La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi de MM. Michel Lesage, Jean Glavany, Jean-Paul Chanteguet, Mme Marie-George Buffet, MM. François-Michel Lambert, Bertrand Pancher et Stéphane Saint-André visant à la mise en oeuvre effective du droit à l’eau potable et à l’assainissement (nos 2715 rectifié, 3199).
Cet après-midi, l’Assemblée a commencé d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.
La parole est à Mme Marie-George Buffet.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État chargée de la biodiversité, monsieur le rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est soumise vient de presque tous les bancs de cette assemblée. J’espère qu’elle sera largement, adoptée, témoignant ainsi de l’attachement de la représentation nationale à un des premiers droits humains : le droit à l’eau.
Je veux rendre ici hommage aux associations qui se sont mobilisées depuis des années pour ce droit et saluer tout particulièrement le combat de Mme Danielle Mitterrand.
Permettez-moi de me référer à la loi de 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques, la LEMA, qui prévoit que « chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a le droit d’accéder à l’eau potable, dans des conditions économiquement acceptables par tous ». Cette référence nous conduit à constater que, depuis dix ans, peu de choses ont été faites pour que ces « conditions acceptables » deviennent une réalité pour le plus grand nombre.
Dans le monde, près d’un milliard de personnes n’ont pas accès à l’eau potable et plus de 2 milliards à un assainissement de base. Plus de 2 millions de personnes meurent chaque année de maladies liées à l’absence ou à la mauvaise qualité de l’eau. En France, grâce notamment à l’existence d’une politique volontaire des services publics, notamment ceux des territoires, l’accès à l’eau et à l’assainissement est garanti au plus grand nombre. Mais la mise en oeuvre d’un véritable droit à l’eau fait toujours cruellement défaut, ce qui continue de faire ressortir avec force que l’accès à l’eau doit relever d’un service public national accompagnant les collectivités locales. L’eau ne peut être une marchandise source de profit.
Cela étant posé, un des premiers obstacles à l’effectivité du droit à l’eau est la persistance de la pauvreté dans notre pays. C’est vrai pour les populations les plus démunies et les plus vulnérables, qui ne disposent pas d’un domicile fixe. Pour ces personnes, le droit à l’eau passe par l’existence de points d’eau et de toilettes publiques. Si des réalisations ont été accomplies dans de nombreux territoires, le rapport de notre collègue Lesage nous informe de l’absence de points d’eau et de toilettes publiques dans de nombreuses et grandes villes de France. Pour y remédier, nous proposons, dans l’article 2 de cette proposition de loi, que les collectivités territoriales, avec des seuils fixés à 3 500 et 15 000 habitants, mettent gratuitement à disposition des points d’eau potable, des toilettes et des douches publiques sur leur territoire pour satisfaire les besoins élémentaires en eau potable.
Plus largement, le pouvoir d’achat des familles et le prix de l’eau sont des facteurs déterminants des inégalités devant le droit à l’eau. Les usagers paient une facture d’autant plus salée que leurs revenus stagnent avec la pression sur les salaires, la précarité et le chômage. En résulte une augmentation des factures d’eau impayées, comme a pu récemment le « déplorer » le PDG de Veolia, qui indiquait qu’au cours des huit derniers mois, le taux des factures impayées avait doublé et qu’il s’attendait à un manque à gagner de 30 millions d’euros en 2016 pour son entreprise. Mais quel manque à gagner, et pour quel vécu ? Pour quel prix payé par les familles auxquelles on a coupé l’eau ou qui doivent supporter le poids de leur dette auprès du fournisseur ? Ne faut-il pas rapprocher ce phénomène des données fournies par l’Observatoire des inégalités, attestant que, depuis quinze ans, les revenus des très riches se sont envolés tandis que ceux des plus pauvres ont diminué ? En 2002, les 10 % les plus riches avaient un revenu six fois supérieur aux 10 % les plus pauvres. Dix ans plus tard, c’est plus de sept fois. Ainsi, le prix de l’eau représente une part de plus en plus importante dans le budget des ménages les plus en difficultés.
Si la dépense globale d’eau dépasse en moyenne à peine 1 % des dépenses totales des ménages, elle représente par contre, pour ceux et celles qui ont les plus bas revenus, 6 %. Ces inégalités s’aggravent encore selon la région habitée. Selon une étude de l’Institut français de l’environnement de mars 2007, pour une moyenne nationale de 177 euros par personne en 2004, la facture d’eau s’élève à 190 euros dans les départements d’outre-mer, 222 euros en Corse, et dépasse 270 euros dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. En Île-de-France, le prix de l’eau oscille entre 2,89 euros le mètre cube à Paris et 5,54 euros à Auvers-sur-Oise. Au total, 5 % de la population paye son eau plus de 47 % plus cher que le prix moyen.
Or, selon le Programme des Nations unies pour le développement, la part des dépenses d’eau et d’assainissement ne devrait pas dépasser 3 % des revenus des ménages pour être supportable. Oui, les femmes et les hommes de ce pays doivent, tous et toutes, pouvoir accéder dans des conditions équivalentes aux droits que la loi garantit. Le droit à l’eau ne doit pas faire exception. Il faut l’inscrire plus concrètement dans la loi.
Car si les collectivités locales peuvent déjà mettre en oeuvre des dispositifs pour aider les ménages dont les revenus sont les plus faibles, force est de constater leur insuffisance. Le rapport sur la proposition de loi met en évidence les limites du Fonds de solidarité pour le logement, le FSL. Si ce dernier a aidé 72 000 familles en situation d’extrême urgence, il ne répond pas, en termes de nombre de familles concernées et de montant de l’aide accordée, aux enjeux d’un accès à l’eau tel qu’envisagé dans la LEMA. Le financement est trop modeste tant en raison des partenariats que du caractère volontaire et aléatoire de la contribution des entreprises de l’eau. L’aide se situe, en moyenne, aux alentours de 30 % de la facture et n’est accordée qu’une fois par an. Son caractère inégalitaire est renforcé par le fait qu’un quart des départements français n’inscrivent pas l’accès à l’eau parmi les volets du FSL. Enfin, comme il est nécessaire de présenter une facture pour en bénéficier, les personnes résidant en logement collectif, qui ne disposent pas de compteur individuel, en sont de fait exclues. Établi dans une logique curative, le FSL se présente comme un dernier recours alors que, bien souvent, les raisons pour lesquelles les dettes d’eau se forment ont un caractère structurel.
C’est donc avec une grande satisfaction que les députés du Front de gauche s’associent à cette proposition de loi qui instaure le principe d’un encadrement du taux d’effort maximal et fixe un seuil de 3 % du revenu des ménages que la facture d’eau et d’assainissement ne doit pas dépasser. Nous avons estimé qu’une aide aux premiers mètres cubes aurait un effet pervers inégalitaire, dans la mesure où elle pourrait inciter ceux qui ont les plus bas revenus à se restreindre sur leur consommation. Nous n’avons donc pas choisi d’établir une « tarification sociale » qui, tout en affirmant l’accès légitime à un droit, pourrait avoir un caractère stigmatisant. Nous sommes convenus que la garantie du droit à l’eau passait par l’égalité de toutes et tous dans l’accès à l’eau, que l’on ait ou non une grande famille, que l’on soit riche ou pauvre, et qu’il fallait donc agir en amont, avant que la dette d’eau ne se forme. Plutôt que de définir une tarification progressive par tranche d’eau consommée ou d’appliquer un tarif uniforme à une catégorie préalablement définie d’usagers à revenus modestes, nous avons choisi de mettre en oeuvre un dispositif de solidarité pour les ménages à revenu modestes.
Nous avons aussi opté pour la mise en place d’un dispositif national encadré par la loi avec une garantie de l’État. Laisser aux seules collectivités territoriales le soin de garantir un droit, ç’aurait été mettre un pied dans l’aggravation des inégalités entre les territoires, donc entre les populations vivant sur ces territoires. Ce n’est pas ainsi que l’on peut faire vivre l’égalité des droits dans la République française.
Aussi proposons-nous par ce texte de mettre en place une allocation spécifique de solidarité, dont le financement a prêté à débat. Il était proposé de la financer par une contribution de 0,5 centime d’euro par litre d’eau embouteillée vendu en France. Nous avons reçu des protestations de grosses entreprises, telle la japonaise Suntory au chiffre d’affaires – moins les charges – de 344 milliards de yens et qui a racheté Orangina Schweppes – 782 millions d’euros de chiffre d’affaires –, pour déplorer le manque à gagner que provoquerait la taxe prévue sur les eaux embouteillées. Dans ce courrier, le PDG de Suntory s’est même permis de me rappeler qu’une usine Orangina était implantée dans ma circonscription et que je ferais peut-être mieux de me montrer plus responsable !
Je sais aussi, et c’est plus sérieux, que dans certaines communes de notre pays, des entreprises locales d’eau en bouteille s’inquiètent. Il faut noter toutefois que les producteurs en bouteille bénéficient d’un accès à l’eau quasi gratuit à une ressource naturelle, n’ayant à payer que 0,01 euro par litre prélevé. Il faut noter aussi que 80 % de cette production dépend de grands groupes.
Mais le Gouvernement et plusieurs collègues nous proposent par amendement d’abandonner cette taxe et de revoir la question du financement à l’occasion de la navette parlementaire. J’aurais préféré que l’on retienne, comme je l’avais fait dans ma proposition de loi de 2009, une contribution des entreprises délégataires des activités prévues à l’article L. 2224-7 du code général des collectivités territoriales, assise sur leur chiffre d’affaires annuel à un taux de 1 %. L’argument que l’on m’oppose est que cette contribution pourrait se répercuter sur le prix de l’eau. Je rappelle quand même qu’une entreprise comme Veolia tire 11 milliards de chiffre d’affaires rien que sur l’eau ! Un amendement va d’ailleurs dans le sens que je souhaite.
L’amendement gouvernemental de suppression de la taxe, lui, m’inquiète quant à l’avenir même du texte. Il serait grave que l’espoir soulevé par cette proposition de loi soit trahi au cours de notre débat de ce soir.
Mes chers collègues, nous allons poursuivre la discussion sur le financement mais d’ores et déjà, dépositaires de la belle devise de notre République, « liberté, égalité, fraternité », nous proposons avec ce texte de permettre à tous les citoyens et citoyennes de ce pays d’être égaux devant le droit à l’eau. J’espère donc que, comme elle a su le faire sur d’autres sujets, notre assemblée saura dépasser les clivages partisans pour adopter sur tous ses bancs cette proposition de loi assortie de son financement, car celle-ci relève du bien commun de l’humanité.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je veux d’abord remercier les parlementaires qui ont oeuvré pour que nous puissions débattre de ce sujet aujourd’hui, à commencer par le président Chanteguet, que je retrouve avec plaisir, amitié et affection et pour lequel je forme les voeux qu’il mérite à tous points de vue, par Michel Lesage, l’excellent rapporteur de la proposition de loi, qui travaille depuis des mois sur la question, et par ma collègue, amie et voisine Martine Lignières-Cassou, qui a pris ce relais.
Si nous sommes ici, c’est parce qu’il y a six ans, le 28 juillet 2010, l’Assemblée générale des Nations unies votait une résolution affirmant le droit fondamental de l’accès à l’eau et à l’assainissement. Ce droit fondamental, il nous fallait le traduire dans notre droit interne.
Six ans après, donc, je me dois de rendre un autre hommage, un hommage à ces lanceurs d’alerte – mieux protégés depuis peu – regroupés dans la plateforme associative qui, très peu de temps après le vote de l’Assemblée générale, se sont tournés vers nous pour nous inviter à opérer cette traduction. Et, comme l’a fait Mme la secrétaire d’État, je veux rendre un hommage tout particulier à une grande dame qui n’est plus parmi nous, Danielle Mitterrand, et à la fondation France Libertés qu’elle a créée et longtemps présidée et que préside maintenant son fils Gilbert. Lors d’une législature précédente, alors que je travaillais sur la géopolitique de l’eau pour la commission des affaires étrangères, elle m’avait parlé de ce texte, me disant que c’était à la fois le dernier et le plus beau de ses combats – et elle en a conduit tant de beaux ! Elle tenait à ce que le travail soit mené jusqu’au bout.
Si je pense à elle ce soir, c’est parce que ce travail, repris par la fondation, a été amplifié par une formidable mobilisation du monde associatif, avec la coordination Eau dont le secrétariat était assuré par France Libertés. Ce groupement de dizaines d’associations autour de France Libertés – je citerai, parmi les plus importantes, le Secours populaire, le Secours catholique, France Nature Environnement, le Grand Orient – a mené un travail acharné. Il m’a sollicité il y a presque quatre ans, d’où la proposition de loi que j’ai rédigée et que des parlementaires siégeant sur différents bancs – nous voulions en effet que l’action soit transpartisane – ont relayée, avant que la commission présidée par Jean-Paul Chanteguet et son rapporteur Michel Lesage ne s’en emparent et lui apportent les transformations nécessaires.
Je veux donc rendre un hommage particulier et très appuyé à ces associations qui nous ont transmis un « bébé juridique » pour que nous l’adoptions. Comme l’a dit excellemment notre chère secrétaire d’État, le fait que le Parlement relaie ainsi le travail de la société civile est la preuve qu’une démocratie fonctionne bien.
Ce travail, toutefois, est à peine engagé. Il est vrai qu’il n’est pas anodin de transcrire dans notre droit interne un droit fondamental proclamé par les Nations unies, surtout si, plutôt que de nous contenter de l’affirmer vaguement, nous voulons le traduire concrètement en un certain nombre de dispositions pratiques destinées à s’appliquer dans la vie de tous les jours. Tel est justement le travail réalisé par les associations et fondations, puis par la commission, et que je voulais saluer.
