L'Observatoire national de la politique de la ville a succédé, depuis le mois de janvier dernier, à l'Observatoire des zones urbaines sensibles (ONZUS). C'est donc un organisme jeune, même s'il fonde son travail sur les séries d'observations accumulées par ses prédécesseurs. Je tiens ici à votre disposition une synthèse de notre rapport de 2015 qui a été élaboré en trois mois, dont l'avant-propos rappelle qu'il s'agit d'un rapport de transition.
L'Observatoire, par la loi de 2014, a reçu une mission nationale mais qui doit s'articuler avec l'observation locale et avec la mission du Conseil national des villes – les deux assemblées ont des membres communs. La répartition des compétences fait que notre attention porte sur la collecte des données et sur l'évaluation des politiques. Nous pouvons aussi, si nous le jugeons utile, faire des préconisations. C'est une possibilité que nous a donnée le ministre de la ville, Patrick Kanner, en installant l'Observatoire le 19 janvier 2016. Nous nous inscrivons plutôt dans la longue durée et dans une cinétique un peu plus lente. C'est au CNV que revient la mission de donner des avis sur les textes qui sont proposés, cette compétence n'étant pas reconnue à l'Observatoire.
L'Observatoire entend bien répondre à la nécessité, relevée par son organisme prédécesseur, de passer de la collecte de données à l'évaluation, autrement dit de porter une appréciation sur les politiques de la ville qui ont une influence sur la vie des quartiers de politique de la ville (QPV). Cette mission portera sur la géographie réformée par la loi de 2014 : nous continuerons de suivre les anciennes zones prioritaires, et nous consacrerons la plus grande partie de nos travaux à la constitution des nouvelles séries sur les quartiers prioritaires issus de la loi de 2014, et à l'observation des politiques qui seront appliquées, qu'elles soient spécifiques ou de droit commun.
Quelques mots sur le rapport transitoire de 2015. Selon certains commentaires, un peu trop rapides, qui en ont été faits, soit la situation dans les quartiers s'est aggravée, soit la politique de la ville ne permet pas d'observer d'évolution. Les données collectées par l'Observatoire, selon une démarche d'inspiration scientifique, ne permettent pas de suivre ces appréciations. L'une des raisons tient au changement de géographie, même si la nouvelle est à peu près raccord avec l'ancienne. Une autre est liée au fait que jusqu'à présent, notre observation a porté davantage sur des territoires que sur des populations. Or l'Observatoire que j'ai l'honneur de présider entend regarder quelle est l'évolution des populations – celles qui sortent des quartiers prioritaires et celles qui y entrent. Une démarche raisonnée nécessite, non de distinguer, mais d'analyser ce qui se passe à la fois sur les territoires et pour les cohortes de populations.
Sans vouloir continuer à m'y référer de manière excessive, ces commentaires ont gommé un peu rapidement quelques aspects. D'abord, les résultats du programme national pour la rénovation urbaine (PNRU), traduisent l'évolution considérable des paysages de tous les quartiers ayant fait ou faisant encore l'objet des travaux de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), dont le deuxième programme démarre. Les habitants eux-mêmes constatent l'amélioration de leur cadre de vie et de leur logement. Ces améliorations ne peuvent pas se constater de la même façon dans d'autres domaines, et s'il me paraît excessif de parler de dégradation, des interrogations fortes subsistent.
En matière d'emploi, par exemple, les difficultés des résidents des quartiers prioritaires de la politique de la ville sont tout à fait affirmées par les éléments statistiques et qualitatifs ; la différence est certaine au sein même des agglomérations auxquelles appartiennent ces quartiers. Ces mêmes éléments de difficultés et d'inégalités se retrouvent dans le domaine de la sécurité et du sentiment d'insécurité, étant entendu qu'il faut bien distinguer le sentiment d'insécurité dû au voisinage et le sentiment d'insécurité dû aux atteintes aux biens.
En matière de politique du logement, grâce aux grands programmes qui ont été engagés, des évolutions positives sont constatées. Reste que les quartiers prioritaires sont rarement attractifs pour les populations qui ne sont pas concernées par le logement social. Comment le seraient-ils avec une telle concentration d'habitat social ? Dans les villes et agglomérations dynamiques, on note un assez faible renouvellement de la population habitant dans le logement social, en raison de trois phénomènes : une forme d'enfermement ; un fort attachement de la population à son quartier ; la difficulté à trouver un logement social ailleurs – un élément essentiel sur lequel nous allons nous pencher à l'avenir.
Pour ce qui est de l'éducation et de la formation, là aussi, la géographie conduit deux tiers des jeunes du niveau du collège à fréquenter des établissements scolaires où ils représentent l'essentiel de la population.
Je tire de tout cela la conclusion, très provisoire, qu'il y a incontestablement toujours une forme de vie sociale autonome, pas toujours choisie, dans ces quartiers. Disons-le autrement : la mixité reste à faire. Je crois que c'est l'essentiel qui nous attend.