Intervention de Sylvain Berrios

Séance en hémicycle du 27 juin 2016 à 16h00
Égalité et citoyenneté — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSylvain Berrios :

Bien sûr, monsieur le président Chassaigne.

Toujours est-il que ces choix sont injustes, et inefficaces : 70 % de la population est éligible au logement social, mais seulement 25 % des ménages les plus modestes en bénéficient ! Mais à quel moment, mesdames et monsieur les ministres, interrogez-vous les maires des communes carencées sur les raisons qui les empêchent de construire davantage de logements sociaux ? Cultivant une logique manichéenne, vous considérez encore qu’il y a ceux qui en veulent bien et ceux qui n’en veulent pas. Ceux qui sont égoïstes et ceux qui sont généreux. Caricatural.

Dans la commune dont je suis maire, Saint-Maur-des-Fossés, ville dite carencée, plus de 50 % des habitants sont éligibles au logement social, et il y a un quartier prioritaire au sens de la politique de la ville. Nous sommes très loin du ghetto de riches que certains aiment à décrire. L’harmonie de Saint-Maur-des-Fossés ne trouve pas et ne trouvera pas sa source dans la contrainte de l’État, mais dans le contrat qu’il est possible de proposer à tous.

La question est beaucoup plus complexe que les termes dans lesquels vous entendez une nouvelle fois la poser. Si elle était aussi simple d’ailleurs que vous le prétendez, elle aurait été réglée depuis longtemps !

En pratique, votre projet de loi revient à légiférer pour deux douzaines de communes carencées, dont quelques-unes seulement sont réfractaires. Autrement dit, la loi ne vise pas la politique du logement social en général, elle ne poursuit pas un objectif d’intérêt général : elle veut se concentrer sur quelques exemples de communes mises au pilori – une solution de facilité pour laquelle, au passage, il est plus facile de s’assurer une couverture médiatique.

Par ailleurs, à continuer de vouloir construire en zone urbaine tendue, vous créez une difficulté supplémentaire. Dans ma commune, par exemple, la densité est deux fois supérieure à celle du département du Val-de-Marne. Nous sommes en zone inondable au titre du plan de prévention du risque inondation, le foncier est cher, les équipements publics au maximum de leur utilisation. Quel sens y a-t-il à vouloir densifier encore alors que les conditions ne sont pas réunies pour accueillir de nouveaux habitants ? Que l’on songe seulement aux écoles ou aux équipements sportifs : pense-t-on pouvoir construire du jour au lendemain, compte tenu des sanctions que l’État applique à des communes comme Saint-Maur-des-Fossés, les équipements publics requis alors qu’il n’y a pas de foncier disponible ?

Et, plus profondément, vous interrogez-vous sur les conditions dans lesquelles s’inscrivent les programmes de logements sociaux ? Les maires, eux, le font, car c’est leur devoir. Suffit-il de décider de la réussite scolaire des élèves ? Vous savez que non ! Suffit-il de décider du plein-emploi ? Encore moins ! Vous êtes bien placés pour le savoir. Pour les mêmes raisons, il ne suffit pas de brandir la mixité sociale comme un étendard, en supposant que la contrainte lèvera toutes les difficultés.

Encore faut-il créer les conditions, sur le temps long, de sa mise en oeuvre. C’est ce à quoi les maires s’emploient. Sur le terrain, nous sommes nombreux à observer qu’il est plus efficace de développer des programmes de logements sociaux à taille humaine, progressivement, pour tenir compte à la fois des besoins des demandeurs de logements et laisser le temps aux habitants de s’habituer à l’idée que la mixité peut être bien vécue. Des solutions intéressantes comme l’intermédiation locative ou l’accession à la propriété peuvent et doivent être utilisées intelligemment, par tous et partout. La bonne méthode, mesdames et monsieur les ministres, n’est pas la brutalité : l’actualité vous en fournit des exemples quotidiens.

L’expérience montre qu’en matière de logement social, il vaut mieux prévoir des aménagements mixtes et anticiper la nécessité éventuelle d’accompagner les fragilités des adultes et des enfants qui vont y vivre, plutôt que de créer des poches de détresse sociale qui risquent de forger ou renforcer les phénomènes d’exclusion.