Reste un dernier petit problème, le financement. Je le dis avec franchise – je le disais déjà aux associations avec qui je travaillais il y a quelques années, je le dis au rapporteur depuis quelques mois – je n’ai jamais été favorable à l’idée d’accentuer la taxation sur l’eau embouteillée.
D’abord, il faut avoir le courage de le reconnaître, la fiscalité a pu connaître des excès au cours des dernières années. Il est donc peut-être temps de freiner cette course folle et d’éviter de se tourner systématiquement vers la fiscalité pour trouver nouvelles recettes.
Ensuite, et contrairement à ce que disait mon excellente collègue et très chère amie Marie-George Buffet, les sociétés qui embouteillent l’eau, ce ne sont pas uniquement Veolia, Nestlé ou Danone, ce sont aussi des dizaines de petites entreprises locales…
…qui ont beaucoup de mal à vivre et ne pourront le supporter.
Je m’adresse maintenant au Gouvernement, parce qu’il me reste peu de temps, pour lui dire qu’il doit prendre ses responsabilités dans cette affaire. Nul doute que nous aurons un débat sur l’article 5, pourtant il ne mérite même pas qu’on s’y arrête : que représentent en effet 50 millions d’euros dans le budget de l’État quand on sait que le Fonds d’aide au logement bénéficie de 15 milliards d’euros ? C’est dérisoire !
Plutôt que de chercher des recettes annexes, je souhaite que le Gouvernement s’engage et, donc, lève le gage… Si, pour les puristes, il ne s’agit pas réellement d’un gage, je considère pour ma part que telle est bien la nature du dispositif contenu dans l’article 5. Si le Gouvernement assure le financement du dispositif, nous nous y plierons volontiers.
Madame la secrétaire d’État, je souhaite que le Gouvernement prenne des engagements formels de sorte que ce travail puisse déboucher le plus vite possible sur un dispositif dont le financement est assuré.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Madame la présidente, je pense que vous serez aussi généreuse avec moi qu’avec les deux anciens ministres qui viennent de s’exprimer, respectivement cinq minutes cinquante et cinq minutes cinquante-huit…
Pour éviter les répétitions, je dirai tout d’abord que je partage le raisonnement de Marie-George Buffet, ancienne ministre, et de Jean Glavany, également ancien ministre, qui plus est de l’agriculture. J’éviterai donc les redites.
Toutefois je diverge totalement sur leur conclusion et c’est à cela que je m’attacherai durant le temps qui me reste.
D’abord, qu’il me soit permis, même si cela a déjà été dit, de saluer le courage de ceux qui souffrent en ce moment parce qu’il y a trop d’eau. Ne pas en avoir du tout, c’est la mort, mais en avoir trop à la fois, c’est aussi la mort. Nous connaissons tous la situation cataclysmique dans laquelle se débat une partie de nos compatriotes.
Ce serait à mon avis une erreur que de continuer à penser que seuls les problèmes climatiques sont à l’origine de ces catastrophes. En réalité, madame la secrétaire d’État, elles se produisent parce que nous ne touchons plus à nos cours d’eau.
Je parlerai de celui que je connais – M. Glavany le connaît aussi – et que l’on appelle un gave de montagne. Il s’agit d’un cours d’eau de régime torrentiel. La dernière fois qu’ont été réalisés des travaux importants, c’était en 1960, c’est-à-dire cinq ans après ma naissance – cela ne nous rajeunit pas –, mais depuis on n’a strictement rien fait. À l’époque, on avait curé le fond du gave car il fallait construire des routes – ce que j’ai fait lorsque, plus tard, je suis devenu maire –, creuser des chemins, reconstruire des maisons avant que ne survienne, quelques années plus tard, le tremblement de terre d’Arette qui nous a obligés à tout reconstruire. Nous avons donc beaucoup puisé de matériaux dans le gave. Nous avons aussi refait les berges pour les stabiliser et protéger les riverains, notamment là où le cours d’eau traverse des villages.
Depuis, plus rien n’a été fait et aujourd’hui, à chaque crue, ce sont systématiquement dix, vingt centimètres, parfois un mètre de terrain qui s’en va. Et c’est un peu partout la même chose. Mais dans le même temps, on n’a pas remonté le niveau des routes, ni le niveau des maisons.
Fatalement, lorsqu’une crue survient, tout est inondé. Et cela, ni vous, ni moi n’y pouvons rien. Je crois que nous avons tous manqué de clairvoyance. De plus, nous avons traversé une période, dans les années 1960, durant laquelle il n’a pas plu beaucoup. Nous avons construit des canalisations beaucoup trop petites qui aujourd’hui explosent dès qu’il y a beaucoup d’eau. Voilà pour le premier point.
Par ailleurs, je croyais qu’après le merveilleux succès qu’a constitué pour la France le Sommet de Paris sur le climat, nous allions bousculer sans attendre l’ordre des choses et changer de source d’énergies en tout cas donner un signal très fort au monde entier en nous tournant vers le soleil et l’énergie des marées, qui seules sont en capacité de nous donner de nouvelles marges de manoeuvre et de faire entrer à nouveau de l’argent dans notre pays qui ne produit plus. Notre appareil industriel, je l’ai dit tout à l’heure, est aux trois-quarts mort, et l’agriculture, monsieur le ministre Glavany, approche de sa fin. Vous connaissez comme moi les terribles enseignements du recensement général de l’agriculture et vous savez dans quel état se trouvent nos campagnes. Ce n’est donc pas la peine que j’insiste.
Il faut faire entrer de l’argent. Or, vu le montant de la dette, ce n’est pas en empruntant que l’on y parviendra, encore moins en nous tournant vers le pétrole ou je ne sais quelle solution.
Je croyais que ce texte allait nous permettre de suivre cette orientation. Certes, nous avons peut-être le temps de le faire, mais pour l’instant rien n’a été fait.
Le point sur lequel je diverge, ce sont vos proclamations. Je suis d’accord avec vous, monsieur Glavany, quelques dizaines de millions d’euros, ce n’est pas une somme énorme. Le problème est de savoir où les trouver et qui les finance. Je partage totalement ce qui a été exprimé à propos de ceux qui mettent l’eau en bouteille : il y en a de très gros et de très petits. Mais avec ce que nous avons voté il y a quarante-huit heures à peine – ou ce que nous n’avons pas voté, parce que le problème est mondial et que nous risquons d’ouvrir nos entreprises à la concurrence mondiale, parce que le problème est européen et qu’une directive européenne doit entrer en vigueur, parce que le problème est français et que nous risquons de nous exposer au rejet du Conseil constitutionnel –, nous avons laissé les riches férocement riches et les patrons férocement patrons.
C’est l’argent que nous n’avons pas pris là qui manque aujourd’hui pour mettre en oeuvre tout ce que vous venez remarquablement d’exposer.
Aurais-je présenté la même proposition ? Certes, elle est très belle, et même s’il ne faut pas confondre le niveau universel et le cas français, c’est la même souffrance. Mais ce que je ne pourrais pas dire, c’est que l’on va financer un tel dispositif alors que nous n’avons pas un sou. L’État n’a pas un sou ! Quant aux communes, elles sont en voie de disparition. Nous avons laissé tomber le Fonds national pour le développement des adductions d’eau potable alors que la plupart de nos réseaux sont pratiquement morts et devront être reconstruits.
Alors continuons à faire des proclamations qui ne débouchent sur rien et attendons les résultats des urnes. Cela ne nous conduira nulle part, ni les uns, ni les autres. Je pense que nous faisons du très mauvais travail et je tenais à le dire.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, cher Michel Lesage, chers collègues, cette proposition illustre parfaitement ce pourquoi bon nombre d’entre nous ont été élus et ce pourquoi la gauche est aujourd’hui aux responsabilités. Si notre chambre porte la couleur qu’elle a aujourd’hui, c’est pour protéger les plus faibles et rendre notre société plus juste, plus humaine. En 2012, la Nation a fait le voeu d’une société où la dignité n’est pas une valeur secondaire et c’est tout l’objet de notre présence aujourd’hui.
Tout comme à l’occasion de la mise en place du chèque énergie ou de l’examen de la proposition de loi de notre collègue Brottes, je me réjouis qu’une prise de conscience émerge quant à la situation insoutenable dans laquelle se trouvent les plus démunis de nos concitoyens. Cette proposition de loi améliorera sensiblement la vie du million de Français qui ne peuvent faire face aux charges afférentes à l’accès à l’eau, et plus encore aux 150 000 personnes, soit l’équivalent de la ville d’Aix-en-Provence, ville d’eau, qui ne bénéficient d’aucune arrivée d’eau potable, d’aucun accès à l’eau – 150 000 personnes !
Si le droit à l’eau et à l’assainissement pour tous est une question vitale de dignité humaine et d’égalité dans notre société, ce n’est pas un droit réel et encore moins un droit effectif aujourd’hui. D’ailleurs cette proposition de loi est soutenue quasiment par tous les bords politiques. Et je salue notre collègue Michel Lesage pour son opiniâtreté, lui qui souhaitait arriver au bout de cette loi nécessaire, indispensable pour répondre à la dure réalité que vivent un trop grand nombre de nos concitoyens.
Je sais combien Jean Glavany, Jean-Paul Chanteguet, Bertrand Pancher et tous les collègues que je ne cite pas mais qui ont été très présents se sont mobilisés pour cette proposition de loi hautement sociale.
S’agissant des articles du texte, je veux tout d’abord insister sur le fait qu’en adoptant l’article 1er de la présente proposition de loi, la France se mettrait enfin en conformité avec les résolutions onusiennes de 2010 et de 2013 sur le droit à l’eau, exigence d’autant plus forte dans un pays développé comme le nôtre.
Je souhaiterais appeler votre attention sur une initiative de ma collègue Fanny Dombre Coste qui propose un amendement permettant la gratuité des premiers mètres cubes d’eau. Contrairement à ce que beaucoup pensent, la gratuité des premiers litres a un effet positif. Ainsi, dans ma circonscription, celle de Jean de Florette et Manon des Sources, la commune de Roquevaire – 9 000 habitants tout de même – a mis en place, voilà plus de quatre ans, les trente premiers mètres cubes d’eau à un euro. En couplant cette décision à une politique de l’eau volontariste, en nous appuyant sur une régie municipale de quatre-vingt-dix ans d’âge, nous avons un bilan très positif, moins de gaspillage et de l’eau pour tous, sans abus.
Enfin, j’aimerais aborder la question de l’aide de solidarité préventive prévue à l’article 3. Le dispositif local issu de la loi Brottes, basé sur le volontariat des collectivités et dont les résultats ne seront connus qu’à l’horizon 2020, n’est pas la réponse urgente qu’appelle la précarité sociale de nos concitoyens. Nous n’avons pas réussi, avec cette loi, à mettre en place un véritable dispositif global et national. C’est pourquoi je me félicite du texte qui nous est présenté aujourd’hui.
S’agissant de l’épineuse question du financement de l’aide préventive, permettez-moi d’apporter mon soutien au rapporteur Michel Lesage, qui propose une contribution additionnelle d’un demi-centime à la taxe déjà applicable aux eaux embouteillées.
Alors qu’un célèbre rappeur, Maître Gims, a annoncé, en lien avec sa fondation Eau de terre, la commercialisation d’une eau, « Bella Water », destinée à financer des projets visant à améliorer l’accès à l’eau en Afrique, nous ne pourrions pas, en France, dégager un demi-centime par bouteille pour que l’ensemble des Français aient un accès réel à l’eau ? Voilà la question qui doit être posée.
Quel que soit le lieu, la qualité de l’eau française rend dispensable l’achat d’eau en bouteille. Le dispositif proposé par Michel Lesage serait donc indolore pour le consommateur et, en raison de la faiblesse de la contribution, quasiment sans impact pour les producteurs.
Ceux-ci pourraient même en faire, comme Maître Gims, un argument marketing. Pourquoi n’en seraient-ils pas capables ? Je regrette très sincèrement ce recul.
Pour conclure, mes chers collègues, ne manquons pas cette occasion d’agir en faveur de la justice sociale, de faire preuve de pragmatisme, de nous rapprocher de nos concitoyens en épousant leurs préoccupations les plus légitimes. Et permettez-moi d’avoir une pensée pour les douze familles Roms accueillies par la ville de Gardanne à l’hiver 2012 sur un ancien carreau de la mine, où seules l’eau et l’électricité leur étaient garanties. Aujourd’hui, ces douze familles ont trouvé leur place dans la société. Leurs enfants sont scolarisés. L’eau les a sauvés.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain, et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
La parole est à M. Guy Bailliart, dernier orateur inscrit dans la discussion générale.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je soutiens ce texte sans hésitation, mais je souhaite revenir sur le prix de l’eau.
La loi sur l’eau du 3 janvier 1992 précise que « l’usage de l’eau appartient à tous ». De fait, 99 % de la population française est desservie en permanence par un réseau d’eau potable, mais tous ne la paient pas au même prix. Les données disponibles sur le portail de l’Observatoire national des services d’eau et d’assainissement sont sans équivoque. Par exemple, les habitants de Caen paient, pour une facture de 120 mètres cubes, 3,49 euros par mètre cube quand, à seulement douze kilomètres de là, une commune facture 6,56 euros par mètre cube pour la même consommation.
D’où viennent ces différences ? Non d’un choix de consommation ni du fait que l’eau serait prélevée différemment – c’est parfois le même forage, la même eau – ni même du fait que les traitements de potabilisation seraient différents.
