Intervention de Martine Pinville

Séance en hémicycle du 16 juin 2016 à 15h00
Remboursement des taxes d'aéroport — Présentation

Martine Pinville, secrétaire d’état chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire :

Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, le sujet qui nous réunit tardivement dans cet hémicycle est d’importance, car il a trait à l’information des consommateurs ainsi qu’à leur faculté à faire valoir effectivement leurs droits.

La proposition de loi relative au remboursement des taxes d’aéroport qui nous est présentée part d’un double constat, bien naturellement partagé par tous ceux qui, comme moi, travaillent quotidiennement en faveur de la protection des droits des consommateurs. Ce constat est le suivant : les consommateurs ne sont pas correctement informés des composantes du prix de leurs billets, et ils ne font pas valoir le droit nouvellement créé par la loi relative à la consommation du 17 mars 2014 de se faire rembourser les taxes d’aéroport lorsqu’ils ne prennent finalement pas leur avion.

Pour répondre à ce problème, le texte que vous nous proposez tend, d’une part, à clarifier la composition du prix des billets et le montant des taxes d’aéroport et, d’autre part, à faciliter la procédure de remboursement des taxes d’aéroport par les compagnies aériennes et les agences de voyages, en la rendant automatique.

Je partage l’objectif de ce texte mais, avant d’en aborder le détail, permettez-moi de rappeler quelques éléments essentiels.

L’information des consommateurs sur le montant des taxes d’aéroport et l’obligation de les rembourser aux clients s’ils n’effectuent pas leur vol n’ont rien de nouveau. Vous le savez, le prix final du billet d’avion comprend, outre le prix payé auprès du transporteur, plusieurs sommes dues par les passagers comme certaines taxes et redevances.

En droit communautaire, il est imposé à tous les transporteurs de fournir une information exacte sur la somme totale à payer tout au long du processus de réservation. Cette information doit distinguer le tarif de base des éléments supplémentaires comme les taxes, redevances ou surcharges. J’y reviendrai.

En droit national, le Gouvernement, avec la loi relative à la consommation, a encadré les modalités de remboursement pour l’ensemble des vendeurs de billets d’avion. La loi prévoit notamment un délai maximal de trente jours pour le remboursement à compter de la demande, l’obligation d’accepter toutes les demandes de remboursement quel que soit le moyen utilisé, y compris en ligne, l’interdiction de facturer des frais de remboursement en cas de demande en ligne et une limitation de ces frais à 20 % du montant remboursé pour les demandes effectuées par un autre moyen.

La loi relative à la consommation comme le droit communautaire encadrent donc le remboursement des taxes et redevances aéroportuaires lorsque le passager n’embarque pas, indépendamment du motif. Ces avancées ont été actées pour le bénéfice des consommateurs. Il s’agit désormais de les voir appliquées.

Monsieur le rapporteur, nos préoccupations convergent lorsqu’il s’agit de renforcer la protection des consommateurs. Comme vous le savez, un amendement du président Le Roux visant à habiliter les agents de la DGCCRF à contrôler ces dispositions a été adopté la semaine dernière en séance publique dans le projet de loi Sapin 2. Cela permettra à l’État de lancer des enquêtes pour vérifier les conditions d’application de la loi et savoir si une modification est nécessaire par la suite et, si oui, dans quel sens elle serait souhaitable.

Voilà pour le cadre légal. Permettez-moi de revenir maintenant au texte que vous proposez.

Pour clarifier les informations délivrées au consommateur, vous souhaitez imposer que les sommes remboursables soient présentées de manière séparée des autres éléments composant le prix du billet. Même si elle est souhaitable sur le principe, cette disposition ne peut être mise en oeuvre immédiatement.

Je l’ai indiqué, l’affichage des différents éléments composant le prix du billet fait l’objet d’un dispositif communautaire harmonisé. L’intervention isolée d’un État membre en matière d’affichage des composantes du prix du billet d’avion est donc susceptible de ne pas être compatible avec le droit de l’Union et donc d’être sans impact concret pour les consommateurs.

Sur ce point, une interprétation des textes communautaires, selon leur traduction, semble poser un certain nombre de questions. C’est pourquoi j’ai demandé à mes services de se rapprocher de la Commission européenne afin de connaître les marges de manoeuvre à cet égard.

