COMMISSION SPÉCIALE CHARGÉE D'EXAMINER LE PROJET DE LOI « ÉGALITÉ ET CITOYENNETÉ »
Mardi 31 mai 2016
La séance est ouverte à dix heures quinze.
(Présidence de Mme Annick Lepetit, présidente)
La Commission spéciale procède à une table ronde sur le thème « politique de la ville », avec la participation de :
– M. Olivier Klein, maire de Clichy-sous-Bois ;
– Mme Clotilde Bréaud, présidente du Comité national de liaison des régies de quartier (CNLRQ) ;
– M. Sébastien Jallet, commissaire général délégué, directeur de la ville et de la cohésion urbaine du Commissariat général à l'égalité des territoires ;
– M. Jean Daubigny, président de l'Observatoire national de la politique de la ville.
Notre table ronde est consacrée à la politique de la ville.
Le titre II du projet de loi « Égalité et citoyenneté » porte sur la mixité sociale et l'égalité des chances dans l'habitat. Cette question doit s'entendre de façon large : si l'accès au logement social est, bien entendu, fondamental, il s'intègre dans l'environnement plus large du cadre de vie et du renouvellement urbain.
Cette table ronde réunit à la fois des représentants de structures institutionnelles et des acteurs de terrain :
M. Jean Daubigny est président de l'Observatoire national de la politique de la ville (ONPV), dont le rapport pour l'année 2015 dresse une première géographie des quartiers prioritaires et de leur mode de vie ;
M. Sébastien Jallet est commissaire général délégué, directeur de la ville et de la cohésion urbaine au Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET), dont le pôle contribue à la mise en oeuvre de la politique de la ville ;
M. Olivier Klein est maire de Clichy-sous-Bois et vice-président du Conseil national des villes (CNV). Cette instance de consultation sur les projets de loi comportant des dispositions relatives à la politique de la ville a rendu, le mois dernier, un avis sur notre projet de loi « Égalité et citoyenneté » ;
Mme Clotilde Bréaud est présidente du Comité national de liaison des régies de quartier (CNLRQ). Ces régies de quartier ont notamment pour objectif d'apporter des réponses concrètes aux habitants, de les impliquer dans les actions collectives et d'améliorer leur cadre de vie. Le retour d'expérience de votre comité ainsi que votre analyse nous seront donc particulièrement utiles.
L'Observatoire national de la politique de la ville a succédé, depuis le mois de janvier dernier, à l'Observatoire des zones urbaines sensibles (ONZUS). C'est donc un organisme jeune, même s'il fonde son travail sur les séries d'observations accumulées par ses prédécesseurs. Je tiens ici à votre disposition une synthèse de notre rapport de 2015 qui a été élaboré en trois mois, dont l'avant-propos rappelle qu'il s'agit d'un rapport de transition.
L'Observatoire, par la loi de 2014, a reçu une mission nationale mais qui doit s'articuler avec l'observation locale et avec la mission du Conseil national des villes – les deux assemblées ont des membres communs. La répartition des compétences fait que notre attention porte sur la collecte des données et sur l'évaluation des politiques. Nous pouvons aussi, si nous le jugeons utile, faire des préconisations. C'est une possibilité que nous a donnée le ministre de la ville, Patrick Kanner, en installant l'Observatoire le 19 janvier 2016. Nous nous inscrivons plutôt dans la longue durée et dans une cinétique un peu plus lente. C'est au CNV que revient la mission de donner des avis sur les textes qui sont proposés, cette compétence n'étant pas reconnue à l'Observatoire.
L'Observatoire entend bien répondre à la nécessité, relevée par son organisme prédécesseur, de passer de la collecte de données à l'évaluation, autrement dit de porter une appréciation sur les politiques de la ville qui ont une influence sur la vie des quartiers de politique de la ville (QPV). Cette mission portera sur la géographie réformée par la loi de 2014 : nous continuerons de suivre les anciennes zones prioritaires, et nous consacrerons la plus grande partie de nos travaux à la constitution des nouvelles séries sur les quartiers prioritaires issus de la loi de 2014, et à l'observation des politiques qui seront appliquées, qu'elles soient spécifiques ou de droit commun.
Quelques mots sur le rapport transitoire de 2015. Selon certains commentaires, un peu trop rapides, qui en ont été faits, soit la situation dans les quartiers s'est aggravée, soit la politique de la ville ne permet pas d'observer d'évolution. Les données collectées par l'Observatoire, selon une démarche d'inspiration scientifique, ne permettent pas de suivre ces appréciations. L'une des raisons tient au changement de géographie, même si la nouvelle est à peu près raccord avec l'ancienne. Une autre est liée au fait que jusqu'à présent, notre observation a porté davantage sur des territoires que sur des populations. Or l'Observatoire que j'ai l'honneur de présider entend regarder quelle est l'évolution des populations – celles qui sortent des quartiers prioritaires et celles qui y entrent. Une démarche raisonnée nécessite, non de distinguer, mais d'analyser ce qui se passe à la fois sur les territoires et pour les cohortes de populations.
Sans vouloir continuer à m'y référer de manière excessive, ces commentaires ont gommé un peu rapidement quelques aspects. D'abord, les résultats du programme national pour la rénovation urbaine (PNRU), traduisent l'évolution considérable des paysages de tous les quartiers ayant fait ou faisant encore l'objet des travaux de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), dont le deuxième programme démarre. Les habitants eux-mêmes constatent l'amélioration de leur cadre de vie et de leur logement. Ces améliorations ne peuvent pas se constater de la même façon dans d'autres domaines, et s'il me paraît excessif de parler de dégradation, des interrogations fortes subsistent.
En matière d'emploi, par exemple, les difficultés des résidents des quartiers prioritaires de la politique de la ville sont tout à fait affirmées par les éléments statistiques et qualitatifs ; la différence est certaine au sein même des agglomérations auxquelles appartiennent ces quartiers. Ces mêmes éléments de difficultés et d'inégalités se retrouvent dans le domaine de la sécurité et du sentiment d'insécurité, étant entendu qu'il faut bien distinguer le sentiment d'insécurité dû au voisinage et le sentiment d'insécurité dû aux atteintes aux biens.
En matière de politique du logement, grâce aux grands programmes qui ont été engagés, des évolutions positives sont constatées. Reste que les quartiers prioritaires sont rarement attractifs pour les populations qui ne sont pas concernées par le logement social. Comment le seraient-ils avec une telle concentration d'habitat social ? Dans les villes et agglomérations dynamiques, on note un assez faible renouvellement de la population habitant dans le logement social, en raison de trois phénomènes : une forme d'enfermement ; un fort attachement de la population à son quartier ; la difficulté à trouver un logement social ailleurs – un élément essentiel sur lequel nous allons nous pencher à l'avenir.
