Intervention de Jean-Marie Tetart

Séance en hémicycle du 16 juin 2016 à 15h00
Remboursement des taxes d'aéroport — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Marie Tetart, rapporteur de la commission des affaires économiques :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire, madame la présidente de la commission des affaires économiques, mes chers collègues, la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation, dite loi Hamon, a considérablement amélioré l’information des consommateurs et leurs possibilités de recours contre les pratiques abusives. Toutefois, elle n’empêche pas que se perpétuent des comportements inadaptés, assez répandus et auxquels certaines dispositions insuffisamment précises, et qui n’ont surtout pas été assorties des moyens visant à contrôler leur mise en oeuvre, n’ont pu mettre fin.

La loi Hamon a fixé des conditions de transparence et de compréhension de la structure du tarif permettant l’information préalable du consommateur. Elle a également pointé le problème du remboursement des taxes d’aéroport en cas d’annulation d’un vol, en rendant ledit remboursement obligatoire.

Le dispositif juridique en vigueur est déjà relativement complet : un règlement européen de 2008, un article du code de la consommation adopté à l’initiative de notre collègue Catherine Vautrin au cours de l’examen de la loi consommation, et un autre article prévoyant des sanctions suffisamment sévères, mais largement inappliquées.

Voici, en quelques mots, le droit existant : il comprend donc une information sur le droit à remboursement, la faculté de le demander gratuitement en ligne en cas d’annulation du vol, ainsi que la garantie d’être remboursé dans un délai de trente jours.

En dépit de ces exigences, le secteur de la tarification et de la vente de billets d’avion reste cependant l’un des plus opaques, malgré les efforts d’un certain nombre de compagnies qu’il faut saluer. La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise à corriger cette situation grâce à des mesures de bon sens, que l’évidence suggère.

Il faut dire que, dans ce secteur, tout concourt à cette opacité. La commercialisation des billets d’avion est mondialisée : une multiplicité d’acteurs et d’opérateurs vendent le même produit, en même temps, sous des formes différentes et dans des conditions variables de transparence.

Pour une même prestation de transport aérien, le prix varie en fonction de la date d’achat, des prestations fournies, clairement énoncées ou non, ainsi que des clauses de validité du tarif. Les sites de vente en ligne comme les comparateurs de vols ont d’ailleurs l’honnêteté – toute relative – d’accrocher le passager potentiel sur la base de formules du type « prix à partir de… » alors que le prix final va dépendre de la localisation du siège dans l’avion ou du nombre de bagages en cabine ou en soute, sur la base d’options clairement affichées parce que faisant partie du modèle économique. Mais les taxes, redevances et autres surcharges sont, elles, souvent globalisées et largement renvoyées à des annexes dont, en théorie, on ne prend généralement connaissance que juste avant le paiement, en assurant avoir lu toutes les conditions générales et particulières de vente.

Ces dernières pratiques sont totalement contraires à la jurisprudence européenne, qui exige que le prix définitif à payer doit être précisé lors de chaque indication des prix des services aériens, y compris lors de leur première indication.

Ainsi, selon les compagnies aériennes et les moyens d’acquisition du billet, les consommateurs ne sont que peu ou pas du tout informés de ce qui relève du prix du vol lui-même et des taxes et des surcharges taxes adossées à celui-ci. Certaines des taxes et redevances – prélèvements obligatoires fixés par la loi au bénéfice de l’État, des aéroports ou de la solidarité – ne sont en effet dus que lorsque le vol est effectué. En revanche, les autres éléments du prix, comme les surcharges carburant, établies à l’initiative des compagnies, ne peuvent être considérées comme des taxes.

Trop souvent encore, ces éléments du prix sont globalisés, sans qu’il soit indiqué de manière claire ceux qui doivent donner lieu à remboursement lorsque le billet d’un vol non effectué n’est plus utilisable. Or cette partie remboursable ne constitue pas une part négligeable du prix du billet. Madame la secrétaire d’État, je l’illustre avec deux exemples tirés d’une recherche très récente effectuée sur des sites de réservation en ligne : pour un Paris-Oslo sur une grande compagnie réservé avec un mois d’avance, le prix du billet est de 219 euros, dont 22 euros de taxes remboursables, ce qui représente 10 % du billet. Sur un vol low-cost affrété par la même compagnie, le prix du billet s’élève à 50 euros, dont 16 euros remboursables, soit près d’un tiers du prix total.

