fonctionnaires et le monde de l’entreprise sont formés à ce qu’est le monde de l’enseignement supérieur et de la recherche, et on vient de décider de ne pas former le monde de l’enseignement supérieur et de la recherche à ce qu’est le monde de l’entreprise et de l’innovation ; dont acte. On sait pourtant bien que l’innovation est un enjeu essentiel pour nos entreprises à l’heure actuelle et que ce sont par ailleurs les universitaires qui forment les étudiants aux métiers, mais c’est ainsi.
Chacun de ces trois amendements vise à poser le principe d’innovation, en insérant dans le livre Ier du code de la recherche un titre III qui le définirait, car ce principe dont tout le monde parle n’est pas défini. Nous proposons trois versions. La première est celle de l’amendement no 87 : « Le principe d’innovation garantit le droit pour tout organisme de recherche et tout opérateur économique de mettre en place et de conduire des activités consistant à développer des produits, services, procédés, modes d’organisation, pratiques sociales ou usages nouveaux ou sensiblement améliorés par rapport à ce qui est disponible sur le marché. » L’objectif est donc que l’on puisse innover, et que ce soit un principe, et pas seulement une idée ou une opinion. De la même façon qu’il y a un principe de précaution, il y aurait un principe d’innovation.
La rédaction de l’amendement no 153 est un peu plus forte, un peu plus ferme. Il y est question notamment de « solutions nouvelles en termes de fourniture de biens, services ou de travaux propres à répondre à des besoins auxquels ne peuvent répondre des solutions déjà disponibles sur le marché. »
Je souhaite insister sur ce point, monsieur le président, car il est important, au moins autant que d’autres sur lesquels nous nous sommes arrêtés un certain temps.
Enfin, dans l’amendement no 144 , nous évoquons les bénéfices et les risques liés à des activités, car le principe d’innovation inclut le principe de risque, qui doit être accepté par nos sociétés, ce qui suppose que celles-ci n’aient pas peur de l’avenir, peur de l’innovation, peur de la nouveauté.
À proposition visionnaire, réponse globale et sommaire : en accord avec le Gouvernement, que je laisserai présenter sa position, je demande le retrait de cet amendement, au sujet duquel j’ai quelque réserve.
La stratégie de l’innovation que M. Le Déaut, Mme Fioraso et vous-même proposez est une sorte d’antidote au principe de précaution. Nous ne souhaitons pas rouvrir un tel débat aujourd’hui dans le cadre de la discussion du projet de loi Sapin 2, même s’il serait utile à notre pays. Le moment n’est pas propice. Les dispositifs de contrats d’innovation de Bpifrance, la Banque publique d’investissement, d’aides aux PME ou encore les partenariats d’innovation pour les marchés publics de recherche et d’innovation permettent aujourd’hui de favoriser l’innovation dans notre pays. Il n’est donc pas nécessaire de rouvrir le débat sur le principe de précaution alors que nous sommes déjà occupés par un nombre suffisant de débats idéologiques crispants.
En toute humilité, en tant que rapporteur, c’est le seul argument que je peux vous apporter. Je confie au Gouvernement le soin de vous convaincre plus avant s’il en était besoin.
Nous avons eu ce débat dans le cadre de la loi croissance et nous sommes attachés à ce qu’un équilibre soit trouvé entre la précaution et l’innovation. C’est une demande de nos chercheurs, de nos scientifiques. Cet équilibre gagnerait à être construit aujourd’hui. Par conséquent, au vu des rédactions proposées, je demande le retrait des amendements nos 87 et 144 au bénéfice de l’amendement no 153 , sur lequel l’avis serait favorable.
L’amendement no 153 est adopté.
Avant que ne s’ouvre le débat sur l’article 45 bis, je souhaitais revenir sur le lien entre transparence, lisibilité et simplification. Il est important de renforcer la lisibilité du reporting, en particulier du rapport de gestion, pour les différentes parties prenantes. L’alinéa 4 de l’article, qui prévoit un dépôt sous forme dématérialisée, me paraît également très important. Je représente les Français vivant dans les pays scandinaves : le fait que les règles y soient précisées dès le départ facilite à la fois l’innovation et l’entrepreneuriat. Or la transparence et la dématérisalisation vont de pair. L’article 45 prend donc le problème à la racine, et c’est pourquoi je le voterai.
Nous en venons aux amendements à l’article 45.
La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement no 1472 .
Cet amendement vise à élargir la rédaction de l’article d’habilitation en indiquant à la première phrase de l’alinéa 2 que l’objet est de simplifier, réorganiser et moderniser les informations du rapport de gestion et du rapport du président. Cette rédaction permettrait de travailler dans une logique plus thématique, de transférer certaines informations ou l’ensemble de celles-ci d’un rapport à l’autre dans un souci de lisibilité. En outre, la modification proposée permettrait de réaliser un travail de simplification et de réorganisation du rapport du conseil d’administration et du directoire dans le code de commerce.
Enfin, une référence est ajoutée à l’article L. 621-18-3 du code monétaire et financier pour coordonner et redéfinir le contenu du rapport de l’Autorité des marchés financiers sur le rapport du président et pour mettre à jour les renvois entre les différents textes.
La commission a considéré cet amendement pour ce qu’il était, à savoir un simple amendement de précision, et a donc émis un avis favorable.
L’amendement no 1472 est adopté.
La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain, pour soutenir l’amendement no 679 .
Aujourd’hui, en France, en Europe et dans le monde, tout va très vite. Il conviendrait donc de raccourcir le délai de présentation du projet de loi de ratification, en le ramenant de six mois à trois mois, tout simplement. Accélérons les choses, allons plus vite, soyons plus efficaces ! L’économie n’attend pas, notre pays non plus.
Défavorable.
L’amendement no 679 est retiré.
L’article 45, amendé, est adopté.
Article 45
Nous en venons à un sujet qui va nous occuper et qui nous a déjà beaucoup occupés : la question du reporting public.
Le reporting non public a déjà connu des évolutions positives, il faut le rappeler, et en connaîtra d’autres au travers de ce texte, puisque nous allons abaisser le seuil de chiffre d’affaires conditionnant l’obligation de déclaration fiscale pays par pays. Il reste cependant un sujet majeur : la question du reporting public, que vous connaissez bien, monsieur le ministre, et que le Gouvernement connaît bien, car sur son initiative, malheureusement, au mois de décembre 2015, alors que l’Assemblée nationale avait adopté le principe du reporting public pour les entreprises, à l’issue d’une seconde délibération, d’un vote organisé à une heure fort tardive, cet amendement a été rejeté.
C’est à présent le moment de vérité. Nous allons savoir si le Gouvernement, et à sa suite la représentation nationale, souhaite qu’il y ait un reporting public.
Je parle d’un vrai reporting public, qui, au moins, parce qu’on peut aller plus loin et nous présenterons des amendements en ce sens, soit calqué sur ce que nous avons fait pour les banques, sans arguties juridiques et sans manoeuvres dilatoires pour le nombre de filiales, avec un argument que je trouve fallacieux, je m’en expliquerai lors de l’examen des amendements, celui de l’éventuel risque pour la compétitivité.
Je rappelle que c’est ce que les partisans acharnés du reporting public pour les banques ou les entreprises extractives nous avaient opposé à l’époque, reprenant les arguments d’une partie du patronat, à savoir que la compétitivité de la France serait atteinte si elle agissait seule ou le faisait selon ses conditions.
Si le débat sur le reporting a lieu aujourd’hui, ce n’est pas dû à la bonne volonté des gouvernants quels qu’ils soient, mais parce qu’un certain nombre de scandales ont été révélés, SwissLeaks, LuxLeaks, Panama Papers, et, s’ils ont éclaté, c’est d’abord parce qu’il y a des gens à l’extérieur des sphères élitaires, des sphères gouvernementales, de la haute administration publique qui, à un moment, mènent courageusement ce combat. Je pense à des individus, aux ONG, que je veux ici remercier, et à la presse.
C’est à chaque fois que des scandales sont révélés que les gouvernements avancent, et c’est une bonne chose. Il faut donc non pas restreindre les outils du contrôle citoyen mais les conforter, les forger, leur donner la possibilité de s’exercer pleinement à côté du travail indispensable des administrations fiscales au sein de chaque État et entre États.
On arrive à un sujet très important, qui est, je pense, l’une des spécificités de ce gouvernement et de sa majorité.
Je connais la détermination du Gouvernement et la vôtre, monsieur Sapin, à lutter avec efficacité contre l’évasion et la fraude fiscales. Vous avez présenté ce texte et de nombreux amendements en ce sens, mais il reste un point sur lequel nous ne pouvons pas terminer le débat, c’est le reporting pays par pays.
C’est une mesure très importante. Le reporting non public a été adopté en décembre dernier et vous avez été en pointe sur cette question. Maintenant, nous devons aller plus loin et voter un reporting pays par pays transparent. Or ce qui nous est proposé tant par le Gouvernement que par les rapporteurs dans leurs amendements de compromis ne nous satisfait pas totalement.
Je ne méconnais pas la volonté politique de bien faire, mais attention : le compromis proposé n’est absolument pas satisfaisant et ne va pas permettre de faire ce que nous souhaitons tous, c’est-à-dire lutter efficacement contre la fraude et l’évasion fiscales des multinationales.
La solution serait d’appliquer aux multinationales ce que nous avons collectivement voté il y a deux ans pour les banques. Pourquoi ce qui était valable pour les unes ne le serait-il pas pour les autres? On nous oppose de nombreux arguments, notamment un problème constitutionnel, mais nous démontrerons que cet argument ne tient pas en l’état.
Même si nous adoptons la solution de compromis, nous permettrons de manière indirecte la fraude et l’optimisation fiscales. À partir du moment où une seule filière ne serait pas soumise au reporting pays par pays, il pourrait y avoir un évitement fiscal, comme nous l’avons vu dans des affaires célèbres.
Nous allons maintenant en débattre. Comme M. Cherki, je salue l’engagement de tous les parlementaires mais aussi des ONG, qui sont en première ligne dans la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales et qui nous accompagnent dans ce combat.
Le reporting pays par pays revient une nouvelle fois en discussion, ce que nous saluons. Nous aurons d’ailleurs ce débat tant que notre assemblée ne fera pas ce qui est attendu par tant de nos concitoyens.
En matière de transparence fiscale, de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, qui nous coûtent tout de même entre 60 et 80 milliards d’euros chaque année – l’équivalent d’une année de déficit public –, les citoyens et la société civile attendent aujourd’hui autre chose que des faux-fuyants et des pirouettes.
Pourquoi devrions-nous adopter la première série d’amendements en discussion ? Tout simplement parce qu’ils permettraient d’identifier une bonne partie des problèmes qui demeurent en matière de transparence fiscale et financière, c’est une évidence.
Rassurons d’emblée ceux qui pourraient être inquiets, les activités économiques, au sens large du terme, n’ont rien à craindre de la transparence, bien au contraire. Il est ici question de mettre en lumière les tricheurs, ceux qui faussent un fonctionnement sain de l’économie. Tout montre d’ailleurs que les grands bénéficiaires du reporting public pays par pays seraient les PME, victimes de la capacité des grands groupes à transférer leurs bénéfices vers les boîtes aux lettres des paradis fiscaux. L’enjeu ici, c’est la justice fiscale, ni plus ni moins.
Mes chers collègues, l’utilité du reporting public pays par pays n’est plus à démontrer. La loi bancaire, qui exige des banques l’application de ce dispositif, aura permis de mettre en lumière la place des paradis fiscaux dans leur fonctionnement, nuisant très largement à leur image.
C’est la raison pour laquelle le reporting doit être public. Nous ne devons pas en limiter l’accès aux seules administrations fiscales. La confidentialité est nuisible et rendrait le dispositif clairement insuffisant. Dès lors, après LuxLeaks, après les Panama Papers, l’Assemblée doit envoyer un message fort à nos concitoyens et à nos partenaires. Le reporting public pays par pays, large et sans trous dans la raquette, est une mesure de salubrité publique. Il y va de l’intérêt général, de notre liberté et de notre souveraineté.
C’est un moment particulièrement important. Cela fait trois ans, depuis 2013, que nous sommes sur ce chantier.
Il y a une dimension politique extrêmement forte, et je ne vais pas tourner autour du pot. Après la mésaventure du mois de décembre, nous sommes attentivement observés, et c’est sans doute l’une des dernières occasions qui nous est offerte de nous mettre en parfaite résonance avec le discours du candidat à l’élection présidentielle François Hollande auquel nous faisons souvent référence, les uns et les autres, celui sur la finance. S’il y a bien un moment où nous pouvons répondre à cette exigence, c’est avec cette loi, grâce au reporting public généralisé.
Ce sont en effet 50 milliards dans notre pays, 1 000 milliards en Europe, qui nous échappent à cause de la fraude fiscale – 15 milliards avec la TVA, 20 milliards avec la fraude aux cotisations sociales, bref, 80 milliards d’euros. Autant vous dire que notre discussion sempiternelle sur l’offre et la demande ne pèse rien à côté. À quoi bon s’écharper sur un tel sujet quand nous perdons 80 milliards par an ? Le problème est crucial.
C’est donc une question de confiance, une affaire politique aussi, pour ressouder la gauche. J’ai dit que je ne tournerai pas autour du pot. Oui, on peut ressouder la gauche à un an des élections avec une telle mesure si on va jusqu’au bout.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Je voudrais m’appuyer sur la réflexion d’un groupe de prétendus experts financiers de Citigroup très proches de l’ancien président de la Banque fédérale américaine, M. Greenspan. Ils ont défini un concept qu’ils appellent la plutonomie, faisant un lien entre zones de croissance et zones d’optimisation fiscale.
Vous avez parlé de bonne et de mauvaise finance, monsieur le ministre. À partir du moment où on n’a pas une lisibilité minimale sur les transactions financières, il est compliqué d’avoir une concurrence loyale, et c’est un vrai problème. Au-delà de cette question, il y a aussi celle des seuils qu’il faut se poser, pour savoir où mettre la barre.
Cela dit, cet article et les amendements qui seront défendus sont en cohérence avec le projet de ce gouvernement sur la transparence, la déontologie. La déontologie, c’est une mentalité qu’il faut avoir au départ. La propriété, c’est le vol, disait Proudhon au XIXe siècle. Ne disons pas cela aujourd’hui de l’économie. C’est le vol si 90 % des échanges ne sont pas concernés par notre souci de la transparence. C’est la raison pour laquelle je me félicite à mon tour que nous puissions avoir ce débat aujourd’hui et pas simplement lors de l’examen d’un projet de loi de finances.
L’article 45 bis est sans doute l’un de ceux qui retiendront le plus notre attention et celle de la société civile car il donne corps au titre de ce projet, la transparence. Il apporte en effet une pierre essentielle à la lutte contre l’évasion fiscale avec le reporting pays par pays.
Les efforts que doivent faire nos concitoyens en raison de la dégradation de la qualité des services publics, de l’augmentation des impôts et des pressions exercées sur les collectivités locales pourraient en effet être considérablement allégés si nous faisions preuve, en matière d’évasion fiscale des entreprises, du même volontarisme que pour les particuliers.
Le Gouvernement s’est longtemps abrité derrière l’Europe pour ne pas avancer sur ce sujet mais, aujourd’hui, l’étude d’impact est sortie, une directive est en préparation, et il est donc temps en France non seulement d’avancer mais, surtout, de se montrer leader et exemplaire en la matière, en adoptant un reporting non pas a minima mais ambitieux, et effectué véritablement pays par pays.
Toute faille dans le dispositif sera en effet exploitée par les multinationales, qui sont devenues expertes en la matière. C’est le sens de l’amendement que nous défendrons, pour éviter les trous dans la raquette. Nous espérons pouvoir dire, à la fin de l’examen de cet article, que la France montre la voie en matière de reporting pays par pays grâce à un dispositif volontariste et efficace.
Comme cela a été souligné par nombre de mes collègues, nous légiférons alors que les affaires se sont accumulées, suscitant évidemment une demande très forte de la part de l’opinion. Si nous voulons tous lutter contre l’idée d’une impuissance de la politique, nous devons répondre à ses préoccupations.
Nous avons cherché à protéger les lanceurs d’alerte, et nous avons bien fait, mais la meilleure façon de les protéger, c’est encore de faire en sorte qu’ils n’aient pas besoin d’agir en nos lieu et place, en garantissant la transparence, ce qui éviterait à ces hommes et ces femmes de prendre des risques considérables pour leur carrière et pour leur vie.
On nous parle de la compétitivité des entreprises, et on a raison de le faire, mais, parallèlement, il faut aussi parler de la compétitivité de l’État. Lorsque plusieurs dizaines de milliards s’échappent chaque année, avec des conséquences sur celles et ceux qui paient leurs impôts en France, la question est posée. La transparence, ce n’est pas un coût, c’est au contraire un bénéfice pour nous tous. Nous l’avons acceptée pour nous-mêmes, nous pouvons aussi la faire accepter par les entreprises.