Les disparités viennent ordinairement soit des conditions géographiques – du terrain –, soit du nombre d’abonnés au mètre linéaire, parfois de l’ancienneté des installations mais également de choix politiques ou techniques, toutes choses sur lesquelles l’abonné n’a quasiment aucun contrôle, et sur lesquelles les élus disposent d’une marge d’intervention très réduite. Ceux-ci sont prisonniers de choix antérieurs, eux-mêmes fortement influencés par des cabinets d’études qui peuvent se révéler irréalistes ou imprudents.
Intéressons-nous dans un premier temps au prix de l’eau potable hors assainissement. Le prix moyen de l’eau potable est évalué à 2 euros par mètre cube, ce qui couvre le coût de production et de distribution. Les écarts maximums peuvent, sur ce sujet, varier d’un à cinq dans les différents départements métropolitains – non d’un département à l’autre, mais entre les communes d’un même département.
Si le prix de l’eau potable, en tant que tel, est variable, que dire de celui de l’eau avec assainissement ?
Le prix moyen de l’assainissement collectif seul est en moyenne de 1,85 euro. Là encore, les écarts sont très importants, puisque certains départements dépassent en moyenne 3 euros par mètre cube, quand d’autres pratiquent des prix inférieurs à 1 euro. Les écarts sont, là encore, plus importants dans les départements ruraux. Selon la dernière étude de la Confédération générale du logement, les prix peuvent monter jusqu’à 7,77 euros par mètre cube dans les zones rurales, alors qu’ils sont limités à 1,81 euro dans les villes de plus de 100 000 habitants.
De plus, ces situations ne sont pas sans inconvénients pour le remboursement et l’amortissement des installations et du réseau. Un prix élevé incite à des pratiques de contournement. Il n’est pas rare de voir des abonnés consommer moins d’eau du réseau et se rabattre sur des installations comme une citerne ou un puits. Si ces solutions peuvent être bonnes pour l’environnement, elles ne mettent pas moins en danger la gestion financière de l’assainissement collectif en matière d’amortissement et de trésorerie.
Chacun, je l’espère, conviendra que l’eau étant un bien commun de la Nation, comme l’affirme la loi, et un produit de première nécessité, une telle situation n’est pas acceptable.
Des initiatives sont prises pour harmoniser le prix de l’eau. Ainsi, Rennes Métropole ambitionne d’harmoniser progressivement les prix de l’eau potable et de l’assainissement pour arriver en 2024 à une facture moyenne de 220 euros par an pour 120 mètres cubes, soit 1,83 euro par mètre cube. Rennes Métropole n’est pas la seule collectivité à engager des procédures d’harmonisation du coût de l’eau, mais c’est un exemple intéressant.
La loi portant nouvelle organisation territoriale de la République a certes consacré le transfert des compétences en matière d’eau et d’assainissement aux EPCI à fiscalité propre à l’horizon de 2020, ce qui va permettre une harmonisation progressive des prix au sein des communautés de communes ou communautés d’agglomération. Cependant, nous savons tous que ces collectivités restent et resteront de taille et de nature très diverses, ce qui ne nous permet pas d’espérer que cette seule évolution résoudra le problème des différences de coût, donc de prix, donc d’accès à l’eau. C’est pourquoi il faut continuer de chercher les moyens de réduire ces écarts.
Pour finir, j’insiste sur le fait que la solution n’est pas inaccessible. Même si les écarts maximums peuvent être forts entre deux communes, on s’aperçoit qu’en moyenne, la différence de coût de l’eau entre les départements se situe plutôt dans un rapport de 1 à 1,35.
C’est la raison pour laquelle il conviendrait de demander au Comité national de l’eau de formuler des propositions pour pratiquer un lissage des prix et arriver, autant que faire se peut, à une égalité des citoyens devant le prix du mètre cube d’eau, au moins à l’échelon du département, qui semble le périmètre minimum pour permettre une vraie solidarité. C’est le sens de l’amendement que je porterai dans la discussion et que rend possible l’article L. 213-1 du code de l’environnement.
Puisque la situation est inéquitable tant pour les citoyens que pour les territoires, essayons de nous donner les moyens de la changer.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain, et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, chers collègues, les préoccupations qui ont inspiré la proposition de loi sont presque unanimement partagées. Michel Lesage a eu le mérite d’avoir regroupé les énergies de tous ceux qui voulaient faire avancer le droit à l’eau dans notre législation. Je pense notamment à France Libertés et à l’Académie de l’eau.
Ce sujet n’est ni nouveau ni surprenant pour le président du Comité national de l’eau que je suis. Mon prédécesseur André Flajolet avait déposé en 2010 une proposition de loi visant à créer une allocation de solidarité pour contribuer au paiement de la facture d’eau. Il prévoyait une attribution sous condition de ressources. Nous pourrions réexaminer sa proposition tout à l’heure, à l’occasion du débat sur le financement.
Je remercie Michel Lesage d’avoir pris acte du fait qu’une taxation supplémentaire sur les eaux embouteillées n’est pas une bonne idée. Nous en avons parlé ensemble. Ainsi, nous resterons cohérents tant avec la lettre du ministre du budget, affichant la volonté du Gouvernement de ne pas créer de taxe nouvelle, qu’avec le travail parlementaire en cours de notre collègue Razzy Hammadi sur la taxation des produits alimentaires, dont nous attendrons les conclusions et les préconisations.
La question du financement reste centrale. Pour que la proposition de loi ne demeure pas purement déclamatoire, nous devons – vous l’avez dit, madame la secrétaire d’État – trouver ensemble par le débat une solution, la meilleure solution.
Je salue d’ailleurs votre engagement personnel sur le sujet, car même si l’eau, c’est la biodiversité, la question de l’accès à l’eau traverse de nombreux ministères, qui devront coordonner les réflexions sur cette légitime ambition.
Sur le fond, il faudra d’abord dire si nous faisons appel à la solidarité nationale ou non. Si l’accès à l’eau est une mesure sociale, l’État doit-il, peut-il, veut-il la financer ?
Plus avant, notre rapporteur propose une allocation forfaitaire « eau » pour les plus démunis. Chacun conviendra que celle-ci pose un problème de compatibilité avec l’expérimentation pour une tarification sociale de l’eau, dite « expérimentation Brottes ». En en préemptant les conclusions, elle poserait aussi des difficultés de mise en oeuvre opérationnelle.
Si nous choisissions de donner rapidement suite à la proposition de l’allocation eau avant la fin de l’expérimentation Brottes, nous devrions d’abord nous inspirer soit du chèque énergie, en mettant en place un chèque eau, soit du dispositif Flajolet déjà mentionné.
Je terminerai, madame la secrétaire d’État, par un message plus politique. Vous connaissez ma réserve de principe à l’égard d’un prélèvement de l’État sur le fonds de roulement des agences de l’eau. Quand l’État prend dans la poche du consommateur, à travers les redevances pour prélèvement, qui constituent une des recettes de nos agences, le principe « l’eau paie l’eau » est attaqué. Bien que je n’ignore pas les difficultés budgétaires, je ne me résous pas à cette pratique.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Nous en venons aux amendements.
La parole est à M. Michel Lesage, rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, pour soutenir l’amendement no 1 .
Je propose de compléter l’alinéa 2 par les mots : « physique dans des conditions compatibles avec ses ressources : » et en conséquence de supprimer l’alinéa 5, qui peut apparaître comme redondant par rapport à l’alinéa précédent.
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la biodiversité, pour donner l’avis du Gouvernement.
Avis favorable.
L’amendement no 1 est adopté.
Je défends l’amendement au nom de Mme Dombre Coste, empêchée de transport aujourd’hui.
Considérant l’eau comme un bien commun de l’humanité et non comme une marchandise, de nombreuses organisations défendent le principe de la gratuité des premiers mètres cubes consommés, ceux qui permettent de couvrir les besoins élémentaires d’hygiène et d’alimentation, et dont le volume est estimé à environ 15 mètres cubes.
Un tel dispositif, dont l’impact politique et social est indéniable, permettrait également la sensibilisation des consommateurs à l’importance de la ressource. En effet, mise en place dans certaines collectivités, la gratuité a entraîné non une hausse mais une baisse de la consommation. En tant qu’ancien maire de Lens, je peux en attester, pour avoir expérimenté ce système depuis longtemps.
Le droit à l’eau peut être rendu possible grâce à une différence de facturation entre les catégories d’abonnés domestiques et les activités, dont l’impact budgétaire nul permet de ne pas réduire les capacités d’investissement des collectivités. De plus, la gratuité s’applique sur la part eau et non la part assainissement.
Madame la secrétaire d’État, j’ai bien entendu votre propos liminaire. Vous avez cité, comme d’autres collègues, Danielle Mitterrand, dont l’eau fut un des derniers combats. Je connais sa fondation, France Libertés, depuis sa création. D’autres associations travaillent dans le même sens.
Ce soir, sans aucune provocation, je vous le promets – j’ai trop de respect pour votre personne –, je pense qu’il doit vous être difficile de donner votre avis sur cet amendement : il faut concilier la parlementaire que vous avez été, et que j’ai connue, et la secrétaire d’État, contrainte de prendre une décision conforme aux orientations financières et budgétaires du Gouvernement.
Avec cet amendement, nous touchons à une question sur laquelle nous reviendrons quand nous examinerons les articles suivants : l’idée d’une tarification différenciée soit par la gratuité d’une première tranche, soit, comme l’indique l’exposé des motifs, par une distinction entre les activités domestiques ou économiques. Jean Launay a rappelé à l’instant que le dispositif Brottes permet de procéder à des expérimentations sur le territoire, en particulier de mettre en place une tarification progressive.
Sur cette tarification que l’on peut appeler progressive ou différenciée, il y a eu nombre de colloques, d’expertises et de rapports. J’ai auditionné des représentants des collectivités – comme Libourne, Dunkerque ou Niort – qui ont mis en place depuis de nombreuses années des expérimentations de ce type.
Tous disent que ce système est extrêmement complexe et que la tarification progressive n’a pas nécessairement un caractère social. Au contraire : ce ne sont pas les familles les plus pauvres qui consomment le moins, mais celles qui ont le moins d’enfants. Le système pénalise donc les familles nombreuses.
À dire vrai, il pénalise tout le monde, puisque les pertes financières doivent bien être compensées par des tarifs plus élevés pour les autres usagers : les usagers domestiques dont la consommation atteint des tranches élevées ou les usagers industriels.
D’autres effets pervers sont mentionnés dans toutes les études. Pour recevoir une facture, il faut disposer d’un compteur individuel. Or, en France, 50 % des logements individuels en sont dépourvus. C’est le cas dans l’habitat social comme dans les copropriétés – les charges sont réparties dans le cadre du paquet global de la copropriété.
La région parisienne a étudié cette éventualité. L’une des raisons pour lesquelles elle n’a pas mis en place de tarification progressive tient à ce qu’elle pénaliserait les familles les plus défavorisées et ne serait pas applicable dans l’habitat social et les copropriétés. Voilà déjà quelques arguments, mais il y en a bien d’autres qui rendent difficile la mise en place d’une tarification progressive. Or si nous attendons les conclusions des cinquante expérimentations en cours, nous ne pourrons guère espérer généraliser avant 2022 ou 2025 un système qui, à ce jour, n’a pas démontré son intérêt en termes d’approche sociale. Avis défavorable.
Je rends bien sûr hommage à l’ancien maire de Lens – ayant longtemps été lensoise, je sais un peu ce qui s’y passe. Sans provocation aucune, je vous répondrai cependant que lorsqu’on appartient à un gouvernement, on porte la parole du Gouvernement.
Cela m’est d’autant plus facile ce soir qu’en l’occurrence, elle rejoint pleinement ma propre conviction et ce que j’aurais défendu si j’étais parlementaire. En voulant rendre gratuits les 15 premiers mètres cubes consommés, vous décidez que le coût du service de l’eau et de l’assainissement ne sera pas porté par tous. Je pense que ce n’est pas une bonne chose. Notre travail est de faire en sorte que tout le monde ait accès à l’eau potable, donc puisse la payer. C’est ce que nous essayons de faire au travers de cette proposition de loi. N’oublions cependant pas qu’en moyenne, la facture d’eau ne représente que 1 % du budget des ménages, loin derrière d’autres dépenses. La majorité des ménages n’ont donc pas besoin d’aide pour payer leur facture d’eau. Dès lors, il n’y a pas de raison qu’elles ne payent pas ce service, qui a un coût.
Mes services ont essayé d’estimer « à la louche » le coût de la mesure que vous proposez. Si on considère une consommation de 15 mètres cubes par habitant et par an et un prix moyen de l’eau de 3,85 euros, il s’élèverait à près de 4 milliards d’euros ! Je ne pense pas que ce soit la meilleure manière d’assurer à tous l’accès aux mètres cubes correspondant à des besoins élémentaires.
Rappelons que l’objectif de cette proposition de loi est de garantir que les personnes les plus démunies aient elles aussi accès à ces services de base, même lorsque la facture d’eau est trop lourde. Ce sont elles qu’il faut aider, et non tout le monde. Je suis donc défavorable à cet amendement.
Cet amendement qui va plus loin que le texte initial de l’article 1er me semble largement inapplicable. Je lis dans l’exposé des motifs que ce dispositif permettra de sensibiliser les consommateurs à l’importance de la ressource. Je n’y crois pas un seul instant ! L’information des personnes à faibles revenus en matière d’éco-consommation est d’ailleurs absente de cette proposition de loi. Nous voterons contre cet amendement.
