Intervention de Patrick Bloche

Séance en hémicycle du 21 juin 2016 à 15h00
Création architecture et patrimoine — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Bloche, rapporteur de la commission mixte paritaire :

Monsieur le président, madame la ministre de la culture et de la communication, mes chers collègues, presque un an après son adoption en Conseil des ministres, nous examinons, une dernière fois, le projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine. La commission mixte paritaire – CMP –, qui s’est réunie mercredi dernier, a en effet conclu à un texte commun que nous sommes aujourd’hui invités à approuver, comme devra le faire le Sénat le 29 juin prochain.

Au terme de plus de cinq heures de réunion, nous avons trouvé un accord sur les quarante et un articles qui étaient encore en discussion à l’issue de deux lectures dans chaque assemblée. Qu’il me soit permis de saluer ici la volonté de consensus qui a animé tant la présidente Catherine Morin-Desailly que les deux rapporteurs pour le Sénat, Jean-Pierre Leleux et Françoise Férat, et, plus largement, tous les participants à cette commission mixte paritaire.

Comment ne pas rappeler, en cet instant, la portée de ce texte attendu depuis si longtemps, en l’occurrence depuis qu’avait émergé la revendication d’une loi d’orientation pour le spectacle vivant ? Grâce au présent texte seront ainsi inscrits dans la loi, pour la première fois, les objectifs des politiques poursuivies par le service public de la culture dans notre pays. Comment ne pas se réjouir que nous soyons parvenus, en matière de protection du patrimoine, un peu plus d’un siècle après la loi fondatrice de 1913 relative aux monuments historiques, à légiférer pour mettre notamment en valeur les sites patrimoniaux remarquables ? Comment ne pas se féliciter de l’introduction d’un volet relatif à l’architecture, sur laquelle le Parlement ne s’était pas penché depuis près de quarante ans ? Il faudra, et nous nous y emploierons dans les jours et les semaines à venir – et certainement vous la première, madame la ministre –, donner tout l’éclairage nécessaire sur les apports de ce texte, tant ils sont nombreux et novateurs.

Pour aborder le contenu des articles avec l’esprit de synthèse qui s’impose, je veux souligner que le texte introduit pour la première fois dans la loi – chose ô combien essentielle en ces temps incertains – deux principes fondamentaux : celui de la liberté de la création artistique, à l’article 1er, et celui de la liberté de la diffusion artistique, à l’article 1er bis, la CMP ayant de surcroît décidé d’assortir ces deux principes de sanctions pénales en cas d’entrave.

Dans son article 2, le projet de loi définit l’ambition d’une politique de « service public » en faveur de la création culturelle – à laquelle l’Assemblée nationale tenait tout particulièrement –, politique « construite en concertation avec les acteurs de la création artistique », à la demande du Sénat.

À l’article 3, relatif à la politique de labellisation, le Sénat a accepté l’agrément, par l’État, des dirigeants de toutes les structures, y compris de celles dont l’État n’est pas le principal financeur, dès lors qu’il est précisé que le dirigeant est choisi par un jury au sein duquel siègent les collectivités territoriales concernées.

S’agissant de l’article 3 bis, je suis heureux d’avoir pu convaincre de l’intérêt de l’élaboration d’un rapport visant à instituer le principe du « 1 % travaux publics » au bénéfice de l’expression artistique dans l’espace public.

Dans le domaine musical, objet de l’article 5, un accord entre les deux assemblées a été trouvé, l’Assemblée nationale acceptant d’établir une distinction entre artistes principaux et artistes d’accompagnement, tandis que le Sénat retenait la rédaction de l’Assemblée sur les cessions de créances. C’est dans le même esprit que se voit satisfaite une revendication qui, portée par les artistes depuis dix ans, étend la rémunération équitable aux webradios.

Les articles qui restaient en discussion, relatifs à la copie privée, ont tous été adoptés, je tiens à le souligner, sans modification nouvelle.

La CMP a par ailleurs souhaité, à l’article 10 quater, créer un système de gestion collective des droits des auteurs dont les oeuvres d’art plastique, graphique ou photographique sont reproduites et mises à disposition du public par des services automatisés de référencement d’images. Par notre volonté politique d’assurer une rémunération nouvelle à des acteurs culturels majeurs trop souvent précarisés, nous avons opportunément réussi, dans la rédaction finale, à surmonter une éventuelle contradiction avec le droit européen.