Je vois bien les efforts réalisés par les rapporteurs pour améliorer le texte mais, si nous faisons une exception pour les entreprises qui comptent moins de cinq filières dans un pays, cela reviendra, pour l’Oréal, à exclure du reporting cinquante-deux pays sur soixante-sept, et pour Total, cinquante-huit pays sur quatre-vingt-huit. Dans ces conditions, on ne peut même plus parler de trous dans la raquette : il s’agirait d’immenses lacunes, indignes de la déclaration franche, sincère, directe et publique que, j’imagine, nous appelons tous ici de nos voeux.
Je voudrais, au nom de l’opposition, apporter un éclairage différent et vous rappeler l’impact de telles mesures sur la compétitivité de nos entreprises, la localisation de leurs sièges,…
Mes chers collègues, un peu de calme. Veuillez écouter Mme de la Raudière.
Je suis évidemment, comme vous, très favorable à la lutte contre la corruption, mais ce que nous avons voté en loi de finances me paraît représenter un bon équilibre. Il n’y a pas de raison d’aller au-delà des termes de la directive européenne ni de l’appliquer avant tout le monde. Nous n’allons pas handicaper nos entreprises en les obligeant à donner des informations publiques et détaillées sur leur façon de fonctionner sans même demander la réciprocité aux autres pays !
Ce n’est pas sur le fond que je ne suis pas d’accord, je suis favorable au reporting public à condition que les entreprises avec lesquelles nous sommes en concurrence dans le monde entier aient les mêmes obligations.
Voici ce que disait ici M. Eckert, il n’y a même pas six mois, en décembre : « L’avis du Gouvernement est connu et n’a pas varié d’un iota : nous devons avancer au même rythme que nos partenaires européens. » ; « Nous serions donc les seuls ou presque à mettre en oeuvre ces mesures, sans réciprocité pour l’instant, ce qui présenterait un certain nombre d’inconvénients en matière de concurrence avec les entreprises des autres États de l’Union européenne. » ; « Une telle mesure, si la France l’adoptait seule, nuirait à la compétitivité de nos entreprises. »
Monsieur le ministre, pourquoi la position du Gouvernement a-t-elle changé depuis six mois ? Pourquoi être plus dur que la réglementation européenne ? Pourquoi ne pas tenir compte de la compétitivité de nos entreprises ? Jugez-vous tellement insuffisantes les dispositions visant à protéger les lanceurs d’alerte ainsi que la lourde procédure prévue à l’article 8 pour lutter contre la corruption dans toutes les entreprises de plus 500 salariés, au point de décider, avec les articles 45 bis et 45 ter, d’attaquer délibérément la compétitivité de nos entreprises et d’inciter certains de nos grands groupes à déplacer leur siège social ?
Merci, monsieur le président, de me donner un instant pour faire un point d’étape sur ce qui a été voté en commission et sur les propositions que nous formulons avec les autres rapporteurs et, plus largement, les autres collègues, dont Mme Mazetier.
Il faut reconnaître objectivement que la France est, sur ces sujets, à l’avant-garde en Europe, donc dans le monde. Avec une autre majorité que celle conduite par François Hollande, jamais elle n’aurait fait ces pas décisifs ces dernières années. Dans la loi de séparation bancaire, nous avons établi un reporting public pays par pays ; en 2014, en matière d’activité d’extraction minière ; puis au profit des administrations fiscales. J’insiste sur le fait que l’élément le plus important en matière de lutte contre l’évasion et la fraude fiscales, c’est de donner les outils à l’administration fiscale.
C’est d’abord elle qui doit mener le combat. Nous avons fait un progrès déterminant en commission, puisque nous avons abaissé le seuil de manière extrêmement significative, en le faisant passer de 750 millions d’euros à 50 millions d’euros, certes avec des réserves, administratives et non pas politiques. Cela signifie que nous avons établi en commission, la semaine dernière, un reporting fiscal avec zéro trou dans la raquette. On peut même dire que nous avons couplé un tamis de raquette et une épuisette ! On nous reproche un reporting à trous. Mais je vous le dis : il n’y a aucun trou dans la raquette !
L’administration fiscale pourra, sur la base de cette disposition, obtenir toutes les données sur toutes les entreprises partout dans le monde, sans fragiliser, à aucun moment – les données étant détenues par la seule administration fiscale –, la compétitivité de nos entreprises, ni les affaiblir dans le jeu de la concurrence internationale.
Nous avons introduit un article 45 bis, alors que rien ne nous obligeait à traiter ce sujet dans une loi qui comporte déjà des dispositions très importantes en matière de transparence de manière générale. Il n’était donc pas obligatoire d’y ajouter cette réflexion sur le reporting public. Si nous l’avons fait, c’est bien parce que nous sommes à l’écoute de la société civile, comme cela vient d’être dit.
Nous avons proposé de fixer un seuil à 750 millions d’euros de chiffre d’affaires. Nous avons également fait preuve d’un peu d’imagination, en prévoyant un abaissement progressif du seuil tous les deux ans, en passant de 750 à 500 puis à 250 millions d’euros. Nous ouvrons donc très largement le périmètre des entreprises qui pourraient être concernées. Ce sont 227 entreprises en France ; 1 732 en Europe ; 6 000 multinationales, ce qui est absolument considérable. Les entreprises de taille intermédiaire représentent 40 % du chiffre d’affaires des entreprises françaises à l’exportation. Cet abaissement du seuil représente un progrès notable.
Sur la question du contenu des informations, nous souhaitons nous en tenir au contenu de la directive en préparation. Vous demandiez, madame de la Raudière, quels étaient les éléments nouveaux : je vous informe qu’il y a, au moment même où nous parlons, des discussions au niveau européen sur une nouvelle directive à ce sujet.
Je le répète, parce que je sais que notre débat est écouté, notamment par des organisations non gouvernementales très au fait de ces sujets. On nous dit que le reporting que nous avons proposé dans l’article 45 bis n’est pas satisfaisant, parce qu’il ne va pas jusqu’à demander le même contenu d’informations qu’en matière bancaire. Mais la nature des entreprises industrielles et bancaires diffère totalement. Vendre une roue de camion ou un pare-chocs, ce n’est pas exactement la même chose que vendre des produits financiers. Lorsque l’on développe une activité au niveau international, on a souvent un, deux ou trois clients, mais pas des dizaines, des centaines, voire des milliers comme c’est le cas des banques.
Sur quels points ces critères diffèrent-ils ? Sur le nom et l’implantation des filiales. Dans le reporting applicable aux entreprises non bancaires, la donnée sur les filiales existe bien, c’est simplement qu’on ne connaît pas leur nom. Je ne vois pas en quoi cela serait gênant, notamment pour permettre aux ONG d’apprécier des éléments qui pourraient les aider à alerter l’administration fiscale d’un risque d’évasion ou de fraude fiscales.
L’autre critère qui ne figure pas pour ces entreprises, à l’inverse du secteur bancaire, ce sont les subventions publiques. Il peut être intéressant pour un citoyen de savoir que telle entreprise bénéficie d’une subvention publique, mais ce n’est pas une donnée utile dans l’éventualité d’une poursuite en matière d’évasion ou de fraude fiscales.
Pour résumer, j’ai exposé les progrès très significatifs que nous avons réalisés sur les seuils et sur la question du contenu des informations. Rien ne peut justifier que l’on s’oppose à notre travail, parce que nous le faisons de manière tout à fait adaptée aux entreprises concernées.
Enfin, le périmètre de l’article 45 bis a été calé sur celui de la directive, qui était notre base de discussion : l’Europe et trente États non coopératifs. À écouter le débat public, nous devrions définir ces règles à l’échelle du monde. Mais, en l’occurrence, il nous faudrait nous pencher sur des questions d’ordre purement juridique, car nous ne serions plus couverts par la directive et nous nous retrouverions dans une zone d’incertitude quant à la constitutionnalité du dispositif.
C’est ce que nous dit le Conseil constitutionnel dans sa décision de 2016. Il ne nous dit pas, avec une absolue certitude, que ce serait inconstitutionnel, mais qu’il existe une incertitude. Or notre rôle n’est pas de fragiliser la position de la France, qui est à l’avant-garde en Europe. Nous ne voudrions pas que Michel Sapin arrive à Bruxelles pour défendre ces idées au niveau européen, avec une censure du Conseil constitutionnel. Nous souhaitons sécuriser le dispositif.
C’est pourquoi, s’agissant de la question du périmètre mondial et de l’idée d’une adaptation pays par pays, pour des raisons économiques, nous proposons que la donnée ne soit pas agrégée à l’échelle du monde, mais qu’elle puisse l’être à l’échelle nationale, ce qui suppose que cela soit conditionné – ce que nous avons appelé la clause de sauvegarde – à un nombre de filiales supérieur à un au moins. Si vous avez un client dans un pays, grâce aux données que nous établissons et qui seront transmises, vous pourriez connaître la marge que réalise l’entreprise, ce qui l’affaiblirait dans le jeu de la concurrence internationale.
Nous ne le voulons absolument pas. Nous prévoyons aussi dans le texte une clause de revoyure pour permettre d’apprécier les conséquences de ce que nous faisons, parce qu’il faut faire oeuvre d’humilité. C’est humblement que nous avons avancé sur ce sujet,…
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Je prends la parole maintenant pour éviter de la reprendre sur chacun des amendements, parce qu’il paraît nécessaire – non seulement parce que vous m’avez interrogé, mais aussi parce que nous sommes très observés à l’extérieur sur ce débat important – de dire clairement quelle est la position du Gouvernement. Permettez-moi de manquer de l’humilité à laquelle vous nous appeliez, monsieur Denaja, en précisant la position que je défends dans des instances aussi bien européennes qu’internationales.
Évidemment, la lutte contre l’érosion des bases fiscales et contre l’optimisation fiscale, qui permet aux entreprises de ne payer d’impôt nulle part, ni chez nous, ni ailleurs, est une priorité absolue. Vous avez d’ailleurs adopté dans cet hémicycle des dispositions permettant de beaucoup mieux lutter contre une telle érosion. Mais, surtout, nous avons progressé au niveau international de manière assez incroyable : en l’espace de deux ans, nous avons pu adopter, grâce au travail de l’OCDE, des dispositions qui obligent tous les États de l’OCDE, mais également du monde, à faire en sorte qu’il n’y ait, entre administrations fiscales, aucun secret sur ce que paient les entreprises dans chacun des pays.
C’est ce qui permet à l’administration fiscale de voir que telle entreprise, même si elle est perdue dans les nuages – je veux dire dans les clouds (Sourires) –, peut ne pas payer beaucoup d’impôt dans tel pays où elle a implanté sa filiale. Cette entreprise ne payant quasiment pas d’impôt dans ce pays, nous retrouvons notre droit à l’imposer sur notre propre territoire.
Je ne prends aucun exemple, mais les sommes parfois citées dans la presse, que je ne peux en rien ni confirmer ni infirmer, montrent qu’il ne s’agit ni de petits sujets, ni de petits enjeux. Si, depuis quatre ans, nous avons réussi à augmenter de 6 milliards d’euros les paiements de plusieurs entreprises, ce n’est pas par hasard, surtout quand on sait que ce sont principalement cinq entreprises qui sont à l’origine de ces redressements et de ces paiements.
Par ailleurs, vous avez adopté en décembre dernier, comme vous y avez fait allusion, et j’étais là, dans la loi de finances pour cette année, une disposition qui est la traduction de ce que l’on appelle l’accord anti-BEPS – Base erosion and profit shifting –, c’est-à-dire contre l’érosion fiscale. Nous étions en avance, et tous les pays ne l’ont pas encore fait.
À l’époque, nous avons déjà eu un débat sur la question non pas de la transparence entre administrations fiscales, puisque cela est fait, mais de la publicité, afin de savoir si les citoyens, par le biais des organisations non gouvernementales, auraient la capacité de contrôler par eux-mêmes, ce qui en soi n’est pas scandaleux, bien au contraire, puisque cela fait aussi partie des pouvoirs des citoyens et des devoirs éventuels des organisations qui animent ce débat.
À l’époque, pour répondre à Mme de la Raudière, j’avais dit que je ne pouvais pas accepter cette publicité, si nous étions seuls à l’imposer. L’efficacité dans ce domaine, c’est de ne pas être seuls. Si un seul pays lutte contre la fraude internationale, elle continue au détriment de ce pays. Pour être efficaces, il faut travailler le plus largement possible. C’est le cas entre administrations fiscales pour tous les pays du monde. Nous avons fait en sorte que nous puissions avoir la même réglementation au niveau européen, pour mieux lutter contre la fraude, mais surtout pour informer nos concitoyens des situations de ces entreprises.
Depuis décembre dernier, la Commission européenne a présenté un projet de directive, qui est exceptionnelle et qui va très loin, sur laquelle nous sommes en train de travailler à vingt-huit – j’espère que nous resterons vingt-huit… –, pour faire en sorte qu’elle soit adoptée d’ici à la fin de l’année et puisse devenir une réalité pour tous les pays membres de l’Union européenne.
Aujourd’hui, que nous proposez-vous ? Je dis bien « vous », car, comme l’a rappelé le rapporteur, cette disposition n’était pas dans le texte initial du Gouvernement. Cette création de la commission est bienvenue, parce qu’elle a comme objectif de transcrire dans le droit français les éléments qui sont actuellement dans la directive, en faisant en sorte que ce droit ne s’applique en France qu’au moment même où la directive s’appliquera. Cela est un gage d’efficacité, laquelle constitue la première de nos préoccupations, mais aussi de constitutionnalité.
Nous aurons certainement des débats constitutionnels. J’espère qu’ils ne seront pas trop longs, car je sais qu’ils peuvent être sans fin. Je voudrais vraiment que chacun ait bien en tête que cette disposition, adoptée en décembre dernier, qui n’était pas publique, a été considérée comme recevable par le Conseil constitutionnel précisément parce qu’elle n’était pas publique.
Je peux vous relire le document relatif à la décision du Conseil constitutionnel. Il a soumis la constitutionnalité de la disposition à son caractère non public. Vous pourriez alors m’objecter que l’on ne peut pas aller plus loin. Si, on peut aller plus loin ! Une autre disposition d’ordre constitutionnel considère qu’une directive doit s’appliquer. Sans relancer un débat considérable, une directive est, en quelque sorte, supérieure à la Constitution. On « rend constitutionnelle » – les termes que j’utilise ne sont pas juridiques, mais j’essaie de me faire comprendre – une disposition qui ne l’était pas auparavant. Elle n’était pas constitutionnelle en décembre dernier, mais elle le deviendra quand la directive sera applicable.
Je termine par un élément de droit, souvent mis en avant. Certes, nous l’avions proposé pour le système bancaire et financier, et vous l’avez voté, mais même ce dispositif parfaitement légitime n’a pu être adopté et appliqué dans de bonnes conditions que parce qu’une directive, CRD IV, a imposé cette obligation à l’ensemble des vingt-huit membres de l’Union européenne.
C’est un vrai et beau sujet, et un véritable combat, que des organisations non gouvernementales – auxquelles je veux rendre hommage – mènent depuis longtemps. C’est aussi l’objectif du Gouvernement. Je me bats depuis plusieurs mois, à tous les niveaux – et ce n’est pas toujours facile ! – pour faire progresser, à l’échelle internationale comme européenne, notre capacité à lutter contre l’érosion fiscale, qui apparaît insupportable y compris pour une bonne concurrence entre entreprises. Nous avançons pas à pas, car l’efficacité compte au moins autant que le principe. Un principe voté, mais inapplicable n’est bon qu’à se faire plaisir. Imaginez que dans quelques semaines j’aille au Conseil européen en disant que je suis favorable à la mise en oeuvre d’une disposition de cette nature – le reporting public –, et qu’au même moment le Conseil constitutionnel annule la disposition qui va dans ce sens, que vous auriez adoptée. De quoi aurais-je l’air, de quoi aurions-nous l’air, de quoi aurait l’air la France ?
Je vous demande donc, avec fougue – car je crois profondément à la nécessité d’avancer sur ce point –, de nous donner des armes. Celle qui vous est proposée aujourd’hui par la commission et par tous les députés qui ont travaillé sur le sujet, c’est l’affirmation du principe, dans le cadre du projet de directive et à la condition que celle-ci soit adoptée au niveau européen. C’est ainsi que vous nous donnerez de la force. C’est ainsi que nous serons exemplaires. On avance souvent l’idée qu’il faudrait être en avant-garde, de montrer le chemin ; c’est ainsi que nous le faisons. C’est ainsi que vous pouvez donner à la volonté parlementaire et à l’action gouvernementale la force dont nous avons besoin.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à M. Olivier Marleix, pour soutenir l’amendement no 324 .