Merci de votre réponse fort sympathique, madame la secrétaire d’État. J’aurais dû préciser qu’en ce qui concerne la communauté d’agglomération de Lens-Liévin, que vous connaissez bien, c’est l’exploitant qui finance ces 15 mètres cubes, et non la collectivité locale. Avec les fortunes qu’ils engrangent, il me semble que les exploitants peuvent se permettre ce geste. Cela n’a d’ailleurs posé aucun problème au groupe dont je ne citerai pas le nom ce soir.
Pas de polémique inutile, ai-je dit tout à l’heure. Néanmoins, monsieur le rapporteur, vous avez lié – involontairement, je pense – familles pauvres et familles nombreuses. Vous me permettrez d’apporter une correction sur ce point : les familles pauvres ne sont pas nécessairement des familles nombreuses.
Sourires
Nous avons là l’exemple typique de la fausse bonne idée. En outre, elle a un effet très néfaste : donner l’impression que l’eau peut être gratuite.
Dans la mesure où je l’ai défendu au nom de Mme Dombre Coste, il m’est difficile de le retirer.
L’amendement no 37 n’est pas adopté.
La parole est à Mme la secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 46 .
L’article 1er de la proposition de loi introduit dans le code de la santé publique une définition précise du droit à l’accès à l’eau potable et à l’assainissement. Depuis la loi sur l’eau et les milieux aquatiques de 2006, ce droit à l’eau a été introduit dans le code de l’environnement. Afin de lever tout doute sur le fait que le droit à l’eau recouvre le droit à l’accès à l’eau potable et à l’assainissement, le Gouvernement propose de mettre le code de l’environnement en cohérence avec le code de la santé publique ainsi modifié.
L’amendement no 46 est adopté.
L’article 1er, amendé, est adopté.
La parole est à Mme la secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 55 .
Il vise à augmenter les seuils concernant les collectivités pour la mise à disposition d’équipements permettant un accès gratuit à des toilettes et équipements sanitaires.
L’article 2 propose des solutions concrètes pour la mise en oeuvre de l’accès à l’eau potable et à l’assainissement pour les personnes non raccordées aux réseaux. Il prévoit des obligations croissantes pour les collectivités en fonction de leur taille. Le Gouvernement propose d’augmenter ces seuils, dans une approche pragmatique au regard des contraintes – notamment financières – qui peuvent avoir de lourdes conséquences sur les budgets des plus petites collectivités. Bien entendu, cela n’empêche en rien ces collectivités de mettre quand même lesdites obligations en oeuvre.
Aucune observation concernant ces seuils n’a été formulée dans le cadre du travail préparatoire, partagé et co-construit qui a présidé à l’élaboration de cette proposition de loi. Ni l’Association des maires de France, ni la commission du développement durable ne les ont évoqués. Je note également qu’aucun amendement tendant à modifier ces seuils n’a été déposé par nos collègues. Le seul pragmatisme ne saurait suffire à justifier un avis favorable de la commission. Par conséquent, avis plutôt défavorable.
Très bien !
Je partage entièrement l’avis du rapporteur. J’aimerais que Mme la secrétaire d’État nous explique en vertu de quels critères elle souhaite porter ces seuils de 3500 à 5000 et de 15 000 à 20 000. Le nombre d’habitants n’est pas le seul indicateur des moyens d’une commune ! Il y a des communes de 50 000 habitants dont le budget est extrêmement faible. Vous nous parlez de pragmatisme et de pratique : dites-nous pourquoi vous voulez modifier ces seuils ! Je soutiens pleinement les arguments de M. le rapporteur.
Nous avons voulu retenir des seuils utilisés par l’INSEE qui soient connus. Il s’agit de tenir compte des contraintes qui peuvent peser sur les plus petites collectivités. Le seuil de population pour les communes devant assurer un accès gratuit à des toilettes publiques, à savoir 3500 habitants, est aujourd’hui quasi inutilisé. C’est pourquoi nous proposons de le porter à 5000, ce qui correspond au seuil utilisé notamment pour les aires d’accueil des gens du voyage. Le nombre des communes concernées serait réduit d’environ 900, mais la population des communes soumise à obligation resterait supérieure à 60 % de la population nationale.
S’agissant des communes ayant l’obligation d’installer et d’entretenir des douches gratuites, le relèvement du seuil de 15 000 à 20 000 habitants est cohérent avec les strates démographiques établies par l’INSEE et maintient la population des communes soumises à obligation à environ 45 % de la population nationale.
Je rappelle enfin que le relèvement des seuils démographiques n’empêche en rien les collectivités de plus petite taille de mettre en oeuvre les dispositions des alinéas 4 et 5 de leur propre initiative.
L’amendement no 55 n’est pas adopté.
La parole est à M. Michel Lesage, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 3 .
Il vise à compléter la première phrase de l’alinéa 6 par les mots : « à compter de la promulgation de la présente loi ». C’est donc un amendement de précision.
Favorable.
L’amendement no 3 est adopté.
La parole est à Mme la secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 54 deuxième rectification.
Le texte prévoit que les obligations dont nous venons de parler s’imposent aux collectivités dans un délai de cinq ans. Or un certain nombre de collectivités, notamment en montagne et en outre-mer, sont soumises à des contraintes particulières. Aussi le Gouvernement propose-t-il d’introduire la possibilité d’une dérogation permettant de porter le délai d’application à dix ans. Un décret en Conseil d’État précisera la procédure à suivre pour obtenir cette dérogation. Cette proposition n’affaiblit pas la portée de la proposition de loi, mais la rend plus effective, selon un principe de réalité. Je défendrai un autre amendement dans le même sens.
On comprend bien le sens de cet amendement et les objectifs poursuivis, qui peuvent apparaître pertinents au premier abord. On comprend que cela vise les territoires d’outre-mer, et vous l’avez d’ailleurs dit, madame la secrétaire d’État, mais ce n’est pas écrit dans le texte. De ce point de vue, le libellé pose problème, car cela pourrait susciter des difficultés. Qui décidera si le délai est porté de cinq à dix ans ? Si des communes de montagne peuvent faire valoir des contraintes particulières, cela pourrait aussi être le cas d’autres communes. Enfin, qui définit la notion de contraintes particulières ?
Je comprends l’intérêt qu’il peut y avoir à se pencher sur le sort des communes d’outre-mer ou de montagne, mais la rédaction de cet amendement ne me permet pas d’y donner un avis favorable.
Il n’y a pas beaucoup de communes de 3500 habitants en zone de montagne, madame la secrétaire d’État. Je dirais même que chez moi, dans les Hautes-Pyrénées, il n’y en a pas.
Madame la secrétaire d’État, il y a peu de communes de 3 500 habitants en zone de montagne. Dans le département des Hautes-Pyrénées, dont je suis élu, il n’y a même aucune commune de cette taille en zone de montagne. Dans ces zones, ce n’est du reste pas l’eau qui est un problème.
J’ignore, en revanche, quelle est la situation dans les communes d’outre-mer et il n’est en tout cas pas question de les stigmatiser. Il serait plus net de sous-amender votre amendement pour supprimer les références au caractère géographique et prévoir un délai de cinq ans supplémentaires pour l’outre-mer en expliquant les raisons justifiant cette mesure, qui n’ont rien à voir avec le caractère montagnard.
Cet amendement me surprend, car il donne l’impression que le Gouvernement fait tout pour freiner la mise en oeuvre de ce projet. Il est tout de même significatif, à cet égard, de prendre en compte des communes de 3 500 habitants en zone de montagne. Quant à l’outre-mer, je ne vois pas pourquoi il faudrait prévoir un délai si long. Cinq ans semblent suffisants pour mettre en oeuvre cette loi en permettant à chacun de prendre ses dispositions.
Au-delà des arguments avancés par M. Glavany et par M. le rapporteur, permettez-moi de réagir à ce délai de dix ans. En effet, il est ici question d’accès à l’eau et de douches publiques pour les communes de plus de 5 000 habitants : prévoir dix ans pour la réalisation de ces équipements aurait de quoi effarer n’importe quel maire ! L’amendement est donc très étonnant – à moins qu’il n’exprime une volonté de freiner la mise en oeuvre de la proposition de loi.
De ce côté-ci de l’Hémicycle, nous avons bien entendu les amendements de Mme la secrétaire d’État et nous voterons en faveur de cet amendement.
Le Gouvernement souhaite donner quelque souplesse dans les zones qui connaissent de véritables difficultés. Le décret en Conseil d’État pouvait définir plus précisément les choses. Nous ne souhaitons stigmatiser aucun territoire, mais la question de l’eau en outre-mer et délicate. De fait, le plan d’action sur l’eau en outre-mer est défini sur une durée de huit à dix ans, car on part, dans certains territoires, de situations très difficiles qui n’ont rien de commun avec les problèmes rencontrés en métropole – mais il arrive précisément qu’on les rencontre tout de même sur certains territoires de métropole.
L’élaboration de cet amendement répond donc au souci que la loi puisse être appliquée. En effet, imposer la mise en oeuvre du dispositif sur cinq ans en outre-mer aura pour effet qu’il n’y sera pas appliqué. Là aussi, cependant c’est à vous que revient la décision.
L’amendement no 54 , deuxième rectification, n’est pas adopté.
La parole est à Mme la secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 53 .
Cet amendement vise à ajuster la rédaction de l’article, afin d’élargir les financements auxquels les collectivités peuvent prétendre pour mettre en place de nouveaux équipements.
L’article prévoit que les collectivités peuvent être subventionnées pour la mise en oeuvre de ces mesures. Le Gouvernement, quant à lui, souhaite que les collectivités puissent être aidées par tous les moyens possibles et propose donc que le terme : « subventions » sont remplacé par le terme : « aides », moins restrictif quant aux possibilités d’aide financière auxquelles peuvent recourir les financeurs. Dans la même logique, le terme : « sanitaires » est supprimé, afin de ne pas réduire le champ d’intervention des collectivités souhaitant créer de nouveaux équipements, qui peuvent également concerner l’eau potable.
L’amendement no 53 est adopté.
L’article 2, amendé, est adopté.
La parole est à M. Michel Lesage, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 4 .
Cet amendement purement formel tend à assurer l’harmonisation avec la formulation retenue dans l’article 1er.
L’amendement no 4 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Michel Lesage, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 2 .
Cet amendement tend à apporter une simplification au texte. Afin de rendre le dispositif plus lisible, il est proposé de ne conserver, parmi les critères d’éligibilité, que celui du ratio de 3 % des ressources des ménages consacrées au paiement de la facture d’eau. Les autres modifications proposées par l’amendement sont rédactionnelles.
De fait, au fil de l’important travail que nous avons mené sur ce texte, nous proposions plusieurs critères d’attribution de l’allocation forfaitaire. Cependant, le prix de l’eau variant sur l’ensemble du territoire, il fallait croiser les deux approches et nous nous en remettons, sur ce point comme sur d’autres, à des décrets d’application afin d’assurer une meilleure lisibilité du texte et de travailler encore, si nécessaire, sur la mise en oeuvre pratique de ce dispositif.
Avis plutôt favorable. En effet, le critère de consommation de 50 mètres cubes par personne, qui définissait les besoins élémentaires, correspond plutôt, selon les données disponibles sur le portail Eaufrance, à la consommation d’eau moyenne en France. On peut donc supposer que les besoins élémentaires sont en réalité moins importants et il semble alors plus sage de supprimer ce critère.
L’amendement no 2 est adopté.
La parole est à M. Michel Lesage, rapporteur pour avis, pour soutenir l’amendement no 12 .
L’amendement no 12 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 3, amendé, est adopté.
La parole est à M. Michel Lesage, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 5 .
En évoquant tout à l’heure la suppression de quelques critères d’attribution de l’allocation afin de rendre moins complexe la proposition de loi, j’ai un peu anticipé en évoquant, avec celui de la consommation de 50 mètres cubes, le critère lié à un prix de référence. L’objet de cet amendement est de supprimer cette mention.
L’amendement no 5 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Michel Lesage, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 6 .
Cet amendement tend à faire en sorte que l’allocation forfaitaire d’eau ne soit utilisée que pour le paiement, partiel ou total, des dépenses d’eau telles que définies dans les articles de loi. Ce dispositif répond, me semble-t-il, à une problématique équivalente à celle qui a présidé à l’instauration du chèque énergie.
Il s’agit d’un amendement important, qui affecte précisément l’allocation forfaitaire aux dépenses liées à l’eau. Le Gouvernement juge nécessaire que toute aide potentiellement créée soit clairement affectée aux dépenses en eau, afin d’atteindre l’objectif visé et de ne pas créer une dépense mon affectée. Avis très favorable, donc.
L’amendement no 6 est adopté.
La parole est à M. Michel Lesage, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 7 .
Cet amendement porte sur le chèque énergie, que nous venons d’évoquer à propos de l’amendement précédent. Ce dispositif instauré avril 2014 par la loi de transition énergétique est mis en oeuvre à titre expérimental dans quatre départements et il est prévu de le généraliser. Nous travaillons depuis au moins trois ans sur cette proposition de loi et l’allocation de solidarité est, pour l’eau, l’équivalent de ce que ce chèque est pour l’énergie. Bien que sa création intervienne plus tard, il nous semble cependant intéressant de réfléchir sur une harmonisation à terme, lorsqu’elle sera possible.
L’amendement tend donc à ce que, dans un délai de deux ans après la généralisation du chèque énergie prévue par le code de l’énergie, le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur l’opportunité de rapprocher de ce dispositif de celui de l’allocation forfaitaire d’eau. L’énergie et l’eau sont en effet très liées aux capacités des ménages en matière de logement.
