Intervention de Patrick Hetzel

Séance en hémicycle du 16 juin 2016 à 15h00
Homologation d'une année scolaire passée à l'étranger — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Hetzel :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, une telle proposition de résolution pouvait, me semble-t-il, faire consensus. L’intervention de notre collègue montre que cela n’est manifestement pas le cas. Ses propos attestent une nouvelle fois le peu de cas que l’on fait d’une proposition de résolution, que plus de 120 députés ont pourtant soutenue.

L’intérêt des jeunes collégiens ou lycéens français pour une année à l’étranger est toujours plus marqué : ils sont aujourd’hui près d’un millier à faire le choix de séjourner un an dans un établissement scolaire à l’étranger, souvent dans un pays de l’Union européenne. Si ce séjour a pour principal intérêt la maîtrise parfaite d’une langue étrangère, il permet aussi à ces jeunes d’appréhender un système scolaire différent, de découvrir la diversité des cultures et des modes de vie. C’est un moment d’enrichissement pour ceux qui ont la chance de vivre cette expérience.

Selon l’Office national de garantie des séjours linguistiques et éducatifs, un label agréé par le ministère de la ville, de la jeunesse et des sports, qui regroupe aujourd’hui 41 organismes de séjour, un millier de collégiens et de lycéens seraient actuellement scolarisés à l’étranger par l’intermédiaire de ces organismes. La demande de tels séjours est évidemment croissante.

Pourtant, la France reste à ce jour l’un des rares pays de l’Union européenne à ne pas reconnaître de manière systématique la période de scolarité passée à l’étranger. La plupart de nos voisins européens ont, depuis longtemps, mis en place des dispositifs visant à encourager la mobilité de leurs élèves, en leur permettant de faire valider la période scolaire effectuée à l’étranger.

Pour des lycéens, passer une année complète à l’étranger s’avère encore plus bénéfique qu’un programme Erasmus +. Au cours d’un tel séjour, en effet, ces jeunes logent dans une famille d’accueil et suivent des cours dans un lycée étranger. L’immersion est donc complète, sur une période très longue. Les bénéfices sont ainsi multiples : les capacités d’adaptation de ces jeunes se trouvent renforcées ; leur bagage linguistique et culturel, sensiblement amélioré.

Depuis la création de l’Office franco-allemand pour la jeunesse, en 1963, dans le prolongement du Traité de l’Élysée, Français et Allemands se sont accordés sur trois programmes d’échange destinés aux lycéens, de la troisième à la première. Dans ce cas précis, les participants aux programmes ne logent pas en famille d’accueil. Il s’agit d’un échange réciproque, qui se décline en trois versants : le fameux programme Heinrich Heine, pour des séjours allant de trois à six semaines ; le programme Brigitte Sauzay, pour des échanges de trois mois ; le programme Voltaire, qui concerne les séjours de six mois.

D’autres programmes existent – bourses dites « de Londres » pour six lycées français en Europe, échanges franco-britanniques –, qui permettent par exemple de passer une année scolaire dans un lycée d’enseignement français de l’étranger.

Bien que les recruteurs soient de moins en moins frileux s’agissant de tels séjours à l’étranger, la France, aujourd’hui, ne valorise que très peu ce type d’expérience. Ainsi, le ministère de l’éducation nationale ne reconnaît pas l’année que les lycéens passent à l’étranger. Pour présenter leur baccalauréat, les élèves qui partent en terminale doivent redoubler cette année, à moins de passer l’examen par correspondance, ce qui n’est pas facile, reconnaissons-le, lorsque l’on est scolarisé dans un lycée à l’étranger.

Le projet relatif à l’encadrement de la mobilité européenne et internationale au collège et au lycée vise cependant à ouvrir le système éducatif français aux autres contextes européens et internationaux, notamment par le biais de partenariats scolaires. Le site du ministère de l’éducation nationale indique ainsi qu’à l’horizon 2017, la totalité des collèges et des lycées seront engagés dans un partenariat scolaire avec un établissement à l’étranger.

