Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, nous sommes réunis pour discuter d’un texte dont l’initiative revient à notre excellent collègue Patrick Hetzel, que je tiens à saluer. Ce texte intelligent et positif va dans le bon sens et devrait nous réunir. Il s’agit de reconnaître enfin, dans notre système scolaire, l’année passée par un collégien ou un lycéen à l’étranger.
Nous en faisons l’expérience au quotidien : le bénéfice, pour un jeune, d’une année scolaire passée à l’étranger est considérable. Nous voyons partir des collégiens et des lycéens un peu timides, un peu patauds, un peu craintifs, encore repliés sur eux-mêmes. Nous les voyons revenir totalement métamorphosés.
En effet, faire l’expérience d’une année à l’étranger, c’est avant tout prendre le risque de quitter son foyer, son cadre de vie, le confort de ses repères, de ses acquis. C’est faire preuve d’audace, d’esprit d’aventure, d’appétit pour la liberté. Autant de valeurs que nous devons promouvoir, de préférence à cet esprit de routine, qui hélas caractérise souvent bien des attitudes de nos compatriotes.
Passer une année à l’étranger permet de faire l’expérience de nouveaux modes de vie, de s’immerger dans une autre culture, de pratiquer une autre langue, de rencontrer de nouvelles personnes, de progresser au contact de nouveaux enseignants et de nouveaux camarades, d’enrichir ses connaissances sur le monde, de bousculer les choses et de remettre en cause bien des certitudes.
C’est une expérience d’éveil essentielle pour faire émerger l’adulte derrière l’adolescent, pour gagner en maturité et en confiance en soi, pour revenir regonflé et mieux armé pour affronter les difficultés inhérentes à l’existence.
Enfin, passer une année scolaire à l’étranger, c’est revenir dans la quasi-totalité des cas avec un attachement à son pays, à son territoire encore plus prononcé. Les voyages ne forment pas seulement la jeunesse, ils rappellent l’importance d’avoir un solide port d’attache et donnent le goût, le besoin d’y revenir.
Or, et c’est un obstacle de taille, malgré l’opportunité qu’elles représentent, la France reste l’un des rares pays de l’Union européenne à ne pas reconnaître du tout les périodes passées à l’étranger pour les collégiens et lycéens. Actuellement, les jeunes Français qui font le choix de passer une année à l’étranger sont donc notoirement désavantagés puisqu’aucune équivalence n’est admise à leur retour. Cela les oblige à réintégrer le niveau scolaire qu’ils ont quitté et donc à perdre un an dans leur cursus. Tout cela décourage bien des parents, par peur de pénaliser le devenir de leurs enfants.
C’est aberrant quand on sait que ces élèves reviennent bilingues et riches d’une expérience d’une année pendant laquelle ils ont fréquenté un établissement scolaire et acquis des connaissances.
C’est archaïque quand on sait le retard de la France sur ces voisins. On l’a dit : l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie, la Belgique, la Suède mais aussi le Portugal, la Roumanie, la Croatie, la Bulgarie, la République tchèque et tant d’autres, tous ces pays reconnaissent la validité d’une année scolaire passée à l’étranger. Pas étonnant que les Allemands soient dès lors onze fois plus nombreux que les Français à passer un an de leur scolarité à l’étranger !
Enfin, c’est dangereux quand on connaît le retard des Français dans la maîtrise des langues étrangères. Nous aimons tous notre magnifique langue et nous y sommes tous viscéralement attachés, comme nous sommes attachés aux langues de nos régions, cher Patrick Hetzel, qui font partie des langues de France et que nous défendons. Il n’en demeure pas moins que dans le monde qui est le nôtre, dans une logique de mondialisation qui existe, qu’on le veuille ou non, il faut que nos jeunes soient armés. Et disposer d’une ou deux langues étrangères est une chance considérable qu’il ne faut pas laisser échapper.
Or, et c’est un sujet de raillerie bien connu, les Français ont du retard dans la maîtrise de l’anglais. Par rapport à la Suède ou aux Pays-Bas, ce qui est un peu logique car il s’agit de pays aux populations relativement modestes à l’échelon du monde, où l’acquisition des langues étrangères est donc plus aisée, mais également par rapport à l’Allemagne ou à l’Espagne, nous avons du retard.
La proposition de résolution de notre brillant collègue Patrick Hetzel propose donc de revenir sur cette anomalie en invitant le Gouvernement à reconnaître les séjours scolaires à l’étranger, à rendre possible l’homologation de cette année scolaire et à mettre en place une équivalence. Cette équivalence pourrait prendre plusieurs formes qui seraient fixées par décret, et laisserait de toute façon la possibilité aux élèves de redoubler s’ils le jugent nécessaire, sans que ce soit une obligation.
Je souscris totalement à cette proposition de résolution et j’espère qu’elle fera l’objet d’un soutien unanime de notre Assemblée. Transformons un problème en une chance ! Faisons le choix de la modernité plutôt que de la frilosité, faisons le choix de l’éveil de nos élèves, faisons le choix de notre jeunesse, adoptons cette excellente proposition de résolution !