Pour ce qui est de l'éducation et de la formation, là aussi, la géographie conduit deux tiers des jeunes du niveau du collège à fréquenter des établissements scolaires où ils représentent l'essentiel de la population.
Je tire de tout cela la conclusion, très provisoire, qu'il y a incontestablement toujours une forme de vie sociale autonome, pas toujours choisie, dans ces quartiers. Disons-le autrement : la mixité reste à faire. Je crois que c'est l'essentiel qui nous attend.
Les enjeux d'égalité et de citoyenneté revêtent, dans les territoires de politique de la ville, une importance particulière. Cette politique de la ville connaît actuellement une réforme d'ampleur. La loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, du 21 février 2014, dite loi Lamy, a remis à plat tous les outils d'intervention, tracé une nouvelle géographie des quartiers prioritaires, défini de nouveaux projets de renouvellement urbain portés par L'ANRU, et exploré une nouvelle façon d'impliquer les politiques de droit commun via des conventions interministérielles d'objectifs, et d'associer les habitants, avec la mise en place des conseils citoyens.
Il ne s'agit pas d'une réforme de rupture. Elle prend appui sur l'expérience de quarante années d'action publique en direction des quartiers de la politique de la ville, pour s'inscrire dans une certaine filiation avec les chantiers engagés précédemment.
C'est une réforme de relatif consensus politique, économique et social puisqu'elle a été préparée, en 2012 et 2013, en concertation avec l'ensemble des acteurs, des professionnels et des élus locaux, avant d'être présentée devant les deux chambres du Parlement, où elle a été adoptée à une majorité qui dépasse le cadre habituel.
Cette réforme est maintenant en place, avec la conclusion de 435 contrats de ville en 2015 dans les territoires. On pourrait essayer d'en dresser un bilan d'étape sur la base des différents critères caractéristiques des ambitions affichées par la loi de programmation.
Une première ambition est l'implication des intercommunalités et des agglomérations, là où se trouvent les enjeux de solidarité fiscale et financière entre les communes de l'agglomération ; là où peuvent se déployer efficacement les politiques de logement, de développement économique, d'habitat. Sur les 435 contrats de ville conclus l'an dernier, 63 % relèvent d'une agglomération, d'une intercommunalité ; 37 % ne le sont pas parce que l'intercommunalité est une communauté de communes qui n'a pas pris la compétence politique de la ville. Pour autant, elle est bien signataire du contrat au titre de ses compétences propres. De ce point de vue, l'objectif fixé par le législateur a été satisfait.
Les contrats intégrés, qui traitent dans un même mouvement des enjeux de cohésion sociale, de renouvellement urbain et de développement économique, constituaient une deuxième ambition exprimée dans la loi. Effectivement, ces contrats de nouvelle génération reposent bien sur ces trois piliers et intègrent de façon novatrice la question du renouvellement urbain, avec des protocoles de préfiguration qui sont en phase d'examen à l'ANRU et qui permettront, dans les prochaines années, de développer de nouveaux projets pour restructurer les quartiers prioritaires.
Troisième ambition affichée par la loi, l'implication des politiques de droit commun. Cela s'est traduit par la signature des nouveaux contrats de ville par l'ensemble des services publics avec, au-delà du premier cercle constitué du préfet, des communes et des intercommunalités, l'adhésion des départements et des régions de façon quasi systématique, celle des bailleurs sociaux, des caisses d'allocations familiales (CAF), de Pôle emploi, des antennes de la Caisse des dépôts et consignations dans trois quarts à quatre cinquièmes des contrats de ville, ainsi que l'implication des rectorats, des Agences régionales de santé (ARS), des procureurs de la République. Bien sûr, au stade de la conclusion du contrat, il ne s'agit que d'un engagement de principe, dont il faudra s'assurer dans la durée qu'il sera suivi d'effets concrets et visibles. Mais c'était un préalable pour agir efficacement par la suite.
La loi de programmation avait pour quatrième ambition d'associer les premiers concernés par ces politiques, à savoir les habitants eux-mêmes. Chacun des 1 500 quartiers prioritaires devait être doté d'un conseil citoyen pour organiser la co-construction des actions avec les habitants et les acteurs des quartiers. Nous procédons tous les six mois à un état des lieux en interrogeant les préfets. À l'occasion du dernier en date, au mois de mars dernier, nous avons recensé 630 conseils citoyens installés, dont la composition est fixée par arrêté préfectoral, et 230 conseils citoyens en cours d'installation. Cela nous permet de dire qu'à l'été 2016, près de 860 conseils citoyens fonctionneront dans les territoires.
Cette réforme étant maintenant en place et inscrite dans les contrats de ville, l'enjeu est naturellement d'aller plus loin. Le projet de loi qui vous occupe semble comporter deux avancées majeures pour les quartiers prioritaires et la politique de la ville.
La première avancée consiste à remettre en question les processus, volontaires ou involontaires, de relégation et de concentration des ménages pauvres et précarisés dans les mêmes territoires. Le titre II vient, à cet effet, renforcer les actions en matière de mixité sociale, de répartition du parc social dans les agglomérations et d'attribution équilibrée des logements sociaux à l'échelle des agglomérations.
La deuxième innovation majeure est celle de la co-construction, via l'implication des conseils citoyens, ces derniers se voyant conféré par l'article 34 du texte le droit d'interpeller le préfet, et, à travers lui, l'ensemble des pouvoirs publics associés au contrat de ville, pour signaler des difficultés qui se posent concrètement dans le quartier. Le contrat de ville pourrait même être remis sur le métier s'il s'avérait que les actions qu'il comporte ne permettent pas de répondre efficacement à ces difficultés. C'est une façon de donner davantage de contenu, d'attributions concrètes aux nouveaux conseils citoyens.
Je conclurai en soulignant deux éléments que les médias et les commentateurs n'ont pas assez relevés dans le rapport 2015 de l'ONPV.
Premièrement, si la situation est difficile dans les quartiers, c'est essentiellement parce que la crise qui sévit depuis 2008 s'y fait beaucoup plus durement ressentir qu'ailleurs. On le voit à travers beaucoup d'indicateurs, comme le taux de chômage et le taux de pauvreté qui, depuis 2008, ont augmenté 2 à 2,5 fois plus que la moyenne nationale. C'est le signe que ces territoires sont sans doute ceux qui sont le plus en difficulté dans notre pays.