En outre, plus de 50 % des écoles primaires seront investies dans un projet européen ou international, notamment par le biais de la plate-forme eTwinning, qui permet aux enseignants de toute l’Europe d’élaborer des projets en commun.

À ce sujet, divers outils restent à mettre en place : la circulaire qui encadre actuellement les mobilités à l’étranger doit notamment être mise à jour, afin de mieux sécuriser la mobilité de l’élève parti à l’étranger. Ainsi, un élève parti en mobilité dans le cadre d’un partenariat entre son établissement et un établissement étranger pourra voir celle-ci reconnue, ce qui lui permettra de passer dans la classe supérieure.

Dans la plupart des pays européens, la validation peut prendre différentes formes. Selon les pays concernés, elle peut être totale et automatique, partielle, voire conditionnelle, selon les pays concernés. Quoi qu’il en soit, l’élève a toujours la possibilité de redoubler s’il ne se sent pas prêt à passer dans la classe suivante.

En Allemagne, par exemple, même si les dispositions de chaque Land sont spécifiques, l’année à l’étranger peut avoir lieu au cours de la dixième année, soit en seconde, ou entre la dixième et la onzième année, entre la seconde et la première. L’accréditation de l’année passée à l’étranger est possible, sous certaines conditions : présenter une bonne moyenne générale avant de partir ; obtenir de bonnes notes dans l’école à l’étranger ; fournir un justificatif des matières étudiées. Grâce à ce dispositif, l’Allemagne envoie onze fois plus de lycéens dans des programmes d’échange que la France. Ce chiffre devrait susciter quelques interrogations.

En Italie, les années passées à l’étranger sont également bien mieux reconnues qu’elles ne le sont en France. À l’issue de son séjour, le lycéen reçoit un certificat, qui lui permet d’être réintégré dans sa classe ou dans la classe suivante, s’il part pour une longue période – par exemple, pendant un an. Ce certificat est d’ailleurs traduit en italien et validé par le consulat général d’Italie du pays dans lequel le lycéen a passé sa période d’études. L’élève peut également rattraper une partie des programmes non réalisés, si le décalage entre ce qu’il a pu étudier dans le pays étranger et ce que les élèves italiens ont étudié est trop important.

En Suède, le lycéen doit discuter de son projet d’étudier à l’étranger avec un conseiller d’orientation ou son professeur principal. Au terme du séjour, il peut faire valider son année, en fournissant un relevé de notes incluant un descriptif des cours ainsi que des appréciations de ses professeurs à l’étranger. Selon le degré de correspondance des matières étudiées en Suède et à l’étranger, il obtiendra la validation intégrale de son cursus effectué à l’étranger ou une équivalence partielle, assortie d’épreuves pour valider certaines connaissances.

De même, en Belgique, les autorités prévoient une validation des connaissances acquises à l’étranger par l’école, dès que l’élève passe un mois à l’étranger – bel exemple d’un pays qui valorise les dispositifs d’échange.

Au Brésil, enfin, l’année d’études à l’étranger est homologable. Le lycéen ou le collégien doit demander un certificat qui décrit les cours suivis et le parcours qu’il a effectué dans le pays étranger. Le document est, là aussi, transmis pour validation au consulat brésilien du pays concerné.

Ces exemples montrent que la France peut faire beaucoup mieux pour ses ressortissants. Il paraît aujourd’hui indispensable qu’elle mette en place une reconnaissance officielle de ce type d’études et qu’elle établisse une équivalence, attendue par les élèves et leurs parents. Une fois n’est pas coutume, cette proposition de résolution fait confiance au Gouvernement puisqu’elle prévoit qu’un décret en fixe les règles. Il est donc surprenant que certains orateurs, notamment de la majorité, la refusent. Ils semblent par-là ne pas faire confiance au Gouvernement de la majorité, qu’ils soutiennent pourtant.

Au moment où nous nous prononçons sur un tel sujet, nous devrions garder à l’esprit l’intérêt des élèves français et de leurs familles. Une telle proposition de résolution va naturellement dans le bon sens. C’est la raison pour laquelle nous vous demandons, chers collègues, de l’adopter.

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