Les conclusions sont les suivantes. L’article 22 du règlement 10082008 interdit aux États membres de limiter la capacité des opérateurs à définir la structure tarifaire de leur choix : ces derniers doivent avoir toute latitude d’incorporer ou non telle ou telle taxe ou redevance au prix du billet. Il n’est donc pas possible, comme le prévoit votre proposition de loi, d’interdire aux compagnies d’incorporer les taxes et redevances remboursables dans le prix du billet ou encore de détailler l’ensemble des taxes et redevances applicables. En revanche, il serait possible d’imposer une obligation d’information, complémentaire de celle relative à la structure du prix du billet, qui porterait sur le montant global remboursable. Je pourrai, sur cette question, prendre un arrêté, en application de l’article L. 112-1 du code de la consommation, pour y apporter une réponse concrète.

Le remboursement automatique, quant à lui, a plusieurs effets de bord difficiles à mesurer, qui justifient pour moi son rejet. D’abord, le remboursement automatique des taxes concernées n’est pas, dans l’immédiat, réalisable sur le plan technique : près de 2000 taxes et redevances sont référencées dans plus de 200 pays, tous concernés par la mesure qui vise les prestations commercialisées à destination des consommateurs. Ensuite, ce remboursement automatique pourrait avoir de lourdes conséquences sur les petites structures du secteur que sont les agences de voyages qui maillent notre territoire, notamment en termes de trésorerie.

Compte tenu de la réglementation en vigueur, les agences et tour-opérateurs ne disposent pas directement des fonds liés à la réservation d’un billet d’avion, car ces fonds sont transmis directement aux compagnies aériennes. Avec un remboursement automatique, l’agence devrait avancer des sommes dont elle ne dispose pas pour rembourser ses clients. Le remboursement automatique mobiliserait directement la trésorerie des agences et pourrait mettre en danger leur pérennité. Très concrètement, nous parlons de très petites entreprises, dont neuf sur dix ont moins de dix salariés.

Pour aller plus loin, en termes de difficultés pratiques, comment bien distinguer le bénéficiaire du remboursement du payeur lorsqu’ils sont différents, comment calculer le remboursement sur les billets modifiables pendant un an, comment assurer de manière satisfaisante pour le consommateur la conservation des données bancaires que cette disposition exige ?

Si l’on ne peut que rejoindre l’objectif de protection des consommateurs qui motive cette proposition de loi, l’enjeu réside en réalité dans la mise en oeuvre des dispositions déjà adoptées.

Ainsi, l’amendement adopté dans le projet de loi Sapin 2 permettra d’habiliter les agents de la DGCCRF à contrôler ces dispositions. J’ai demandé à mes services de lancer dès sa promulgation des enquêtes pour vérifier les conditions d’application de cette obligation, s’agissant notamment de son respect par les professionnels et du niveau d’information des consommateurs sur leurs droits. Je leur ai également demandé de rechercher et de constater par procès-verbal les manquements afin de mettre en oeuvre les sanctions prévues par la loi, qui peuvent aller jusqu’à 15 000 euros pour les personnes morales, et enfin de nous éclairer sur la nécessité de modifier la loi, le cas échéant, et dans quel sens.

Mesdames, messieurs, soyez assurés de mon engagement en faveur de la protection des consommateurs. Vous l’aurez compris, il n’y a pas de débat entre nous sur l’objectif. À l’heure où je vous parle, nous n’avons pas de données sur les pratiques du secteur, pas plus que sur l’impact économique des dispositions proposées, et cela parce que l’État n’a pas encore été habilité à procéder à des contrôles. Je pense qu’à ce stade, il n’est pas raisonnable de modifier les avancées obtenues dans la loi relative à la consommation sans avoir conduit une enquête sur son application et identifié sur le terrain les questions qu’elle soulève.

L’examen de cette proposition de loi et l’invitation à la rejeter que je formule ce soir sont donc également une prise de rendez-vous. Des contrôles seront engagés, avec des objectifs simples : l’application de la loi, la bonne information des consommateurs sur leurs droits, l’assurance qu’ils puissent les faire valoir effectivement et la prise en compte du tissu économique qui maille notre territoire.

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