Deuxièmement, que la situation des nouveaux quartiers prioritaires soit plus difficile que celle des zones urbaines sensibles qui les ont précédés démontre que la réforme de la géographie prioritaire n'a pas manqué son objectif et a bien recentré la politique de la ville sur les territoires qui en ont le plus besoin. C'est un bon indicateur de la pertinence de la réforme opérée par la loi de 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine.
Depuis les assises des régies de quartier en 2010, le Comité national de liaison des régies de quartier (CNLRQ) a affirmé officiellement son rôle de relais de la parole des habitants de leur territoire. C'est à ce titre que je vais m'exprimer, et nous avons beaucoup à dire sur le projet de loi « Égalité et citoyenneté ».
Le réseau des régies comprend 137 associations, autant de villes, de communautés de communes ou d'agglomération, de territoires d'implantation comportant généralement plusieurs quartiers anciennement en zone urbaine sensible (ZUS). Tous comptent au moins un quartier prioritaire et, bien sûr, des quartiers en veille. Entre 2 et 3 millions de personnes habitent sur le territoire d'une régie de quartier, et 300 bailleurs sont partenaires. Un flux annuel de 6 000 à 7 000 salariés, équivalant à 4 500 équivalents temps plein, anime l'ensemble du réseau, auxquels il faut ajouter plus de 2 000 bénévoles impliquées dans une régie. Les missions des régies et leurs activités relèvent tout à fait des objectifs des politiques publiques de la ville, de l'emploi, de la formation, de la cohésion sociale, des programmes d'insertion du Fonds social européen (FSE), et autres.
La citoyenneté et l'émancipation des jeunes, auxquelles est consacré le titre Ier du projet de loi, nous préoccupent beaucoup. Dans les quartiers prioritaires, la concentration de jeunes au chômage est très forte. Notre réseau avait déjà mis en oeuvre un important programme de soutien en direction des jeunes grâce aux contrats d'avenir ; nous lançons maintenant un nouveau programme sur le service civique. L'expérience que nous avons déjà eue avec le service civil nous a, en effet, montré tout l'intérêt d'un dispositif qui permet à des jeunes de s'engager dans une activité d'intérêt général, étape souvent décisive d'une implication active de leur part dans leur environnement social. J'entends qu'on demande la reconnaissance des compétences acquises lors d'un service civique. La validation des acquis de l'expérience (VAE) est un bon support. Il ne faudrait pas qu'elle soit seulement réservée aux jeunes de l'enseignement supérieur.
Dans le cadre du service civil, l'offre de postes de proximité est un problème peu abordé. Ces postes devraient être accessibles aux jeunes des QPV les plus en difficulté, qui sont peu mobiles hors de leur quartier. Il faut bien voir que le service civique reste un dispositif trop haut de gamme et pas assez accessible aux jeunes les moins qualifiés. L'ouverture du vivier des employeurs au monde HLM augmentera la capacité de l'offre, à condition, bien sûr, que le tutorat de ces jeunes soit réellement adapté à leurs besoins.
L'autonomie des jeunes est conditionnée à leur accès au logement. Lors de nos assises, nous avions proposé des mesures comme l'ajustement des aides au logement pour que les jeunes aient un reste à vivre suffisant, le développement dans le parc très social de l'offre de logements de petite taille et le soutien à l'intermédiaire locatif.
Notre réseau ne peut être que favorable à la mixité sociale. Nous constatons comme une évidence que la concentration d'habitants les plus pauvres dans les QPV constitue un handicap majeur pour la cohésion sociale, qu'elle peut favoriser le risque de déviance civique, le repli sur soi, le communautarisme autoritaire en tant que seul recours aux solidarités de survie. Comme l'a dit M. Daubigny, les habitants de ces immeubles en QPV n'ont pas eu le choix de leur lieu d'habitat, ce qui peut être ressenti comme une assignation civile, une injustice sociale et une impuissance à partir ailleurs.
Nous sommes partisans de tout ce qui peut contribuer à favoriser la construction de logements sociaux hors des QPV et aider les personnes qui le souhaitent à quitter leur QPV.
Le projet de loi vise également à rendre plus attractifs les quartiers d'habitat social et les quartiers prioritaires. Lors de nos assises, en 2010, nous avions insisté sur le retour dans les quartiers prioritaires de services publics rénovés, repensés et associant les habitants afin que l'offre leur soit adaptée.
S'agissant de l'effort de maîtrise de la langue française, nous nous félicitons de voir cet enjeu réaffirmé dans le texte. Nous partageons les remarques du CNV concernant la diminution des moyens financiers des actions de proximité, qui bénéficiaient aux ateliers sociolinguistiques et aux programmes destinés aux primo-arrivants.
Permettez-moi de faire un détour par la réforme de la formation professionnelle. Dans les années 2000-2002, nous avions obtenu, par notre organisme paritaire collecteur agréé (OPCA), que la lutte contre l'illettrisme soit inscrite et financée dans les programmes de la formation professionnelle. La réforme, en instituant des parcours obligatoires vers des certifications, a beaucoup restreint les possibilités pour les personnes non diplômées et pour tout ce qui concerne la formation préprofessionnelle, notamment la lutte contre l'illettrisme. Uniformation, notre OPCA, a fait l'effort de conserver des lignes budgétaires, mais il est très insuffisant par rapport à celui que faisaient les régies de quartier jusqu'à la réforme de la formation professionnelle. Il est indispensable de trouver des solutions dans ce domaine.
Une grande inégalité dans l'accès à la citoyenneté n'est pas prise en compte dans le projet de loi : le refus du droit de vote aux élections locales que subissent des personnes étrangères hors Union européenne. Ces personnes vivent pourtant depuis de nombreuses années en France, et pour beaucoup dans des territoires populaires, et elles contribuent ou ont contribué à la richesse nationale par leur travail et à la cohésion sociale par leur implication dans la vie locale. Alors que leurs enfants nés en France votent, elles ne comprennent pas ce refus qu'elles considèrent comme contraire aux valeurs républicaines. Il me semble pourtant qu'actuellement les discours officiels font beaucoup référence à ces valeurs républicaines, et que des personnalités appartenant à divers partis politiques, de droite comme de gauche, ont estimé souhaitable que ce droit leur soit accordé.
Depuis les événements tragiques de 2015, les populations de ces quartiers subissent dans une grande souffrance l'amalgame entre terrorisme et quartiers populaires, la stigmatisation globalisante de leurs habitants d'origine étrangère et une image dévalorisée de leur quartier. L'adoption de cette réforme sera le signe tangible de la reconnaissance de leur appartenance à la communauté nationale. N'est-il pas temps que les parlementaires se mobilisent pour parvenir à une solution ?