Pour ce qui est des ayants droit, peut-être sera-t-il possible de rapprocher les points de vue. En effet, au cours de notre travail sur le texte relatif au « chèque eau », nous en avons défini les allocataires, titulaires du revenu de solidarité active – RSA – socle etou de la couverture maladie universelle complémentaire – CMUC . Le chèque énergie est, quant à lui, attribué aux ayants droit en fonction d’un référentiel fiscal de référence. Il faut donc travailler sur ces deux aspects. Il y a là un beau chantier à ouvrir collectivement, en faveur toujours des plus précaires.
Il peut en effet être intéressant d’étudier en parallèle les dispositifs du chèque énergie et de l’allocation eau, afin de voir si des rapprochements sont envisageables. Il peut également être judicieux de privilégier une certaine stabilité du dispositif d’aide car, chaque fois que ces dispositifs sont modifiés, les gestionnaires des services doivent également modifier leurs grilles tarifaires et leurs dispositifs de facturation, tout en assurant une nouvelle communication. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée, qui saura faire le bon choix.
Madame la secrétaire d’État, il n’est question ici que d’un rapport et nous ne nous engageons donc pas beaucoup sur les conclusions de ce dernier.
L’amendement no 7 est adopté.
L’article 4, amendé, est adopté.
Je suis un peu surpris que cet amendement, que j’avais déposé sur l’article 5, ait été replacé après l’article 4.
Il porte sur la tarification sociale et progressive de l’eau, que j’ai évoquée dans mon intervention sur l’article 1er. Aujourd’hui, cinquante collectivités expérimentent ce dispositif, chacune avec sa méthode. Il reviendra au Comité national de l’eau de procéder à des évaluations, même si, comme le font observer certains collègues, ce travail ne sera pas facile en raison de la disparité des méthodes employées.
Compte tenu de débats qui ont déjà eu lieu à la fin de la dernière séance – et plus encore dans les couloirs qu’en séance –, je retire cet amendement au bénéfice du débat sur l’article 5.
L’amendement no 44 est retiré.
Madame la présidente, je demande une suspension de séance de cinq minutes.
La séance, suspendue à vingt-deux heures quarante-cinq, est reprise à vingt-trois heures cinq.
La parole est à M. Joël Giraud, premier orateur inscrit sur l’article 5.
Je souhaite présenter très brièvement les trois amendements que j’ai déposés à cet article. Si l’intention du financement d’une solidarité nationale pour le droit d’accès à l’eau potable est plus que louable, la taxe, telle qu’elle est proposée dans ce texte, pose problème dans un nombre de territoires.
En effet, certaines entreprises exploitant des sources dégagent des marges et des chiffres d’affaires très limités. Or, 4 % à 7 % de leur chiffre d’affaires s’envoleraient avec cette taxe.
Il est cependant difficile de nier qu’il existe différentes sortes d’entreprises : les très grandes multinationales, les petites entreprises liées à des multinationales et les toutes petites entreprises non délocalisables dans les territoires.
C’est la raison pour laquelle j’ai déposé trois amendements proposant successivement trois possibilités : la première consiste en la suppression de l’article 5 afin de mieux réfléchir au financement de cette solidarité.
La deuxième solution est la méthode habituellement pratiquée pour éviter de passer sous les fourches caudines de l’article 40 : il s’agit de recourir à la fameuse taxe additionnelle sur les tabacs. Si l’on compare les 50 millions d’euros en jeu aux 40 milliards d’euros du CICE – crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi –, pour lesquels nous réclamons à cor et à cri la création de l’Observatoire des contreparties, le ratio est faible.
La troisième solution, souvent évoquée, est fondée sur une réflexion liée aux problèmes de santé publique que causent les boissons sucrées. Il y a vraiment matière à travailler sur ce sujet : nous devrions pouvoir financer un peu la solidarité avec ce véritable fléau de santé publique que sont les boissons sucrées.
Ce texte vise à garantir un droit aux personnes dont l’accès à l’eau est précaire. Si nous nous positionnons très fermement sur la question de la précarité sociale, je regrette que l’on n’aborde pas la problématique de la précarité territoriale.
Si 99 % de nos concitoyens ont accès à l’eau, 1 % ne l’a pas, particulièrement dans les secteurs de montagne : il est en effet assez compliqué pour les collectivités d’y construire un réseau public d’adduction d’eau potable. Un tel réseau, desservant un nombre d’abonnés souvent très restreint, coûte très cher, d’autant que la topographie et la structure même des terrains créent des difficultés.
Je défendrai tout à l’heure un amendement de suppression de l’article 5. J’appelle toutefois votre attention sur un aspect bien particulier : je suis moi-même maire-adjoint d’une commune qui étudie un projet visant à assurer l’accès au réseau public d’adduction d’eau potable à 100 % de sa population. Mais cet investissement coûte près de 800 000 euros pour desservir une dizaine d’abonnés, avec un retour sur investissement pour la collectivité qui sera très long et particulièrement difficile.
Je regrette que ce texte, s’il traite positivement la question de la précarité dans sa dimension sociale, ne l’aborde pas dans sa problématique territoriale.
L’article 5 concerne le financement de l’allocation de solidarité à caractère préventif en faveur des familles les plus précaires. Il soulève des questions de principe et de méthode.
La question de principe est la suivante : comment assurer le financement d’une allocation pour éviter les inégalités territoriales et sociales dans le domaine fondamental de l’eau – l’eau, la vie, le bien commun, etc. ?
En tant que parlementaires, nous proposons un financement reposant sur un dispositif à caractère national. Dans le domaine de l’eau et de la précarité, il convient donc de mettre en place un mécanisme de solidarité nationale à caractère préventif et universel afin de pallier les limites, les lacunes et les insuffisances des dispositifs territoriaux existants.
Il s’agit pour l’essentiel, des fonds de solidarité pour le logement, dits FSL, et des centres communaux d’action sociale, dits CCAS, qui sont à dominante curative et présentent des limites : d’une part, il n’y a pas de FSL « Eau » dans tous les départements, seuls deux tiers des départements en disposant. D’autre part, les critères des FSL ont été analysés : ils diffèrent dans leurs modalités d’attribution et dans la définition des ayants droit. De plus, des politiques de stop-and-go entraînent souvent des diminutions dans les aides, suivies d’augmentations.
J’ai, sur ce thème de l’eau, une petite expérience de député mais une assez longue expérience de conseiller général et d’élu local : le FSL est déjà compliqué dans son volet « Logement », mais il l’est encore plus dans son volet « Eau » – quand il y en a un !
En outre, pour en bénéficier, il faut être en situation d’impayé : c’est stigmatisant pour les familles. De fait, 50 % de celles qui pourraient y prétendre ne font pas la demande d’une aide auprès du FSL.
Ainsi que le rappelait notre ancien collègue André Flajolet, en 2010, dans l’exposé des motifs de sa proposition de loi, toutes les expertises démontrent que les dispositifs curatifs en France dans le domaine de l’eau ont leurs limites et ne permettent pas de lutter contre la précarité. Tous les rapports préconisent pour cette raison un dispositif universel, préventif et à caractère national.
Nous proposons donc que le financement ne soit pas assuré au niveau local, ni départemental, ni régional – cela était prévu par le passé dans certaines propositions de loi –, mais au niveau national : c’est le premier principe.
Deuxième principe : cela ne doit pas pénaliser les factures des usagers domestiques, donc des ménages, qui utilisent les services publics de l’eau et de l’assainissement auxquels les collectivités consacrent chaque année 16 milliards d’euros – voilà ce que pèse le petit cycle de l’eau en France.
Voilà les deux principes que nous défendons – on peut très bien ne pas être d’accord. Ils ont pour conséquence d’écarter certains financements retenus auparavant pour cette allocation préventive.
Cela écarte également une augmentation de la facture des services publics de l’eau et de l’assainissement, qui pénaliserait les ménages.
Cela écarte enfin la possibilité de financer l’allocation préventive par une taxe sur le chiffre d’affaires des entreprises délégataires des services publics de l’eau et de l’assainissement – certains amendements vont dans ce sens – puisqu’elle sera de toute façon répercutée sur le service de l’eau et de l’assainissement au plan local.
Il demeure donc le financement au niveau national. Nous avions proposé une taxe sur les eaux embouteillées qui ne faisait absolument pas consensus ; je ne reviendrai pas sur ce sujet.
J’ai donc déposé tout récemment un nouvel amendement, cosigné par certains d’entre vous ici présents, afin de maintenir l’article 5, c’est-à-dire le Fonds national d’aide au logement doté de 15 milliards de budget, financés pour l’essentiel par l’État, et comportant un volet « Eau ». Cela a du sens : nous ne voulons pas la suppression de l’article 5, mais nous proposons de supprimer le financement par la taxe sur les eaux embouteillées.
Il convient de conserver les premiers alinéas de l’article 5 car la suppression de cet article, que beaucoup d’entre vous proposent, comme le fera le Gouvernement dans quelques instants, n’offre aucune certitude.
Il s’agit là d’une question de méthode : les parlementaires doivent toujours fournir le financement d’une mesure qui génère des dépenses – à la différence de l’État, d’ailleurs : ainsi, lorsque nous avons voté le « chèque énergie », la loi relative à la transition énergétique ne prévoyait rien quant au nombre d’ayants droit, rien sur le coût et rien sur les modalités de financement : mais si le Gouvernement peut le faire, le parlementaire ne le peut pas.
Cela étant, j’ai appris tout à l’heure, vers dix-sept heures trente, que l’amendement que j’avais déposé, qui aurait sûrement fait la quasi-unanimité puisqu’il abandonnait la taxe sur les eaux embouteillées tout en conservant le dispositif national, ne pourrait être défendu car il est contraire à l’article 40 de la Constitution.
Il ne reste maintenant que deux hypothèses. Je le dis à Mme la secrétaire d’État, qui proposera la suppression de l’article 5 : nous devons avoir l’engagement d’un financement de l’allocation de solidarité préventive que nous allons instituer ; Jean Glavany l’a très bien dit tout à l’heure dans son intervention.
Nous avons adopté une position lors de nos échanges pendant la suspension de séance. L’amendement proposé par le groupe de Joël Giraud permet de pallier les inconvénients que je viens d’évoquer, à savoir l’absence de financement, en proposant un financement par la taxe sur les tabacs ; on sait que c’est un peu « bateau ».
Si nous votons un tel financement, cela ne signifie pas que nous sommes favorables à une augmentation de la taxe sur les tabacs, mais que nous ne voulons pas qu’à cause de l’article 40 de la Constitution, on nous reproche de n’avoir prévu aucun financement.
Nous mesurons aussi les inconvénients d’une telle solution, mais le Gouvernement va prendre l’engagement d’assurer le financement de cette allocation préventive dans la loi de finances à venir. À défaut, nous serions dans l’embarras, car c’est tout le sens de la proposition qui tomberait.
Nous sommes nombreux ici à partager l’idée que créer un fonds de solidarité en faveur des plus démunis est une obligation. Nous le faisons pour l’énergie, pour le logement, pour la téléphonie ; notre rapporteur a rappelé son engagement au sein de son conseil départemental.
Nous sommes donc attentifs à l’accompagnement offert aux plus précaires.
L’article 5 porte sur la solidarité en matière d’accès à l’eau. La question posée, derrière cet article, est son mode de financement. Je fais partie de ceux qui sont opposés à l’idée de taxer les eaux en bouteille : je pense que cela n’a pas de sens et le rapporteur a reconnu qu’il n’y avait pas de consensus sur ce point.
Il reste à savoir comment on finance ce fonds de solidarité. La première solution, la plus pratique, consisterait à taxer les alcools et le tabac : nous savons le faire, il y a des articles auxquels nous pouvons faire référence pour adopter ce gage.
La deuxième solution réside dans un gage gouvernemental, qui serait inévitablement pris sur le budget du ministère de l’environnement, ce qui n’est pas aisé, j’imagine, pour notre secrétaire d’État.
Une troisième solution serait l’engagement fort de transférer l’affectation de la ressource au budget que nous aurons l’occasion d’examiner à la fin de l’année. S’il y a un engagement un peu fort du Gouvernement, nous pourrons nous entendre. Il n’en demeure pas moins que la première partie de l’article 5 ne peut être supprimée : elle s’inscrit dans une logique de solidarité en faveur des plus précaires.
J’invite donc le Gouvernement à renvoyer au budget le débat sur la ressource, avec un engagement qui permette aux membres de la commission des finances – nous sommes plusieurs ici – de lui rappeler ses obligations à l’occasion du prochain débat budgétaire.
Murmures sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
comme on dit chez nous à la campagne, madame la secrétaire d’État.
Vous nous avez fait de belles déclarations, invoquant Mitterrand, Hollande, la générosité…
Nous vous rejoignons sur cette proposition, qui répond à une demande des grandes organisations de la société civile. Ce texte est bien construit ; il crée un droit nouveau qui se matérialise par une allocation de solidarité garantissant le droit à l’eau aux plus précaires ; et voici que vous nous dites que vous ne financez pas et nous renvoyez à une disposition budgétaire à voir en fin d’année…
Franchement, nous nous serions donné tout ce mal pour faire disparaître l’article 5, autrement dit nous donnerions des droits nouveaux sans aucun financement. C’est une vraie farce !
J’appelle votre attention sur ce point et je souhaite que nous ayons des garanties très claires sur le financement de ce fonds qui présente l’intérêt de prévoir une péréquation entre les territoires. Pour les collectivités, je trouve que c’est très intéressant : au lieu de recourir au budget du centre intercommunal d’action sociale, nous bénéficierions d’un financement généralisé. C’est un dispositif gagnant-gagnant.