C’est un amendement de suppression. Soyons clairs : nous n’avons aucun problème ni aucun état d’âme avec le reporting qui ouvre droit à l’échange d’informations entre administrations fiscales.
Vous avez juste voté contre…
Le ministre l’a rappelé : ce sujet n’a pas attendu le changement de majorité pour avancer au niveau international, et je fais entièrement confiance au Gouvernement pour faire miel de toutes ces informations. Il n’y a là-dessus aucune divergence entre nous : il faut lutter contre cette optimisation internationale.
Mais ce qui nous est proposé aujourd’hui est très différent : notre groupe considère que le reporting public unilatéral représente une folie car le « public », c’est avant tout nos concurrents. On va donc livrer toutes les informations stratégiques de nos entreprises, de manière unilatérale, à tous nos concurrents… Les problèmes qui se poseront sont très simples : prenons une entreprise publique, la RATP, qui exploite le métro d’Alger – à ma connaissance, son seul client en Algérie. Avec cette disposition, ses concurrents connaîtront de manière précise les marges de la RATP dans ce marché. Il en ira de même pour le tramway de Casablanca. Cette entreprise publique sera donc totalement exposée à une concurrence parfaitement déloyale. Ses concurrents pourront adapter leurs prix dans les offres futures en fonction des informations qu’ils auront ainsi recueillies. Cela constitue un problème économique de fond.
Par ailleurs, nous avons bien vu, monsieur le ministre, que vous avez essayé de trouver une solution de compromis, mais elle est assez extravagante. Je ne suis pas un grand constitutionnaliste, mais mes souvenirs de première année de droit suffisent pour savoir que la transposition du droit international est régie par l’article 55 de la Constitution, qui affirme le principe de réciprocité. Celle-ci est aménagée différemment s’agissant du droit communautaire puisqu’elle est en quelque sorte présumée dès lors qu’il s’agit d’une directive européenne. Mais la directive à laquelle vous faites allusion n’est pas encore définitivement adoptée. Le Conseil constitutionnel sera donc amené à une fabuleuse innovation : un contrôle de conventionnalité de la loi par rapport à une directive future, encore non approuvée. Les entreprises françaises souffrent déjà d’un gros manque d’attractivité ; avec cette disposition, on se tire une balle dans le pied. C’est extravagant et dramatique !
La parole est à M. Romain Colas, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission.
La position de la commission, ainsi que la mienne, est évidemment défavorable. Je ne reprendrai pas les arguments qui ont été développés par Sébastien Denaja et par le ministre, mais nous souhaitons avancer. Et je me permets à cette étape de constater que si le dépôt de cet amendement, monsieur Marleix, vous permet d’exposer vos bonnes intentions en la matière, cette volonté n’est absolument pas suivie d’effet.
Et cela ne m’étonne pas. Je me souviens d’un Président de la République qui, il y a quelques années, avait péremptoirement annoncé, au sortir d’un sommet, la fin des paradis fiscaux. Nous savons ce qu’il en est advenu. Fort heureusement, cette majorité et ce Gouvernement se sont efforcés, depuis 2012, de traduire en actes, dans le droit positif, leur volonté de lutter contre l’érosion des bases fiscales et les paradis fiscaux.
Le ministre a fait référence à un moment où le Parlement français a pu indiquer le chemin dans le cadre européen : cet exemple, c’est le reporting public bancaire. Le Parlement français s’est prononcé sur un dispositif viable et raisonnable, éclairant le débat européen, tant et si bien que quelques mois après le vote de cette Assemblée, une directive européenne a été adoptée dans ce domaine. Le reporting bancaire existe désormais à l’échelle mondiale et s’applique à l’ensemble du territoire européen.
Je suis évidemment défavorable à votre amendement et je vous invite à ne pas vous payer de mots ; il ne suffit pas d’afficher la volonté d’aller vers la transparence, il faut y aller véritablement. Vous et vos collègues de l’opposition aurez l’occasion de démontrer votre volonté de lutter contre l’érosion des bases fiscales sans que cela crée un problème de compétitivité économique. En effet, cette nuit, nous examinerons des amendements émanant du groupe socialiste, écologiste et républicain, qui proposeront d’abaisser le seuil de chiffre d’affaires pour la déclaration des prix de transfert ; nous verrons alors quelle position vous prendrez. J’imagine que par cohérence avec la verve qui a été la vôtre dans la défense de cet amendement de suppression, vous soutiendrez de ces propositions.
J’imagine que vous voterez la proposition d’Éric Alauzet, que j’ai reprise, de créer un registre public des bénéficiaires effectifs des sociétés. Et vous voterez évidemment le contrôle parlementaire de l’évolution du périmètre de la liste des États et territoires non coopératifs. Avis défavorable, mais vous aurez d’autres occasions, monsieur Marleix, d’accorder vos actes avec vos paroles.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La lutte contre l’évasion et la fraude fiscales, contre l’érosion des bases fiscales, est un thème qui nous réunit tous. Vous proposez une avancée – c’est le mot employé –, mais à quel prix ? Le reporting public, pays par pays, va entraîner un déséquilibre entre les obligations des entreprises des différents pays puisque seules les entreprises françaises devront étaler des informations sur la place publique, ce qui les mettra dans une situation de véritable distorsion de concurrence. Vous allez contribuer à mettre à mal la compétitivité de nos entreprises face à leurs concurrents européens. On ne peut pas ignorer que la compétition est aujourd’hui mondiale. Nous sommes à la veille de l’adoption de la directive par la Commission européenne ; pourquoi ne pas l’attendre ?
En décembre 2015, M. Christian Eckert a déclaré ici : « Nous pensons qu’il y a quelques risques en matière de compétitivité de nos entreprises. » Qu’est-ce qui a changé depuis ? Votre proposition risque même de mettre à mal le bon fonctionnement de l’échange automatique qui existe aujourd’hui entre les administrations fiscales. Car si les entreprises européennes rendent leurs données publiques, pays par pays, cela peut réduire l’intérêt que les administrations fiscales des autres régions du monde ont à transmettre leurs informations. Vous risquez donc de mettre à mal un dispositif que vous avez vous-mêmes créé.
Le ministre a rappelé que nous avions, après de multiples tentatives, réussi à obtenir, lors de la dernière loi de finances, que les administrations fiscales bénéficient du reporting pays par pays de manière confidentielle. C’est très positif, et nous avons vu les premiers effets concrets de cette disposition sur la place parisienne et le parquet financier. Mais je voudrais poser une question, qui fait écho à l’intervention de M. Marleix. Vous dites grosso modo que la directive européenne vise à faire en sorte que l’on publie les informations dans les pays européens, et qu’on ne les publie pas ailleurs, pour des raisons – qu’à vrai dire, je n’ai pas très bien comprises – de distinction entre la façon dont les entreprises agissent en Europe et en dehors. Mais, quoi qu’il en soit, si le problème est celui de la publication dans des pays où l’on a un seul client, il se posera aussi dans les pays européens. Si vraiment il s’agit d’un problème de transparence sur les positions compétitives – la compétitivité renvoyant ici aux parts de marché dans un pays –, le même problème devrait se poser au niveau de l’Union européenne.
Ainsi, ArcelorMittal est une des entreprises très importantes du Luxembourg ; on imagine qu’il y a beaucoup d’entreprises dont ArcelorMittal est le seul client. Je suis favorable à ce que la directive européenne oblige à une publication pour l’ensemble des pays du monde, et je ne comprends pas le raisonnement selon lequel on devrait publier, pays par pays, en Europe, mais qu’on ne devrait pas le faire ailleurs. Soit on a un vrai problème de confidentialité par rapport aux clients – dans ce cas, la publication, y compris en Europe, est impossible –, soit on considère que ce n’est pas indispensable.
La réalité, c’est que nous vivons une guerre économique et une guerre monétaire majeure face au dollar. Notre pays perd sa souveraineté : vous avez sans cesse besoin de prêts et vous acceptez, pour cela, de céder tous les éléments de souveraineté nationale, vous pliant à la volonté américaine. Vous faites passer les lois les plus libérales possible pour obtenir ces prêts.
Je voudrais attirer l’attention du ministre et de mes collègues sur le domaine des industries de la défense, à un moment où nos entreprises subissent des attaques informatiques permanentes venant de la Chine, contre lesquelles elles ne disposent d’aucune protection efficace. Dans le secteur de la défense, nous perdons des marchés parce que la France, le doigt sur la couture du pantalon, veut appliquer les règles les plus pures qui soient. C’est totalement impossible, monsieur le ministre, vous savez très bien que nos concurrents ne les appliquent pas !
Dans ce domaine, avec les technologies duales, certaines de nos entreprises seront concernées et livreront ainsi à l’ensemble de la planète, sans même qu’aucun service de guerre économique d’un pays tiers n’ait d’efforts à faire, des informations stratégiques. Si on veut maintenir des bases fiscales dans ce pays, il faut qu’il y ait des entreprises, notamment des entreprises de haute technologie. Mais la transmission ouverte – employons un terme français ! – des informations, c’est la mort programmée des entreprises de haute technologie, ces locomotives nationales. En introduisant cette disposition, nous tuons l’innovation en France. Comme l’a dit notre collègue, je me demande si cette règle va s’appliquer à des entreprises qui ont les sièges sociaux dans d’autres pays européens, par exemple aux Pays-Bas.
Replaçons le débat à sa juste place. Il n’y a pas d’un côté les vertueux et de l’autre les pragmatiques, les idéalistes et les praticiens, ceux qui aiment l’entreprise et l’économie et les autres. Nous sommes tous conscients des difficultés que vous avez soulevées, et les amendements que présenteront aussi bien les rapporteurs, que Sandrine Mazetier ou d’autres députés vous le prouveront. Pas plus que vous, nous ne voulons prendre le risque d’affaiblir nos entreprises, de tomber sous le coup d’une censure du Conseil constitutionnel, ou de vider de son sens le reporting fiscal.
Aujourd’hui, parce que les pays ont dans leur grande majorité adopté cette pratique, le reporting fiscal est efficace. Pas moins de cinquante-cinq États se sont engagés, ou sont en passe de le faire, dans l’échange automatique. Le ministre l’a rappelé tout à l’heure : avec 21,2 milliards de redressement fiscal, nous dépassons simplement de 5 milliards les résultats de la mandature précédente.
Ne pensez surtout pas que l’aveuglement fiscal, le laxisme complet, conforteraient l’économie de nos entreprises. Vous avez eu beau, sous la mandature précédente, baisser la fiscalité de 196 milliards d’euros sur les entreprises, le résultat économique s’est révélé calamiteux, qu’il s’agisse des chiffres du chômage ou de la croissance.
Nous devons revendiquer ce point d’équilibre tel qu’il est proposé mais ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain, et surtout, ne pas laisser faire n’importe quoi à certaines entreprises au nom du pragmatisme économique.
L’amendement no 324 n’est pas adopté.
Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 151 , 420 , 1181 , 1228 rectifié , 152 , 500 et 1115 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 151 , 420 , 1181 et 1228 rectifié sont identiques, ainsi que les amendements nos 52 , 500 et 1115 .
La parole est à M. Pascal Cherki, pour soutenir l’amendement no 151 .
Permettez-moi tout d’abord de rassurer nos collègues de l’opposition qui sont dans un numéro de duettistes bien réglé avec le Gouvernement. Ils s’amusent à se faire peur car il leur suffirait de lire l’article jusqu’à son alinéa 25 pour comprendre que ces dispositions n’entreront en vigueur qu’au lendemain de la date d’entrée en vigueur de la directive européenne et que le Gouvernement n’ira pas plus vite que la musique européenne. C’est d’ailleurs bien cela qui m’inquiète. Cette directive, transcrite après les débats en commission dans ce projet de loi, est une fumisterie. Je vous le dis très tranquillement : c’est une fumisterie. Faire un reporting à la seule échelle européenne ! C’est un petit pas en avant, bien évidemment. Pour calmer l’opinion publique et nombre d’ONG, légitimement inquiètes, on nous promet de nous signaler les États non coopératifs, ceux dont les pratiques ne seraient vertueuses sur un plan fiscal. Mais quand on voit les dernières listes de l’OCDE, en particulier cette liste noire où ne figurait même pas Panama, on a vraiment envie que les clowneries cessent !
Une seule question politique se pose à ce Gouvernement de gauche, à cette majorité de gauche : souhaitez-vous ou non que la France joue un rôle moteur et assume un vrai reporting public ?
Nous ne pouvons pas rester en deça de ce qui a été voté lors de la réforme bancaire. Si nous avons été capables de commencer à tordre le bras aux banques – et j’assume de le faire pour des pratiques qui ne sont pas acceptables dans les règles du jeu du commerce international –, nous devons pouvoir le faire pour les autres entreprises, c’est une question de volonté politique.
Dès lors que l’on commence à brandir la menace, comme nous l’avions entendu à l’époque, de voir partir tous les sièges sociaux des banques et de ne plus pouvoir affronter la concurrence de la City, ou bien d’affaiblir nos entreprises, l’on ne peut plus avancer. Si l’on se laisse convaincre par cette logique d’attendre de nos voisins qu’ils adoptent tous des pratiques vertueuses, il ne se passera rien.
Heureusement que l’on n’a pas raisonné ainsi dans d’autres circonstances, sinon nous n’aurions jamais pu interdire le travail des enfants ou réglementer le travail de nuit, en particulier pour les femmes enceintes ! Nous n’avons pas attendu que les autres pays se dotent des mêmes mesures sociales pour avancer !
À un moment, il faut mettre en conformité ses convictions et ses actes juridiques.
La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l’amendement no 420 .
Nous voulons aujourd’hui savoir si, à chaque fois qu’est révélé un nouveau scandale, les responsables politiques se contentent d’afficher leur consternation, la main sur le coeur, ou prennent les décisions qui s’imposent.
L’enjeu essentiel du débat, monsieur le rapporteur, n’est pas la liste des informations – je suis prête, par exemple, à discuter de la question des subventions –, mais de savoir si un reporting public peut être partiel. Eh bien non ! Vous ne pouvez instaurer une transparence qui ne soit pas exhaustive, sinon vous vous contenteriez de changer le mode d’emploi de l’évasion fiscale.
Si vous imposez l’obligation au-delà d’une filiale, par magie les filiales fusionneront. Si vous dressez simplement une liste de pays, il suffira de changer de pays.
Le coeur du débat, qu’il s’agisse de ce texte, ou de la directive européenne, est bien de reconnaître qu’en matière de lutte contre l’évasion fiscale – expression que je préfère à celle d’optimisation car on met ce terme à toutes les sauces –, il ne saurait y avoir de transparence que mondiale.
On nous répond que la France ne peut pas agir seule. Croyez-vous que la France puisse lutter seule contre le réchauffement climatique ? À quoi sert-il qu’elle réduise ses émissions de gaz à effet de serre quand elles augmentent en Chine ? À quoi sert-il qu’elle instaure une taxe carbone avec le risque de fuites de carbone, quand d’autres pays ne le font pas ? Nous l’avons voté tout de même et même la censure du Conseil constitutionnel ne nous a pas détournés de notre chemin : nous avons remis l’ouvrage sur le métier et trouvé les solutions pour que la mesure soit en conformité avec la Constitution. La compétitivité française ne s’est pas effondrée pour autant et dans le même temps, nous avons pu mener le combat au niveau européen et au niveau mondial.
Je pourrais poursuivre avec le paquet neutre ou l’interdiction du bisphénol A car nous devons être l’un des rares pays au monde à avoir pris de telles mesures.
Votre argument n’est pas recevable. C’est l’honneur de la France, d’avoir le courage de prendre un temps d’avance. C’est ainsi qu’elle rayonne à l’échelle internationale et renforce sa compétitivité.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Delphine Batho et Pascal Cherki l’ont dit, nous devons aujourd’hui montrer la voie à l’Europe. Nous avons une responsabilité car l’Europe nous regarde. Une directive est en cours de préparation et les mesures que nous adopterons donneront probablement le « la » des prochains dispositifs européens. Deux sujets sont à distinguer, celui des seuils et celui de la liste des pays ainsi que du reporting pays par pays, le plus important, comme Delphine Batho l’a souligné. Nous ne pouvons pas nous permettre la moindre faille, et ce que nous propose le Gouvernement….
Le Gouvernement n’a rien proposé !
…c’est-à-dire une liste commune de l’Union européenne sur les pays qui ne respectent pas les principes de transparence, n’est pas suffisant. On sait ce qu’il est advenu de la liste des paradis fiscaux ! On sait que leur contenu peut être extrêmement aléatoire, sans réelle transparence. La transparence ne peut être que totale, globale, pays par pays.