Sachant que le CNV, dont je suis le vice-président, sera auditionné dans quelques jours, j'interviendrai ici comme maire de Clichy-sous-Bois. En tant que citoyen et homme politique, je partage totalement les propos de Mme Clotilde Bréaud sur le droit de vote des résidents hors UE. On peut en effet se demander pourquoi, à ce moment du quinquennat, un texte sur l'égalité et la citoyenneté n'y fait pas référence. Dans le même esprit, nous sommes un certain nombre de maires à être prêts à expérimenter le dispositif de délivrance d'un récépissé après un contrôle d'identité.
La question de l'école et de l'éducation me paraît devoir être soulignée comme une autre lacune du projet de loi. Cela figure dans l'avis du CNV. Les différents comités interministériels à l'égalité et à la citoyenneté (CIEC) ont fait plusieurs propositions concernant l'école. L'une vise, en particulier, à faciliter l'accès aux classes préparatoires des élèves des quartiers populaires. Je crois qu'il faut aller plus loin et faire en sorte que les classes préparatoires aux grandes écoles soient dans nos établissements. Il n'est pas normal, par exemple, que le lycée de Clichy-sous-Bois soit le seul à ne pas avoir de classe préparatoire quand tous les établissements des alentours en ont une. Il faut inverser la donne. Une classe préparatoire génère de l'ambition, amène dans les établissements des enseignants expérimentés dont les compétences peuvent profiter à tous.
Le projet de loi aurait également pu traiter de la scolarisation des enfants de moins de trois ans dont tout démontre qu'elle est un facteur de succès. Or dans les villes comme la mienne, le problème de cette scolarisation est d'ordre financier. J'ouvre deux très petites sections à la prochaine rentrée, et l'embauche de deux agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (ATSEM) supplémentaires s'avère délicate. Cela se fera forcément au détriment d'autre chose.
Au titre de la politique de la ville, le CNV et l'ensemble des acteurs de la politique de la ville sont très attentifs aux programmes de la réussite éducative. Selon certains rapports, ces programmes ne seraient pas à la hauteur des attentes. Je ne sais pas d'où viennent ces rapports, mais très honnêtement, sur de nombreux territoires, les programmes de la réussite éducative, qui mettent en place un suivi personnalisé des familles les plus fragiles en collaboration avec l'éducation nationale et les différents partenaires, sont un succès. Je pense que Sébastien Jallet partagera cette analyse.
S'agissant du texte lui-même, il peut apparaître comme déséquilibré compte tenu de l'importance du titre II sur l'habitat. Néanmoins, il fallait qu'on ait la volonté de travailler sur la mixité sociale en faisant en sorte que les populations les plus fragiles soient mieux réparties sur le territoire. Mais comment les qualifier ? Sur certains territoires, on pourra bien viser les 25 % les plus fragiles, les 75 % restants seront encore très fragiles.
Comment, aussi, construire le parcours résidentiel, les programmes locaux de l'habitat (PLH) ou les plans de rénovation urbaine ayant démontré que ces familles souhaitaient rester dans leur ville parce qu'elles la connaissaient et y avaient leurs attaches ? Il ne suffit pas de leur dire d'aller ailleurs, il faut aussi qu'elles en aient envie.
Ensuite, en tant que vice- président du conseil de la métropole du Grand Paris, je ne vois pas bien comment le titre II sur l'habitat pourra s'y mettre en place. Quel est le territoire compétent ? Aujourd'hui, le seul établissement public de coopération intercommunale (EPCI), c'est la métropole. On se demande si c'est la bonne échelle pour prendre en compte ces différentes questions ou bien si les territoires nouvellement formés pourraient le faire, sachant qu'ils sont très différents – ils peuvent aussi bien résulter d'une ancienne communauté d'agglomérations qu'être en voie de construction avec des villes préalablement isolées, ne pas avoir construit leur PLH, etc. De fait, en métropole parisienne, on peut s'interroger sur le volet habitat.
Enfin, Sébastien Jallet a très bien décrit la nouvelle géographie de la politique de la ville. Reste la question du droit commun, qui a été évoquée à l'ONPV il y a quelques jours, et qui est devenue un véritable leitmotiv. Les villes et les acteurs associatifs subissent de temps en temps des changements de règles. L'exemple le plus flagrant est qu'aujourd'hui, la politique de la ville ne veut plus financer des actions dites « de politique de la ville » sur le temps scolaire. Pourquoi pas, si quelqu'un venait pallier ces suspensions de financement. Mais malgré les alertes qu'avec d'autres maires j'ai pu lancer auprès de l'éducation nationale et de la région, nous n'avons pas pu résoudre le problème. Concrètement, un certain nombre d'actions menées auprès des enfants de nos quartiers à Clichy et à Montfermeil ne seront pas poursuivies l'année prochaine. C'est une sortie culturelle par an que nous ne pourrons plus assumer, et qui jouait un rôle extrêmement important.
Je ne souhaite pas ouvrir le débat sur le droit de vote des étrangers, mais je tiens à exprimer mon désaccord sur ce que je viens d'entendre à ce propos.
Je ferai part aussi de ma déception concernant l'échelle de la programmation en matière de logement. En mars 2010, j'avais ouvert un front, notamment à travers le PLUI, et j'avais cru qu'on allait enfin aboutir sous cette législature. Mais la question s'est enlisée au Sénat qui a souhaité un plus grand respect des minorités, ce qui s'est traduit par un moins grand respect des majorités. C'est toute la question de l'intercommunalité et du bon périmètre de choix, et je le regrette.
Après ces observations, j'ai aussi des questions à poser.
Les travaux de l'Observatoire sont toujours extrêmement intéressants et instructifs. Envisagez-vous de les approfondir en procédant à des analyses typologiques des quartiers, sur la base de comparaisons qui pourraient être éclairantes ? Je m'explique.
Longtemps, la mixité sociale a reposé sur la mixité résidentielle, qui a montré ses limites : déficit d'emplois et de services publics et marchands ; difficultés de mobilité liées à l'organisation de transports. Depuis des années, on est ainsi passé à côté de la mixité fonctionnelle, c'est-à-dire d'un urbanisme qui repenserait la fabrication de la ville. Comme on ne fabrique pas la ville uniquement avec le logement, on ne résoudra pas la question des quartiers en l'abordant uniquement sous l'angle du logement. Pourriez-vous parler de villes qui s'essaient à faire de la mixité fonctionnelle, afin d'établir des comparaisons entre des quartiers qui en bénéficient et des quartiers de villes qui n'ont pas la même démarche ?
