Depuis les assises des régies de quartier en 2010, le Comité national de liaison des régies de quartier (CNLRQ) a affirmé officiellement son rôle de relais de la parole des habitants de leur territoire. C'est à ce titre que je vais m'exprimer, et nous avons beaucoup à dire sur le projet de loi « Égalité et citoyenneté ».
Le réseau des régies comprend 137 associations, autant de villes, de communautés de communes ou d'agglomération, de territoires d'implantation comportant généralement plusieurs quartiers anciennement en zone urbaine sensible (ZUS). Tous comptent au moins un quartier prioritaire et, bien sûr, des quartiers en veille. Entre 2 et 3 millions de personnes habitent sur le territoire d'une régie de quartier, et 300 bailleurs sont partenaires. Un flux annuel de 6 000 à 7 000 salariés, équivalant à 4 500 équivalents temps plein, anime l'ensemble du réseau, auxquels il faut ajouter plus de 2 000 bénévoles impliquées dans une régie. Les missions des régies et leurs activités relèvent tout à fait des objectifs des politiques publiques de la ville, de l'emploi, de la formation, de la cohésion sociale, des programmes d'insertion du Fonds social européen (FSE), et autres.
La citoyenneté et l'émancipation des jeunes, auxquelles est consacré le titre Ier du projet de loi, nous préoccupent beaucoup. Dans les quartiers prioritaires, la concentration de jeunes au chômage est très forte. Notre réseau avait déjà mis en oeuvre un important programme de soutien en direction des jeunes grâce aux contrats d'avenir ; nous lançons maintenant un nouveau programme sur le service civique. L'expérience que nous avons déjà eue avec le service civil nous a, en effet, montré tout l'intérêt d'un dispositif qui permet à des jeunes de s'engager dans une activité d'intérêt général, étape souvent décisive d'une implication active de leur part dans leur environnement social. J'entends qu'on demande la reconnaissance des compétences acquises lors d'un service civique. La validation des acquis de l'expérience (VAE) est un bon support. Il ne faudrait pas qu'elle soit seulement réservée aux jeunes de l'enseignement supérieur.
Dans le cadre du service civil, l'offre de postes de proximité est un problème peu abordé. Ces postes devraient être accessibles aux jeunes des QPV les plus en difficulté, qui sont peu mobiles hors de leur quartier. Il faut bien voir que le service civique reste un dispositif trop haut de gamme et pas assez accessible aux jeunes les moins qualifiés. L'ouverture du vivier des employeurs au monde HLM augmentera la capacité de l'offre, à condition, bien sûr, que le tutorat de ces jeunes soit réellement adapté à leurs besoins.
L'autonomie des jeunes est conditionnée à leur accès au logement. Lors de nos assises, nous avions proposé des mesures comme l'ajustement des aides au logement pour que les jeunes aient un reste à vivre suffisant, le développement dans le parc très social de l'offre de logements de petite taille et le soutien à l'intermédiaire locatif.
Notre réseau ne peut être que favorable à la mixité sociale. Nous constatons comme une évidence que la concentration d'habitants les plus pauvres dans les QPV constitue un handicap majeur pour la cohésion sociale, qu'elle peut favoriser le risque de déviance civique, le repli sur soi, le communautarisme autoritaire en tant que seul recours aux solidarités de survie. Comme l'a dit M. Daubigny, les habitants de ces immeubles en QPV n'ont pas eu le choix de leur lieu d'habitat, ce qui peut être ressenti comme une assignation civile, une injustice sociale et une impuissance à partir ailleurs.
Nous sommes partisans de tout ce qui peut contribuer à favoriser la construction de logements sociaux hors des QPV et aider les personnes qui le souhaitent à quitter leur QPV.
Le projet de loi vise également à rendre plus attractifs les quartiers d'habitat social et les quartiers prioritaires. Lors de nos assises, en 2010, nous avions insisté sur le retour dans les quartiers prioritaires de services publics rénovés, repensés et associant les habitants afin que l'offre leur soit adaptée.
S'agissant de l'effort de maîtrise de la langue française, nous nous félicitons de voir cet enjeu réaffirmé dans le texte. Nous partageons les remarques du CNV concernant la diminution des moyens financiers des actions de proximité, qui bénéficiaient aux ateliers sociolinguistiques et aux programmes destinés aux primo-arrivants.
Permettez-moi de faire un détour par la réforme de la formation professionnelle. Dans les années 2000-2002, nous avions obtenu, par notre organisme paritaire collecteur agréé (OPCA), que la lutte contre l'illettrisme soit inscrite et financée dans les programmes de la formation professionnelle. La réforme, en instituant des parcours obligatoires vers des certifications, a beaucoup restreint les possibilités pour les personnes non diplômées et pour tout ce qui concerne la formation préprofessionnelle, notamment la lutte contre l'illettrisme. Uniformation, notre OPCA, a fait l'effort de conserver des lignes budgétaires, mais il est très insuffisant par rapport à celui que faisaient les régies de quartier jusqu'à la réforme de la formation professionnelle. Il est indispensable de trouver des solutions dans ce domaine.
Une grande inégalité dans l'accès à la citoyenneté n'est pas prise en compte dans le projet de loi : le refus du droit de vote aux élections locales que subissent des personnes étrangères hors Union européenne. Ces personnes vivent pourtant depuis de nombreuses années en France, et pour beaucoup dans des territoires populaires, et elles contribuent ou ont contribué à la richesse nationale par leur travail et à la cohésion sociale par leur implication dans la vie locale. Alors que leurs enfants nés en France votent, elles ne comprennent pas ce refus qu'elles considèrent comme contraire aux valeurs républicaines. Il me semble pourtant qu'actuellement les discours officiels font beaucoup référence à ces valeurs républicaines, et que des personnalités appartenant à divers partis politiques, de droite comme de gauche, ont estimé souhaitable que ce droit leur soit accordé.
Depuis les événements tragiques de 2015, les populations de ces quartiers subissent dans une grande souffrance l'amalgame entre terrorisme et quartiers populaires, la stigmatisation globalisante de leurs habitants d'origine étrangère et une image dévalorisée de leur quartier. L'adoption de cette réforme sera le signe tangible de la reconnaissance de leur appartenance à la communauté nationale. N'est-il pas temps que les parlementaires se mobilisent pour parvenir à une solution ?