Soyons ambitieux aujourd’hui. Adoptons ces amendements qui nous permettent de retenir le seuil intéressant de 100 millions d’euros et d’inclure dans le dispositif de nombreuses multinationales, pas seulement celles dont le chiffre d’affaires est supérieur à 750 millions d’euros. Surtout, ils tendent à mettre en place un véritable reporting, pays par pays, seul dispositif qui ne souffre d’aucune faille dans laquelle les multinationales, véritables expertes de l’évasion fiscale, s’empresseraient de s’engouffrer. Soyons ambitieux et montrons la voie à l’Europe !
La parole est à Mme Huguette Bello, pour soutenir l’amendement no 1228 rectifié .
Je prendrai le temps de rappeler le champ d’application de cet amendement. Il vise bien les grandes entreprises, celles dont le chiffre d’affaires consolidé dépasse 100 millions d’euros, ou dont l’effectif comprend au moins 500 salariés, afin d’assurer la transparence financière et fiscale des entreprises à vocation internationale.
Plus globalement, il est important de noter les avancées réalisées depuis plusieurs années en la matière, qu’il s’agisse de la réforme bancaire de 2013 ou des discussions menées au niveau international. Malheureusement, la situation évolue très lentement dans ce domaine. L’Europe, dont le président actuel a dirigé un pays qui a organisé le pillage de ses voisins, est loin d’être exemplaire. À l’heure actuelle, l’Union européenne est un vaste espace de concurrence fiscale qui tire tous nos systèmes vers le bas. Ce n’est pas satisfaisant et notre pays doit aujourd’hui prendre ses responsabilités.
Dans cette discussion, il est aussi de bon ton de rappeler deux chiffres qui confortent notre démarche. Tout d’abord, une enquête de PwC de 2014 a montré que cinquante-neuf des PDG des grandes entreprises étaient favorables à cette disposition, ce qui est très intéressant. Par ailleurs, alors que l’on nous oppose souvent l’argument du coût de ce dispositif pour nos entreprises, les estimations chiffrées qui ont été rendues publiques, notamment par les services de la fiscalité et des douanes du Royaume-Uni, l’évaluent à environ 0,2 million de livres par an, ce qui est loin d’être insurmontable.
Pour toutes ces raisons, nous vous invitons à voter ces amendements.
Nous abordons une autre série d’amendements identiques.
La parole est à M. Pascal Cherki, pour soutenir l’amendement no 152 .
Il est défendu. L’esprit est le même mais les seuils proposés diffèrent. Je m’exprimerai plus longuement à l’occasion d’autres amendements.
L’efficacité s’impose à nous. Les mesures que nous prenons réduiront-elles de 95 % ou de 5 % l’évasion fiscale ?
Je n’en sais fichtre rien. Je sais simplement que nous avançons, au gré des scandales. La France a ainsi avancé de six mois la publication du décret créant un registre des trusts suite à l’affaire des Panama papers. Je ne suis pas certain que, sans ce nouveau scandale, nous soyons allés aussi loin.
Parallèlement, tous ceux qui veulent éluder l’impôt avancent aussi et tentent de contourner la loi. Nous jouons au chat et à la souris, Delphine Batho l’a parfaitement illustré. Il est tellement facile de déplacer une activité juridique, financière ou comptable. L’usine ne bouge pas mais les activités tertiaires sont très facilement déplaçables. Nous risquons d’assister à des mouvements importants.
S’agissant du risque d’inconstitutionnalité d’un reporting public, M. le ministre l’a souligné, il s’éloigne du fait de la directive européenne, qui trace la voie. Le Conseil constitutionnel ne peut l’ignorer.
De même, on voit mal comment le Conseil constitutionnel pourrait s’opposer à ce que le reporting public s’impose à la Suisse ou aux États-Unis, dès lors qu’il accepterait qu’on l’applique à l’Europe. Une fois le pied glissé dans l’encoignure de la porte, tous les pays pourraient être concernés.
Le Conseil constitutionnel aurait une compétence planétaire à présent ?
Inversement, une aire géographique limitée pourrait poser un problème d’ordre constitutionnel. Pourquoi exigerait-on un reporting public et une liste noire en Europe, et pas dans les pays où se trouvent certaines filiales ? La question se pose.
De même, une restriction en fonction du nombre de filiales pourrait être contraire à la Constitution. Pourquoi une société détentrice de cinq filiales devrait-elle fournir des informations et pas celle qui n’en a qu’une ?
J’espère, monsieur le président, que vous ne m’interromprez pas tout de suite, car je n’ai pas beaucoup parlé cet après-midi, n’est-ce pas ?
Monsieur le ministre, j’ai bien apprécié les informations que vous avez données et la pugnacité dont vous avez fait preuve sur un sujet dont le débat nous honore. Il aurait fallu l’engager bien auparavant, notamment lors des grands débats démocratiques qui se sont déroulés depuis une vingtaine d’années. Nous aurions ainsi pu comprendre pourquoi nous en sommes arrivés là. Notre grand peuple mérite de savoir exactement dans quelle situation nous évoluons. Lorsque l’on voit tous les problèmes que peuvent poser seulement cinq entreprises, on réalise que cela n’a pas pu se produire tout seul. Quand on voit notre pays ravagé par une vague de délocalisations en tous sens et une catastrophe industrielle sans précédent, on sait encore que cela n’a pas pu se produire tout seul.
Tout a commencé lorsque nous avons transcrit en droit français des directives européennes par ordonnance présidentielle. Je n’ai cessé de dénoncer cette pratique qui avait commencé bien avant que je n’aie l’honneur de siéger dans la maison du peuple. Nous avons commis des erreurs irréparables.
Reprenant ce que disait un collègue tout à l’heure, je constate que nous nous affaiblissons dans bien d’autres domaines encore. Quand on pense qu’Alstom, dont chacun connaît le rôle dans la défense stratégique de notre pays, vient de passer aux mains d’une puissance étrangère, l’on est en droit de se demander ce que nous pesons aujourd’hui. Je crois donc que ce débat est bien plus grave encore qu’il n’y paraît, bien que pourtant chacun y attache l’importance qu’il convient, et qu’il montre que nous ne pouvons pas continuer comme cela.
Je conclus, monsieur le président, qu’en attendant de mettre tout à plat et de sortir de ces campagnes électorales où on ne se dit rien, faisant seulement semblant de nous affronter sur des futilités, le moment va venir de devoir expliquer notre modèle. D’ici là, la France doit reprendre son rôle et, même s’il doit lui en coûter, aller au bout de l’entreprise engagée, c’est-à-dire le reporting public sur l’implantation des grandes entreprises dans l’ensemble des pays.
La commission y est défavorable.
Au passage, madame Berger, je vous rassure : il n’y aura pas de différence entre l’Union européenne et le reste du monde concernant la clause de sauvegarde. Au niveau communautaire une réflexion est actuellement menée pour traiter de la même manière les entreprises intracommunautaires et les autres. Par conséquent, pas d’inquiétude à avoir.
Monsieur Cherki, les deux critères en vertu desquels il y aura différence de traitement entres les entreprises et les banques sont vraiment modestes et ne seront pas déterminants dans l’appréciation de la mise en oeuvre des mécanismes en cas d’évasion ou de fraude discales.
Madame Batho, je trouve qu’il est tout de même excessif de dire que nous allons voter reviendra simplement à favoriser un changement du mode d’emploi de l’évasion fiscale. C’est totalement faux et je vous invite à relire l’article 45 bis.
À l’alinéa 5, nous avons anticipé la possibilité que vous envisagiez : « Les III à III du présent article s’appliquent, le cas échéant, aux filiales et succursales qui ne sont pas soumises à ces obligations lorsqu’elles ont été créées dans le but d’échapper aux obligations prévues au présent article. » La commission a donc totalement pris en compte les mécanismes d’évasion que vous évoquiez, soit la modification du périmètre ou du nombre des filiales pour échapper aux mailles du filet. Vous voyez que le dopé n’échappera pas au contrôle antidopage.
J’appelle chacun à un peu de mesure parce que entre ce que j’entends dans le débat public sur le suicide économique et, ici, sur le fait que nous ne ferions rien, il me semble qu’il faut prendre en compte notre action et que la vérité est entre les deux.
Par ailleurs, certains nous reprochent d’agiter la menace d’inconstitutionnalité. Mais je rappelle que nous sommes dans une zone d’incertitude et qu’il est toujours difficile d’apprécier ce que sera la position du Conseil.
Mais la question est d’abord économique : lorsqu’une entreprise développe une activité dans un pays avec un seul client, elle se trouve en situation d’exposition maximale face à la concurrence internationale. On ne peut pas non plus préjuger que toutes les entreprises françaises qui se développent à l’étranger le font parce qu’elles sont motivées par l’évasion ou la fraude fiscales : elles peuvent aussi le faire pour accroître leurs parts de marché à l’extérieur et ainsi favoriser au final l’emploi en France. Il faut adopter sur ce plan une attitude mesurée. C’est la raison pour laquelle la commission vous appelle, mes chers collègues, à repousser ces amendements qui rompraient manifestement les équilibres du dispositif, fragiliseraient ses assises juridiques et affaibliraient la position de notre pays dans les négociations internationales.
J’ai déjà exprimé mon opinion sur le fond : je pense que chacun a compris quel était mon combat en termes de conviction et mon objectif en termes d’action gouvernementale. Pourtant, quelle est la caractéristique de l’ensemble de ces amendements ? Ils visent à réécrire tout l’article. Le débat ne porte alors pas tant sur les seuils ou sur l’examen de la situation de l’entreprise pays par pays ou au niveau mondial – nous y reviendrons –, mais sur le fait qu’ils ne soumettent pas leur effectivité à l’entrée en vigueur de la directive européenne. Cela peut être d’ailleurs leur objectif, mais je le dis très clairement à leurs auteurs : je n’ai aucun doute que les voter, c’est se faire plaisir maintenant mais, demain, subir une censure du Conseil constitutionnel. Cela nous est déjà arrivé, et sur des points sur lesquels pourtant nous pensions avancer ensemble avec précaution… Regardez les textes en vigueur et la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur le sujet : il n’y a aucun doute. Mais on peut évidemment se faire plaisir en votant une disposition qui ne servira à rien. Je crois sincères tous ceux qui disent que la France doit être exemplaire, montrer le chemin, et je nous en crois capables, mais montrer le chemin qui mène à un gouffre ne servirait pas à grand-chose. C’est pourquoi je vous demande vraiment, si vous voulez insuffler plus de force à la France en ce domaine, de nous permettre de montrer le chemin aux autres pays pour gravir avec eux les pentes, même si elles sont difficiles : cela servira alors à quelque chose et c’est à quoi je vous appelle en donnant un avis négatif à cette série d’amendements.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le ministre, je peux comprendre votre position même si je ne l’approuve pas : cela fait partie d’un débat. Pour ma part, je considère que ces amendements, notamment au regard de la position défendue par mon collègue Pascal Cherki, devraient permettre d’éviter la censure du Conseil constitutionnel. Nombre de juristes ont produit des travaux montrant que c’était faisable en retravaillant ces amendements. Vous avez évoqué la question essentielle de la liberté d’entreprendre, mais elle n’est « ni générale ni absolue » depuis une décision de 1986, « des limites peuvent y être apportées si elles sont énoncées de façon claire et précise » – décision du 7 décembre 2000 – et « si elles sont justifiées par l’objectif de valeur constitutionnelle qu’est la lutte contre l’évasion fiscale et l’intérêt général » – décision du 19 décembre 2013. La conciliation entre la liberté d’entreprendre et la lutte contre l’évasion fiscale etou l’intérêt général a d’ailleurs déjà été opérée par le législateur avec l’aval du Conseil constitutionnel dans une décision du 29 décembre 1989.
Delphine Batho le rappelait à propos de la taxe carbone : nous avons déjà retravaillé des textes pour passer la censure du Conseil constitutionnel.
Mais après avoir été censuré une première fois en l’occurrence !
En s’appuyant sur l’avis de juristes, nous nous trouvons dans une situation elle aussi susceptible d’évoluer par rapport à sa jurisprudence.
Tout d’abord, je tiens à rappeler à l’ensemble des collègues que nous imposons à nos entreprises un reporting extrêmement détaillé auprès de l’administration fiscale. En effet, on leur demande d’indiquer, pays par pays, leur chiffre d’affaires, leurs bénéfices ou leurs pertes, les impôts payés, les effectifs, les subventions perçues et la nature de leur activité. Notre administration disposera désormais de ces informations. Lui faisons-nous, oui ou non, confiance pour mener la lutte contre l’érosion des bases fiscales ?
Aujourd’hui, oui, mais qu’en sera-t-il demain dans le cadre du nouveau dispositif ? C’est ça le problème !
Pour ma part, je lui fais confiance. Nous avons exigé à raison ce reporting, et ce sera une arme dans la bataille que rappelait M. le ministre il y a quelques instants. Il n’y aurait pas eu de perquisitions fiscales au siège de très grandes entreprises internationales qui ne payent d’impôt nulle part si notre administration n’avait pas eu la possibilité d’exploiter un certain nombre de données dont nous avons imposé la fourniture aux entreprises concernées et aussi par contrepartie à d’autres. Ne faisons donc pas comme s’il ne s’était rien passé ces dernières années dans la bataille contre l’évasion et la fraude fiscales, notamment à l’initiative souvent de la France.
Je vous appelle à repousser ces amendements identiques en faveur d’un amendement ultérieur qui devrait rassembler le groupe et dont le périmètre d’application sera mondial et public. N’oublions pas que notre administration fiscale a les moyens d’agir et que le mouvement mondial qui s’engage, au moins au sein de l’OCDE, a besoin d’être renforcé.
Je ne veux pas apparaître comme un supplétif du Gouvernement ; celui-ci a déjà suffisamment d’autorité pour qu’il n’ait pas besoin de mon soutien – même si j’ai beaucoup de sympathie pour le ministre. Mais pour rédiger chaque année les recours auprès du Conseil constitutionnel au titre des lois de finances, je peux vous dire que le risque d’inconstitutionnalité est absolu. Ainsi, concernant la loi de finances pour 2016, il a précisé dans sa décision du 29 décembre 2015 que « ces éléments [ obligation pour certaines sociétés de transmettre à l’administration des informations relatives à leur implantation et des indicateurs économiques ], s’ils peuvent être échangés avec les États ou territoires ayant conclu un accord en ce sens avec la France, ne peuvent être rendus publics ; que, par suite, ces dispositions ne portent aucune atteinte à la liberté d’entreprendre […] ». Nous n’avons donc pas obtenu satisfaction sur l’annulation de cette disposition, mais mon objectif était précisément d’obtenir un éclairage sur ce qu’il se passerait si la France était la seule – ce que Mme Mazetier vient elle-même de juger aberrant – à communiquer publiquement ces éléments, indépendamment de l’application de la directive européenne et des travaux de l’OCDE sur le sujet.
Par conséquent, monsieur le ministre, je suis complètement d’accord avec vous : si nous disjoignons totalement le dispositif prévu dans ce projet de loi de l’intervention de la directive, ce sera, Dieu merci ! annulé par le Conseil constitutionnel. En tout cas sachez, chers collègues, que nous pourrons faire valoir des arguments extrêmement solides et je suis sûr qu’il les prendra en compte, d’autant que l’article 45 va encore plus loin que la directive puisqu’il prévoit la possibilité par voie d’ordonnance de ne pas s’en tenir aux entreprises dont le chiffre d’affaires consolidé excède 750 millions d’euros, contrairement à ladite directive.
Sur le fond, chers collègues, la France qui entend montrer en exemple au monde entier ses valeurs dans le domaine fiscal se paye de mots, comme vient de le dire en substance le ministre. Au contraire, cela fait fuir les autres. Hier, nous avons auditionné à la commission des finances Pierre Moscovici. Je l’ai interrogé sur ce qu’il en était de la taxe sur les transactions financières – chère à certains d’entre vous, M. Cherki par exemple. Notre collègue n’a pas pu être parmi nous, mais il était instructif d’entendre l’ancien ministre : il nous a dit carrément qu’il n’y avait aujourd’hui plus guère de consensus à ce sujet. Lorsqu’elle a été votée ici même il y a plusieurs années, sous la précédente majorité, on nous disait : « Ne vous inquiétiez pas, l’Allemagne va la mettre en place avant le fin de l’année. »… Nous étions en 2012, et elle ne l’a toujours pas fait. Aujourd’hui, il n’y a plus autour de la table que neuf ou dix États : on arrive à un point où cette taxe ne sera pas mise en oeuvre du tout. L’exemple français a-t-il été suivi ? Pas du tout.
Mais, je le dis clairement, obliger la France à dévoiler, seule, pays par pays, les éléments stratégiques de ses filiales – chiffre d’affaires, effectifs, investissements, bénéfice –, alors qu’elle a 10 % de chômeurs et que ses entreprises sont en perte de compétitivité, depuis très longtemps, serait commettre sinon un suicide économique – je n’irai pas jusqu’à ce terme médiatique – du moins une faute grave,…
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, j’espère que vous me laisserez autant de temps que mon collègue Carrez pour lui dire qu’il se trompe sur de nombreux points.
