Intervention de Guy Bailliart

Séance en hémicycle du 14 juin 2016 à 21h30
Droit humain à l'eau potable et à l'assainissement — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuy Bailliart :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je soutiens ce texte sans hésitation, mais je souhaite revenir sur le prix de l’eau.

La loi sur l’eau du 3 janvier 1992 précise que « l’usage de l’eau appartient à tous ». De fait, 99 % de la population française est desservie en permanence par un réseau d’eau potable, mais tous ne la paient pas au même prix. Les données disponibles sur le portail de l’Observatoire national des services d’eau et d’assainissement sont sans équivoque. Par exemple, les habitants de Caen paient, pour une facture de 120 mètres cubes, 3,49 euros par mètre cube quand, à seulement douze kilomètres de là, une commune facture 6,56 euros par mètre cube pour la même consommation.

D’où viennent ces différences ? Non d’un choix de consommation ni du fait que l’eau serait prélevée différemment – c’est parfois le même forage, la même eau – ni même du fait que les traitements de potabilisation seraient différents.

Les disparités viennent ordinairement soit des conditions géographiques – du terrain –, soit du nombre d’abonnés au mètre linéaire, parfois de l’ancienneté des installations mais également de choix politiques ou techniques, toutes choses sur lesquelles l’abonné n’a quasiment aucun contrôle, et sur lesquelles les élus disposent d’une marge d’intervention très réduite. Ceux-ci sont prisonniers de choix antérieurs, eux-mêmes fortement influencés par des cabinets d’études qui peuvent se révéler irréalistes ou imprudents.

Intéressons-nous dans un premier temps au prix de l’eau potable hors assainissement. Le prix moyen de l’eau potable est évalué à 2 euros par mètre cube, ce qui couvre le coût de production et de distribution. Les écarts maximums peuvent, sur ce sujet, varier d’un à cinq dans les différents départements métropolitains – non d’un département à l’autre, mais entre les communes d’un même département.

Si le prix de l’eau potable, en tant que tel, est variable, que dire de celui de l’eau avec assainissement ?

Le prix moyen de l’assainissement collectif seul est en moyenne de 1,85 euro. Là encore, les écarts sont très importants, puisque certains départements dépassent en moyenne 3 euros par mètre cube, quand d’autres pratiquent des prix inférieurs à 1 euro. Les écarts sont, là encore, plus importants dans les départements ruraux. Selon la dernière étude de la Confédération générale du logement, les prix peuvent monter jusqu’à 7,77 euros par mètre cube dans les zones rurales, alors qu’ils sont limités à 1,81 euro dans les villes de plus de 100 000 habitants.

De plus, ces situations ne sont pas sans inconvénients pour le remboursement et l’amortissement des installations et du réseau. Un prix élevé incite à des pratiques de contournement. Il n’est pas rare de voir des abonnés consommer moins d’eau du réseau et se rabattre sur des installations comme une citerne ou un puits. Si ces solutions peuvent être bonnes pour l’environnement, elles ne mettent pas moins en danger la gestion financière de l’assainissement collectif en matière d’amortissement et de trésorerie.

Chacun, je l’espère, conviendra que l’eau étant un bien commun de la Nation, comme l’affirme la loi, et un produit de première nécessité, une telle situation n’est pas acceptable.

Des initiatives sont prises pour harmoniser le prix de l’eau. Ainsi, Rennes Métropole ambitionne d’harmoniser progressivement les prix de l’eau potable et de l’assainissement pour arriver en 2024 à une facture moyenne de 220 euros par an pour 120 mètres cubes, soit 1,83 euro par mètre cube. Rennes Métropole n’est pas la seule collectivité à engager des procédures d’harmonisation du coût de l’eau, mais c’est un exemple intéressant.

La loi portant nouvelle organisation territoriale de la République a certes consacré le transfert des compétences en matière d’eau et d’assainissement aux EPCI à fiscalité propre à l’horizon de 2020, ce qui va permettre une harmonisation progressive des prix au sein des communautés de communes ou communautés d’agglomération. Cependant, nous savons tous que ces collectivités restent et resteront de taille et de nature très diverses, ce qui ne nous permet pas d’espérer que cette seule évolution résoudra le problème des différences de coût, donc de prix, donc d’accès à l’eau. C’est pourquoi il faut continuer de chercher les moyens de réduire ces écarts.

Pour finir, j’insiste sur le fait que la solution n’est pas inaccessible. Même si les écarts maximums peuvent être forts entre deux communes, on s’aperçoit qu’en moyenne, la différence de coût de l’eau entre les départements se situe plutôt dans un rapport de 1 à 1,35.

C’est la raison pour laquelle il conviendrait de demander au Comité national de l’eau de formuler des propositions pour pratiquer un lissage des prix et arriver, autant que faire se peut, à une égalité des citoyens devant le prix du mètre cube d’eau, au moins à l’échelon du département, qui semble le périmètre minimum pour permettre une vraie solidarité. C’est le sens de l’amendement que je porterai dans la discussion et que rend possible l’article L. 213-1 du code de l’environnement.

Puisque la situation est inéquitable tant pour les citoyens que pour les territoires, essayons de nous donner les moyens de la changer.

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