On ne peut s’en sortir par la suppression de l’article 5, en remettant à on ne sait quand la question du financement. Car nous savons comment cela va se passer : vous ne serez sans doute pas au banc des ministres quand passera la loi de finances. Ce ne sera pas la première fois qu’on nous fait le coup : il n’y aura rien comme financement.
Nous sommes en train de finaliser un travail qui a pris des années : des années de mobilisation des associations, des années de travail parlementaire avec les lois de 2009 et de 2010, sans oublier le travail réalisé par notre rapporteur Michel Lesage depuis trois ans.
Nous avons discuté du financement, nous avons abordé tous ces sujets. Et je lis l’exposé des motifs de l’amendement par lequel le Gouvernement va nous demander de supprimer l’article 5. Enfin, est-ce aujourd’hui que vous découvrez que le dispositif n’est « pas en phase avec certains principes que s’est fixés le Gouvernement » en matière de finances publiques et de pilotage des politiques publiques ? Est-ce aujourd’hui que vous découvrez qu’il pose un problème « de lisibilité et de rationalisation des outils de l’intervention publique », que son « dimensionnement » vous pose un problème, ainsi que son « articulation avec d’autres outils de solidarité » ?
On a l’impression que vous découvrez l’ensemble de cette proposition et que vous vous posez une série de questions. Mais enfin, un peu de respect du travail parlementaire !
Un peu de respect du Gouvernement, aussi !
C’est avant, madame la secrétaire d’État, qu’il fallait le faire. Si vous supprimez l’article 5, nous allons sortir de cette séance avec une loi qui ne sera plus une loi et qui n’aura pas de sens.
Madame la secrétaire d’État, j’étais vendredi avec de nombreux locataires de la ville de Stains, en particulier des représentants de leurs amicales. Nous avons parlé des problèmes de logement et je leur ai annoncé que, mardi soir, nous allions débattre ici de cette proposition de loi, espérant qu’elle serait très largement votée. Que vais-je maintenant leur dire, à ces gens-là ? Que le Gouvernement, ce soir, a décidé qu’il n’assurait pas le financement de cette proposition de loi ?
Franchement, je ne reprendrai pas les mots employés par mon collègue, mais c’est une nouvelle fois un coup porté à l’espoir.
Je voudrais rappeler, à ce stade de la discussion, que la demande de suppression de l’article 5 porte sur deux principes.
Le deuxième alinéa prévoit la création du Fonds national à l’eau, rattaché au Fonds national d’aide au logement, qui assure un principe de solidarité nationale qu’a salué mon collègue Glavany.
Le troisième alinéa concerne le financement proprement dit. Je souhaite appeler l’attention de mes collègues sur un point : s’ils votent l’amendement du Gouvernement, ils suppriment les deux dispositions. Non seulement nous ne serions plus certains de déboucher sur un financement, mais nous ne serions plus assurés non plus que le principe de solidarité nationale s’applique en matière d’accès à l’eau des plus précaires.
Le Gouvernement a bon dos dans cette histoire. Pourquoi propose-t-il la suppression de l’article 5 ? Pour plusieurs raisons.
Vous nous dites que cet article contient deux dispositions. Encore une fois, le Gouvernement n’a pas pris de position : c’est pour cela que nous nous retrouvons dans cette situation, qu’il vous est demandé de supprimer cet article parce que tout cela n’est pas mûr et qu’il faut essayer de travailler tous ensemble.
Il faut en effet réunir tout le monde autour d’une table, y compris le ministère des affaires sociales et le secrétariat d’État chargé du budget, pour que nous puissions aboutir à une solution que nous pourrions défendre ensemble et qui pourrait trouver place dans une loi de finances. Je crois que c’est une bonne méthode de travail.
On peut certes dire que le texte a trop traîné, je veux bien, mais le Gouvernement s’est toujours montré favorable à une tarification sociale de l’eau quelle qu’elle soit, puisque c’est tout de même un amendement gouvernemental qui a inséré la question de l’eau dans la loi Brottes : ne l’oublions pas.
N’oublions pas non plus que le Gouvernement vient de donner un avis favorable à la création de cette allocation. Il est de bonne volonté et, le rapporteur pourra en témoigner, le ministère de l’environnement travaille depuis longtemps avec lui sur ce texte.
On dit que le Gouvernement n’a pas pris de décision, mais je constate que les parlementaires qui sont à l’origine de cette proposition de loi n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur un financement.
Ils n’ont pas réussi, dans la mesure où aujourd’hui, vous préconisez d’augmenter la taxation sur les tabacs, de telle sorte que cela oblige le Gouvernement à prendre une décision.
Je considère que la bonne méthode de travail consiste à se mettre autour d’une table pour essayer de trouver une solution. Il me semble que c’est la plus raisonnable. Ensuite, vous êtes parlementaires, vous êtes parfaitement légitimes pour prendre une décision et vous la prendrez : c’est bien naturel.
Mais nous avons encore le temps, puisqu’il reste une lecture au Sénat et éventuellement une lecture à l’Assemblée s’il n’y a pas de vote conforme au Sénat : je considère que nous pouvons faire bien les choses. Pour cela, il faut travailler dans l’ordre, en commençant par nous mettre autour d’une table pour arriver tous ensemble avec une solution qui puisse être relayée par le Gouvernement à la prochaine lecture : vous pouvez en être sûrs et j’en prends l’engagement, si nous parvenons à trouver cette solution le Gouvernement la défendra durant l’examen du projet de loi de finances.
Je ne peux pas aller plus loin que cela. Certes, la confiance ne va pas de soi, mais elle doit être partagée. Je vous propose la suppression de cet article, non que nous soyons contre la création de cette allocation, mais parce que nous voulons trouver un financement sécurisé. Il faut parvenir à un accord général. Aujourd’hui, je ne sens pas un tel accord dans cet hémicycle.
Monsieur le rapporteur, vous avez déjà indiqué l’avis de la commission.
Madame la secrétaire d’État, ne vous méprenez pas : ce n’est pas du tout votre ministère qui est en cause et Michel Lesage comme moi-même savons qui ont été nos seuls interlocuteurs ces derniers mois.
Il n’empêche que cela fait trois ans que Michel Lesage travaille sur ce texte, et deux bonnes années pour moi. Hormis le ministère de l’environnement, nous avons rencontré quelques difficultés.
J’ai remercié, dans mon propos liminaire, Jean-Paul Chanteguet d’avoir soumis cette proposition de loi à la commission du développement durable et Bruno Le Roux de l’avoir inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. C’est une question interministérielle, donc difficile à traiter, mais il fallait bousculer l’ordre des choses.
Par ailleurs, je me souviens que sur un certain nombre de sujets, dont celui de la précarité énergétique, un dispositif comparable a pu être inscrit dans la loi sans aucune difficulté malgré l’absence d’étude d’impact et de financement.
Par moments – mais ce n’est pas vous que je vise, madame la secrétaire d’État – je me dis que nous avons vraiment du mal à faire émerger politiquement la question de l’eau.
Je vous prie de m’excuser, mes chers collègues. J’ai fait une erreur en ne donnant pas la parole aux auteurs d’amendements identiques visant à supprimer cet article dès après la présentation de son amendement par Mme la secrétaire d’État.
La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement no 14 .
Merci, madame la présidente. Je m’apprêtais d’ailleurs à faire un rappel au Règlement sur le déroulement de nos travaux. Il est en effet évident que nous devons pouvoir défendre nos amendements identiques.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que le texte n’est plus du tout limpide. Le financement de cette mesure qui se voulait généreuse est de plus en plus glauque.
Même si le rapporteur assure qu’il a travaillé sur ce texte depuis longtemps, depuis des années – nous le croyons, d’ailleurs – nous connaissons en pleine séance publique une situation inextricable dont le dénouement mériterait, clairement, un renvoi en commission.
La suspension de séance, qui devait être de cinq minutes, en a duré vingt. Nous avons paisiblement patienté mais elle n’a manifestement servi à rien puisque les positions des uns et des autres, au sein de la majorité, n’ont pas pu être harmonisées.
Comme les choses semblent plus que confuses, nous maintenons évidemment nos amendements de suppression de l’article.
Nous considérons que l’eau est un produit de première nécessité, que près de 95 % des Français achètent de l’eau en bouteille et qu’il est hors de question – même si certains d’entre vous vont maintenant dans ce sens-là – de taxer encore les eaux embouteillées.
Nous sommes bien entendu favorables à la suppression de cet article, donc à l’amendement du Gouvernement.
La parole est à Mme Marianne Dubois, pour soutenir l’amendement identique no 15 .
Je suis particulièrement sensible à l’objectif poursuivi par cette proposition de loi visant à garantir un accès à l’eau pour les ménages les plus précaires. En effet, permettre à tous les Français de disposer d’une quantité d’eau suffisante pour répondre à leurs besoins primaires et assurer leur hygiène constitue une absolue nécessité.
En revanche, je suis fermement opposée au mode de financement de ce droit à l’eau pour tous car il semble que les répercussions dangereuses de ce dispositif n’ont pas été mesurées.
Il s’agit de créer un fonds de solidarité alimenté par une contribution de 0,5 centime par litre d’eau et autres boissons embouteillées et vendues en France. Cette taxe envisagée à cet article menace très sérieusement l’avenir de la filière des eaux minérales naturelles, menace qui concerne 84 sources réparties sur le territoire français – dont la plupart sont indépendantes – et représentent 10 000 emplois directs non délocalisables et 30 000 emplois indirects situés majoritairement dans les zones rurales et montagneuses.
Par ailleurs, cette taxe porte atteinte au pouvoir d’achat des Français puisque son coût devra nécessairement et au moins partiellement être répercuté sur le consommateur.
Notons que l’eau est un produit de première nécessité consommé par tous les Français : 94,6 % de la population française achète de l’eau en bouteille et toutes les catégories socio-professionnelles sont concernées.
Un tel dispositif va à l’encontre des efforts très soutenus de la filière sur les prix. Alors que le prix moyen de l’eau du robinet a augmenté de 6,3 % depuis 2011, le prix moyen d’une bouteille d’eau a baissé de 7 % dans le même temps.
Le secteur des eaux minérales naturelles est déjà fortement contributif puisque ces dernières supportent trois taxes : la TVA à 5,5 %, le droit d’accise – de 0,54 euro par hectolitre – la surtaxe au profit des communes sur le territoire desquelles émergent les sources d’eau. À cela s’ajoutent les coûts de protection des impluviums pour garantir la qualité de l’eau.
Dans le contexte concurrentiel actuel, cette mesure serait aussi injuste que dangereuse et la compétitivité de nos entreprises serait inéluctablement mise à mal en ajoutant toute nouvelle taxe. Pourtant, il faut rappeler que les eaux minérales naturelles sont un fleuron de l’économie française qui participe au rayonnement de notre savoir-faire et au dynamisme local de nos territoires.
Enfin, il convient de préciser que plusieurs dispositifs d’aides aux ménages les plus démunis sont institués, notamment par les municipalités, sous forme d’allocation forfaitaire d’eau etou d’autres aides pour les familles qui se font connaître auprès des services compétents.
Pour toutes ces raisons, il me semble essentiel de supprimer l’article 5 de cette proposition de loi.
Lors de mon intervention sur l’article premier, j’ai eu l’occasion de souligner que notre rapporteur a fait machine arrière sur cette question de la taxation des eaux embouteillées.
C’est l’une des raisons pour lesquelles, avec bon nombre de nos collègues qui ont signé cet amendement avec moi, j’ai proposé de supprimer cet article concernant le financement de la mesure. Les arguments ont été donnés : tissu économique, emplois non délocalisables, souvent dans des zones rurales ou de montagne – nous connaissons tous des sources et des embouteilleurs.
J’ai également dit que l’accès à l’eau mérite un financement de solidarité nationale affiché comme tel et je persiste encore à le penser.
J’ajoute que, telle qu’elle avait été prévue, la contribution allait à l’encontre de ce que M. le ministre du budget avait signifié dans un certain nombre de courriers, soit, l’absence de toute nouvelle taxation.
Enfin, notre collègue Razzi Hammadi travaille en ce moment sur la question de la taxation des produits agro-alimentaires et il convient d’attendre ses conclusions.
J’ai quant à moi conclu l’exposé des motifs de cet amendement en considérant qu’il est préférable d’ouvrir des débats dans le cadre de la loi de finances, rejoignant ainsi la position exprimée par Mme la secrétaire d’État. Nous pouvons, dès lors, parvenir à réaliser un travail constructif dans un délai court, raisonnable, qui nous permettra de disposer à la fin de l’année d’une vraie solution de financement.
La parole est à M. Philippe Folliot, pour soutenir l’amendement identique no 23 .
À ce stade du débat, nous nous rendons compte qu’un certain nombre de points sont consensuels et que d’autres suscitent des interrogations.
Consensus : la finalité du texte, la lutte contre la précarité d’un certain nombre de nos concitoyens quant à l’accès à l’eau.
Consensus, également, bien que nous en ayons peu parlé : l’impact sur la santé du problème de l’hydratation et la nécessité de préserver les politiques liées aux fontaines à eau ainsi qu’aux dispositifs présents dans les entreprises, les administrations et autres structures afin de préserver la santé.
Consensus encore, visiblement : la version initiale de l’article 5 prévoyant la surtaxation des entreprises et des unités d’embouteillage était mauvaise. En fait, c’était une mauvaise solution pour que cette PPL bénéficie d’un cadre et d’éléments de financement.