Delphine Batho a très utilement souligné un des éléments du projet de loi, qui nous pousse à soutenir un amendement. Elle fait référence, dans l’article que vous avez cité, monsieur Denaja, aux entreprises « créées dans le but d’échapper aux obligations prévues dans le présent article ». Mais qu’est-ce que l’optimisation fiscale agressive ?
Pratiquer l’optimisation fiscale agressive n’est pas illégal : c’est utiliser les textes réglementaires pour en trouver les brèches et en profiter. Or cette brèche est énorme. Quel article du code du commerce définit une entreprise créée dans le but d’échapper aux obligations prévues à l’article 45 bis ? Un tel article n’existe pas.
Par ailleurs, monsieur Carrez, vous décrivez, avec raison, la situation difficile de la France. Pourtant, de nombreuses entreprises qui pratiquent l’optimisation fiscale ne feraient rien si elles ne pouvaient pas travailler en France. De grands groupes, que je ne citerai pas, ont besoin d’infrastructures françaises, par exemple pour transporter des voyageurs du nord au sud de Paris.
Quand une entreprise livre des colis de Paris à Avallon, de Roanne à Besançon, elle roule sur des routes françaises. Si elle n’a pas les moyens de répondre aux obligations françaises, elle n’exercera pas son activité.
La façon de faire pression sur ces questions est très malsaine. L’absence de constitutionnalité ne doit pas lui servir d’argument. À ce titre, monsieur le président, vous n’avez pas souhaité donner la parole à ma collègue Eva Sas, qui présente pourtant un sous-amendement, dsetiné à faire avancer le débat.
Comment le législateur peut-il définir une entreprise qui essaie de ne pas se soumettre aux obligations de l’article 45 bis ? Aucune entreprise ne pourra se voir condamnée pour ce fait. En effet, aucune ne revendiquerait dans ses statuts que son objectif consiste à ne pas remplir les obligations de l’article 45 bis. Créer, sous couvert d’un article qui lutte contre l’optimisation fiscale, la brèche qui continuera de permettre celle-ci est une faute.
Sur les amendements identiques nos 151 , 4202 , 1181 et 1228 rectifié , je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Pascal Cherki.
Monsieur le président Carrez, lors de cette audition à laquelle je n’ai pu assister, vous auriez pu, en mon absence, demander à Pierre Moscovici pourquoi la directive relative à la taxe sur les transactions financières avait du plomb dans l’aile. Il vous aurait peut-être répondu, comme certains collègues parlementaires européens ou français, qui baissent un peu la tête, que l’entrain manque pour faire avancer ce projet car nos banques françaises y sont opposées.
Je ne suis pas aux ordres des banques, monsieur Cherki !
Je n’ai pas besoin d’en dire plus, mais il pourrait être intéressant d’auditionner les députés européens qui nous disent cela. Je vous donnerai des noms, monsieur le président Carrez, si cela vous intéresse.
Quant aux deux critères, il vous suffira de les accepter, monsieur Denaja, puisque vous les présentez comme n’étant pas si différents.
Rappelons par ailleurs, s’agissant des supposés problèmes liés à la présence d’une seule filiale, qu’il a suffi à McDonald’s d’une seule filiale au Luxembourg pour réaliser une évasion fiscale de près d’un milliard d’euros d’impôts.
Je le dis pour une filiale, car vous présenterez bientôt un amendement qui élargit le reporting au périmètre du monde, en proposant une transparence restreinte pour certaines filiales.
Par ailleurs, on exige des élus une certaine transparence car des cas de corruption ont été relevés, alors qu’une transparence restreinte serait suffisante pour les entreprises, puisqu’il est bien connu qu’elles n’ont jamais recours à la corruption.
Enfin, le Conseil constitutionnel a bon dos. Serait-il à ce point gagné par la pression des lobbies, notamment financiers, qu’il censurerait une disposition votée par la représentation nationale ? Je n’ai pas cette vision du Conseil constitutionnel, auquel je fais confiance.
Il est procédé au scrutin.
Avis défavorable.
En réponse à la question de Mme Duflot, je rappelle que la clause 5 définit un abus de droits. C’est un concept qui permet au fisc, puis au juge de définir avec un faisceau d’indices un abus de droits. Il n’y a donc aucune raison d’aller plus loin.
Il a raison !
L’amendement no 157 n’est pas adopté.
Je souhaitais donner un avis sur l’amendement que vous venez de soumettre au vote. Je le donnerai donc sur le suivant...
Ayez l’élégance d’être attentif aux demandes de prise de parole, monsieur le président !
Chers collègues, vous avez raison d’être ambitieux pour la France et pour le mouvement que notre pays peut lancer à l’échelle européenne. Rappelons que la France est le premier pays à mettre en oeuvre, dès 2016, le reporting fiscal précis que j’ai indiqué tout à l’heure. Les autres pays européens ne l’appliqueront qu’à partir de 2017.
Nous ne devons pas nous dévaloriser, au contraire.
Plus exactement, monsieur Galut, puisque vous doutez des capacités de notre administration fiscale à faire respecter les lois que nous votons, faites en sorte que nous soyons toujours en responsabilité à l’avenir – nous veillerons ainsi au respect de ces dispositions. Mais ne nourrissez pas des discours qui permettront l’accession au pouvoir d’une autre majorité, laquelle, en effet, s’empresserait peut-être de mettre à bas tout l’édifice fiscal que nous avons fait adopter depuis l’été 2012.
Il est défendu. Je ne souhaite pas reprendre mes arguments à chaque fois.
Comme beaucoup d’entre nous, je suis partagé entre les ambitions que nous voulons afficher et les arguments raisonnables du ministre. Aussi, j’évoquerai certains points, sur lesquels je souhaiterais être éclairé, afin d’en tirer des conclusions pour les votes suivants.
Tout d’abord, j’entends les propos de Sandrine Mazetier. L’adoption du reporting pour l’administration fiscale constitue un premier pas, voire un pas de géant. C’est une évidence.
Dans le même temps, certains d’entre nous veulent aller plus loin car ils savent que, tant que ce reporting n’est pas public, il peut conduire à l’étouffement des affaires, comme cela a été longtemps le cas pour d’autres sujets.
De plus, il est possible, grâce à la publicité, d’ajouter à la vigilance de l’administration, la sagacité de la société civile. C’est la raison pour laquelle les parlementaires n’ont pas choisi de limiter la transparence à l’action de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Ils ont voulu aller plus loin, afin que le regard d’une institution indépendante croise celui des citoyens, qui peuvent donner un avis et considérer que ce qui devait être vu ne l’a pas été. C’est la raison pour laquelle ce reporting public a une importance.
Est-il pour autant possible de le mettre en oeuvre, seul ? La réponse est vraisemblablement négative, car cela serait difficile pour nos entreprises. Pourtant, comment faisons-nous avancer l’Europe ? À chaque fois que la question est posée, ces arguments nous sont opposés.
S’agissant de la taxe sur les transactions financières, le président Carrez a raison de dire que nous avons plutôt reculé qu’avancé. En fait, l’Europe avance à chaque fois qu’un scandale éclate – or nous avons des scandales –, qu’une opinion publique européenne est mobilisée – elle l’est sur ce sujet – et qu’un pays fait le premier pas – nous pouvons être ce pays-là.
C’est la raison pour laquelle j’aimerais que le ministre précise la position qu’il défendra au prochain Conseil européen et quel mandat il se donne dans ce débat. Défendra-t-il uniquement la vision qui est actuellement la position commune des Européens ou une position plus avancée, qui est celle que nous voulons défendre, peut-être maladroitement, peut-être de manière inconstitutionnelle ? Si le ministre affirme qu’il défendra un reporting pays par pays pour l’ensemble du monde, je suivrai l’avis du Gouvernement pour l’ensemble des amendements suivants et je renoncerai donc aux amendements que j’ai déposés avec Pascal Cherki.
Je souscris à l’argument précédemment énoncé par mon collègue, Olivier Faure. Jean Starobinski évoque « la transparence et l’obstacle », mais qu’est-ce qui fait obstacle ? Mme de La Raudière, vous mentionnez un obstacle à la compétitivité. Il ne se manifeste pourtant pas au regard de la publicité des comptes, mais du savoir-faire d’une entreprise et de ses brevets, ce qui constitue sa boîte noire.
Ainsi, lorsqu’une entreprise est cédée, il est dangereux que le repreneur s’approprie ses brevets. Prenons quelques exemples concrets. Actuellement confrontée à une polémique concernant le rejet de boues rouges dans la mer Méditerranée, l’entreprise Alteo aurait besoin d’exposer ses montages financiers avec transparence. Nous avons, pour certains d’entre nous, adressé des questions écrites au Gouvernement sur ce sujet. Les boues mises en cause sont liées à la fabrication de verres d’iPhone, alors qu’un autre composant, la bauxite, provient de Guinée et que de l’argent public est utilisé.
Certes, vous avez raison, madame Mazetier, la Direction nationale des enquêtes fiscales peut naturellement ouvrir une enquête, même si elle n’aboutit pas. L’existence d’une telle enquête témoigne déjà d’une transparence, pour une entreprise conduite à effecteur des montages financiers de plus en plus complexes. Un débat avait d’ailleurs eu lieu sur la localisation de ce bassin de rétention des déchets il y a une cinquantaine d’années, lorsque Péchiney détenait la société. Ainsi, certains scandales représentent des serpents de mer sur le long terme car aucune porte de sortie n’est trouvée.
Je salue à ce titre la proposition de loi de Dominique Potier. Lors d’une réunion interparlementaire qui s’est tenue il y a trois semaines sur la relation entre les sociétés donneuses d’ordres et les filiales, les parlementaires, conservateurs comme progressistes, que nous avons rencontrés ont largement approuvé l’enjeu de la promotion de la transparence.
Il est donc important de se saisir d’exemples concrets pour chercher à améliorer la transparence des différents montages financiers. Une discussion sur les seuils semble opportune à cet égard, afin de sortir du débat par le haut et d’envoyer un signal qui corrigerait le déficit de transparence que présente d’autres articles de ce projet de loi.
Mme Mazetier a raison : nous avons fait une grande avancée, il y a quelques semaines, en votant le reporting pays par pays à l’administration fiscale. Pourtant, si j’ai confiance dans ce gouvernement, dans l’administration et les consignes qu’elle reçoit actuellement, je sais que la démocratie peut, dans les années qui viennent, conduire un autre gouvernement au pouvoir, qui n’aura pas obligatoirement la même volonté politique de lutter contre l’évasion fiscale ou l’optimisation fiscale agressive.
Nous ferons tout pour l’éviter !
Alors que le verrou de Bercy ou le secret fiscal existent encore, la question de l’avenir de ces dispositions est posée.
Je sais le combat mené par Michel Sapin et Christian Eckert, et je le salue, mais je sais aussi qu’ils ne sont pas immortels politiquement.
Sourires.
Peut-être y aura-t-il d’autres ministres dans les années qui viennent ; et je crois qu’il faut avancer sur le reporting pays par pays de manière transparente, car à côté du combat mené par l’administration, il y a le contrôle citoyen, les ONG qui luttent contre l’évasion et la fraude fiscale.
C’est grâce aux ONG que nous disposons d’informations sur le reporting pays par pays réalisé par les banques et sur leurs rapports désormais annuels, et ces ONG ont en outre la compétence nécessaire pour nous dire ce qui se passe concrètement. Je veux leur rendre hommage : à CCFD-Terre solidaire, à ONE, à Oxfam, à Peuples solidaires, qui, depuis des années, mènent le combat citoyen pour la transparence, combat qui nous permet, à nous, parlementaires, d’avoir les informations qui nous permettent de faire avancer les choses. Au moment où l’on protège les lanceurs d’alerte, où l’on dit que la transparence doit être assurée publiquement, nous devons collectivement trouver une solution pour aller le plus loin possible dans cette voie.
Deux choses.
Premièrement, je rappelle que, même en cas de changement de majorité – sauf si la nouvelle majorité était constituée de personnes qui siègent aujourd’hui parmi les non-inscrits, en haut, à droite de l’hémicycle –, le Parlement disposerait d’un pouvoir de contrôle. Nous avons ainsi prévu que le président de la commission des finances et le rapporteur général du budget puissent contrôler, sur pièces et sur place, à Bercy, les déclarations auxquels les entreprises sont soumises. Il n’y a donc pas d’inquiétude à avoir de ce point de vue – à moins qu’une majorité « noire », qui ne verrait aucune difficulté à ce qu’il y ait des évaporations fiscales dans des trous noirs de la finance internationale ou dans certains pays, nous remplace.
Deuxièmement, le reporting pour les banques a été mis en place, non parce qu’on nous y aurait forcés, mais parce que nous l’avons décidé dans le cadre de la loi de séparation et de régulation des activités bancaires ; les Français ont été les premiers à adopter un tel dispositif, bien avant qu’il y ait une directive européenne sur le sujet. Ne sous-estimons pas notre capacité d’entraînement ! Il ne faut pas oublier ce que nous avons fait, y compris dans ce domaine.
La position d’Olivier Faure me paraît tout à fait raisonnable, mais il me semble que ce qu’il a dit conduit à reconnaître la nécessité absolue de coordonner le texte de loi avec la directive !
Sandrine Mazetier l’a souligné à plusieurs reprises : on a fait des progrès considérables grâce à l’échange automatique d’informations entre administrations fiscales. L’enjeu maintenant est de savoir s’il est possible d’aller plus loin dans le cadre d’une directive européenne. J’en reviens donc à la question qu’Olivier Faure posait au ministre, mais en appelant votre attention sur un point, chers collègues : c’est que la France ne peut être seule ; il faut que nous trouvions des alliés. Il serait utile, de ce point de vue, que le ministre nous dise où en sont nos collègues allemands sur la question.
Souvenez-vous : quand nous avions créé la taxe sur les transactions financières – j’étais à l’époque rapporteur général du budget –, c’était dans le cadre de la dernière loi de finances de la précédente législature, dans le collectif budgétaire de mars 2012 ; Nicolas Sarkozy avait porté cette affaire devant le Conseil européen et à Bruxelles, mais nous étions isolés. Résultat : derrière, ça n’a pas tellement suivi quelques années plus tard.
Je reprends donc à mon compte la question d’Olivier Faure : quelles sont nos chances d’obtenir un soutien et d’aboutir dans un délai raisonnable ?
Nous avons déjà échangé beaucoup d’informations et confronté des positions très différentes. Il faudrait éviter d’avoir continuellement à se répéter.
Monsieur Faure, vous avez raison de souligner la différence entre un rapport fiscal, qui résulte d’une opération de transparence entre administrations fiscales, et ce qui est soumis à votre vote, à savoir un rapport public accessible aux citoyens ou à un certain nombre d’ONG. Dans ma précédente intervention, j’ai souligné combien l’action des ONG pouvait être utile, y compris pour mieux lutter contre l’optimisation fiscale – je pourrais vous donner des exemples passés. Aujourd’hui, nous cherchons plutôt à avoir des lois et des dispositifs réglementaires qui puissent se substituer à la responsabilité de la société civile, sans pour autant l’annuler.
Où en sommes-nous ? Un projet de directive a été déposé, et c’est de ce projet que le Parlement s’est emparé. Il ne s’agit donc pas, madame Duflot, d’une prise de position de la part du Gouvernement : il n’y avait pas de disposition de cette nature dans le projet de loi initial. C’est une initiative du Parlement, qui s’est emparé du projet de directive, et ce que l’on trouve aujourd’hui dans le texte de loi correspond exactement à ce que contient le projet de directive. C’est clair et simple.
Le projet de directive est-il soutenu ? Oui, il l’est, et fortement. Il est soutenu d’abord et avant tout – pardon de le souligner – par la France, y compris avec l’objectif de le faire évoluer dans un sens positif. Je répondrai là partiellement à M. Faure : la position de la France est de faire évoluer encore, dans le sens d’une plus grande transparence, le texte de directive. Cela étant, cela vous étonnera peut-être – et c’est une raison supplémentaire de souhaiter que ce pays reste dans l’Union européenne –, mais la Grande-Bretagne soutient elle aussi fortement le projet de directive. Eh oui, la City soutient ce projet ! Et dans d’autres pays, comme l’Italie ou l’Espagne, on trouve la même volonté d’aboutir ; s’agissant de l’Allemagne, je n’ai pas encore approfondi le sujet, mais je ne manquerai pas de le faire avec Wolfgang Schäuble et le Président de la République le fera avec la Chancelière. Je pense donc que nous allons aboutir et l’objectif que nous nous sommes fixé est d’y arriver d’ici à la fin de l’année.
