L’usage intempestif d’engins motorisés est une plaie, un phénomène récurrent, particulièrement concentré en milieu urbain. À l’approche des beaux jours, le retour de ces pratiques est l’objet de toutes les préoccupations, à commencer par celles des maires, qui doivent gérer un trouble à l’ordre public engendrant un coût social très élevé.
La mission d’information menée par Jean-Pierre Blazy en 2013, et à laquelle j’avais participé, « sur la lutte contre l’insécurité sur tout le territoire », avait souligné la colère et le désarroi des maires des communes urbaines mais aussi ceux des habitants parce que les nuisances sonores qui résultent de ces rodéos sauvages troublent fortement leur tranquillité et bafouent leur droit légitime à une vie paisible. Je partage l’exaspération de populations qui ne partent pas toujours en vacances et qui ne peuvent ni ouvrir leurs fenêtres en pleine chaleur, ni dormir dans le calme, ni prendre le frais sans entendre une pétarade ou craindre d’être renversé.
Ces rodéos constituent un vrai danger, aussi bien pour ceux qui les pratiquent que pour ceux qui en sont les témoins malgré eux. L’impuissance des élus municipaux, sans cesse interpellés par leurs habitants, n’est pas comprise. Les difficultés rencontrées par les fonctionnaires de police pour intervenir et les risques importants d’accident que génèrent les interpellations sont un véritable facteur d’explosion sociale : souvenons-nous du drame de Villiers-le-Bel et de la mort de deux jeunes adolescents à moto en 2007, percutés par un véhicule de police, qui s’en était suivi d’émeutes dans l’ensemble du pays ; plus récemment, dans ma circonscription de Seine-Saint-Denis, à Villemomble, en 2013, une course-poursuite entre des jeunes à moto et des fonctionnaires de police s’est terminée par un drame au pied des immeubles, à une heure de grande fréquentation, faisant une victime collatérale, une femme ayant perdu un oeil lors des affrontements.
On ne dénombre plus les multiples questions écrites et orales adressées par les parlementaires aux gouvernements successifs.
En 2008, le Parlement avait décidé à l’unanimité de donner aux forces de l’ordre les moyens de mieux sanctionner ces pratiques. Mais, près de huit ans plus tard, l’on observe que le dispositif est incomplet et qu’il faut l’améliorer. Tel est précisément l’objet de la présente proposition de loi rapportée par Rémi Pauvros, dont je salue l’acharnement à la défendre, car elle répond à une attente forte des élus locaux et des habitants concernés. Ce texte vise à simplifier et à donner plus de cohérence au droit actuel tout en durcissant la répression afin de rendre plus dissuasives les sanctions encourues.
Tous les intervenants ont détaillé le contenu de cette proposition de loi. Pour ma part, je me concentrerai plus particulièrement sur le bruit, ce bruit qui rend fou ceux qui le subissent. En cas de bruit excessif de certains véhicules, les sanctions contraventionnelles vont être augmentées, et la vérification du niveau sonore du véhicule pourra justifier son immobilisation, sa mise à la fourrière et les contrôles nécessaires.
Je souscris pleinement à ces mesures qui vont évidemment dans le bon sens. Mais le phénomène ne disparaîtra pas d’un seul coup du fait de cette nouvelle loi, comme par magie. Il faut donner d’autres moyens aux forces de l’ordre pour interpeller les contrevenants sans créer de dangers supplémentaires. À cet égard, l’extension du dispositif des caméras-piétons à de multiples territoires devrait être de nature à faciliter l’élucidation et le repérage à moindre risque des contrevenants. La coercition est impérative, parce que c’est un devoir de ne pas troubler la tranquillité des voisins ni mettre quiconque en danger.
Là où mon propos différera peut-être de tout ce que j’ai entendu jusqu’ici, c’est que la répression demeure insuffisante et qu’il nous faut aussi repenser la prévention. Je rappelle que les « opérations été », effectuées dans certains quartiers des territoires urbains, sont réservées aux jeunes de moins de 15 ans, ne tenant donc pas compte de ceux, encore très nombreux, qui restent au domicile de leurs parents faute d’avoir pu décohabiter pour des raisons diverses, le plus souvent économiques. Cette jeunesse, qui se livre à ces pratiques par goût de la transgression de la loi, ce qui est inacceptable, mais aussi par goût du risque et des sensations fortes, ce qui est caractéristique de cette classe d’âge et difficile à expérimenter autrement en territoire de béton et d’asphalte, a alors un comportement qui représente un danger en termes de sécurité routière, qui doit à ce titre être largement réprimé. Mais c’est aussi en adoptant localement des politiques en direction de cette jeunesse, en réintroduisant de la police de proximité, de la médiation de quartier, de la lutte contre le désoeuvrement, des lieux dédiés à la dépense de leur énergie, des parcs et des gymnases ouverts que nous donnerons force à la loi par l’appui d’un environnement global propice au retour d’une certaine quiétude urbaine.