Monsieur le président, monsieur le ministre, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, le corps humain a un caractère sacré. Il a depuis toujours été protégé pour lutter contre toute dérive. Pour nous tous – humanistes, juristes, républicains –, le respect du corps humain n’est rien d’autre que l’application du principe constitutionnel de la dignité humaine. L’article 16-1 du code civil est, à cet égard, particulièrement explicite : « Chacun a droit au respect de son corps. Le corps humain est inviolable. Le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l’objet d’un droit patrimonial ». Notre droit pose donc le principe de l’indisponibilité du corps humain, un principe permettant d’interdire les activités telles que la GPA, les pratiques eugénistes, le clonage ou la cessation à titre onéreux d’éléments du corps humain – articles 16-7, 16-4 et 16-6 du code civil.
Si la loi de bioéthique de 1994 a rappelé les principes d’inviolabilité, d’intégrité, de non-patrimonialité du corps humain et de primauté de la personne humaine, les révisions successives de ce texte, en 2004, en 2011 puis en 2013, ont fait une part de plus en plus importante aux exceptions. Certes, les évolutions scientifiques, technologiques et médicales doivent naturellement être prises en compte. Pour autant, il convient d’instaurer des limites et des garde-fous afin de préserver ces principes et le principe constitutionnel de la dignité humaine. Nous avons eu ce débat dans l’hémicycle lors de la discussion de la loi de 2013 relative à la recherche sur l’embryon et les cellules-souches. À ce moment-là, vous vouliez déjà aller vers une marchandisation du corps humain. À chaque fois que l’on examine un texte de loi portant sur la famille, la filiation, l’éthique ou la nécessité d’allier progrès scientifique et respect des droits fondamentaux de la personne, vous cédez à la tentation de la marchandisation du corps humain.
La seule solution, le seul garde-fou, la seule barrière pour éviter cette tendance, c’est d’inscrire dans la Constitution le principe de l’indisponibilité du corps humain. En effet, en élevant ce principe au rang des principes constitutionnels, on le sacralise et on empêche le législateur d’y porter atteinte, le préservant par là même des revirements de la jurisprudence. L’évolution récente en matière de filiation nous en apporte un exemple flagrant. Comme vous le savez, le principe de l’interdiction de la GPA est posé par l’article 16-7 du code civil. Mais quelle est l’effectivité de cette prohibition dès lors que les effets de la GPA sont reconnus sur le territoire français ? Pour preuve, citons la circulaire du 25 janvier 2013 sur l’inscription dans l’État civil français des enfants nés par GPA à l’étranger, les récents arrêts de la CEDH et les arrêts de l’assemblée plénière de la Cour de cassation du 3 juillet 2015, qui reconnaissent les effets de la GPA réalisée à l’étranger.
Afin de garantir l’effectivité de l’interdiction de la gestation pour autrui en France, la proposition de loi de ma collègue Valérie Boyer, soutenue par l’ensemble des députés du groupe Les Républicains, prévoit de renforcer les sanctions pénales en cas de conclusion d’un contrat de gestation pour autrui et de permettre que la loi française s’applique au cas de recours à une mère porteuse à l’étranger. Pour cela, il faut interdire les actes et les décisions tendant à reconnaître, directement ou indirectement, en France les conséquences juridiques d’une gestation pour autrui.
Cela ne sera sans doute pas suffisant. Il nous faut aussi tout mettre en oeuvre pour lutter contre le tourisme procréatif. Cela a été dit à plusieurs reprises, ce marché est en pleine expansion. Les intérêts financiers sont colossaux : en Inde le tourisme reproductif représenterait deux milliards de dollars par an ! Tous les pays doivent donc s’engager à lutter contre la marchandisation du corps humain : c’est plus que nécessaire, c’est urgent. C’est pourquoi nous demandons au Gouvernement d’oeuvrer à l’adoption d’une convention internationale interdisant la gestation et la procréation pour autrui.
Il y va du respect des femmes. Il y va aussi de l’intérêt supérieur des enfants. Comment pourrions-nous accepter un monde où les enfants seraient choisis sur catalogue, ne connaîtraient jamais leur filiation, et ne sauraient jamais d’où ils viennent ni qui ils sont ? Vous voulez des enfants totalement déstructurés, sans repères et sans histoire, alors que la Cour européenne des droits de l’homme – que vous invoquez si fréquemment – vient de réaffirmer que l’intérêt supérieur des enfants implique aussi le droit à la connaissance de leurs origines.
Sur tous les bancs de notre assemblée, à droite comme à gauche, nous nous réclamons tous des valeurs humanistes : je ne comprendrai donc pas que ces deux propositions de loi, qui ne font rien d’autre que réaffirmer le principe de dignité humaine, ne soient pas adoptées à l’unanimité.