Enfin, on ne peut que s’étonner qu’avec le billet soit systématiquement proposée une assurance annulation qui couvre donc un risque déjà partiellement couvert par la loi puisque le remboursement des taxes d’aéroport a été rendu obligatoire en cas d’annulation. En outre, lorsque certaines compagnies proposent le remboursement volontaire des taxes, elles le font parfois selon des procédures si complexes, qui comprennent d’ailleurs des frais facultatifs, certes plafonnés, que les plus déterminés se découragent.

Nous avons évidemment noté que la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes – DGCCRF –, une fois habilitée à enquêter, serait à même de constater manquements et infractions et donc d’appliquer les sanctions prévues. Je me réjouis que l’amendement qui allait dans ce sens, déposé dans le cadre de l’examen du projet de loi Sapin 2, ait été adopté.

Je vous saurai par conséquent gré, madame la secrétaire d’État, de bien vouloir déposer, si nécessaire, un amendement de suppression de l’article 3 de la proposition de loi que nous examinons car vous seule avez, à ce stade de la procédure, la possibilité de le faire.

Mais, de l’aveu même de la DGCCRF, il faudra du temps, une fois cette habilitation acquise, pour que ce secteur commence à assainir ses pratiques commerciales. Il faudra du temps à la DGCCRF pour mettre en place une observation rigoureuse des pratiques des compagnies aériennes, des émetteurs de billets et des comparateurs en ligne, avant éventuellement appliquer, en tout cas je l’espère, des sanctions.

Je propose donc d’adresser dès maintenant aux professionnels du secteur ne respectant ni l’esprit, ni la lettre de la loi, un signal fort de notre volonté d’apporter un peu de transparence dans un secteur jusqu’à présent très opaque. C’est pourquoi j’ai souhaité déposer cette proposition de loi, qui contient des mesures de bon sens, simples à mettre en oeuvre et claires pour les consommateurs. Elles leur permettront de faire facilement valoir leurs droits.

Ces mesures visent à améliorer le pouvoir d’achat des ménages, à garantir les droits des consommateurs ainsi qu’à réduire la concurrence déloyale entre les opérateurs vertueux et les autres. On pourrait même soupçonner ces derniers d’avoir intégré le non remboursement dans leurs modèles économiques. Je m’inscris donc dans une démarche de consensus, loin de toute polémique.

Cette proposition de loi propose un dispositif simple, amélioré en commission, qui se décline en six axes : la loyauté des prix annoncés par les comparateurs en ligne, qui pratiquent souvent les prix d’appel très inférieurs aux prix effectivement payés par les consommateurs ; la communication claire et intelligible de l’ensemble des prélèvements obligatoires et des surcharges adossées au prix du billet, ainsi que leur caractère remboursable ou non, au moment de son achat ainsi que sur le reçu de paiement ; la connaissance expresse par les consommateurs de leur droit à demander remboursement en cas d’annulation de leur vol, par une simple case à cocher au moment de l’achat du titre de transport, qu’il soit effectué en ligne ou dans des agences ; la mise à disposition apparente d’un formulaire de demande remboursement en ligne ; le remboursement automatique des taxes associées à l’embarquement effectif si le moyen de paiement utilisé le permet et, dans le cas contraire, la possibilité pour le consommateur de demander le remboursement par une information claire, au moment de l’achat, de l’existence de ce droit et de ses modalités de mise en oeuvre ; enfin, l’exclusion des taxes d’aéroport remboursables de l’assiette des assurances annulation, généralement fortement conseillées au moment de l’achat.

Ces propositions sont à même de corriger naturellement l’absence de transparence des pratiques des entreprises qui commercialisent des billets d’avion, qu’il s’agisse de transporteurs aériens, de centrales de réservation ou d’agences de voyage. Elles permettent également d’éviter qu’un montant non négligeable du produit des taxes publiques – je dis bien publiques – soit perçu et conservé indûment par des entreprises privées au lieu d’être remboursé au consommateur.

J’entends déjà les objections qu’elles soulèveront. Tout d’abord, l’effort de transformation des logiciels de réservation serait titanesque et coûteux. Permettez-moi, madame la secrétaire d’État, d’en douter : les exigences ne portent, j’y insiste, que sur l’introduction d’une case à cocher et d’un formulaire en ligne.

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