Je ne me ferai en l’occurrence que l’écho de ce qui a déjà été dit. Les entreprises d’embouteillage d’eaux minérales sont déjà pas mal taxées avec la TVA, le droit d’accise – il est important –, la surtaxe municipale – elle aussi très importante.
Si des grands groupes, des multinationales, rayonnent à l’échelle mondiale, un certain nombre de PME travaillent aussi dans ce secteur – ma circonscription en compte deux. Ce sont des entreprises familiales qui, du reste, essaient de travailler de la meilleure façon qui soit pour maintenir l’emploi et les centres de décision au coeur de nos territoires ruraux. Nous ne pouvons pas non plus faire comme si cette dimension d’aménagement du territoire devait être totalement absente du débat : il s’agit d’un élément particulièrement important, essentiel.
L’État ne doit pas être pris en flagrant délit de contradiction compte tenu des propos qui sont tenus ici ou là quant à l’importance de la question de l’aménagement du territoire. En l’occurrence, ces entreprises qui sont au coeur de nos territoires ruraux, plus particulièrement en zones de montagne ou de moyenne montagne, permettent à une partie de la population de travailler en restant au pays, si je puis m’exprimer ainsi. Il serait contradictoire, demain, de les fragiliser, de même que leurs capacités d’investissement, d’embauches, de recherche et d’innovation.
Cela a été dit : ce secteur représente 10 000 emplois directs, 30 000 emplois induits…
…et le plus souvent au coeur de nos territoires ruraux.
Cela me semble particulièrement important, tout comme il importe de parvenir à un consensus le plus large possible pour rejeter cet article 5 afin que le Gouvernement puisse peut-être proposer à l’avenir d’autres sources de financements.
Compte tenu des débats qui viennent d’avoir lieu, il faut être clair. J’en tire comme conclusion qu’il convient de garder la « coquille » de l’article 5 et parvenir à mettre en place un financement fondé sur la solidarité nationale.
Je retire donc cet amendement de même que je retirerai l’amendement no 40 rectifié qui venait ensuite en discussion commune et qui portait sur les boissons sucrées, au bénéfice de mon amendement no 41 relatif à la taxe sur le tabac – non, comme notre rapporteur l’a précisé, pour faire en sorte que le prix du paquet de cigarettes augmente mais afin que le débat repose exclusivement sur le financement par la solidarité nationale. Cela doit être le cas : la solidarité quant au droit à l’accès à l’eau, tel qu’il est présenté ici, dans ce texte, nécessite une très bonne politique publique.
L’amendement no 59 est retiré.
Je ne referai pas le match sur cette proposition de loi mais je rappelle que pour être débattue ce soir dans l’hémicycle, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission, il a fallu surmonter beaucoup d’obstacles, faire preuve de beaucoup d’abnégation et, même, de beaucoup de courage politique dans certaines occasions. J’ajoute que nous parlons sous le regard d’un certain nombre d’associations qui, depuis de longues années, ont oeuvré pour qu’elle voie le jour.
Madame la secrétaire d’État, vous n’êtes évidemment pas en cause : au contraire, vous êtes sans doute la seule interlocutrice depuis plusieurs semaines et même, en fait, depuis votre prise de fonction.
Vous êtes d’accord avec le principe d’un financement national mais vous dites simplement qu’il convient de réfléchir à ses modalités. Dès lors, reprenez à votre compte, ici, en séance et au minimum la création du fonds national de solidarité !
Ensuite, réfléchissons aux modalités de financement ! Sortons de l’hémicycle en ayant acté, avec le Gouvernement, le principe de la création du fonds national de solidarité pour le droit à l’eau et, ensuite, discutons des modalités de financement !
Si nous sortons de l’hémicycle sans régler – ne serait-ce que sur le principe – la question du financement d’un dispositif essentiel à l’économie générale de cette loi, non seulement nous enverrons – Marie-George Buffet l’a dit – un signe assez désespérant à un certain nombre d’acteurs de ce secteur – au-delà même des consommateurs – qui se sont mobilisés sur ce texte depuis longtemps mais, de surcroît, nous viderons la proposition de loi de son principal intérêt.
Je souhaiterais intervenir en rappelant simplement quelques chiffres. On nous « balance » la fin des eaux minérales et la réduction d’un seul coup du pouvoir d’achat du consommateur comme peau de chagrin.
Revenons aux chiffres : la taxe représente 0,5 centime par bouteille, et les Français boivent en moyenne 145 litres d’eau en bouteilles par an. Si l’on suppose que chaque bouteille fait un litre, ce qui n’est pas toujours le cas, le surcoût représentera moins de 1 euro par an, ce qui ne pèsera guère sur le pouvoir d’achat des consommateurs désireux de boire de l’eau en bouteille. Ayez bien conscience de cela !
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Une PME produisant 1 million de bouteilles par an, ce qui n’est déjà pas mal, devra débourser 5 000 euros. Si une PME qui fabrique 1 million de bouteilles par an ne peut pas débourser 5 000 euros sans trouver des gains par ailleurs, c’est qu’elle est extrêmement fragile ! Puisque vous n’avez pas étudié les chiffres, permettez-moi de vous donner un élément de comparaison : l’entreprise Chateldon – on la connaît bien ici – produit 225 000 bouteilles d’eau chaque année.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Cette taxe coûterait à peine 1 000 euros par an à cette entreprise. Regardez un peu les chiffres !
Par ailleurs, la croissance démographique de la France est telle qu’elle aura 1 million d’habitants supplémentaires d’ici 2020. Faites le calcul : la croissance du marché compensera largement cette taxe de 0,5 centime. Les entreprises s’y retrouveront donc en moins de cinq ans.
Je rappellerai à mes amis du groupe Les Républicains qu’un ancien Premier ministre et Président de la République, Jacques Chirac, a instauré en 1987 la taxe sur les briquets et les allumettes, que vous nous avez demandé de voter, pour lutter contre les incendies de forêt. Elle représentait 100 millions de francs à l’époque, soit 15 millions d’euros aujourd’hui : c’est bien plus que ce que nous sommes sur le point de voter. Les entreprises peuvent très bien s’y retrouver.
Les entreprises qui ont organisé ce lobbying sont en train de perdre car, demain matin, si nous ne votons pas cette taxe de 0,5 centime, les Français seront dégoûtés de la façon dont se comportent les entreprises d’eau minérale et cesseront d’en acheter. Elles auront perdu.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Je souhaiterais que nous retrouvions un peu de sérénité, et que nous ne fassions pas comme s’il n’y avait pas de procédure parlementaire, car le débat que nous avons ce soir n’a pas commencé il y a cinq minutes.
Vous nous dites, monsieur Folliot, qu’il faudrait tenir compte des questions d’aménagement du territoire, mais ces questions ont été évoquées une dizaine de fois lors de la discussion générale – vous le sauriez si vous y aviez assisté. Par ailleurs, si vous aviez écouté le rapporteur, vous sauriez qu’il a déposé un amendement tendant à modifier l’article 5, parce qu’il est arrivé, après bien des hésitations, des réflexions, des études et des discussions au sein de la commission, à la conclusion que la taxe sur l’embouteillage ne faisait pas consensus et qu’il fallait l’abandonner. Voilà ce qu’a dit le rapporteur ! Il est donc inutile de vous enflammer sur une disposition dont il a déjà été longuement question au cours de la discussion générale et dont le rapporteur lui-même a dit qu’il l’abandonnait. Restons calmes : la taxe sur l’embouteillage ne figure plus dans le texte.
En revanche, certains de nos collègues – Mme Martine Lignières-Cassou, Joël Giraud ou Marie-George Buffet, notamment – ont justement fait remarquer que l’article 5 ne concerne pas seulement la taxe sur la mise en bouteille. Son alinéa 2 contient une disposition qui est essentielle pour nous : la création d’un fonds de solidarité pour le droit à l’eau, intégré au Fonds national d’aide au logement. Cela signifie que l’article 5 affirme le principe de la solidarité nationale.
Et, lorsque le Gouvernement et certains d’entre vous déposent des amendements de suppression de l’article 5, en croyant ne lutter que contre la taxe sur l’embouteillage, ils suppriment aussi la solidarité nationale. C’est donc toute l’armature du texte qui tombe.
Ce que je reproche au Gouvernement et à Mme la ministre, ici présente, c’est de vouloir supprimer l’article 5 en entier, alors qu’il aurait été possible de ne supprimer que son alinéa 3, en prenant l’engagement de trouver une solution alternative dans la loi de finances pour 2017. Peut-être aurions-nous pu, dans ces conditions, trouver un consensus, y compris avec nos collègues sur les bancs de la droite. Mais si vous supprimez tout l’article 5, vous supprimez aussi ses deux premiers alinéas, qui édictent le principe de solidarité nationale à travers ce fonds de solidarité pour le droit à l’eau, et c’est toute l’armature du texte qui s’effondre.
Tous ceux qui travaillent sur ce texte depuis trois ans pour trouver un dispositif équilibré, fondé sur la solidarité nationale, ne peuvent l’accepter. Je demande à tous ceux qui ont déposé un amendement de suppression de l’article 5, y compris au Gouvernement, de se limiter à la suppression de l’alinéa 3. Entendons-nous là-dessus, et nous pourrons avancer. Mais ne remettez pas en cause l’armature du texte, qui est contenue dans les alinéas 1 et 2.
Jean Glavany a raison. Comme nous ne voulons pas lâcher la proie pour l’ombre, nous sommes face à un choix un peu cornélien. Si nous votons l’amendement du Gouvernement – et nous avons envie de le voter, parce que nous ne voulons pas taxer les sociétés d’embouteillage – nous faisons tomber tout le dispositif, notamment la création du fonds de solidarité pour le droit à l’eau.
Madame la secrétaire d’État, la balle est dans votre camp. Déposez un sous-amendement qui permette de conserver une partie de cet article. Dites-nous, même si j’ai toujours du mal à croire ce type de promesse, que vous vous engagez à trouver une solution dans le cadre de l’examen du prochain projet de loi de finances, à hauteur des sommes demandées, et nous vous suivrons. Mais, s’il vous plaît, ne nous mettez pas face à ce choix cornélien. Si nous supprimons cet article, cette loi n’aura plus de sens : nous avons travaillé pendant trois ans sur ce sujet et vous nous dites que nous aurions dû trouver des contreparties, mais il se trouve que votre majorité travaille avec votre gouvernement.
Essayons de rendre simple ce qui peut sembler complexe. Reprenons, pour cela, les arguments avancés par les uns et les autres.
Nombre d’entre vous ont déposé des amendements tendant à supprimer l’article 5, au motif que le financement proposé à l’alinéa 3, la taxe sur les eaux embouteillées, ne leur convenait pas. Je rappelle au passage que j’ai moi aussi, dans mon département des Côtes-d’Armor, une usine concernée par cette mesure, Plancoët – mais ce n’est pas la raison pour laquelle j’ai proposé une solution alternative. Ces amendements de suppression de l’article 5 ont été déposés, je le répète, du fait d’un désaccord au sujet de l’aliéna 3, relatif aux modalités de financement.
Les choses se sont compliquées lorsque le Gouvernement a déposé hier soir, très tard – mais cela prouve qu’il travaille très tard – un amendement de suppression de l’article 5, qui supprimait également les alinéas 1 et 2 et, avec eux, le principe auquel nous tenons et que nombre d’entre vous ont rappelé, celui de la création d’un dispositif de solidarité nationale. C’est parce que je souhaite le maintien des alinéas 1 et 2 que j’ai donné un avis défavorable à l’amendement du Gouvernement, de suppression de l’article 5. Or, ce que montrent vos interventions, c’est que ce point fait consensus. Ce qui apparaît clairement aussi, c’est qu’il n’existe pas de majorité susceptible de voter la taxe additionnelle sur les eaux embouteillées.
Face à cette situation, j’ai déposé ce matin un amendement, no 18 , qui ne vous sera pas soumis, car il a été rejeté au titre de l’article 40 de la Constitution – ce que je n’ai appris que tardivement. Cet amendement, qu’avaient également signé certains collègues, dont le président de la commission Jean-Paul Chanteguet, Martine Lignières-Cassou, Bruno Le Roux ou encore Jean Glavany, proposait de maintenir les alinéas 1 et 2 et de supprimer l’alinéa 3, en précisant que le budget de l’État serait sollicité pour financer l’allocation forfaitaire d’eau.
Puisque nous devons, en tant que parlementaires, proposer un financement, cet amendement a été jugé irrecevable. Or M. Joël Giraud et certains de ses collègues ont déposé un amendement, no 41 , proposant de remplacer la taxe prévue à l’alinéa 3 par une augmentation de la taxe sur le tabac. Notre but n’est pas d’augmenter cette taxe, mais, puisque la Constitution oblige les parlementaires à proposer un mode de financement, je vous suggère de voter cet amendement, qui a le mérite de le faire. Cela n’empêchera pas le Gouvernement de chercher un autre mode de financement, comme s’y est engagée Mme la secrétaire d’État. Nous respectons ainsi l’article 40 de la Constitution, et nous conservons le principe d’un dispositif de solidarité nationale, via le Fonds national d’aide au logement.
Cette proposition cohérente devrait faire consensus sur tous nos bancs. Ce qui vous gênait dans l’article 5 disparaît : la taxe sur les eaux embouteillées est supprimée, au profit d’un autre mode de financement, qu’il conviendra de définir rapidement, et qui sera proposé dans la prochaine loi de finances.
Ce débat est difficile, parce qu’il touche à un sujet extrêmement délicat, mais aussi parce que – je persiste à le dire – nous sommes d’accord sur le fond.