Par ailleurs, je me demande toujours quelle est l'expression la plus pertinente : « politique de la ville » ou « politique des villes » ? Il y a des métropoles, des villes moyennes, et, en leur sein, des métropoles et des villes moyennes de toutes sortes. Vos études permettent-elles d'apprécier la part du « standard » et la part spécifique adaptée aux différents territoires urbains ? Par nécessité, une politique nationale est bien obligée d'avoir une part standard, mais elle peut aussi prendre en compte les demandes formulées au niveau territorial et engager des politiques plus spécifiques.
Ma première question concerne la réussite éducative et s'adresse à M. Klein, en tant que vice-président du CNV. Rappelant les effets positifs de cette politique, vous demandez que l'on renforce le lien et l'articulation entre l'équipe locale et l'éducation nationale. Pourriez-vous préciser ce que vous souhaitez en la matière, et nous dire quelle devrait être, dans ce dispositif, la place des parents ?
Concernant la mixité via le logement, monsieur Daubigny, vous avez fait remarquer que l'on avait du mal à faire venir des populations non concernées par le logement social dans les quartiers prioritaires. Mais on a également du mal à y faire venir des citoyens éligibles au logement social du type PLS. Ainsi, dans certaines communes, des logements PLS sont-ils inoccupés. Pourriez-vous confirmer cette difficulté supplémentaire ?
Une question plus globale concerne les conseils citoyens : comment renforcer la co-construction des projets avec eux ?
Enfin, la place des travailleurs sociaux dans les quartiers prioritaires n'est pas prise en compte dans ce texte. Elle me tient particulièrement à coeur. Certains départements se désengagent de plus en plus de ce domaine, alors que l'on connaît le rôle indispensable que jouent les travailleurs sociaux dans la cohésion sociale de nos quartiers. Qu'en pensez-vous ?
J'ai beaucoup apprécié vos constats, qui étaient synthétiques et qui se rejoignaient. De fait, les populations sont attachées à leurs quartiers, tout en ayant du mal à les quitter pour des raisons financières. Vous avez tous remarqué que tout restait à faire en matière de mixité. Auriez-vous à nous livrer des exemples précis où la politique de mixité a été couronnée de succès ?
Par exemple, un équipement très structurant, comme un équipement sportif de haute qualité, peut-il favoriser la mixité sociale ? Ou bien a-t-on pu observer que, finalement, la population de l'extérieur ne venait dans un QPV que pour utiliser un équipement de ce type et en repartait sans vraiment s'approprier le quartier ?
Depuis des années que l'on parle de mixité sans réussir à l'instaurer, ne faudrait-il pas changer complètement de paradigme ? Pourquoi ne pas construire des immeubles entiers de logements sociaux dans des quartiers non QPV ?
Pour compléter la question de ma collègue sur les conseils citoyens, il ne faudrait pas qu'ils restent des coquilles vides. Mais quel est vraiment leur rôle ? Comment vont-ils se coordonner, notamment avec le comité de pilotage et les instances du contrat de ville ?
Enfin, puisque ce projet s'appelle « Égalité et citoyenneté » et qu'il faut favoriser la participation citoyenne, pourrait-on imaginer que les conseils citoyens gèrent un budget participatif, par exemple à hauteur de 20 %, sur un contrat de ville ? Pourrait-on l'expérimenter dans certaines intercommunalités ? Pensez-vous qu'une telle mesure faciliterait l'engagement citoyen et l'articulation de ce conseil citoyen au sein de la politique de la ville ?
Je m'interroge sur la formation des habitants qui participent au conseil citoyen. Tous n'ont pas l'expérience leur permettant de traiter les problèmes qui y sont abordées. Ne faudrait-il pas concevoir, pour chaque conseil citoyen, un droit à la formation, qui peut s'avérer d'autant plus nécessaire s'ils sont amenés à gérer un budget ?
Connaissez-vous des territoires qui ont su favoriser un recrutement divers et varié, en embauchant notamment des jeunes des quartiers populaires ? Est-ce que des villes, des territoires, des intercommunalités se sont dotées des indicateurs pour évaluer objectivement les effets de ce recrutement ?
M. Klein a déploré que la dimension éducative ne soit pas suffisamment intégrée dans ce projet de loi. Je voudrais savoir si son sentiment était partagé par les autres intervenants, et s'ils avaient des propositions à faire en la matière.
Certains ont évoqué le droit de vote des étrangers hors UE aux élections locales. Que pensez-vous de la préconisation formulée dans le rapport du président Bartolone, suite à la mission de réflexion sur l'engagement citoyen et l'appartenance républicaine, de l'instauration d'un vote obligatoire ?
Je fais partie de la délégation aux droits des femmes, et je voudrais savoir si vous avez des données relatives aux femmes dans les QPV du point de vue de l'activité ou la non-activité professionnelle, de leur situation personnelle et familiale et de leur place dans l'espace public. Sont-elles ou non intégrées dans l'espace public ? Comment pourraient-elles l'être ? Se sont-elles approprié des équipements ou des locaux communs résidentiels, comme il en existait dans certains quartiers ? De telles données permettraient de sortir quelques statistiques susceptibles de nous orienter sur des politiques publiques.
Il est exact que le titre II est extrêmement important. On y parle beaucoup des quartiers des grandes villes et des petites villes de plus de 10 000 habitants. Mais les petites villes bourg-centre de quelque 5 000 habitants connaissent aussi des problèmes de mixité sociale, entre les coeurs de ville bourg-centre, où se concentrent souvent les communautés en situation très précaire, et une ruralité plus profonde, parfois subie, parfois choisie pour l'espace qu'elle procure. Il faudrait y penser aussi.
Dans ces petites villes bourg-centre se pose aussi le problème de l'égalité de l'accès aux soins et à la santé. La plupart sont en train d'installer des maisons de santé pluridisciplinaires, indispensables pour avoir une chance d'avoir de nouveaux médecins, étant entendu que le problème de fond est le manque d'attractivité de nos territoires et de nos petites villes. Peut-être est-ce la même chose dans les quartiers prioritaires. Ne devrait-on pas, dès lors, envisager des solutions un peu plus coercitives ? Pour ma part, je me verrais bien accueillir quelque temps, dans une maison de santé, des médecins en primo-installation dans le cadre d'une mission citoyenne. Ce serait le moyen d'assurer un accès aux soins à tous.
On parle depuis longtemps de l'évaluation de la politique de la ville sans jamais y parvenir. Cela est problématique pour les politiques de l'État à mener dans ces quartiers. La définition que vous allez donner de l'évaluation de la politique de la ville prendra-t-elle en compte le dispositif dans son ensemble ou bien les politiques mises en place par les villes et l'État ? Surtout, les résultats obtenus seront-ils évalués dans un rapport coûtefficacité ? Sans cela, on pourra difficilement parler d'évaluation de la politique de la ville.
Depuis de nombreuses années, on essaie de faire participer les habitants de ces quartiers, ce qui est plus facile à dire qu'à faire. De fait, ils sont souvent représentés par des associations, car la politique de la ville a toujours fait le choix de la société civile et des associations. Je ne dis pas que c'est inutile, mais on se rend bien compte que dans certains quartiers, les associations représentent très peu les habitants. Ne faudrait-il donc pas changer d'orientation en faisant intervenir les travailleurs sociaux, tout en continuant à s'appuyer sur les associations ? Cela conduirait à impliquer davantage qu'aujourd'hui les conseils départementaux dans ces quartiers. C'est absolument nécessaire si l'on veut traiter les problèmes qui s'y posent.
Enfin, la lutte contre l'illettrisme est une compétence qui a été donnée aux conseils régionaux. En conséquence, rien ne les empêche de financer toutes les actions de lutte contre l'illettrisme. Donc, la loi n'est pas en cause, ce sont les conseils régionaux qui doivent être interpellés sur le sujet.
Tout d'abord, je ne peux pas laisser dire que le titre II est plus important que les autres. Il est simplement plus technique et il a une portée normative différente. D'ailleurs, les sujets soulevés par nos invités le démontrent.
Ma première question, tirée de l'expérience et du terrain, concerne le financement associatif et des projets par le biais de la politique de la ville. Que penseriez-vous de la mise en consultation libre et accessible de ces données qui permettrait de tracer les circuits de financement ? Qui demande l'argent ? Où va l'argent ? Sur quel territoire est-il dépensé ?
L'analyse montre que, pour être éligibles aux financements de la politique de la ville, certains savent mieux remplir les dossiers que d'autres. Même sans appartenir au territoire, ils insèrent un volet « on va faire quelque chose dans les quartiers » et cochent la bonne case. Ceux qui vivent dans les quartiers, qui n'ont peut-être pas le capital intellectuel ou la connaissance nécessaire pour constituer un dossier, sont ainsi souvent devancés par les premiers. C'est pourquoi je suis convaincu qu'un libre accès aux données serait une révolution qui permettrait d'éviter ce hiatus.
Je m'interroge, en deuxième lieu, sur la mobilité et le permis de conduire. La ghettoïsation, on le sait, n'est pas qu'une question architecturale, urbaine et sociale, elle est aussi liée à la mobilité. Je me tournerai plus particulièrement vers Olivier Klein : où en est-on aujourd'hui des mesures qui ont été prises ? J'ai le sentiment que l'on est encore loin du compte.
Sur le nouveau dispositif « meilleurs bacheliers », je rejoins ce qui a été dit par le vice-président du CNV, même si l'intégration des prépas ne relève pas de la loi. En revanche, on pourrait généraliser le dispositif de Sciences-Po expérimenté grâce à la loi de 2001, et dont les résultats concluants n'ont pas eu de suite. Pensez-vous que cela puisse avoir un effet sur le plan de la diversification et de l'amélioration de la mixité ?
J'aimerais également vous interroger sur le 1 % associatif et culturel, une idée sur laquelle nous travaillons avec certains parlementaires. Il s'agit d'imposer que chaque bailleur – social ou privé, en tout cas conventionné – alloue un pourcentage de mètres carrés construits à des locaux associatifs et culturels. Nous n'inventons pas là le fil à couper le beurre, mais l'idée a été abandonnée par lâcheté, au nom de la nécessité de faire des économies. Seulement, aujourd'hui, on a du mal, dans un certain nombre de territoires, à trouver des murs et un toit pour procéder à une reconquête associative, participative et d'éducation populaire dans les quartiers.
Je ne reviendrai pas sur l'enjeu du droit de vote, qui est un enjeu constitutionnel et non pas législatif.
J'ai également entendu ce qui a été dit sur l'expérimentation du récépissé de contrôle d'identité. À propos des relations avec la police, la caméra piétonne est aujourd'hui généralisée ; les agents de police en portent sur eux. Pour certains, elle se substitue au récépissé de contrôle d'identité, avec plus d'efficacité et de transparence, en particulier lorsque les policiers eux-mêmes se trouvent en difficulté. Sous le règne du smartphone et des chaînes d'information en continu, en cas de violence, bien souvent on ne sait pas ce qui s'est passé avant et après. C'est aussi le moyen de protéger les policiers. L'idée serait de rendre systématique, comme dans certains États américains, le démarrage de la caméra piétonne dès le début d'une intervention.
Voilà ce que je voulais vous dire dans un premier temps. Et je précise que je suis preneur de vos propositions.
Plusieurs questions ont porté sur les conseils citoyens, sans doute parce qu'il s'agit d'un dispositif récent – même s'il peut sembler redondant, à Paris notamment, avec les conseils de quartier plus anciens.
De ce point de vue, le Conseil national des villes comporte quatre collèges, dont un nouveau collège « Habitants » qui est l'un des plus actifs. Au fond, les conseils citoyens seront ce que les habitants voudront bien en faire. C'est ainsi que nous l'envisageons à Clichy-sous-Bois, où nous avons effectué un tirage au sort parmi non seulement les citoyens français inscrits sur les listes électorales, mais aussi les autres, la loi ne précisant pas la règle en la matière. Ne pouvant accéder aux fichiers relatifs aux personnes étrangères, nous avons, pour ce faire, fabriqué notre propre fichier à partir des listes de parents d'élèves et autres registres des bailleurs sociaux. Je n'ai rencontré officiellement les membres du conseil citoyen qu'une seule fois ; depuis, ils se réunissent régulièrement. Ils ont choisi le cabinet Métropop' – grâce au financement de la politique de la ville – pour accompagner leur constitution et ont opté pour le statut associatif. Reste à trouver les moyens permettant de financer la formation. Toutefois, le statut de ce conseil l'autorise à demander le financement de projets au titre de la politique de la ville. Quoi qu'il en soit, il me semble nécessaire de laisser les conseils citoyens se développer.
Contrairement à Paris, madame la présidente, Clichy-sous-Bois a la chance, si j'ose dire, que ses conseils de quartier soient quelque peu endormis. Sans doute le conseil citoyen permettra-t-il de repenser leur rôle ; nous avons d'ailleurs sollicité un cabinet de conseil pour relancer la réflexion sur la démocratie participative dans la ville.