D’autre part, je vous rappelle que, dans ce domaine, nous sommes soumis à ce que l’on appelle la procédure de codécision, c’est-à-dire que le dispositif devra être adopté par le Parlement européen, à l’issue bien sûr d’un dialogue avec le Conseil et avec la Commission. Il n’est pas interdit au Parlement européen, ou à l’un des groupes qui le composent, de pousser pour que l’on aille plus loin !
Ce qui est positif dans le projet de loi issu des travaux de vos commissions, c’est que les rapporteurs se sont basés sur le projet de directive tel qu’il est connu. Rien ne nous empêchera de faire évoluer le texte si le projet de directive évolue. Et c’est le fait de vous raccrocher au projet de directive qui rend constitutionnelles les dispositions dont vous discutez.
L’amendement no 156 n’est pas adopté.
Juste pour dire à M. le ministre que je n’ai jamais considéré qu’il était l’ami des banques – d’ailleurs ce n’est pas une insulte : il vaut mieux être l’ami de son banquier que son ennemi ! Ce que je veux dire par là – et je me tiens à la disposition du président de la commission des finances s’il veut auditionner des parlementaires européens –, c’est que manifestement les banques françaises, allemandes, ou autres, ont assez de poids pour faire en sorte que le projet de directive n’avance pas, ce que je regrette.
S’agissant du Parlement européen, vous avez dit une chose importante, monsieur le ministre. Vous parlez de codécision et de capacité d’initiative du Parlement européen. C’est vrai ; mais si l’on voulait être parfaitement transparent, on dirait que nombre de parlementaires européens, et non des moindres, considèrent que le cadre du projet de directive est restrictif. Il ne vous aura pas échappé non plus que le sujet fait l’objet de débats au sein du Parlement européen. D’ailleurs, même si, comme vous le dites, nous avons été soutenus récemment par les conservateurs anglais, ce qui est une bonne chose – tout le monde est bienvenu au club –, il y a fort à parier, à entendre nos collègues de l’opposition, que l’on rencontrera de fortes réticences, émanant principalement des rangs du parti populaire européen, mais pas seulement.
La question est donc politique, monsieur le ministre ; nous vous le disons depuis le début. Vous affirmez que vous souhaiteriez qu’au nom de la France, on aille plus loin ; dans ce cas, permettez-nous d’adresser un signal, et faisons en sorte que nous ne pas nous en tenir au texte du projet de directive – dont je maintiens pour ma part qu’il s’agit d’une fumisterie. Comment pourrez-vous mener la bataille que vous dites vouloir mener avec tempérament et fougue si vous vous retrouvez avec un mandat limité et restrictif de la part de votre Parlement national ? Faites comme Mme Merkel ! Elle, quand elle veut faire bouger une ligne en Europe, elle se fait donner par son Parlement un mandat, qui ne correspond pas forcément à sa prise de position publique, mais qui lui permet d’aller devant les instances européennes en disant : « Moi je voudrais bien, mais je dois tenir compte des députés ! ». En revanche, si vous invitez la majorité à ne pas déborder du cadre du projet de directive, vous vous désarmez à la veille d’une bataille qui sera difficile. Alors, armez-vous, monsieur le ministre !
Le signal, monsieur Cherki, c’est l’amendement no 1179 . Pourquoi ? Parce qu’il va au-delà du projet de directive en prévoyant une extension du périmètre à l’ensemble du monde. Pour l’heure, le projet de directive exige un reporting public pour les pays membres de l’Union européenne et les paradis fiscaux. Or, sans même parler du fait que la liste de ces derniers est réduite et qu’elle est susceptible d’évoluer, cela ne donnerait guère d’indications. Nous, ce que nous souhaitons – et c’est le signal que la France souhaite donner une impulsion au projet de directive, comme elle a su le faire s’agissant de la régulation bancaire et du reporting pour les banques –, c’est qu’il y ait en plus un reporting public pour le monde.
J’entends nos collègues républicains nous expliquer que nous porterions gravement atteinte à la compétitivité de nos entreprises, mais tout dépend des informations qui seraient confiées exclusivement à l’administration fiscale et des informations qui seraient rendues publiques.
J’en suis convaincue : il faut étendre le périmètre au-delà de l’Union européenne et des juridictions non coopératives ; il faut un périmètre monde. Tel est l’objet de l’amendement no 1179 qui, je l’espère, recueillera l’assentiment de l’ensemble de nos collègues.
Pour revenir sur la question de la constitutionnalité, j’ai trouvé intéressante la réponse que vient de faire le ministre à Gilles Carrez. J’évoquais tout à l’heure le fait que le Conseil constitutionnel allait devoir innover parce qu’il devrait faire un contrôle de constitutionnalité par rapport à une directive qui n’est pas encore applicable ; en vérité, c’est encore mieux : nous allons voter sur l’entrée en vigueur d’une directive qui, à ce stade, est totalement incertaine ! Il me semble pourtant que, dans sa jurisprudence, le Conseil constitutionnel a toujours fait attention à l’intelligibilité de la loi.
L’amendement no 155 n’est pas adopté.
Chers collègues, je vous informe qu’il reste encore 454 amendements avant le terme de nos travaux.
L’’amendement no 175 est-il défendu, monsieur Cherki ?
Je le présenterai brièvement, monsieur le président.
Il s’agit d’un amendement de repli – car il faut savoir faire des replis tactiques. Le premier amendement, qui avait été présenté par beaucoup de collègues, dont Delphine Batho, consistait à aller plus loin que le projet de directive, en prenant en considération des spécificités qui pouvaient être liées aux entreprises. Là, il s’agit de faire preuve de cohérence politique par rapport à ce qui a été fait depuis le début de la législature. L’amendement reprend exactement les mêmes critères et le même périmètre que ce nous avions prévu pour les banques dans le cadre de la loi sur la séparation et la régulation des activités bancaires, alors que le ministre de l’économie et des finances s’appelait Pierre Moscovici – il est aujourd’hui commissaire européen. La seule différence, c’est que pour faciliter la négociation au plan européen, nous avons prévu de fixer un seuil de 750 millions d’euros.
L’amendement no 175 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Votre argument relatif au « Bremain » ou au « Brexit », monsieur le ministre, était tout à fait juste. Il s’agit en effet d’inclure, dans le rapport pays par pays, toutes les dérogations afférentes aux îles.
Dans le débat britannique sur le maintien au sein de l’Union européenne ou la sortie de celle-ci, la question du statut des îles est posée, qu’il s’agisse de Gibraltar ou de Jersey et Guernesey. Peut-être pourrions-nous apporter une précision de ce point de vue, comme nous l’avions fait, d’ailleurs, pour la localisation des activités des banques.
La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l’amendement no 419 .
Je veux rassurer le rapporteur : je sais lire, et suis donc à même d’apprécier son travail et toutes les améliorations qu’il a apportées au texte.
L’alinéa 5, dont je comprends au demeurant l’intention, expose à des contentieux infinis dès lors qu’il s’agira de déterminer si une société a été créée « dans le but d’échapper aux obligations prévues au présent article ».
L’amendement no 419 est important au regard de ce que disait M. le ministre tout à l’heure : l’un de mes amendements tendait en effet à réécrire l’article, ce qui était impossible, à l’en croire, dans la mesure où les dispositions du présent texte n’ont vocation à s’appliquer qu’une fois validée la directive européenne.
Nous avons à présent à définir la position de la France dans le cadre de cette directive. C’est l’objet de l’amendement no 419 , qui tend, pour ce faire, à inscrire dans la loi qu’à ce jour, la France souhaite un reporting complet, couvrant tous les pays.
L’amendement fait donc suite, je le répète, aux arguments développés par M. le ministre tout à l’heure : seul l’alinéa 16 de l’article serait modifié ; l’alinéa 25, qui prévoit une entrée en vigueur une fois achevé le processus d’adoption de la directive, resterait quant à lui inchangé. La question ici posée est donc bien celle de la position de la France dans le cadre du débat sur la directive.
Cet amendement, alternative à la rédaction de la commission, tend à imposer un reporting public généralisé. Le regard de la société civile est bien entendu nécessaire en l’espèce, au côté de l’administration fiscale en laquelle j’ai toute confiance. La réalité l’a montré, la société civile est fort utile dans le domaine dont nous parlons ; il convient donc de lui donner les moyens d’agir.
N’inversons pas les choses : nous ne sommes pas là pour pénaliser les entreprises mais, bien au contraire, pour les aider à améliorer leur compétitivité. Si nous sommes dans la situation que nous connaissons, en France et dans le monde, c’est parce que des multinationales coupent les vivres aux États par des pratiques frauduleuses. Loin de pénaliser les entreprises, nous sommes donc là pour leur montrer le bon chemin.
J’entends bien, monsieur le ministre, un certain nombre d’objections ; c’est pourquoi je n’ai pas déposé d’amendement pour modifier le seuil de 750 millions d’euros. La mesure ne touchera ainsi que les grands groupes, et non les entreprises qui entendent se développer à l’étranger, y compris au moyen de pratiques concurrentielles offensives : elle ne risque pas de porter atteinte à la compétitivité de nos entreprises. J’ajoute qu’elle ne vise pas uniquement des entreprises françaises, mais aussi les entreprises étrangères implantées en France et ailleurs.
Enfin, lorsqu’une grande entreprise crée des filiales à l’étranger, l’intelligence économique fonctionne : qu’on ne nous raconte pas que c’est la publication des informations ici visées qui la fragiliserait ! Toutes les entreprises au monde ont les moyens de connaître les effectifs, le chiffre d’affaires ou les bénéfices de leurs concurrentes.
La principale objection, je le sais bien, tient à la compétitivité économique ; mais le présent amendement ne la compromet nullement.
C’est à juste titre que l’on redoute l’avis du Conseil constitutionnel, mais force est de constater qu’il agit par séquences : où était-il pendant les quinze années au cours desquelles notre assemblée a adopté, sans le moindre débat, des directives européennes qui ont totalement changé le destin de notre pays ? Nous nous retrouvons ainsi dans un univers impitoyable que nous sommes impuissants à changer, alors même que le taux de chômage atteint les 10 % et que la crise s’aggrave.
Comment, au reste, voulez-vous que les choses changent alors que M. Juncker, dont on apprendra un de ces jours qu’il est en prison, est à la tête de la Commission européenne ? Pensez-vous que tout cela est sérieux, et que nos opinions publiques accepteront de nous suivre longtemps encore, elles qui ont déjà beaucoup de mal à se rendre aux urnes ? Je me sens aussi Français que n’importe qui dans cette enceinte mais, même si cela ne va pas sans quelques risques, je pense que la France se doit de donner l’exemple. Je reste donc sur ma position.
Je vous confirme, madame Batho, qu’il était judicieux d’en rester, sur l’alinéa 5, à une disposition d’ordre général, de surcroît identifiée par la jurisprudence ; toute précision eût, au contraire, été source de difficultés juridiques.
S’agissant des amendements en discussion, je veux rappeler que le texte va au-delà de ce que prévoit la directive, ou de ce qu’elle devrait prévoir. Nous avons aussi prévu un abaissement progressif des seuils, qu’évoquait M. Alauzet, de 750 millions à 250 millions d’euros.
Quant à la date d’entrée en vigueur, nous nous référons, pour l’essentiel, à celle de la directive ; mais, en tout état de cause, une date d’application du texte a été fixée, de sorte que ses dispositions pourront, le cas échéant, entrer en vigueur avant la directive, auquel cas elles devront être appréciées au regard de la Constitution française : c’est ce qui a justifié la recherche d’un équilibre.
Vous avez raison, monsieur Galut, il y a quelques exceptions à la liberté d’entreprendre, et c’est heureux : le Conseil constitutionnel, dans son oeuvre jurisprudentielle, est toujours amené à établir une conciliation entre les normes constitutionnelles. En l’espèce il s’agit de concilier un principe constitutionnel, la liberté d’entreprendre, et l’objectif à valeur constitutionnelle – OVC – de la lutte contre l’évasion fiscale.
La disposition retenue me semble donc tout à fait équilibrée entre, d’une part, l’entorse à la liberté d’entreprendre que représente, mine de rien, l’exposition des activités à l’étranger de nos entreprises et, de l’autre, l’OVC de la lutte contre l’évasion fiscale. Avis défavorable, donc, à l’ensemble des amendements en discussion.
Ces amendements proposent – et c’est dommage – deux choses qui ne sont pas de même nature. Il s’agit, en premier lieu, de rendre publiques certaines informations, pays par pays, partout dans le monde : l’amendement no 1179 de Mme Mazetier, que nous examinerons dans quelques minutes, me semble répondre à cet objectif tout en respectant le cadre constitutionnel.
Les auteurs des présents amendements souhaitent, d’autre part, que lesdites informations soient publiées en ligne dans des conditions définies par un décret : tous ont retenu, sur ce point, la même rédaction, y compris M. Lassalle. Je n’y verrais d’ailleurs pas d’inconvénient : si les informations sont publiées, c’est pour être accessibles à tous dans les meilleures conditions. Nous verrons donc, au cours de la navette, s’il est possible de retenir ce volet-ci des amendements ; mais, comme je ne puis les découper, je me vois obligé d’émettre un avis défavorable.
Ces amendements, fondamentaux, s’inscrivent dans la même logique que la réforme bancaire de 2013. On nous opposait à l’époque, je m’en souviens pour avoir participé aux débats, les mêmes arguments qu’aujourd’hui ; et c’est grâce la bataille que nous avions menée – et qui fut rude également au Sénat – que fut instauré le reporting pays par pays, dans le but de le voir adopté au niveau européen, sous l’impulsion du ministre de l’économie et des finances d’alors.
L’extension du reporting pays par pays à travers le monde obéit à la même logique. Faute d’adopter une telle mesure, nous laisserions un trou important dans la raquette. Les amendements présentés par Pascal Ckerki, Delphine Batho, Éric Alauzet et d’autres me paraissent donc fondamentaux dans le combat que nous menons collectivement.
Vous nous annoncez, monsieur le rapporteur, une future baisse des seuils : fort bien ; j’ai moi-même défendu une telle mesure à l’automne. Mais j’y ai renoncé, en l’occurrence, pour éviter toute contrainte qui ferait obstacle à la généralisation du dispositif pays par pays.
Je préfère, à la limite, des seuils plus élevés, voire une réduction du nombre de critères, si cela peut permettre de généraliser le dispositif. Il faut, en somme, choisir sa stratégie.
Suite à la publication des données par les banques en 2015, le Comité catholique contre la faim et pour le développement, le CCFD, ainsi que d’autres associations, ont montré, dans leur rapport, que les conclusions, pour l’essentiel, reposaient sur trois critères : les effectifs, le chiffre d’affaires et les bénéfices – les impôts n’en font donc même pas partie.
En reprenant ces trois critères on ne dévoilerait pas, me semble-t-il, de grands secrets… Si, de plus, les seuils sont relativement élevés, on ne pénaliserait en rien nos entreprises quant à leur développement dans le monde entier. Bref, choisissons nos priorités.
Je veux réagir à ce débat sur les seuils. Sur presque tous les bancs, on a exprimé le voeu de ne pas pénaliser les entreprises et leur compétitivité ; mais cela me semble être un voeu pieux : certains collègues souhaitent en effet revoir les seuils à la baisse, et l’alinéa 26 de l’article lui-même fixe des seuils différents de celui retenu par la directive, à savoir 750 millions d’euros, puisqu’ils passeraient à 500 millions dans deux ans et à 250 millions dans quatre ans.
M. le ministre a parlé de dispositif équilibré ; mais je crois que l’on en est bien loin. Notre législation risque donc de n’être pas cohérente avec la directive, ce qui nous mettra en difficulté pour la discuter et la faire évoluer.
L’amendement no 158 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l’amendement no 1179 , qui a déjà été largement évoqué.
On en a quand même beaucoup parlé car il est supposé régler tous les problèmes…
Sur ce même amendement, je suis saisi par le groupe socialiste, écologiste et républicain d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je vous remercie, monsieur le président, de permettre au groupe socialiste, écologiste et républicain de présenter son amendement qui permettra, je l’espère, de rassembler.
En effet, il ne se limite pas au périmètre de reporting public prévu par la future directive, qui n’a pas encore été adoptée : il propose un reporting public monde.
Nous ne sommes pas tout à fait d’accord – c’est vrai, autant le dire – sur un point : le fait que les entreprises françaises devront rendre publiques un certain nombre d’informations, au-delà des obligations fiscales que nous leur avons imposées, ne nuira pas, selon nous, à leur compétitivité.
J’ai, comme d’autres, notamment Dominique Potier,…
C’est un saint !
Sourires.
…beaucoup échangé avec les associations et avec les organisations non gouvernementales, avec lesquelles nous travaillons depuis 2012, qui militent pour le reporting. Elles ont, depuis lors, fait – avec nous – avancer les choses.
Certaines d’entre elles nous ont expliqué que l’étude d’impact de la directive affirmait que le reporting public tous critères et tous pays n’aurait qu’un impact extrêmement faible sur la compétitivité de nos entreprises.