Si je maintiens l’amendement du Gouvernement, et si je le maintiens dans son intégralité – ce qui implique aussi la suppression de la référence au Fonds national d’aide au logement –, ce n’est pas parce que le principe d’un fond me paraît mauvais. La preuve, c’est que nous soutiendrons les dispositions relatives au fonds de solidarité pour le logement à l’article 6. Nous sommes d’accord sur le principe, je le répète, mais le choix du FNAL pose question, comme celui du financement.
Le FNAL est un outil de financement qui se trouve aujourd’hui en difficulté, puisqu’il a 400 millions d’euros de dettes. Si nous finançons le FNAL – grâce à un mode de financement que, je l’espère, nous définirons ensemble – nous risquons surtout de financer la réduction de son déficit. Nous risquons donc de ne pas payer pour l’eau, mais pour autre chose.
Je le répète : c’est parce que le projet n’est pas mûr, et seulement pour cela, que nous avons demandé la suppression de cet article – et non parce que nous y serions hostiles. Je le répète, et je le répéterai autant qu’il le faudra : le Gouvernement est tout à fait disposé à réfléchir avec vous à un dispositif adapté.
De même que le mode de financement ne me semble pas mûr, de même, le choix du fonds ne me paraît pas non plus optimal.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, il faut sortir de cette impasse, et je vais vous faire une proposition. Ce que nous reprochons aux amendements de suppression, c’est qu’ils jettent le bébé avec l’eau du bain,…
…tout le monde l’a bien compris. Alors qu’ils visent le mode de financement, ils suppriment en même temps la solidarité nationale.
Ce que nous proposons, et ce que propose le rapporteur, c’est de repousser les amendements de suppression de l’article 5, et notamment l’amendement du Gouvernement, puisqu’il ne veut pas le retirer, en prenant l’engagement de voter l’amendement no 41 de Joël Giraud, qui supprime la taxe sur l’embouteillage et la remplace par une taxe sur le tabac. Cela ne signifie pas que nous comptons financer le fonds de solidarité pour le droit à l’eau par cette taxe sur le tabac : nous appelons le Gouvernement à proposer, dans la prochaine loi de finances, un autre mode de financement.
Cette proposition devrait pouvoir faire consensus, puisqu’elle permettrait de conserver le dispositif de solidarité, de supprimer la taxe sur les embouteillages, qui fait peur à un certain nombre d’entre nous, et de faire une proposition d’appel au Gouvernement. Je vous invite à rejeter ces amendements de suppression de l’article 5 et à voter l’amendement no 41 .
Il est procédé au scrutin.
Il n’y a plus rien à discuter ! Vous avez tué l’espoir une fois de plus !
La parole est à Mme la secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 49 .
Cet amendement vise à supprimer le I de l’article 6, en cohérence avec l’amendement de suppression de l’article 5. Comme je l’ai indiqué précédemment, plusieurs questions relatives à l’allocation forfaitaire, notamment son articulation avec d’autres outils de solidarité, son dimensionnement et les modalités de son financement restent encore à régler, ce qui justifie la suppression de ces dispositions. Dès lors que ces questions auront été traitées au cours de la navette parlementaire, les modalités financières pourront être prévues dans le cadre des lois de finances, comme je l’ai dit à plusieurs reprises. Les dispositions concernant le volet eau du fonds de solidarité pour le logement sont en revanche maintenues.
Avis défavorable, bien entendu. C’est la conséquence de ce qui vient d’être voté, à quoi je m’étais déjà opposé.
L’amendement no 49 n’est pas adopté.
L’amendement no 13 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’amendement no 19 est retiré.
L’amendement no 10 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 6, amendé, est adopté.
Madame la secrétaire d’État, les amendements nos 52 rectifié , 56 et 57 sont rédactionnels, me semble-t-il.
Les amendements nos 52 rectifié , 56 et 57 , acceptés par la commission, sont successivement adoptés.
Je suis saisie d’un amendement no 11 rectifié qui fait l’objet de plusieurs sous-amendements, nos 51 rectifié et 58 .
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 11 rectifié .
La parole est à Mme la secrétaire d’État, pour soutenir le sous-amendement no 51 rectifié .
Il est rédactionnel.
La parole est à Mme la secrétaire d’État, pour soutenir le sous-amendement no 58 .
Il est également rédactionnel.
Les sous-amendements nos 51 rectifié et 58 , acceptés par la commission, successivement mis aux voix, sont adoptés.
L’amendement no 11 rectifié , sous-amendé, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 7, amendé, est adopté.
La parole est à M. Guy Bailliart, pour soutenir l’amendement no 17 portant article additionnel avant l’article 8.
L’eau coûte beaucoup plus cher dans certaines communes que dans d’autres. Aussi, il convient de confier au Comité national de l’eau la mission de définir les conditions permettant un lissage du prix, afin de parvenir autant que faire se peut à une égalité des citoyens devant le mètre cube d’eau, au moins à l’échelle départementale. Cet amendement vise à compléter l’article L. 213-1 du code de l’environnement à cette fin.
Comme je l’ai dit lors de la discussion générale, même si les écarts sont actuellement très importants, le coût moyen par département varie dans une proportion de 1 à 1,35. Un lissage est donc parfaitement envisageable. Ceci dit, j’ai parfaitement conscience des limites des arguments de type « y a qu’à, faut qu’on ». Je demande simplement qu’on réfléchisse à cette proposition.
Cet amendement soulève le vrai problème de la différence des prix de l’eau en France, qui varie dans un rapport de 1 à 7, avec un prix moyen de 3,80 euros. Les raisons sont multiples et tiennent à la géographie, à l’histoire ou encore à la longueur des réseaux. Si la proposition est intéressante, je ne suis pas sûre qu’une telle étude relève des missions du comité national de l’eau, à supposer même qu’il en ait les moyens – je parle sous le contrôle de son président.
En outre, un rapport très complet et fort intéressant a été réalisé à ce sujet par le conseil général de l’environnement et du développement durable et l’inspection générale de l’administration. Il formule un certain nombre de préconisations pour tendre vers un tarif unique de l’eau et expose les problèmes posés par cet objectif. Comme vous avez eu l’occasion de le dire, les lois récemment adoptées, et dont le volet eau est passé un peu inaperçu – je pense notamment à la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe –, apportent des améliorations dans la gouvernance de l’eau. D’abord, la compétence « eau et assainissement » sera attribuée aux établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, à l’horizon 2020, ce qui permettra de tendre vers une gestion de l’eau au niveau des bassins-versants par les syndicats mixtes ou éventuellement les établissements publics territoriaux de bassin. Ensuite, la gouvernance de l’eau sera améliorée par la rationalisation de l’intercommunalité en France, puisqu’une des difficultés actuelles de l’eau tient à sa gouvernance parcellisée. Grâce à l’attribution de la compétence « eau et assainissement » aux EPCI et à l’agrandissement de ces derniers, il n’y aura plus que de 2 000 à 3 000 autorités organisatrices de l’eau, contre plus de 20 000 aujourd’hui.
Dans mon département des Côtes-d’Armor, le nombre d’EPCI qui exerceront cette compétence sera réduit de trente-trois à huit – la plupart l’exercent déjà. Ainsi, dans l’agglomération de Saint-Brieuc que j’ai présidée, les prix ont été uniformisés en quatre ou cinq ans. Votre amendement pose des questions de méthodes et de fonds complexes à résoudre. L’idée est bonne mais, pour les raisons évoquées, j’émets un avis défavorable.
Le comité national de l’eau est une instance consultative, qui a pour mission de rendre des avis et non de diligenter elle-même des études. Comme l’a dit fort bien le rapporteur, le conseil général de l’environnement et du développement durable et l’inspection générale de l’administration ont remis en février dernier un rapport public intitulé « Eau potable et assainissement : à quel prix ? » aux ministres Ségolène Royal et Bernard Cazeneuve. Il n’est donc pas nécessaire de demander une nouvelle étude sur le sujet du lissage des prix. Je rappelle que le service de l’eau et de l’assainissement est un service local, sous la responsabilité des collectivités territoriales. Comme le souligne le rapport, les prix sont différents parce que les services ne sont pas les mêmes, mais également parce que les coûts dépendent de conditions essentiellement locales. Ainsi, la distance, la qualité et la disponibilité des ressources en eau sont les principaux facteurs qui influencent le coût de la production de l’eau potable.
Des dispositifs existent pour limiter les disparités entre les services de l’eau et de l’assainissement, notamment par le versement d’aides par les agences de l’eau et les départements. Avis défavorable.
Oui, je le maintiens. Je ne suis pas d’accord avec les propos du rapporteur. D’abord, le transfert de la compétence « eau » aux communautés de communes et d’agglomérations ne conduira pas à un lissage réel et rapide des prix, parce que leur taille demeure très différente. Pour ne parler que de celles que je connais, le nombre d’habitants des communautés de communes de mon secteur varie de 5 000 à 70 000 habitants. Il ne s’agit pas du tout des mêmes collectivités et le résultat ne sera pas comparable.
Ensuite, j’entends très bien les arguments que l’on m’oppose, mais j’entends également ceux qui insistent sur les difficultés actuelles et la nécessité d’y remédier. Cette situation dure depuis très longtemps et j’ai l’impression que nous ne sommes pas près de parvenir à un lissage des prix, si l’on garde cette logique. Je rappelle que, contrairement au rapport évoqué, je propose, par cet amendement, de fixer l’objectif du lissage des prix. Il ne s’agit pas seulement d’étudier les conditions de sa possibilité.
En tant que président du comité national de l’eau, je rappelle qu’une telle mission ne relève pas de ses fonctions. Comme l’a dit Mme la secrétaire d’État, il émet des avis consultatifs. De plus, avec l’émiettement actuel des services et des syndicats d’eau et d’assainissement – 17 000 autorités organisatrices de l’eau, 14 000 autorités organisatrices de l’assainissement –, ce travail est matériellement impossible. La rationalisation prévue par la feuille de route issue de la deuxième conférence environnementale, qui avait consacré une table ronde aux services d’eau et d’assainissement, est en marche. Certes, elle est encore trop lente et les services sont encore trop nombreux. C’est précisément pour cela que nous n’arrivons pas à passer à des phases d’investissement beaucoup plus actives en matière d’eau et d’assainissement, ce qui serait utile pour le renouvellement des réseaux. Mais aujourd’hui, cette disparité des prix est une réalité. Le lissage se fera par les regroupements mais surtout par l’investissement nécessaire dans ce domaine.
L’amendement no 17 n’est pas adopté.
Il vise à supprimer l’alinéa 3 de l’article 8, qui prévoit de confier au comité national de l’eau une mission de traitement de réclamation des usagers. Il n’a pas vocation à le faire, ni même à en être simplement le destinataire.
Avis favorable, puisque recevoir les réclamations des usagers est le rôle, non pas du comité national de l’eau, mais du Médiateur de l’eau, qui relève du Défenseur des droits.
L’amendement no 8 est adopté.
L’article 8, amendé, est adopté.
La parole est à Mme Catherine Quéré, pour soutenir l’amendement no 38 .
Considérant l’eau comme un bien commun de l’humanité et non comme une marchandise, d’aucuns demandent la gratuité des quelque 15 premiers mètres cubes d’eau. Nous pensons que ce dispositif peut avoir un impact politique et social important. Le droit à l’eau peut être rendu possible grâce à une différenciation de facturation entre les catégories d’abonnés : domestiques et activités.
Nous avons déjà eu ce débat lors de l’examen de l’article 1er. La gratuité peut poser de nombreux problèmes : elle n’est donc pas forcément la meilleure approche.
La proposition de loi privilégie, elle, un soutien aux familles en fonction de leurs ressources dans le paiement des factures d’eau.
Avis défavorable.
Avis défavorable pour les mêmes raisons.
Je tiens à rappeler les propos que j’ai tenus lors de la discussion générale : la ville de Roquevaire n’est pas la seule à facturer 1 euro les trente premiers mètres cubes d’eau, et ce, avec des résultats très probants.
L’amendement no 38 demande un rapport sur la gratuité des premiers mètres cubes d’eau, non la mise en oeuvre de cette mesure. Ce rapport, évidemment, ne s’interrogera pas seulement sur la question de la gratuité : il pourra également prendre en considération les expériences existantes, dont celle de la commune de Roquevaire – ce n’est pas la seule en France –, qui a été maintes fois saluée. Du reste, si cette commune ne distribue pas gratuitement les trente premiers mètres cubes, c’est plus pour des raisons de légalité que de coût : 1 euro les trente premiers mètres cubes, chacun le comprend, c’est quasiment la gratuité.
Ne pas permettre d’avancer sur ce dossier, en repoussant l’amendement, ce serait, après l’épisode de l’article 5, le coup de grâce porté à cette proposition de loi qui, comme je l’ai déjà souligné, entraîne dans son extinction toutes les valeurs de la gauche. La droite, quant à elle, chacun a pu le voir, n’a fait qu’une courte apparition pour défendre son lobby et elle est repartie. Oui, toute cette gauche qui reste encore sera très décevante !
L’amendement no 38 est retiré.
La proposition de loi est adoptée.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Prestation de serment de deux juges suppléants à la Cour de Justice de la République ;
Discussion, après engagement de la procédure accélérée, de la proposition de loi relative à l’exercice, par la Croix-Rouge française, de sa mission statutaire de rétablissement des liens familiaux ;
Discussion de la proposition de loi visant à lutter contre les nuisances de certains engins motorisés en milieu urbain.
La séance est levée.
La séance est levée, le mercredi 15 juin 2016, à zéro heure vingt.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly