Intervention de Sébastien Jallet

Réunion du 31 mai 2016 à 18h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi Égalité et citoyenneté

Sébastien Jallet, commissaire général délégué, directeur de la ville et de la cohésion urbaine au commissariat général à l'égalité des territoires :

Les enjeux d'égalité et de citoyenneté revêtent, dans les territoires de politique de la ville, une importance particulière. Cette politique de la ville connaît actuellement une réforme d'ampleur. La loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, du 21 février 2014, dite loi Lamy, a remis à plat tous les outils d'intervention, tracé une nouvelle géographie des quartiers prioritaires, défini de nouveaux projets de renouvellement urbain portés par L'ANRU, et exploré une nouvelle façon d'impliquer les politiques de droit commun via des conventions interministérielles d'objectifs, et d'associer les habitants, avec la mise en place des conseils citoyens.

Il ne s'agit pas d'une réforme de rupture. Elle prend appui sur l'expérience de quarante années d'action publique en direction des quartiers de la politique de la ville, pour s'inscrire dans une certaine filiation avec les chantiers engagés précédemment.

C'est une réforme de relatif consensus politique, économique et social puisqu'elle a été préparée, en 2012 et 2013, en concertation avec l'ensemble des acteurs, des professionnels et des élus locaux, avant d'être présentée devant les deux chambres du Parlement, où elle a été adoptée à une majorité qui dépasse le cadre habituel.

Cette réforme est maintenant en place, avec la conclusion de 435 contrats de ville en 2015 dans les territoires. On pourrait essayer d'en dresser un bilan d'étape sur la base des différents critères caractéristiques des ambitions affichées par la loi de programmation.

Une première ambition est l'implication des intercommunalités et des agglomérations, là où se trouvent les enjeux de solidarité fiscale et financière entre les communes de l'agglomération ; là où peuvent se déployer efficacement les politiques de logement, de développement économique, d'habitat. Sur les 435 contrats de ville conclus l'an dernier, 63 % relèvent d'une agglomération, d'une intercommunalité ; 37 % ne le sont pas parce que l'intercommunalité est une communauté de communes qui n'a pas pris la compétence politique de la ville. Pour autant, elle est bien signataire du contrat au titre de ses compétences propres. De ce point de vue, l'objectif fixé par le législateur a été satisfait.

Les contrats intégrés, qui traitent dans un même mouvement des enjeux de cohésion sociale, de renouvellement urbain et de développement économique, constituaient une deuxième ambition exprimée dans la loi. Effectivement, ces contrats de nouvelle génération reposent bien sur ces trois piliers et intègrent de façon novatrice la question du renouvellement urbain, avec des protocoles de préfiguration qui sont en phase d'examen à l'ANRU et qui permettront, dans les prochaines années, de développer de nouveaux projets pour restructurer les quartiers prioritaires.

Troisième ambition affichée par la loi, l'implication des politiques de droit commun. Cela s'est traduit par la signature des nouveaux contrats de ville par l'ensemble des services publics avec, au-delà du premier cercle constitué du préfet, des communes et des intercommunalités, l'adhésion des départements et des régions de façon quasi systématique, celle des bailleurs sociaux, des caisses d'allocations familiales (CAF), de Pôle emploi, des antennes de la Caisse des dépôts et consignations dans trois quarts à quatre cinquièmes des contrats de ville, ainsi que l'implication des rectorats, des Agences régionales de santé (ARS), des procureurs de la République. Bien sûr, au stade de la conclusion du contrat, il ne s'agit que d'un engagement de principe, dont il faudra s'assurer dans la durée qu'il sera suivi d'effets concrets et visibles. Mais c'était un préalable pour agir efficacement par la suite.

La loi de programmation avait pour quatrième ambition d'associer les premiers concernés par ces politiques, à savoir les habitants eux-mêmes. Chacun des 1 500 quartiers prioritaires devait être doté d'un conseil citoyen pour organiser la co-construction des actions avec les habitants et les acteurs des quartiers. Nous procédons tous les six mois à un état des lieux en interrogeant les préfets. À l'occasion du dernier en date, au mois de mars dernier, nous avons recensé 630 conseils citoyens installés, dont la composition est fixée par arrêté préfectoral, et 230 conseils citoyens en cours d'installation. Cela nous permet de dire qu'à l'été 2016, près de 860 conseils citoyens fonctionneront dans les territoires.

Cette réforme étant maintenant en place et inscrite dans les contrats de ville, l'enjeu est naturellement d'aller plus loin. Le projet de loi qui vous occupe semble comporter deux avancées majeures pour les quartiers prioritaires et la politique de la ville.

La première avancée consiste à remettre en question les processus, volontaires ou involontaires, de relégation et de concentration des ménages pauvres et précarisés dans les mêmes territoires. Le titre II vient, à cet effet, renforcer les actions en matière de mixité sociale, de répartition du parc social dans les agglomérations et d'attribution équilibrée des logements sociaux à l'échelle des agglomérations.

La deuxième innovation majeure est celle de la co-construction, via l'implication des conseils citoyens, ces derniers se voyant conféré par l'article 34 du texte le droit d'interpeller le préfet, et, à travers lui, l'ensemble des pouvoirs publics associés au contrat de ville, pour signaler des difficultés qui se posent concrètement dans le quartier. Le contrat de ville pourrait même être remis sur le métier s'il s'avérait que les actions qu'il comporte ne permettent pas de répondre efficacement à ces difficultés. C'est une façon de donner davantage de contenu, d'attributions concrètes aux nouveaux conseils citoyens.

Je conclurai en soulignant deux éléments que les médias et les commentateurs n'ont pas assez relevés dans le rapport 2015 de l'ONPV.

Premièrement, si la situation est difficile dans les quartiers, c'est essentiellement parce que la crise qui sévit depuis 2008 s'y fait beaucoup plus durement ressentir qu'ailleurs. On le voit à travers beaucoup d'indicateurs, comme le taux de chômage et le taux de pauvreté qui, depuis 2008, ont augmenté 2 à 2,5 fois plus que la moyenne nationale. C'est le signe que ces territoires sont sans doute ceux qui sont le plus en difficulté dans notre pays.

Deuxièmement, que la situation des nouveaux quartiers prioritaires soit plus difficile que celle des zones urbaines sensibles qui les ont précédés démontre que la réforme de la géographie prioritaire n'a pas manqué son objectif et a bien recentré la politique de la ville sur les territoires qui en ont le plus besoin. C'est un bon indicateur de la pertinence de la réforme opérée par la loi de 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine.

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