La question de la mixité, monsieur Piron, est au coeur de nos travaux : nous avons demandé à l'ONPV de nous aider à qualifier ce qui constitue objectivement un quartier relevant de la politique de la ville. S'agissant de la mixité fonctionnelle, il faut se réjouir du fait que les programmes de rénovation urbaine (PRU) ne soient pas que de simples projets de logement, car cela n'aurait aucun sens. À Clichy et à Montfermeil, par exemple, le PRU consiste certes à détruire mille logements et à en construire mille autres, mais aussi à bâtir trois écoles neuves de sorte que les enfants de ces quartiers soient accueillis dans de très bonnes conditions. Être fier de son quartier, c'est aussi être fier de son école, de ses espaces publics, de son urbanisme, de ses commerces, de ses transports.
Pour que le PRU soit aussi performant dans le Bas-Clichy, toutefois, il faudra atteindre un niveau de financement équivalent. Les trois nouvelles écoles du Haut-Clichy, par exemple, ont pu voir le jour parce que leur construction a été subventionnée à près de 80 % ; il n'est pas certain que nous obtiendrons la même chose du nouveau programme national pour la rénovation urbaine. De plus, il ne suffit pas de trouver les investissements nécessaires à la construction d'un équipement ; encore faut-il pouvoir, dans la foulée, financer son fonctionnement, en particulier dans une ville fragile.
La réussite éducative est un succès là où les équipes concernées parviennent à nouer une relation avec le personnel de l'éducation nationale. Certes, il faut du temps pour surmonter les habitudes, en matière de secret professionnel surtout, et c'est un travail sans fin puisque les personnels et les coordonnateurs de réseaux d'éducation prioritaires (REP) changent. Dans mon territoire, cependant, les équipes enseignantes ont désormais l'habitude de s'adresser aux équipes de réussite éducative ; elles entretiennent un lien de confiance mutuelle et le professionnalisme des unes et des autres est reconnu. J'ajoute que la place des parents est essentielle. La réussite éducative consiste précisément à ne pas s'occuper que d'un enfant en soi, mais aussi à tenir compte de son environnement.
À titre d'exemple, nous avons lancé un projet en matière de diététique car, comme dans beaucoup d'autres quartiers populaires, la question du surpoids concerne bon nombre de nos enfants. Les parents sont étroitement impliqués : j'ai assisté voici quelques jours à une rencontre émouvante entre les enfants, leurs parents et la diététicienne, qui a permis de bâtir un lien fort entre ces différents acteurs.
Nous nous sommes également saisis avec le conseil départemental, l'éducation nationale et les équipes de réussite éducative de la question des exclusions scolaires, notamment de l'accompagnement des enfants dès la première exclusion, et nos efforts portent leurs fruits.
Il va de soi, monsieur le rapporteur général, qu'il serait idéal de réinstaurer un système proche de celui des locaux communs résidentiels (LCR), même si je comprends qu'il soit plus rentable – et nécessaire – d'installer des commerces en rez-de-chaussée des nouveaux immeubles. Il faut aussi trouver des locaux permettant à la vie associative de se développer. De mon point de vue, il n'existe aucune concurrence entre la vie associative et les autres activités : dans nos quartiers, la vie associative est absolument indispensable et remplit bien souvent des missions de service public. Certes, l'argent public doit être utilisé à bon escient et toute dérive doit être évitée ; les associations subventionnées par la politique de la ville doivent concrètement jouer un rôle majeur, voire unique, sur le territoire de leur compétence. Sans être électroniques, nos processus de contrôle permettent à ce stade d'y veiller.
J'en ignore les modalités pratiques mais, par principe, je suis favorable à tout dispositif renforçant la transparence.
J'en viens aux classes préparatoires. L'Institut d'études politiques a l'avantage d'être accessible immédiatement après le baccalauréat, ce qui n'est pas le cas de toutes les grandes écoles. La question des classes préparatoires se pose donc forcément.
De même, si la question du permis de conduire est pertinente, c'est plus généralement celle de la capacité à se déplacer qui doit être posée : sur un territoire enclavé comme le mien, la solution ne passe pas nécessairement par l'obtention du permis, mais plutôt par l'adéquation des modes de transport rapide. Les habitants de Clichy et de Montfermeil sont encore trop nombreux à choisir leurs études supérieures en fonction des lignes d'autobus, et non de leurs préférences personnelles.
Si les conseils citoyens peinent à démarrer, c'est en partie parce que les personnes tirées au sort forment un ensemble très hétérogène, qu'il s'agisse de leurs niveaux de formation ou de leurs préoccupations ; il faut donc les former. Quoi qu'il en soit, les conseils citoyens ne réussiront durablement que s'ils ont des moyens d'agir – qu'ils disposent d'un budget propre ou qu'il leur soit confié la gestion d'un budget d'activités – et s'ils peuvent ainsi faire entendre leur voix.
En attendant la constitution de l'ONPV, le Commissariat général à l'égalité des territoires avait déjà entrepris des travaux relatifs à la typologie des quartiers évoquée par M. Piron. L'ONPV en a, depuis, fait une priorité, même si la tâche est très difficile sur le plan technique. Les indices synthétiques donnent des résultats insatisfaisants. Notre première tentative a ainsi abouti à classer tous les quartiers des grandes agglomérations de province – Marseille, Lille ou Lyon – dans une seule et même catégorie. Se pose, en outre, la question des petites et très petites villes : le critère fixé dans la loi de 2014 étend en effet le champ des communes concernées par la politique de la ville.
En clair, j'ignore si nous pourrons aboutir à une typologie unique, même si nous le souhaitons pour appliquer une politique de « la » ville ; il faudra tenir compte des profondes différences de situation selon les cas.
S'agissant de la mixité des logements, madame Sommaruga, il existe un lien étroit entre l'occupation du logement social, qu'il soit ou non en quartier prioritaire, et la santé économique et démographique des communes. Par ailleurs, il faut creuser davantage la question de la qualité de gestion des organismes sociaux, dont dépend pour partie l'attractivité des communes. Je ne peux donc pas répondre précisément à votre question, mais certains critères doivent être réexaminés – raison pour laquelle l'ONPV, dont les moyens sont limités, a pris contact avec d'autres organismes comme l'Union sociale pour l'habitat (USH) afin de produire davantage de données et de conclusions.
Nous travaillons aussi aux bonnes pratiques, madame Capdevielle. Autrefois, j'avais tenté de créer au sein de la délégation interministérielle à la ville un département chargé de la connaissance et de la diffusion des bonnes pratiques en vigueur en France et à l'étranger. Ce n'est pas encore un axe de travail, mais nous souhaitons explorer ce champ – au moins à titre illustratif puisque l'exhaustivité est impossible en la matière.