Je signale à l’ensemble de nos collègues que l’étude d’impact de la Commission, à la page 35 précisément, indique, a contrario, que l’option que certains d’entre eux ont défendu pourrait – je traduis en français cet extrait rédigé en anglais – peser lourdement sur la compétitivité des entreprises européennes.
C’est pour cette raison que nous avons décidé de retenir un périmètre mondial, c’est-à-dire d’aller au-delà des pays européens comme des paradis fiscaux.
En revanche, nous proposons de retenir un filtre qui ne permette pas d’identifier totalement la marge d’une entreprise française au cas où elle serait seule sur un marché extrêmement spécifique, avec des clients très peu nombreux.
Ne pas pouvoir l’identifier rendra ainsi impossible de connaître sa politique de prix qui fait totalement partie de son mix-marketing lorsqu’elle part à la conquête de marchés.
Bref, ce dispositif ne nuira pas à nos entreprises tout en assurant le reporting public, car il s’agit d’un des outils de lutte contre l’optimisation agressive.
Il est évidemment favorable puisque cet amendement a été signé par les deux rapporteurs pour avis ainsi que par le rapporteur au fond que je suis. Je souscris donc pleinement à cette démarche, même si je sais qu’elle ne reflète pas exactement la position que nos collègues Pascal Cherki ou Yann Galut notamment auraient souhaité nous voir adopter.
J’imagine qu’ils souhaiteront, tout de même, faire avec nous ce pas en avant et que nous allons largement adopter cet amendement dont la première signataire est Mme Mazetier. Je le répète : il est cependant fortement soutenu par Dominique Potier, Romain Colas et moi-même.
En effet, cet amendement est l’aboutissement d’une démarche très concertée et travaillée collégialement.
L’amendement no 1179 ne propose pas du tout, et pour différentes raisons, un reporting complet.
Si : c’est même sa caractéristique !
Premièrement, le sixième alinéa de l’amendement prévoit que : « Par dérogation au I, lorsque les sociétés mentionnées aux I à III – c’est-à-dire tout le début de l’article – ne disposent que d’une seule entreprise liée dans une seule juridiction fiscale ne figurant pas sur la liste commune de l’Union européenne des juridictions fiscales qui ne respectent pas les principes de transparence et de concurrence fiscale équitable, elles ne sont pas tenues, pour cette entreprise liée, à la présentation du rapport mentionné au I. »
Cela signifie, en réalité, qu’il suffit d’une seule filiale pour échapper au reporting.
Deuxièmement, et cela me gêne profondément, il est fixé un seuil en matière de nombre de filiales à partir duquel on déclenche ou non l’obligation de reporting public. Or ce seuil est fixé par décret !
On dessaisit donc le Parlement en le privant de toute décision en la matière. C’est la raison pour laquelle je voterai contre cet amendement.
Je ne doute absolument pas de la bonne volonté de mes collègues, dont je veux saluer le travail. Cependant, la lecture de cet amendement me fait dire qu’il ne va pas dans le sens d’un reporting pays par pays pour le monde entier.
En effet, à partir du moment où on exclut les cas à une seule filiale ainsi que les pays, on peut, grâce à une seule filiale, pratiquer l’évasion fiscale.
Ce n’est, à ce stade, pas satisfaisant. Je comprends la démarche et l’explication, mais je ne partage pas la vision des choses sous-jacente. Il me semble en effet que, plus que jamais, nous devons affirmer que la transparence doit être absolue par rapport à nos objectifs.
En l’état, même si je salue la volonté dont cet amendement est l’expression, il ne me paraît pas satisfaisant.
Comme Mme Mazetier a eu la gentillesse de le rappeler tout à l’heure, nous avons depuis 2012, sur ce dossier des paradis fiscaux et de la transparence, une certaine expérience.
Certains sont très allants, mais je les ai connus, à l’époque, plus réservés. Nous avions mené le combat – j’étais chef de file des socialistes – avec les écologistes. Nous avions, dans la dernière partie de l’examen de cette loi de séparation bancaire, évoqué – grâce aux ONG qui nous avaient alerté sur cet enjeu – les acteurs autres que les banques qui n’étaient pas les seules concernées : il fallait également prendre en compte les holdings financières et les multinationales.
À l’époque, nous avions obtenu, avec Pierre Moscovici, ce rendez-vous européen. Or nous y sommes.
En outre, l’essentiel de ce qui est récupéré en matière de fraude fiscale ou de lutte contre l’optimisation fiscale l’est par les services fiscaux eux-mêmes.
Cette action doit bien sûr être déclenchée, ou complétée, par les citoyens, mais la première fonction de correction des défauts et des fraudes est d’abord assurée par notre administration fiscale : il faut que cette vérité soit rappelée.
Ayant un peu de bouteille et d’expérience s’agissant de la lutte contre l’évasion fiscale, j’affirme que l’amendement de Mme Sandrine Mazetier, que les trois co-rapporteurs ont co-signé, traduit la volonté d’aller aussi loin, et même plus, que le Gouvernement ne le souhaitait au départ.
Nous voulons donc aller aussi loin, en ne posant qu’une simple réserve, qui ne doit pas être source de malentendu, au moyen du décret. Ce décret ne vise pas à camoufler quoi que ce soit : il donne simplement à l’État le pouvoir réglementaire de prendre des précautions afin de protéger, le cas échéant, nos intérêts stratégiques et commerciaux.
Ce décret n’a pas d’autre objectif que celui-là : il ne doit pas servir à camoufler tout ou partie de l’évasion fiscale. Je voulais vraiment apporter ces précisions.
Trois points : une stabilisation, une avancée et un recul. La stabilisation porte sur le reporting dans les pays de la liste noire : elle reste certes à écrire, mais cela n’est pas nouveau, puisqu’il s’agit des paradis fiscaux patentés, si je puis dire.
L’avancée porte sur les pays monde : effectivement, il est prévu un reporting public, même s’il est grevé de l’hypothèque d’un décret dont on ne connaît pas la teneur. Il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’une avancée, qu’il faut saluer, par rapport à la commission : nous nous situons effectivement à l’échelle du monde.
En revanche, à l’échelle européenne, je crains que nous ne régressions par rapport à la commission puisque il était prévu que toute filiale serait concernée, alors qu’aujourd’hui, au cas où une entreprise ne possède qu’une filiale, elle peut échapper à la publication du rapport.
Je crois qu’il s’agit d’une mesure de prévention par rapport à la directive européenne : il n’empêche que cela constitue un recul. Je voterai néanmoins cet amendement, faute d’avoir pu faire adopter le mien : mais il faut dire ce qui est.
Cet amendement pose principalement deux questions : il élargit le périmètre des entreprises concernées au monde entier, et il le restreint, comme vient de le dire notre collègue Éric Alauzet, en posant un critère lié au nombre de filiales, qui sera défini par décret en Conseil d’État.
J’ai dit tout à l’heure qu’il avait suffi à Mac Donald’s d’une filiale au Luxembourg pour réaliser une fraude fiscale. Or, avec simplement deux filiales dans cinquante-six pays sur quatre-vingt-dix-huit où il a une activité, Total ne serait pas concerné par cette nouvelle obligation. Il est vrai que ce groupe n’a jamais, par le passé, commis de fraude fiscale.
Avec cinq filiales dans treize pays sur vingt dans lesquels elle a une activité, Areva ne serait pas non plus concernée, pas plus que L’Oréal, avec cinquante-deux pays et soixante-sept dans lesquels ce groupe a une activité. Les héritiers de Mme Bettencourt s’en réjouiront !
En définitive, vous êtes en train de fabriquer un sabre de bois pour lutter contre l’évasion fiscale. N’ayant rien contre les sabres de bois, je m’abstiendrai sur cet amendement.
Cette politique du sapeur Camember qui consiste à boucher le trou du périmètre en optant pour le périmètre monde et à recreuser le trou des filiales ne me paraît cependant pas de bon augure.
Je vous propose d’être cohérent : si vous voulez que cet amendement recueille une large adhésion, et pas simplement une abstention – je vous laisse à vos contradictions – supprimez-en le sixième alinéa et faites en sorte qu’un reporting monde s’impose, sans conditions liées aux filiales.
Si ces deux conditions sont réunies, votre amendement pourra donner lieu un large rassemblement et nous pourrons, alors, dire que nous avons fait du bon ouvrage. Dans le cas contraire, ce sera la victoire du sapeur Camember et des sabres de bois.
Nous voterons, en ce qui nous concerne, contre cet amendement : on voit bien, au terme de cette discussion, qu’il relève plus du compromis et de l’affichage politique que de l’effectivité.
Pas du tout : il relève de bonnes intentions.
C’est une évidence : cet amendement ne marche pas. Il est pétri de contradictions qui viennent d’être relevées par nos collègues. Le dispositif ne marche tout simplement pas !
Monsieur le ministre, vous qui êtes, à juste titre, très attaché aux travaux européens, je vous rappelle que l’OCDE, a beaucoup progressé. Elle est notamment à l’origine des travaux autour de la base d’imposition et le transfert de bénéfices, dite BEPS.
Ses travaux vont être déclinés au niveau européen : Pierre Moscovici nous l’a d’ailleurs expliqué hier. Il faut donc partir du niveau mondial, avec l’OCDE, pour décliner le programme BEPS au niveau européen.
Je souhaite donc que la même démarche soit ici adoptée : cette question doit être traitée au niveau de l’OCDE, et non par un amendement de ce type. Je comprends que pour souder la majorité, il faille trouver un compromis, mais votre affaire relève vraiment de l’art politique..
C’est un art que vous pratiquez aussi.
Sourires.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 32 Nombre de suffrages exprimés: 26 Majorité absolue: 14 Pour l’adoption: 20 contre: 6 (L’amendement no 1179 est adopté.)
L’amendement no 159 est retiré.
L’amendement no 993 a préalablement été retiré par la commission.
La parole est à M. Sébastien Denaja pour soutenir l’amendement no 984 rectifié .
La parole est à M. Sébastien Denaja pour soutenir l’amendement no 1123 .
J’ai parlé tout à l’heure de cette question qui est importante, puisque, là encore, nous visons un progrès, avec la clause de revoyure, qui constituera la base juridique sur laquelle les ONG et la société civile pourront s’appuyer pour critiquer et pour évaluer – avec toute la force de l’expertise citoyenne – les dispositions que nous venons d’adopter.
Cette clause constituera un point d’appui important pour les combats que mènent notamment, et en toute légitimité, les ONG. C’est l’objet de cet amendement no 1123 , que je vous demande donc d’adopter.
Je réagis au fait que vous contredisiez les arguments que vous avez développés jusqu’à maintenant lorsque des amendements avaient pour objet la demande d’un rapport. Vous avez en effet toujours, en la matière, argué d’une jurisprudence existant au sein de la commission des lois.
Quant à la date prévue pour la remise du rapport, le choix de 2020 prête à sourire. Je suis désolée, mais vous ne prenez finalement que peu d’engagements avec une date de cette nature.
L’amendement no 1123 est adopté.
L’article 45 bis, amendé, est adopté.
Je suis saisi de deux amendements, nos 503 rectifié et 504 rectifié , qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
La parole est à M. Éric Alauzet, pour les soutenir.
Cette présentation s’impose puisque l’un traite du conseil d’administration, l’autre de l’assemblée générale, et qu’ils font appel à un principe identique.
La transparence étant la mère de toutes les batailles, l’idée est d’informer les salariés et les actionnaires des risques financiers et réputationnels – qui prennent de plus en plus d’importance – liés à l’optimisation fiscale. L’objectif est qu’une culture saine s’instaure dans l’entreprise et la dissuade de recourir à certaines pratiques.
Je prends l’exemple d’Exxon Mobil : ce groupe a été condamné, aux États-Unis, il y a quelques mois, par le ministère de la justice pour ne pas avoir informé ses actionnaires du risque financier lié à la détention d’actifs dans le secteur du pétrole ainsi qu’à l’effondrement des cours.
Les salariés et les actionnaires doivent donc être informés de tels risques.
Je comprends et partage la volonté d’Éric Alauzet, puisque nous examinons un texte sur la transparence. Toutefois, une difficulté subsiste sur la définition de ce qu’est un « schéma d’optimisation fiscale ».
Vous savez que le Conseil constitutionnel a déjà censuré un texte au motif de l’incompétence négative de notre Assemblée parce que nous n’avions pas défini ce schéma. Vos amendements ne comportent pas de définition. La commission a donc émis des avis défavorables.
Heureusement que le Conseil constitutionnel a eu l’occasion de se prononcer sur certains sujets que nous évoquons ici, cela permet de vous ramener à une certaine sagesse. Inscrire dans la loi que les entreprises présentent des schémas d’optimisation fiscale, c’est vraiment une vue de l’esprit !
Les amendements nos 503 rectifié et 504 rectifié , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.
Je suis saisi de deux amendements, nos 505 rectifié et 506 rectifié , qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
La parole est à M. Éric Alauzet, pour les soutenir.
Si on comptait sur vous, monsieur Marleix, pour avancer, et si on avait compté sur vous, au moment de l’examen de la loi bancaire, pour mettre en place la transparence et le reporting public qui a ensuite été adopté par l’Europe, nous en serions encore au point de départ. Avec vous, l’inertie est complète. Continuons comme larrons en foire à puiser dans les ressources de l’État ! Allons-y !
C’est pour contourner un obstacle juridique que je n’ignorais pas que j’ai proposé, dans ces deux amendements, une solution alternative. Les entreprises procèdent à des opérations de placement en vue de faire de l’optimisation fiscale. Il serait donc utile que les salariés et les actionnaires sachent à quels risques ils sont exposés : il me semble que c’est la moindre des choses.
La commission a émis des avis défavorables sur ces deux amendements. Toutefois, je considère à titre personnel que leur rédaction est plus précise, puisqu’ils visent les dispositifs d’optimisation fiscale décrits par l’OCDE dans son rapport BEPS. J’émettrai donc à titre personnel un avis de sagesse.
Les amendements nos 505 rectifié et 506 rectifié , repoussés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.
Une jurisprudence est faite pour évoluer, à moins de considérer que la seule à ne pas le faire est celle du Conseil constitutionnel, ce qui n’est d’ailleurs pas le cas.
Je remets donc le couvert : je présente de nouveau un amendement qui vise à rendre obligatoire la déclaration des schémas d’optimisation fiscale.
Exactement celui qui a été censuré !
Toute personne qui commercialise un tel schéma serait tenue de le déclarer.
Un schéma d’optimisation fiscale, c’est une combinaison de procédés et instruments juridiques, fiscaux, comptables ou financiers dont l’objet principal est de minorer la charge fiscale d’un contribuable, d’en reporter l’exigibilité ou le paiement ou d’obtenir le remboursement d’impôts, taxes ou contributions. Les modalités seront fixées par décret en Conseil d’État.
J’attends avec intérêt que le Conseil constitutionnel, en creux, nous donne sa définition du schéma d’optimisation fiscale.
La disposition serait valable pour toute personne qui commercialise, élabore ou met en oeuvre de tels schémas.
En cas de manquement, l’amende serait égale à 5 % de l’avantage fiscal procuré par la mise en oeuvre du schéma d’optimisation fiscale : c’est une proportion assez raisonnable.
Pour nos collègues de l’opposition, j’évoquerai le pays-roi de la finance en Europe, le Royaume-Uni – où certains sont allés pour dire qu’il ne fallait pas s’inquiéter et que leur ennemi n’était pas tant que ça la finance. Chaque fois qu’on veut rassurer les marchés financiers, on va faire un petit tour au Royaume-Uni… Eh bien ce pays, depuis 2004, a rendu obligatoire la divulgation des montages d’optimisation fiscale. Franchement, ce que les Anglais ont réussi à faire, avec la City au coeur, nous pourrions le faire en France !
Cet amendement reprend mot pour mot une disposition qui avait été intégrée dans le projet de loi de finances pour 2014 et qui a été censurée par le Conseil constitutionnel. Monsieur Cherki, j’ai entendu que vous placiez de grands espoirs dans les évolutions du Conseil constitutionnel ; pour autant, je ne l’imagine pas se déjuger à quelques années d’intervalle sur une disposition mot pour mot identique à celle qu’il a censurée à la fin de l’année 2013. Avis défavorable : nous votons des lois ici, pas des pétitions de principe.
Je comprends la position du rapporteur pour avis, mais je ne partage pas son avis. Sur un débat aussi fondamental, nous pouvons retravailler les textes pour faire évoluer les choses. Delphine Batho le rappelait.