Je me félicite d’autre part que l’article 10 nonies, relatif au droit de suite, ait pu être adopté, à une précision près, dans le texte issu de l’Assemblée nationale, lequel paraît tout à fait équilibré au regard des enjeux, tant pour les ayants droit et les sociétés d’auteurs que pour les fondations poursuivant l’oeuvre d’artistes décédés.

L’article 11 A, relatif à la pratique amateur et particulièrement innovant, a été adopté en prenant en compte le patient travail de ciselage législatif effectué tout au long des quatre lectures dans nos deux assemblées. La présomption de salariat, je veux rassurer sur ce point, est évidemment intacte.

L’article 11 ter, relatif aux quotas pour les radios, a quant à lui fait l’objet d’une nouvelle rédaction, laquelle reprend le texte de l’amendement présenté par le Gouvernement en deuxième lecture au Sénat. Ce texte permet, après bien des débats – dont je ne suis au demeurant pas certain qu’ils soient achevés –, de mettre en place un dispositif plus efficace au bénéfice de la diversité musicale.

Sur l’article 17 A, nous sommes parvenus à une rédaction commune en substituant au chef-de-filat de la région, défendu par le Sénat, un cadre seulement incitatif qui permet aux différents niveaux de collectivités territoriales, notamment les régions, de s’impliquer – ou de continuer de le faire – dans le financement des conservatoires.

S’agissant de l’article 20, relatif à l’archéologie préventive, les divergences qui s’étaient fortement exprimées – c’est un euphémisme – lors des deux premières lectures se sont finalement estompées grâce à la prise en compte, d’une part, de conditions fondées sur le respect d’exigences sociales, financières et comptables pour la délivrance de l’agrément pour fouilles, et, d’autre part, du contrôle préalable, par les services de l’État, des offres de fouilles des différents opérateurs. Le choix s’est par ailleurs porté sur le ressort de compétence régionale pour les services territoriaux d’archéologie préventive : le Sénat y tenait.

L’article 18 bis AA, relatif à la vente d’oeuvres d’art, a été supprimé : s’il pouvait partir d’une intention louable, il comportait un risque majeur pour la place de Paris dans le marché de l’art international, risque que nous n’avons pas voulu prendre.

Je fais confiance à la mission d’information sur le marché de l’art, qui est présidée par Michel Herbillon et dont le rapporteur est Stéphane Travert – et dont les travaux se déroulent actuellement au sein de notre commission – pour travailler au fond sur ces importantes questions.

En ce qui concerne la protection du patrimoine, là aussi, un juste équilibre a été trouvé, notamment au sujet du substantiel article 24 qui est le produit d’un réel travail de co-construction législative entre nos deux assemblées.

Cela me permet d’affirmer ici et maintenant : madame la ministre, le serment de Figeac a été intégralement tenu !

Pour ce qui est de l’architecture, de cette création architecturale que nous avons collectivement souhaitée, désirée et libérée – notamment dans le rapport que j’ai rendu en juillet 2014 –, je voudrais sincèrement remercier nos collègues sénateurs d’avoir in fine fait leurs les préoccupations que nous avons constamment portées dans cet hémicycle au cours des deux lectures.

Il faut dire que notre détermination était forte. Je suis ainsi particulièrement heureux que l’article 26 quater relatif à l’intervention de professionnels dans le cadre des permis d’aménager des lotissements ait été maintenu.

Cela est essentiel afin que l’architecte y trouve toute sa place, aux côtés, naturellement, d’autres professionnels tels que les géomètres experts, les urbanistes ou les paysagistes.

Nous serons particulièrement mobilisés à vos côtés, madame la ministre, pour que le seuil fixé par décret permette à cette mesure de conserver toute sa portée. Toutes nos préconisations de 2014 sont désormais inscrites dans la loi : c’est l’aboutissement d’un long travail parlementaire dont je suis particulièrement heureux qu’il trouve aujourd’hui une si belle issue.

Pour toutes ces raisons je vous demande, mes chers collègues, d’adopter ce texte majeur pour les acteurs culturels de notre pays. Il a connu un parcours législatif dense et sa rédaction a sensiblement évolué.

Il couvre désormais un champ beaucoup plus large que lors de son dépôt sur le bureau de notre assemblée en juillet 2015, tant il a été enrichi et amendé par le Parlement.

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