Pour nous emparer du problème de la formation des habitants, madame Chapdelaine, nous avons créé un programme de formation conjoint avec le CNV afin de permettre aux représentants des habitants qui participent à nos travaux d'acquérir plus de facilité d'expression. L'un d'entre eux a récemment animé avec succès un atelier, preuve que ces efforts portent leurs fruits et que les représentants des habitants apportent un incontestable enrichissement.
Sans doute faut-il traiter davantage la question de la diversité du recrutement, mais vous savez combien les statistiques sont limitées par les dispositions législatives.
Je me rapprocherai volontiers de lui par l'intermédiaire de sa représentante, très active, à l'ONPV.
L'ONPV constate qu'il faut approfondir les analyses concernant l'éducation et la formation dans les quartiers prioritaires. Encore faudra-t-il pouvoir accéder aux données qui nous le permettront, ce qui pose parfois problème ; nous allons persévérer, cependant.
Je ne saurais me substituer seul, madame Iborra, à tous les spécialistes chargés de définir l'évaluation de la politique de la ville. L'ONPV a constitué, la semaine dernière, un groupe qui permettra à nos spécialistes de l'évaluation de produire des idées communes, et non pas de simples appréciations. Par ailleurs, si nous avons vocation à intervenir sur l'ensemble du dispositif, nous ne disposons ni des forces nécessaires, ni des capacités de communication nous permettant de tout couvrir. Dès lors, nous poursuivrons notre travail de collecte et de mise à disposition de données statistiques, mais nous concentrerons notre rapport annuel sur quelques thèmes, ce qui nous permettra d'examiner de manière plus approfondie l'application de la politique de la ville, non seulement pour ce qui relève de l'État mais aussi des autres acteurs prenant part à ce qui est désormais un travail de coproduction. Nous mesurerons autant que possible le rapport entre le coût des politiques et leur efficacité, même si celle-ci se mesure parfois non pas par rapport à de simples statistiques, mais par rapport à d'éventuelles dérives. Quoi qu'il en soit, nous devons privilégier la convergence des résultats obtenus pour les populations des quartiers prioritaires et pour l'ensemble de la population vivant dans les agglomérations où ils se trouvent.
L'ONPV s'est également saisi de la question de l'outre-mer, où se trouve une part importante des quartiers prioritaires. Les spécificités de ces zones nous conduisent à les examiner non seulement en comparaison avec les autres, mais aussi pour elles-mêmes.
Enfin, madame Olivier, il existe dans les quartiers prioritaires une surreprésentation considérable des familles monoparentales et, parmi elles, des cheffes de famille. Or la situation des femmes de trente à quarante-neuf ans qui vivent dans les quartiers prioritaires est très préoccupante : 37 % d'entre elles sont inactives et 30 % seulement exercent un emploi à temps complet, contre 15 % et 56 % respectivement dans les autres unités urbaines. Les mêmes écarts se retrouvent en matière de travail à temps partiel – une situation parfois choisie en raison de la situation de cheffe de famille, mais qu'il faut le plus souvent croiser avec un niveau de qualification faible voire nul, d'où les terribles difficultés économiques que rencontrent ces femmes. Le rapport annuel de l'ONPV, qui comprend de nombreuses données sur cette question, a été déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale la semaine dernière.
En tant que directeur d'administration centrale, je m'exprime au nom du Gouvernement et, à ce titre, il m'est difficile de me prononcer sur les propositions d'amendement qui ont été formulées aujourd'hui.
Ce projet de loi traduit les ambitions des comités interministériels sur l'égalité et la citoyenneté de 2015 et 2016 lors desquels ont été respectivement lancés soixante-cinq puis vingt chantiers. Le projet de loi n'en reprend certes que les principaux, mais bien d'autres mesures sont déployées parallèlement. La présentation de ce texte en conseil des ministres le 13 avril, c'est-à-dire le jour même où le comité interministériel s'est tenu à Vaulx-en-Velin, illustre la cohérence entre ce projet de loi et l'action publique conduite par le Gouvernement.
Les conseils citoyens sont désormais installés dans une majorité de quartiers prioritaires ; il reste à parfaire l'exercice en les installant partout, quitte à en simplifier les conditions de création en les fusionnant, par exemple, avec les conseils de quartier, comme le permet déjà la loi. L'enjeu, désormais, est qu'ils fonctionnent concrètement et que leurs membres s'y intéressent durablement. Pour ce faire, plusieurs conditions sont à remplir, en particulier la formation des habitants aux questions d'action publique, car la participation aux conseils citoyens ne demande pas seulement de l'engagement, mais aussi des compétences et des qualifications. Les ministres chargés de la ville, Patrick Kanner et Hélène Geoffroy, auront prochainement l'occasion d'annoncer les actions spécifiques que le ministère mène en matière de formation des habitants et des conseils citoyens.
Se pose ensuite la question tout à fait légitime du fonds de participation des habitants. Nombreuses sont les initiatives en ce sens qui existent déjà dans les territoires : nous avons recensé une vingtaine de tels fonds, qui sont gérés ou cogérés par des conseils citoyens. Comme pour tout ce qui concerne la participation des habitants, il est souvent difficile de décréter un dispositif ; il faut, au contraire, le construire peu à peu en persuadant l'ensemble des acteurs territoriaux impliqués dans la mise en oeuvre des contrats de ville de se prêter à l'exercice. Sans doute est-il préférable de les inviter à se saisir de cette possibilité plutôt que de les y obliger.
En matière de travail social, la prévention spécialisée constitue une préoccupation. La moitié des quartiers prioritaires n'en bénéficie pas encore. M. Kanner a décidé de préparer avec l'Assemblée des départements de France une convention partenariale qui permettra d'impliquer l'ensemble des parties prenantes en la matière et, ainsi, de renforcer la présence des spécialistes de la prévention dans les quartiers prioritaires.
Enfin, madame Sommaruga, la médiation sociale est une fonction indispensable qui, elle aussi, demande non seulement de l'engagement mais également des qualifications ; c'est un véritable métier qui ne fait aujourd'hui l'objet d'aucune reconnaissance légale. Sans doute y a-t-il là un espace à investir pour renforcer les dynamiques déjà enclenchées.
Je remercie les intervenants pour leur présence en les invitant à nous transmettre les contributions écrites qu'ils jugeront utiles de nous communiquer pour compléter cette séance.
La séance est levée à vingt heures.