Sachant que le CNV, dont je suis le vice-président, sera auditionné dans quelques jours, j'interviendrai ici comme maire de Clichy-sous-Bois. En tant que citoyen et homme politique, je partage totalement les propos de Mme Clotilde Bréaud sur le droit de vote des résidents hors UE. On peut en effet se demander pourquoi, à ce moment du quinquennat, un texte sur l'égalité et la citoyenneté n'y fait pas référence. Dans le même esprit, nous sommes un certain nombre de maires à être prêts à expérimenter le dispositif de délivrance d'un récépissé après un contrôle d'identité.
La question de l'école et de l'éducation me paraît devoir être soulignée comme une autre lacune du projet de loi. Cela figure dans l'avis du CNV. Les différents comités interministériels à l'égalité et à la citoyenneté (CIEC) ont fait plusieurs propositions concernant l'école. L'une vise, en particulier, à faciliter l'accès aux classes préparatoires des élèves des quartiers populaires. Je crois qu'il faut aller plus loin et faire en sorte que les classes préparatoires aux grandes écoles soient dans nos établissements. Il n'est pas normal, par exemple, que le lycée de Clichy-sous-Bois soit le seul à ne pas avoir de classe préparatoire quand tous les établissements des alentours en ont une. Il faut inverser la donne. Une classe préparatoire génère de l'ambition, amène dans les établissements des enseignants expérimentés dont les compétences peuvent profiter à tous.
Le projet de loi aurait également pu traiter de la scolarisation des enfants de moins de trois ans dont tout démontre qu'elle est un facteur de succès. Or dans les villes comme la mienne, le problème de cette scolarisation est d'ordre financier. J'ouvre deux très petites sections à la prochaine rentrée, et l'embauche de deux agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (ATSEM) supplémentaires s'avère délicate. Cela se fera forcément au détriment d'autre chose.
Au titre de la politique de la ville, le CNV et l'ensemble des acteurs de la politique de la ville sont très attentifs aux programmes de la réussite éducative. Selon certains rapports, ces programmes ne seraient pas à la hauteur des attentes. Je ne sais pas d'où viennent ces rapports, mais très honnêtement, sur de nombreux territoires, les programmes de la réussite éducative, qui mettent en place un suivi personnalisé des familles les plus fragiles en collaboration avec l'éducation nationale et les différents partenaires, sont un succès. Je pense que Sébastien Jallet partagera cette analyse.
S'agissant du texte lui-même, il peut apparaître comme déséquilibré compte tenu de l'importance du titre II sur l'habitat. Néanmoins, il fallait qu'on ait la volonté de travailler sur la mixité sociale en faisant en sorte que les populations les plus fragiles soient mieux réparties sur le territoire. Mais comment les qualifier ? Sur certains territoires, on pourra bien viser les 25 % les plus fragiles, les 75 % restants seront encore très fragiles.
Comment, aussi, construire le parcours résidentiel, les programmes locaux de l'habitat (PLH) ou les plans de rénovation urbaine ayant démontré que ces familles souhaitaient rester dans leur ville parce qu'elles la connaissaient et y avaient leurs attaches ? Il ne suffit pas de leur dire d'aller ailleurs, il faut aussi qu'elles en aient envie.
Ensuite, en tant que vice- président du conseil de la métropole du Grand Paris, je ne vois pas bien comment le titre II sur l'habitat pourra s'y mettre en place. Quel est le territoire compétent ? Aujourd'hui, le seul établissement public de coopération intercommunale (EPCI), c'est la métropole. On se demande si c'est la bonne échelle pour prendre en compte ces différentes questions ou bien si les territoires nouvellement formés pourraient le faire, sachant qu'ils sont très différents – ils peuvent aussi bien résulter d'une ancienne communauté d'agglomérations qu'être en voie de construction avec des villes préalablement isolées, ne pas avoir construit leur PLH, etc. De fait, en métropole parisienne, on peut s'interroger sur le volet habitat.
Enfin, Sébastien Jallet a très bien décrit la nouvelle géographie de la politique de la ville. Reste la question du droit commun, qui a été évoquée à l'ONPV il y a quelques jours, et qui est devenue un véritable leitmotiv. Les villes et les acteurs associatifs subissent de temps en temps des changements de règles. L'exemple le plus flagrant est qu'aujourd'hui, la politique de la ville ne veut plus financer des actions dites « de politique de la ville » sur le temps scolaire. Pourquoi pas, si quelqu'un venait pallier ces suspensions de financement. Mais malgré les alertes qu'avec d'autres maires j'ai pu lancer auprès de l'éducation nationale et de la région, nous n'avons pas pu résoudre le problème. Concrètement, un certain nombre d'actions menées auprès des enfants de nos quartiers à Clichy et à Montfermeil ne seront pas poursuivies l'année prochaine. C'est une sortie culturelle par an que nous ne pourrons plus assumer, et qui jouait un rôle extrêmement important.