Or, curieusement, les maires sont écartés de votre projet de loi, malgré les déclarations appuyées de François Hollande lors du dernier Salon des maires. Deux exemples. Ainsi, lors des attributions des logements, la substitution du préfet va devenir la règle pour les villes carencées. Et la procédure de transmission des données sur le parc social prévoit que les agences d’urbanisme et les conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement soient destinataires des données d’enquête des bailleurs sociaux, mais pas les maires ! Ceux qui sont les premiers acteurs concernés n’ont pas droit aux données d’analyse leur permettant d’agir !

Plus préoccupant, le texte entend apporter un contre-pouvoir aux maires en élargissant les prérogatives des EPCI et les pouvoirs du préfet par substitution. Il réaffirme la position d’ensemble du Gouvernement à l’égard des maires, à savoir une position de défiance a priori. Or qui mieux que le maire connaît son territoire ? Quel bénéfice espérez-vous obtenir en éloignant davantage le demandeur social de la commune ?

Mais prenons même l’hypothèse d’une intercommunalisation du logement : pourquoi alors continuer à punir les communes ? Allons jusqu’au bout du raisonnement, à l’instar de Paris qui consolide ces obligations au niveau du territoire parisien… Y aurait-il deux poids deux mesures, Paris et le reste ?

En préférant la contrainte au contrat avec les maires, vous mettez un terme à la confiance que les acteurs locaux ont su tisser. En qualité de maire, le travail que j’ai pu entreprendre a permis de dépasser le cadre strict du contrat de mixité sociale et ainsi de porter des projets ambitieux, nouveaux, qui n’avaient pas été intégrés dans le contrat de mixité sociale. Cela suppose que le maire, l’État et l’ensemble des acteurs sur le terrain tiennent compte de la réalité et fassent preuve de pragmatisme.

Ce faisant, vous allez vous priver de la capacité de conviction des élus que vous définissez comme des adversaires a priori de mauvaise foi. Vous allez créer des conditions de blocage financier et juridique majeures.

Plutôt que de contraindre, il faut libérer la construction de logements ; se concentrer sur les publics les plus fragiles ; aider les personnes plutôt que les bailleurs ; favoriser le parcours résidentiel jusqu’à l’accession à la propriété ; mettre fin progressivement à la loi SRU – y mettre fin ! – et préférer le contrat avec les communes et les territoires aux mesures coercitives inefficaces prises depuis quinze ans.

Plus généralement, quel manque de réalisme et de respect quand vous demandez aux préfets d’assurer avec la même énergie la sécurité de nos concitoyens sur un territoire quotidiennement menacé et la mobilité des demandeurs de logements sociaux d’une commune à l’autre, tels des pions sur un échiquier !

Depuis quatre ans, le Gouvernement s’érige tantôt en censeur tantôt en procureur pour niveler par le bas, opposer les acteurs et recycler les vieilles recettes qui n’ont pas porté leurs fruits depuis quinze ans en France, et pas davantage chez nos voisins européens. Dans ces conditions, il n’est guère étonnant que ce texte s’inscrive dans l’affichage le plus caricatural en matière d’égalité – que vous imaginez se muer en « égalité réelle » par le pouvoir de la pensée magique !

Le groupe Les Républicains ne peut pas souscrire au principe du référent identifié, dit délégué du préfet, dans le cadre du renforcement des conseils citoyens. Dans les territoires, le référent identifié est, par essence, le maire. C’est lui qui connaît sa ville, c’est lui qui est capable d’agir. Ce n’est pas un préfet délégué, nouvelle strate administrative, issu du pouvoir central.

Néanmoins, figurent dans le titre III des éléments auxquels Les Républicains souscriront, notamment les actions envisagées pour l’amélioration de la maîtrise de la langue française et la valorisation des apprentis. Mais nous regrettons de devoir exprimer une position qui se limite à donner des bons et des mauvais points à des mesures prises isolément, sans philosophie d’ensemble.

D’ailleurs, l’objectif de renforcement de la langue française est hélas contredit par l’affaiblissement de l’apprentissage de l’orthographe et de la grammaire au collège décidé par la ministre de l’éducation nationale Najat Vallaud-Belkacem.

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