Intervention de Marie-George Buffet

Séance en hémicycle du 21 juin 2016 à 15h00
Création architecture et patrimoine — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-George Buffet :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici arrivés, le jour des trente-cinq ans de la fête de la musique, au terme de notre débat parlementaire sur le projet de loi relatif à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine. Nous y travaillons de façon intense depuis l’été dernier.

J’ai pu faire état de la satisfaction des députés du Front de gauche devant l’évolution positive de ce projet de loi entre la première mouture, déposée par le Gouvernement le 8 juillet 2015, et le texte adopté en première lecture le 7 octobre, le travail parlementaire ayant permis d’enrichir le projet initial sur chacun des chapitres, lui permettant ainsi de s’approcher de la grande loi sur la culture tant attendue par les professionnels et toutes les femmes et tous les hommes attachés à la culture.

Je rappelle les principales avancées : l’introduction de la responsabilité des politiques de service public en faveur de la création artistique, le parcours d’éducation artistique et culturel ou encore les mesures pour encourager l’accès du plus grand nombre à la culture, par exemple dans le monde du travail.

Nous avons acté la reconnaissance du rôle des associations, donc de l’éducation populaire dans la réalisation de ces objectifs.

Nous avions la satisfaction aussi de voir évoluer le texte sur l’architecture, le patrimoine, le droit d’auteur ou la musique. Des amendements des députés du Front de gauche ont été adoptés, visant à assurer la nécessaire équité territoriale ou à introduire l’audiovisuel dans les responsabilités des politiques nationales, ou encore ceux visant à consolider le service public de l’archéologie préventive et à supprimer le crédit d’impôt recherche pour les entreprises privées cherchant le moins disant pour accentuer leurs profits.

Tout n’était pas encore abouti, mais nous avions bon espoir de faire encore avancer les choses, notamment dans le domaine du spectacle vivant.

Malheureusement, les navettes avec le Sénat ont entraîné certains reculs sur des points non négligeables et, aujourd’hui, le texte de la CMP provoque des insatisfactions chez un certain nombre d’acteurs et d’actrices de la création, du spectacle et du service public, comme en témoigne la déclaration aujourd’hui de la CGT-spectacle.

Nous regrettons que soit atténué l’article 1er du projet, qui, en première lecture, affirmait que la création artistique était libre. Avait-on besoin d’encadrer dans un article 1er bis les conditions de cette liberté ? La liberté de création n’a pas besoin de se justifier. On ne peut la restreindre, la conditionner, voire la définir, car à qui confier le pouvoir ou le droit de le décider ?

Permettez-moi d’insister, la culture est d’abord et avant tout une activité humaine, qui relie des individus entre eux, les aide à s’émanciper, à se construire. Pour cela, la culture doit rimer avec liberté.

On le voit dans le monde, quand on veut s’en prendre à la démocratie, on s’en prend à la liberté de création et à la liberté d’expression.

Madame la ministre, nous avons d’autres regrets par rapport aux attentes exprimées.

La première concerne les professionnels du spectacle. La pratique en amateur aurait mérité d’être mieux encadrée pour éviter le recours au travail gratuit des artistes et techniciens du spectacle. L’article 11A du projet, en dépit des améliorations intervenues lors des discussions, n’est pas totalement satisfaisant.

Cela nous inquiète d’autant plus que le MEDEF continue sa pression pour remettre en cause la solidarité interprofessionnelle à l’égard du régime spécifique des intermittents du spectacle, fragilisant ainsi encore plus ce métier, car, si nous avons bon espoir de voir promulguer très prochainement le décret pour ratifier l’accord du 28 avril sur l’UNEDIC de la branche spectacle, il faudra bien, en modifiant l’article 34 de la loi de 2015, pérenniser les conditions de vie de ce régime spécifique.

Le deuxième regret, vous vous en doutez, concerne l’archéologie préventive.

De l’avis des syndicalistes de cette branche, des reculs ont été enregistrés depuis la deuxième lecture de l’Assemblée nationale, avec la réintroduction à l’intérieur des régions de la possibilité d’une concurrence d’opérateurs à caractère commercial, la suppression de la maîtrise d’ouvrage du service public, et la suppression, pour le subaquatique, du monopole de l’INRAP.

Enfin, nous regrettons la suppression de l’article 20 bis disposant que les dépenses engagées dans le cadre des contrats de fouilles archéologiques prévus à l’article L. 523-9 du code du patrimoine n’ouvrent pas droit à ce crédit d’impôt. Ainsi, des entreprises privées effectuant des fouilles archéologiques vont continuer de percevoir un crédit d’impôt recherche, qui fait cruellement défaut à la recherche publique, un CIR utilisé pour concurrencer l’INRAP.

Le ministre du budget, me dit-on à l’instant, a écrit que le CIR pourrait, sous certaines conditions, être ouvert au service public. J’espère que cela se concrétisera.

Vous comprendrez notre déception de n’avoir pu, lors d’une nouvelle lecture, engranger toutes les modifications apportées par les parlementaires qui auraient pu donner toute sa force à ce projet. Aussi, et à contre coeur, les députés du Front de gauche qui se sont beaucoup investis et l’ont voté en première et en deuxième lectures, seront amenés à s’abstenir sur le texte issu de la CMP.

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