Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après ce moment de congratulations et d’admiration, permettez-moi de revenir à un peu plus de modération.
Rarement un projet de loi aura fait l’objet d’autant de modifications et de revirements, montrant de façon évidente, presque caricaturale, un défaut de préparation.
Entre le texte initial et celui qui nous est présenté aujourd’hui les différences sont en effet majeures. La première mouture avait suscité les plus vives critiques, y compris de Jack Lang, notamment pour la partie touchant au patrimoine. Heureusement, pourrait-on dire, la succession de trois ministres a permis à chaque étape de corriger, voire de contredire la version élaborée par le prédécesseur.
Fleur Pellerin a ainsi reconnu que l’abandon du subventionnement des conservatoires, que nous avons vivement dénoncé, était une erreur, et nous avons pu alors au Sénat ajouter l’article 17 A, que la majorité m’avait refusé en première lecture.
Vous-même, madame la ministre, le jour de votre nomination, alors que l’examen du texte était en cours au Sénat, changeant radicalement le dispositif de l’article 24, vous avez repris l’essentiel de ses amendements sur le patrimoine.
Je ne vous en ferai certainement pas le reproche puisque, au nom de mon groupe, j’avais présenté les mêmes amendements lors de l’examen en commission dans cette assemblée, mais, tout de même, chers collègues, face à une telle approximation, à une telle absence de continuité dans le projet culturel du Gouvernement, un peu de modestie s’impose.
En vérité, profondément amendée par le Sénat, cette loi ne mérite ni un excès de louanges, ni un excès de critiques. Elle est seulement décevante, parce qu’elle nous avait été annoncée comme une grande loi et qu’elle illustre la vacuité de la politique de ces quatre dernières années. Beaucoup de bruit pour pas grand-chose !
Rappelons-nous en effet le déroulé de son adoption. Au début de son mandat, François Hollande, lors d’un déplacement au festival d’Avignon, interrogé sur son programme culturel, déclarait qu’il renonçait à un grand chantier et qu’il cherchait un grand projet d’une autre nature. Il fut alors dit que ce grand projet serait une grande loi, celle qui nous est soumise aujourd’hui.
Comprenez notre déception ! Comment, en effet, se réjouir d’un texte qui, voulant trop embrasser, apparut dès sa première mouture, aux yeux de tous les spécialistes, comme une loi fourre-tout, sans ligne directrice et, ce faisant, sans vision ? Une loi sans cap, la « Macron » de la culture ; une loi technocratique et dépersonnalisée, alors que la culture vit de passion. Une loi Filippetti-Pellerin-Azoulay ! Aussi difficile à imaginer qu’à retenir ! Nous sommes loin de la force et du poids historique des lois Malraux sur le patrimoine, Lang sur le prix du livre ou Aillagon sur le mécénat pour ne prendre que quelques exemples.
Une loi qui, par son amoncellement de mesures, souvent de portée déclarative ou réglementaire, conduit même à ce paradoxal résultat d’étouffer l’intérêt que présentent certaines de ses dispositions qui, si elles avaient été soutenues séparément, auraient mieux atteint leur but : la reconnaissance des pratiques amateurs, la création d’un médiateur de la musique ou les dispositions sur l’architecture qui doivent beaucoup au travail de notre président et rapporteur Patrick Bloche, soit autant de dispositions que nous avons soutenues, mais qui ont été privées d’exposition publique par cette loi fourre-tout, incapable de mettre en valeur l’essentiel par rapport à l’accessoire.