Au moment où nous faisons de la lutte contre l’évasion fiscale et l’optimisation agressive l’une de nos priorités au niveau européen, la déclaration des schémas donne aux entreprises une certaine sécurité juridique. C’est pourquoi nos amis anglais ont adopté ce système en 2004 et des gouvernements précédents y avaient pensé. En effet, déclarer un schéma d’optimisation à l’administration fiscale fait qu’ensuite, il n’y a pas de risque de poursuites ou de condamnation pour fraude ou évasion fiscales. C’est donc une vraie sécurité puisque les entreprises anticipent le risque lié à l’optimisation fiscale.
Je crois donc, puisque nous parlons beaucoup de nos entreprises, que ce système leur apporterait une véritable sécurisation. L’amendement de Pascal Cherki doit être voté.
J’aime bien les débats qui servent à progresser, mais je trouve les amendements de provocation inutiles. C’est mot à mot ce qui a été censuré : c’est d’ailleurs pour cela que vous le défendez, monsieur Cherki, par volonté de provocation à l’encontre du Conseil constitutionnel.
Or, monsieur Galut, il s’agit en effet d’un débat important. Nous avons déjà essayé de légiférer et nous nous sommes fait avoir, si je puis dire.
Est-ce une raison pour nous arrêter dans cette voie ? Non, je souhaite continuer à avancer, mais pas en faisant de la provocation : ce n’est pas une manière de légiférer.
Je vous rappelle que nous avons déjà fait beaucoup. Par exemple, nous avons publié, sur le site de la direction générale des finances publiques, les montages qui ont déjà été repérés et condamnés, pour dire : « Si vous utilisez ce montage, vous le savez à l’avance : vous serez condamné. » C’est très efficace.
De même, nous avons créé un délit de complicité de fraude fiscale pour ceux qui ont inventé ces dispositifs.
Nous avons donc fait beaucoup de choses. Qu’il faille aller plus loin, peut-être : nous y travaillerons et nous essaierons de vous faire des propositions dans le projet de loi de finances pour 2017. C’est comme cela me semble-t-il qu’on peut agir, au lieu de simplement parler.
Monsieur le ministre, mon propos ne vous visait pas personnellement. Je reconnais les efforts du Gouvernement et les initiatives que vous avez citées en exemples non seulement vont dans le bon sens, mais méritent d’être soutenues. J’ai même le sentiment qu’elles n’ont pas été suffisamment relayées à l’extérieur de l’Assemblée.
Je vais vous épargner une grande tirade sur le gouvernement des juges. Les décisions du Conseil constitutionnel s’imposent à nous, certes, mais cela ne veut pas dire qu’elles s’imposent éternellement. Moi, je ne suis pas d’accord avec cette décision. Je conteste sa juridicité. Je pense que le Conseil constitutionnel a jugé ultra petita. Je ne suis pas d’accord avec le contenu juridique de sa décision. Elle s’impose à nous, puisqu’elle a eu pour effet d’effacer la disposition adoptée, mais je ne renonce pas.
Je refuse donc que vous parliez de « provocation ». Monsieur le ministre, le fait de ne pas accepter une décision du Conseil constitutionnel, de présenter un amendement pour faire évoluer sa jurisprudence et de dire au nom de l’Assemblée nationale qu’on n’est pas d’accord, non, je n’appelle pas cela une provocation : c’est simplement user du droit que la Constitution reconnaît à un parlementaire de faire la loi et de la défendre.
Après, le Conseil constitutionnel pourra maintenir sa jurisprudence : c’est un bras de fer. On ne gagne pas toujours du premier coup les batailles, monsieur le ministre ; en revanche, on est sûr de perdre celles qu’on refuse de mener.
Surtout avec un sabre de bois !
L’amendement no 161 n’est pas adopté.
Je dis tout de suite que je vais retirer cet amendement de suppression. Pourquoi a-t-il été déposé ? Cet article tend à abaisser le seuil du reporting pays par pays entre administrations fiscales. Je le comprends très bien dans la mesure où il faut aller dans cette direction, mais mon administration n’a pas beaucoup d’armes pour limiter, ailleurs, les avantages fiscaux qui permettent de contourner la législation française.
Je vous rappelle que la bataille vise à obtenir qu’au niveau européen, nous ayons tous le même niveau. Nous en avons fixé un, nous échangeons entre nous, nous sommes très efficaces s’agissant des grandes sociétés et chaque jour le montre, mais pensons à l’efficacité de notre législation. Je retire l’amendement de suppression pour ne pas paraître désobligeant, mais pensons aux autres pays.
L’amendement no 1555 est retiré.
La parole est à M. Olivier Marleix, pour soutenir l’amendement no 325 .
Il est aussi de suppression. Il s’agit ici du seuil de reporting financier. Sur ce point, nous n’avons aucun état d’âme et faisons confiance à l’administration du budget. L’objectif reste l’efficacité : il y a de la matière fiscale à identifier et à aller chercher. Il est plus opératif de rester au seuil recommandé par l’OCDE, à savoir 750 millions d’euros de chiffre d’affaires.
J’entends parfaitement les arguments du ministre, que je remercie d’avoir retiré son amendement de suppression parce que, tenant compte de ses arguments, nous avons déposé un amendement no 1113 qui renvoie l’application de cet article au 1er juillet 2020. C’est pourquoi je donne un avis défavorable à l’amendement de M. Marleix.
Pourquoi 2020 ? C’est le moment où nous aurons à revoir le rapport BEPS et à faire le point sur les échanges d’informations entre administrations fiscales. Au moins la France fixe-t-elle un cap : elle indique le sens dans lequel elle souhaite conduire les discussions à l’échelle européenne.
On comprend les exercices d’habileté politique auxquels le ministre est obligé de se livrer devant sa majorité, marquée par de nombreux échanges en son sein. Vous avez remarqué que nous intervenons peu : vous suffisez à alimenter le débat.
Toutefois, l’habileté politique est une chose, la tartufferie en est une autre.
Protestations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Nous avons avancé, malgré vous.
Si les 14 candidats à votre primaire étaient venus, ils auraient pris part au débat !
C’est de la tartufferie absolue. L’échéance de 2020 laisse un tout petit peu de temps : il y aura des échéances entre-temps. Le changement, ce n’est pas pour maintenant…
L’amendement no 325 n’est pas adopté.
L’amendement no 1113 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 45 ter, amendé, est adopté.
La parole est à M. Romain Colas, rapporteur pour avis, pour soutenir l’amendement no 1337 .
Je vous propose de faire un nouveau pas dans la lutte contre l’érosion des bases fiscales.
Nous avons pris rendez-vous, monsieur Marleix, sur cet amendement, puisque comme nous, vous avez le souci de combattre cette érosion.
Nous savons qu’un moyen d’échapper à l’impôt, pour les entreprises, consiste à délocaliser leurs profits à travers ce qu’on appelle « les prix de transfert ».
Cet amendement obéit à une idée simple mais donne des outils importants aux administrations fiscales ; or, ce sont d’abord elles qui lèvent l’impôt, qui sont capables de détecter la fraude et le cas échéant de la sanctionner.
Avec cet amendement soutenu par l’ensemble des membres du groupe socialiste, écologiste et républicain, nous proposons donc d’abaisser le seuil d’obligation déclarative de ces prix de transfert.
Aujourd’hui, seules les entreprises ou les groupes ayant un bilan consolidé ou un chiffre d’affaires supérieur à 400 millions doivent déclarer ces prix de transfert. Avec mes collègues, je vous propose d’abaisser ce seuil à 50 millions et de pouvoir ainsi élargir considérablement les marges de manoeuvres de notre administration fiscale pour lutter contre les délocalisations de profits.
Il s’agit d’un très bon amendement, que je soutiens donc. Un tel abaissement à 50 millions permettra à mon administration de disposer de plus de moyens vis-à-vis des entreprises françaises qui cherchent à échapper à l’imposition qu’elles doivent à travers les mécanismes des prix de transfert, ce qui est une bonne chose.
Ces dernières années, nous avons avancé en la matière et cet amendement nous permettra d’avancer encore afin que des situations anormales soient rectifiées et qu’un peu d’argent rentre dans nos caisses.
Je tiens vraiment à saluer cet amendement de Romain Colas et l’avis favorable que le Gouvernement vient de donner à son adoption.
Voilà quelques années, nous avions connu quelques difficultés à convaincre le pouvoir exécutif d’abaisser le seuil à 400 millions. Passer à 50 millions, c’est un pas considérable…
Sourires
De quoi parle-t-on ? Par exemple, de Starbucks – entreprise moins citée que d’autres alors qu’elle salit autant nos rues en cas de grèves des éboueurs – qui transfère le paiement de la licence de la marque Starbucks ailleurs. C’est ainsi que les résultats de Starbucks France sont ridicules !
Agir sur le seuil de déclaration des prix de transfert constitue un levier extrêmement puissant.
Je remercie vraiment Romain Colas d’avoir exercé sa mission à la commission des finances de manière déterminée et je remercie M. le ministre pour l’effort consenti. Il n’y a pas si longtemps que cela, je le répète, la baisse du seuil à 400 millions n’avait pas été si facile à obtenir.
Mes chers collègues, je tiens également à saluer cette initiative et cet amendement de Romain Colas afin de lutter contre l’optimisation fiscale.
Nous savons tous que les prix de transfert sont l’une des armes essentielles des grands groupes. Nous avons donc évolué et je souscris à ce que Sandrine Mazetier vient de dire : monsieur le ministre, votre avis favorable à l’adoption de cet amendement témoigne une fois de plus, je le répète, de votre volonté de lutter efficacement contre l’optimisation fiscale via les prix de transfert.
Merci de le souligner après l’après-midi que l’on vient de vivre…
La baisse du seuil de 400 à 50 millions offre des possibilités énormes à l’administration fiscale pour contrôler…
Sourires
…ces grands groupes – vous avez rappelé un exemple que nous connaissons tous, ma chère collègue Mazetier.
Alors, monsieur le ministre, prenez ceci comme une boutade mais peut-être sera-t-il dès lors nécessaire de renforcer les effectifs des contrôleurs fiscaux de votre ministère…
…car nous leur donnons aujourd’hui plus de travail, ce dont je suis heureux – je les salue d’ailleurs. Je ne voudrais pas qu’en votant cet amendement nous surchargions trop vos fonctionnaires. Il me semble donc important qu’une partie des sommes que nous allons récupérer permette de renforcer leurs effectifs.
Je suis tout à fait d’accord avec Mme Mazetier : ce levier est extrêmement puissant… quand il s’agit de grands groupes, de grandes entreprises. Ce que vous faites est absolument déraisonnable pour des entreprises qui réalisent 50 millions de chiffre d’affaires.
Il y a encore des entreprises qui n’ont pas quitté notre pays et qui réalisent 50 millions de chiffres d’affaires. Ce ne sont pas de très grandes entreprises et elles ne sont pas obsédées par l’optimisation fiscale, comme vous semblez le croire.
La vision des entrepreneurs et des entreprises que vous exprimez et que vous avez exprimée cet après-midi est tout de même effrayante.
Je veux bien vous suivre s’agissant des entreprises dont le chiffre d’affaires s’élève à plus de 400 millions – nous devons faire attention et nous montrer vigilants – mais s’agissant des entreprises qui réalisent 50 millions de chiffres d’affaires, ce que vous proposez est totalement déraisonnable.
Et si on passait au vote ?
Où est le choc de simplification promis par le chef de l’État ?
Comme vous, monsieur Galut, je m’inquiète de ce que les services fiscaux seront capables ou non de mettre en oeuvre. Voilà six mois, mon département comptait 24 perceptions et il n’y en aura plus bientôt que six ! Les services de la direction départementale des finances publiques sont totalement submergés et n’ont plus le temps de recevoir les contribuables ! Je veux bien croire qu’ils en auront pour s’intéresser à l’optimisation fiscale des entreprises de taille intermédiaire mais je crois que, vraiment, vous n’êtes pas raisonnables.
Je pense que vous faites une profonde erreur, monsieur Marleix. Il n’est pas question de se positionner contre les entreprises mais, au-delà même de la mesure de rendement évoquée par le ministre, de rétablir l’intégrité du système fiscal, donc, la confiance des citoyens dans l’action publique. C’est de cela dont nous parlons !
Ce que l’on appelle l’érosion des bases et des profits a un coût pour la nation et, même, dans le monde, qui est phénoménal.
Cette fraude BEPS est estimée entre 100 et 240 milliards de dollars US par an, soit entre 4 % et 10 % des recettes de l’impôt sur le bénéfice des sociétés à l’échelle mondiale.
Or, aujourd’hui, nous devons défendre la revendication éthique dans la gestion fiscale. Vous avez vu que des désaccords existent dans ce groupe entre ceux qui revendiquent pour revendiquer – il y a un vrai risque et nous avons su nous rassembler sur certains sujets – et ceux qui considèrent que rétablir l’équité fiscale et l’intégrité du système fiscal va dans le bon sens. L’amendement présenté par Romain Colas, précisément, est vertueux de ce point de vue-là.
La plupart des entreprises, qui ni ne fraudent ni ne cherchent à jouer de l’optimisation fiscale, seront toutes d’accord pour soutenir ce dispositif et condamner quelques exceptions que vous connaissez et que vous semblez soutenir.
L’amendement no 1337 est adopté.
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 1199 rectifié et 1352 .
La parole est à M. Romain Colas, rapporteur pour avis, pour soutenir l’amendement no 1199 rectifié .
Il est défendu. Je laisse M. Alauzet présenter son amendement identique.
Sourires
! En l’occurrence, il s’agit de l’amendement Panama papers du projet de loi sur la transparence.
Son objectif est de créer un registre public des bénéficiaires effectifs des sociétés trusts, en cohérence avec la quatrième directive européenne de lutte contre le blanchiment.
Je remercie le rapporteur pour avis Roman Colas de l’avoir repris. C’est très important dans ce contexte de lutte contre les systèmes opaques d’enfumages et de poupées russes.
Ce sont ainsi des millions, des milliards même qui échappent au fisc. Il ne faut jamais perdre de vue les raisons de mener ces batailles. In fine, les conséquences sont importantes pour les impôts de nos concitoyens et de nos entreprises, pour la compétitivité de nos PME – car c’est là qu’elle se joue, monsieur Marleix – et également pour la dépense publique.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Un mot pour rassurer M. Marleix, si c’est possible. Lorsque nous essayons de lutter contre des prix de transfert abusifs, nous ne luttons par contre les PME car il est rare qu’elles soient implantées dans plusieurs pays – et quand c’est le cas, ce n’est pas véritablement pour des raisons commerciales.
Avis favorable à l’adoption de ces amendements identiques. Je ne sais pas s’ils se rangent dans la catégorie des très bons amendements
Sourires
mais ils sont tout à fait utiles.
Je rappelle qu’ils rendent obligatoires, en France, la publicité des bénéficiaires effectifs – c’est d’ailleurs déjà le cas à travers un décret à ma signature depuis le 11 mai s’agissant des trusts. Il importe maintenant de le faire pour l’ensemble des sociétés – cela sera très utile.
Vous évoquiez les Panama papers, monsieur Alauzet : l’enjeu est celui de la transparence dans tous les pays du monde. C’est d’ailleurs la bataille que nous menons actuellement, y compris à l’égard de pays récalcitrants.
Au dernier G20 – c’est une bataille que la France a menée avec deux ou trois autres pays européens – nous avons réussi à faire adopter une décision nous obligeant – avec une liste noire et d’éventuelles sanctions –, d’ici la fin de l’année, à faire en sorte que cette transparence des bénéficiaires effectifs soit une réalité dans tous les pays du monde. C’est cela qui nous permettra véritablement de lutter contre des situations comme celle de Panama.
J’ajoute que nous travaillons déjà à la mise en oeuvre d’une disposition de cette nature, en particulier par l’enrichissement des informations des registres du commerce, sachant que ces derniers sont accessibles à tous. La liste de tous les bénéficiaires effectifs sera donc publiée.
Je me félicite de l’adoption de cette disposition et je félicite Romain Colas pour son amendement relatif aux prix de transfert.
Voyez-vous, monsieur Marleix, 50 % du commerce international s’effectue entre filiales. L’optimisation fiscale ou la manipulation des prix de transfert est l’un des moyens les plus simples d’échapper aux bases fiscales ou de les éroder.
C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles un reporting public est nécessaire – cela permet de se rendre compte d’une activité réelle et de la construction d’une activité fictive par manipulation abusive de prix de transfert.
Je ne reviendrai pas sur la question du reporting public – j’espère qu’en deuxième lecture nous parviendrons à convaincre le Gouvernement d’aller plus loin. En tout cas, je me félicite du travail accompli par les rapporteurs et le Gouvernement : sur ces sujets-là – même si le reporting public n’en fait donc pas partie – nous avançons au moins efficacement.
Les amendements identiques nos 1199 rectifié et 1352 sont adoptés.
appelés par priorité
Les articles 45 quater et 46 sont successivement adoptés.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique ;
Suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, de la proposition de loi organique relative à la compétence du Défenseur des droits pour la protection des lanceurs d’alerte.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly